Un Danube lorrain !

Autrepierre (Alta petra, Altrepierre) est une petite commune de 82 habitants, d’une superficie de 7, 8 km2 située dans le département de Meurthe-et-Moselle. La plus grande ville des environs, Baccarat (4400 habitants), célèbre pour sa cristallerie, se trouve à 19 km, Lunéville (sous-préfecture) à 25 km et Nancy, la préfecture de la Meurthe-et-Moselle et ancienne capitale du duché de Lorraine1, à 50 km.

À proximité de la source du Danube sur la commune d’Autrepierre, entre le « Haut de la Reine » et le « Haut des Avars » un paysage lorrain bucolique agrémenté désormais d’éoliennes industrielles, photo © Danube-culture, droits réservés

C’est sur le territoire de cette commune située du point de vue hydrologique dans le bassin versant du Rhin (surnommé « Le grand ruisseau ») qu’un petit cours d’eau dénommé « Le Danube » prend sa source. 4,5 km plus loin, grossi du ruisseau d’Autrepierre et de celui de l’étang d’Albe, il se jette à son tour à Domèvre-sur-Vezouze dans la Vezouze (75,1 km), un affluent de la Meurthe (160,1 km). Après avoir traversé Baccarat et rejoint Nancy, cette rivière conflue avec la Moselle (544 km) à la « Gueule d’enfer », laquelle Moselle, se moquant des frontières, rencontre finalement le Rhin à Coblence (Allemagne).
Ce très modeste Danube lorrain mais qui n’a peut-être rien à envier aux sources de la Breg et de la Brigach2 n’est donc autre chose qu’un sous-affluent du Rhin. Les petits ruisseaux font bien les grands fleuves !

En amont de Verdenal, photo © Danube-culture, droits réservés

 Le canton de Blâmont
Dans la notice descriptive et statistique sur les départements de Meurthe-et-Moselle et de la Meuse du Ministère de la Guerre (Éd. Paris, 1918), réédition de la statistique de 1906, se trouve une description de la route nationale N°4 de Paris à Strasbourg dans sa traversée du canton de Blâmont et des points remarquables  de celle-ci avec une mention du ruisseau du Val et des ouvrages qui l’enjambent. Il est encore fait mention de la ligne de chemin de fer de Lunéville à Blâmont et à Badonviller. (30,209 km jusqu’à la gare terminus de Blâmont). Au kilomètre 26,079 km on  lit : « Pont de 5 m sur le ruisseau du Danube ».4

 Histoire du Blâmontois des origines à la Renaissance (1/9) par l’Abbé Alphonse Dedenon, 1931 : « Première partie, Les Origines du Blâmontois, I, la Forêt primitive et le Blanc-Mont… »
« Le Blâmontois correspond au bassin supérieur de la Vezouze, jusqu’à la hauteur de Bénaménil. Au Nord, coule la Sarre; au Sud, la Meurthe, Une multitude de ruisselets amènent les eaux qui découlent d’ondulations capricieuses : ce sont, à droite, la Voise, le Danube, l’Albe, le Leintrey ; à gauche, le Vacon, la Blette, la Verdurette… »

La confluence du Danube avec la Vezouse à Domèvre-sur-Vezouse, photo © Danube-culture, droits réservés

 VERDENAL dans le Dictionnaire statistique du Département de la Meurthe de M..E. Grosse, 1836 – R à X, Ed. Lunéville – Octobre 1836 :
« VERDENAL est à 3 kilomètres de Blâmont, à 1.200 mètres d’une station du L.-B.-B. [chemin de fer Lunéville-Blâmont-Badonviller].

Le Danube traversant Verdenal. Trois ponts le franchissent à cette hauteur. Le nom de Danube n’est nul part mentionné ce qui est regrettable. Carte IGN Baccarat (3516E) 

Bâti dans un vallon arrosé par un ruisseau appelé le Danube, ce village a appartenu aux Évêques de Metz. En 1725, sa terre fut érigée en Marquisat. Pendant les guerres du XVIIe siècle, il fut ruiné et dépeuplé… »
La commune s’étend sur 6,5 km² à une hauteur moyenne de 280 mètres et compte 163 habitants depuis le dernier recensement de la population datant de 2006. Avec une densité de 24,9 habitants par km², Verdenal a connu une nette hausse de 37% de sa population par rapport à 1999. Entouré par les communes de Domèvre-sur-Vezouse, Blâmont et Harbouey, Verdenal se trouve à 20 km au nord-ouest de Raon-l’Étape la plus grande ville aux alentours.
La rivière la Vezouse, le ruisseau d’Albe, le ruisseau le Danube sont les principaux cours d’eau qui traversent la commune.3

Un des trois ponts sur le Danube de Verdenal, ici le plus ancien, photos droits réservés

Verdenal et le pont sur le Danube pendant la Première Guerre Mondiale (front ouest)

 

Le même pont sur le Danube aujourd’hui. Le lit du ruisseau qui manque d’eau et n’est plus entretenu, est désormais envahi par les plantes. Le Danube lorrain disparaîtra t-il bientôt du fait du réchauffement climatique ? Photo © Danube-culture, droits réservés

Eric Baude pour Danube-culture, mis à jour juin 2023
Notes :

1 Au XVIIIe siècle entre 1762 et 1773 des habitants « choisirent » de s’expatrier en tant que colons dans les territoires reconquis sur  l’Empire ottoman par les armées autrichiennes, en particulier dans la région du Banat, parfois à proximité du Danube
2 Ces deux cours d’eau qui prennent leur source dans la Forêt-Noire, se rejoignent à Donaueschingen et, « grossis » des sources sortant dans le parc du château des princes Furstenberg, forment à leur confluence le Danube.
3 Sources :
https://www.annuaire-mairie.fr/mairie-verdenal.html
4 La ligne de Lunéville à Blâmont (avec une halte à Verdenal) et à Badonviller (LBB) est ouverte en 1911 après avoir été concédée à la Compagnie des chemins de fer de l’Aube en 1908. Entre 1914 et 1919, en partie sous occupation allemande, elle sert exclusivement pour les armées. Réouverte au public en 1919, elle cesse de fonctionner en 1942 et est déclassée en 1943. Sources :
www.blamont.info

Sources :
DEDENON, Alphonse (1865-1940), Histoire du Blâmontois des origines à la Renaissance (1/9), 1931
GROSSE, M.E., Dictionnaire statistique du Département de la Meurthe, 1836 – R à X, Ed. Lunéville – Octobre 1836
LEPAGE, Henri, Dictionnaire géographique de la Meurthe, rédigé d’après les instructions du comité des travaux historiques et des sociétés savantes, Éditions L. Wiener, Nancy, 1860
www.blamont.info
https://www.annuaire-mairie.fr/mairie-verdenal.html

La Vezouse à Domèvre-sur-Vezouse en aval du confluent du Danube sur la rive gauche, photo © Danube-culture, droits réservés

Franz Weismann (1856-1938), photographe bavarois du Haut-Danube

De son mariage avec Anna Maria Yberle en 1892 naîtront trois filles ; Emmy (Emilie), Marianne et Sophie. Franz Weismann semble avoir été très fier d’elle car elles apparaissent sur d’innombrables motifs de ses travaux photographiques et de peintures.
Sur le plan professionnel, il est promu inspecteur central. Trois ans avant de prendre sa retraite (1926), le ministre autrichien du commerce et des transports lui décerne le titre de « Kommerzialrat » (Conseiller commercial), une distinction très rare à l’époque pour  des étrangers.
Outre sa profession, il se passionne pour la photographie et la peinture, domaine dans lequel il cherche encore à se perfectionner à l’âge de 64 ans, en suivant l’école artistique du soir de Passau. Son motif préféré était naturellement sa ville d’adoption. Il l’a souvent représentée sur des plaques photographiques, des tableaux et des aquarelles. En matière de peinture, Franz Weismann bénéficie des conseils de son ami, le célèbre peintre d’histoire né à Passau, Ferdinand Wagner (1847-1927) dont certaines des fresques décorent l’Hôtel de ville et de son gendre, « peintre en bâtiment », marié à sa fille aînée Emmy.
La plupart de ses œuvres appartiennent à des collections privés ce qui laisse supposer que sa peinture connaissait un grand  succès. Seule une petite partie de son travail est conservé au musée de la forteresse d’ Oberhaus de Passau. L’une d’entre elles, non signée, a longtemps été la figure de proue et l’attraction du public de l’établissement car un expert l’avait identifiée comme un tableau de du peintre et poète romantique bavarois Carl Spitzweg (1808-1885). Il est revenu à l’une de ses filles de dissiper l’erreur et, au grand regret de la direction du musée, d’attribuer ce tableau à F. Weismann. C’est en tant que tel qu’il est désormais exposé à Linz.

Les quelques 1000 négatifs sur plaques de verre (9 x 12 cm) ont été conservés dans sa famille puis acquis par Michael Geins de Passau. Celui-ci qui peut être considéré comme le « redécouvreur » de l’oeuvre de Franz Weismann, a numérisé les négatifs en grand format et les a restauré avec abnégation afin de montrer les clichés de Weismann sous forme de digiprints lors d’expositions rendant ainsi un grand service à l’histoire de la photographie.
Ses travaux se distinguent par leur très grande qualité. Les motifs des photos prises aux alentours de 1900 sont très variés. Outre des représentations de bâtiments, de paysages et de vues de villes, on trouve également des photos de famille, notamment de ses filles et de ses amis.
De nombreuses photos ont évidemment pour sujet la navigation sur le Danube et plus généralement la vie quotidienne des bords du fleuve mais aussi d’autres cours d’eau. Sa fonction de directeur au sein de la D.D.S.G. lui permettait de diriger tous ses bateaux avec des signaux de pavillon dans la position qui assurait une représentation la plus efficace possible. De la même manière, il regroupait des groupes de personnes, voire même des enfants jouant au bord de l’eau, qui devaient prendre la pose la plus naturelle possible.
Les motifs de Passau, disponibles en petits tirages, sont également très recherchés par les collectionneurs de cartes postales.
Une des rues de la rive gauche du Danube à Passau porte son nom.

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour mai 2023

La « Schrammelmusik » : un répertoire viennois d’une grande popularité

Le Schrammel Quartett

   Kaspar Schrammel, le père des deux musiciens, nait en 1811 près du petit village de Litschau dans la région du Waldviertel (Basse-Autriche). Il joue dès l’âge de onze ans dans l’harmonie locale et améliore ses modestes revenus de tisserand en participant à des fêtes de village et des célébrations religieuses. Sa première femme, Josepha Irschik avec laquelle il s’est marié en 1832, meurt en 1837 à l’âge de 25 ans de la maladie des tisserands.

Kaspar Schrammel (1811-1895), tisserand, clarinettiste et compositeur

Il déménage en 1846 avec son premier fils Konrad (1833-1905)1 dans la banlieue de Vienne, s’installant en 1846 à Neulerchenfeld2, une commune qui fait depuis 1891 partie de Vienne et est intégrée à l’arrondissement d’Ottakring. Neulerchenfeld est déjà à l’époque un haut lieu de la musique populaire. La commune compte un peu plus de cinq mille habitants en temps ordinaire mais accueille certains dimanches et jours de fêtes dans ses auberges et tavernes jusqu’à seize mille spectateurs !

Hanns (Johann) Schrammel (1850-1893)

Kaspar Schrammel se remarie avec la chanteuse Aloisia Ernst. De cette union naissent deux garçons, Johann et Joseph. Kaspar Schrammel se rendra très tôt compte des des dons musicaux de ses deux fils avec lesquels il forme en 1861 un trio et joue à l’occasion de l’anniversaire de ses cinquante ans dans une auberge locale. Après un premier apprentissage du violon avec Ernst Melzer, il les inscrit, malgré des difficultés financières familiales, au conservatoire de Vienne où Johann3 et Joseph étudient avec Joseph Hellmesberger (1828-1893) et Karl Heißler (1823-1878).

Josef Schrammel (1852-1895)

Chacun des deux fils prend ensuite provisoirement un chemin différent, Johann joue dans diverses formations (orchestres de théâtre, de musique de salon viennoise) ou dirige des harmonies pendant son service militaire quand son frère Joseph se produit comme interprète dans des auberges et des tavernes et voyage à plusieurs reprises professionnellement au Moyen-Orient. Johann se marie en 1872 avec Rosalia Weichselberger et Joseph avec Barbara Prohazka (1855-?) en 1874.
Le krach de la bourse de de Vienne en 1873 entraine une sérieuse détérioration des conditions de la population et des musiciens d’orchestre classique bien plus importante que celles de leurs collègues interprètes de musique traditionnelle. Aussi la proposition de Johann à son frère Joseph de fonder leur propre formation est-elle bienvenue et peut se concrétiser en 1878. Le trio intègre le (Kontra)guitariste F. Draskovits et prend le nom de Nussdorfer Terzett (1878-1884). F. Draskovits cède sa place à l’excellent Anton Strohmayer (1848-1937), considéré comme le meilleur (Kontra)guitariste de Vienne un an plus tard. La formation joue essentiellement dans les auberges (Heuriger) du village viticole de Nussdorf au bords du Danube. Joseph tient la place de premier violon et Johann de second.

Le Schrammel Terzett au bal des lingères, caricature de 1883

Le Schrammel Terzett comme le public l’appelle familièrement s’adjoint à partir de 1884 les services de l’excellent clarinettiste (petite clarinette en sol, instrument surnommé pour son inimitable sonorité suave « picksüßes Hölzl ») Georg Dänzer (1848-1893).

Le Schrammel Quartett

Le quartette continue tout d’abord à se produire à Nussdorf et sa popularité ne cesse de croître. Le public qui assiste enthousiaste aux concerts de l’ensemble auxquels se joignent régulièrement des chanteurs amateurs comme le cocher Josef Bratfisch (1847-1892), des Jodler, des siffleurs et  des coiffeurs, provient de toutes les classes sociales de la société viennoise de l’époque.

Josef Bratfisch (1847-1892), cocher, chanteur populaire et siffleur, ami des frères Schrammel. Il devient le cocher du prince héritier Rodolphe de Habsbourg et son « confident » jusqu’à sa mort en 1889, photo collection Bibliothèque Nationale d’Autriche, Vienne 

En plus de leurs productions dans les auberges de Nussdorf et plus particulièrement à la taverne « Schöll », Himmelstraße (aujourd’hui au 4, Kirchengasse, dans le XIXe arrondissement de Vienne), les musiciens interprètent à d’autres occasions des danses traditionnelles viennoises et participent également aux grands bals populaires de la capitale comme ceux des fripouilles, des cochers ou des lingères…

Johann-Strauss junior, caricature de Franz-Xaver Gaul (1837-1906), Musée historique de la ville de Vienne, 1880

Johann Strauß junior (1825-1899), se déplace en 1884 pour écouter la formation des frères Schrammel. Au lieu de l’heure prévue,  le compositeur des valses de  « Sur le beau Danube bleu » restera longtemps sur place et transmettra au retour, dans une lettre adressée à Johann Schrammel, ses plus hautes appréciations du jeu et du répertoire des musiciens. Johann lui dédicace en remerciement de ses éloges sa valse « Im Wiener Dialekt« . En 1886 c’est Hans Richter (1843-1916), alors Maître de chapelle de la cour de Vienne et chef de l’Orchestre philharmonique qui invite le Schrammel Quartett pour l’anniversaire du centième concert de la formation symphonique.

Hans Richter (1843-1916)

Dans un courrier aux musiciens de sa formation le chef d’orchestre écrit : « Vous devez écouter les incomparables valses merveilleusement interprétées par le célèbre Schrammel Quartett. Je ne peux pas mieux formuler mon invitation. »
Le Schrammel Quartett dont la réputation a désormais franchi les frontières, part en tournée au début de l’année 1889 et joue à Graz, Meran, Maribor, Celje, Ljubljana, Trieste, Venise, Abaccia, Fiume, Görz, Bolzano, Innsbruck, Klagenfurt, Münich, Salzbourg et  Linz. Les voyages à Londres et Paris sont annulés en raison du mauvais état de santé persistant de Johann Schrammel mais la saison bat son plein dans les tavernes de Nussdorf et dans la capitale. À l’automne les musiciens sont acclamés à Brno, Olomouc, Opava, Ostrava et Wroclaw.
Georg Dänzer quitte la formation pour des raisons de santé, en 1891. La petite clarinette en sol est alors remplacée par un autre instrument typiquement viennois, l’accordéon (Knöpferlharmonika) d’Anton Ernst (1862-1931) ce qui n’altère en rien le succès de l’ensemble. Mais  Anton Strohmayer arrête à son tour de jouer avec le Schrammel Quartett à la fin 1892. Karl Daroka le remplace. Un projet de voyage aux États-Unis (Chicago) est envisagé. Puis Johann Schrammel, de plus en plus malade du coeur, cesse de jouer et mourra désargenté en juin 1893. Josef continue quelques temps à se produire avec un autre violoniste. En octobre les musiciens sont de retour de l’exposition universelle de Chicago. Après encore de nombreux concerts avec ses nouveaux partenaires, les frères Daroka et l’accordéoniste Anton Ernst, une « Schrammelfest » en l’honneur de Johann, sous le patronage du compositeur et chef d’orchestre Carl Michael  Ziehrer (1843-1922), Josef Schrammel décèdera à son tour à l’automne 1895. Les deux musiciens avaient tous les deux quarante-trois ans et sont enterrés au cimetière de Hernals où ils avaient précédemment déménagé. Ils ont laissé en héritage un répertoire considérable donnant à celui-ci ses lettres de noblesse et faisant sa renommé. Johann Schrammel a, à lui tout seul, composé 274 oeuvres parmi lesquelles les marches « Wien bleibt Wien » (dédicacée à la ville de Vienne), « Kunst und Natur« , « Wiener Künstler« , des valses telle « Im Wiener Dialekt », dédiée à Johann Strauss junior, des musiques de bal populaire et de divertissement, de nombreuses polkas, des lieders en dialecte local dont les textes font l’éloge des différentes atmosphères et lieux viennois (Prater, les cafés…) ou sont parfois anecdotiques, critiques voire moralistes.

Les frères « Schrammeln » et leurs formations ont occupé une place unique dans la vie musicale viennoise en s’étant fait entendre et apprécier de toutes les classes sociales de leur époque et en jouant dans pratiquement tous les établissements populaires de la ville et de ses faubourgs dont la Rotonde et les grands cafés du Prater ainsi que dans les châteaux et palais de l’aristocratie autrichienne comme ceux du prince Kinsky et de l’un de leurs mécènes attentifs, le prince héritier Rodolphe de Habsbourg (1858-1889) dans ses résidences d’Orth/Danube et de Mayerling, au sud de Vienne où le prince héritier se suicidera (sera assassiné ?) le 30 janvier 1889. Leur musique rend en quelque sorte un hommage aux nombreux musiciens populaires viennois et musiciens de rues qui les ont précédés, harpistes, violoneux, joueur de cornemuse, chanteurs, siffleurs, fondateurs de la tradition des musique populaires viennoises.

Eric Baude, © Danube-culture, droits réservés, mis à jour juin 2023

Le Prince Héritier Rodolphe de Habsbourg avec sa femme la princesse Stéphanie de Belgique, photo Géruzet Frères,  collection Archives d’État autrichiennes

  Notes :
 1 Violoniste et joueur d’orgue de barbarie
2 C’est à Neulerchenfeld qu’est né Josef Leitgeb, corniste virtuose ami de J. Haydn et de la famille Mozart. J. Haydn aurait écrit son concerto pour cor pour ce musicien et  Mozart  ses quatre concerti pour cor et orchestre ainsi que probablement son quintette pour cor et quatuor à cordes.
3 Johann Schrammel y prend aussi des leçon de chant

Oeuvres (sélection) de Johann Schrammel :
Marches : Dornbacher Hetz, Kronprinz Rudolf-Marsch, Kunst und Natur, Wien bleibt Wien, Wr. Künstler…
Valses : Im Wr. Dialekt, Nußdorfer-Walzer, Weana Gmüath, Wie der Schnabel g’wachsen ist…
Danses et Lieders : Wr. Heurigen-Tänze 1. und 2. Parthie, D-Lieder, B-Lieder
Musiques de bal :  Busserl-Polka, Frühlingsgruß an Pauline, Im Kaffeehaus, Kreuzerl-Polka, Wr. Fiaker-Galopp…
Lieder : Die Dankbarkeit, Der Schwalbe Gruß, Der Frieden auf der Welt, Was Oesterreich is’’…

Oeuvres (sélection) de Josef Schrammel :
Marches : Purkersdorfer Marsch, Sultan-Marsc
Valses : Die Nußdorfer, Dornbacher Vergnügungs-Walzer,
Danses :  Wr. Tänze,
Musiques de bal : Pester Polka, Bei guter Laune, Quadrille de Terpsichore, Antoinetten-Polka
Lieder : Der Weaner is allweil leger, Mit Herz und Sinn für unser Wien, op. 27 Vindobona die Perle von Österreich! (textes de texte de C. Schmitter ), Die Rose von Orth (texte de Josef Weyl).

La Schrammelmusik

La « Schrammelmusik » est un terme générique pour désigner différentes formes et pratiques de musique populaire viennoise (valses, marches, polkas, galops, chansons et accompagnement de chansons) interprétées par de petits ensembles de musique de chambre caractéristiques et avec une instrumentation spécifique. Le terme dérive du nom de famille de deux frères violonistes, Johann et Josef Schrammel, dont la formation était appelée « Die Schrammeln » par les Viennois et dont la réputation légendaire d’interprètes et de compositeurs a donné au fil des ans le nom à ce genre musical dans la capitale autrichienne. Jusqu’alors la tradition était de nommer les ensembles d’un terme neutre tels que le National Quartett, le Volksmusik Quartett, l’Elite Quartet… ou selon les noms des interprètes ou de leurs fondateurs comme le Quintette Dänzeret Strohmayer, Gebrüder Butschetty (Les frères Butschetty),  de localités (D’Grinzinger, D’Dornbacher) ou encore de salles de concert das lesquelles ces ensembles se produisaient (Woodcock Trio, Maxim Quartet)… Le terme de Schrammelquartett ou Schrammelterzett ne s’est imposé qu’à partir des années 1920 et plus particulièrement après la seconde guerre mondiale. Le terme de Schrammelmusik s’est peu à peu répandu au-delà des frontières de Vienne et a été également adopté par des ensembles de musique alpins mais sans qu’il y ait toutefois intégration des éléments musicaux viennois spécifiques dans leur pratique.

Accordéon viennois (Knöpferlharmonika), photo droits réservés

La Schrammelmusik désigne aujourd’hui une grande variété d’ensembles instrumentaux mais la formation spécifique traditionnelle se compose d’au moins trois musiciens, un ou deux violons et une guitare basse ou « Kontragitarre ». Peuvent s’y joindre un accordéon et ou une petite clarinette en sol ou en fa, une flûte piccolo, et plus rarement une harpe et une cithare. Le quatuor original des frères Johann et Josef Schrammel se composait de deux violons, une « Kontragitarre » et une clarinette en sol (pour renforcer la voix du 1er violon). La plupart des ensembles de Schrammelmusik étaient composés de deux violons, d’un accordéon et d’une « Kontragitarre », instrumentation la plus courante avec sa variante à trois musiciens, le  Schrammelterzett  à un seul violon jusque dans la première moitié du XXe siècle. Quant au Salon-Schrammeln il doit être considéré comme une forme à part qui, en faisant appel à des instruments de divertissement et de danse comme le piano, l’harmonium, la batterie, la contrebasse, le saxophone… a abordé un répertoire beaucoup plus élargi.

Autre instrument typiquement viennois, la « Kontragitarre », photo droits réservés

Les tout débuts de ce genre musical qui prendra plus tard le nom de « Schrammelmusik » remonte aux années 1830. Les principaux interprètes et compositeurs du XIXe siècle ont été les frères Staller, Johann Mayer, Johann Schmutzer, Josef Weidinger, Anton Debiasy, Alois et Anton Strohmayer, Alexander Katzenberger, Johann et Josef Schrammel, Anton Turnofsky, V. Stelzmüller, Jakob Schmalhofer et Josef Winhart. Pour le XXe siècle jusqu’à 1945 les noms de Rudolf Strohmayer, Karl Resch, Karl et Josef Mikulas, R. Kemmeter, Anton Pischinger s’imposent tout comme ceux des ensembles Grinzinger, Maxim Quartet, Original Lanner Quartet et le Kemmeter-Strohmayer Trio. Lukas Kruschnik, B. Lanske, A. Kreuzberger, L. Babinski, K. Zaruba, W. Wasservogel avec le Faltl-Kemmeter-Schrammeln ont dominé la scène de la « Schrammelmusik » après la seconde guerre mondiale.

Nussdorf et la rue Kahlenberg

Les lieux où se produisaient ces musiciens qui se sont toujours considérés comme des musiciens traditionnels, étaient principalement les tavernes (Heuriger), les caveaux et les auberges des villages de la banlieue de la périphérie de la capitale parmi lesquels Nußdorf, Grinzing, d’où la superposition avec le terme de Heurigenmusik, les bars du centre-ville et les établissements de divertissement comme certains grands cafés du Prater où se produisirent de nombreux interprètes de ce genre musical. La musique n’était pas destinée à être dansée mais à être simplement écoutée. Le répertoire des ensembles était à l’origine purement instrumental, répertoire auquel on adjoint à la fin du XXe siècle des chanteurs et des comédiens. Dans les années 1920, pour la première fois, des musiciens des grands orchestres philharmoniques et des musiciens traditionnels constituent des quatuors de « Schrammelmusik » pour des manifestations sous forme de concerts dans des salles de musique classique.

Des musiciens classiques viennois ont manifesté un nouvel intérêt pour la « Schrammelmusik » à partir des années soixante. Les ensembles Spilar-Schrammeln et le Quatuor Schrammel classique de Vienne ont remis au goût du jour l’utilisation de la petite clarinette en sol. Les œuvres populaires des frères Johann et Josef Schrammel et de leurs contemporains ont trouvé une nouvelle popularité. Dans les décennies qui suivirent des quatuors de « Schrammelmusik » ont été fondés et se produisent lors de concerts dans des salles viennoises prestigieuses comme le Konzerverein et le Konzerthaus. La grande Schrammelfest sur la place de l’Hôtel de Ville de Vienne en 1993 et ​​les pique-niques Schrammel dans le Burggarten de Vienne de 2000 à 2002 ont permis à ce répertoire populaire d’être réhabilité et considéré par le public comme une expression incontournable de la culture traditionnelle viennoise. Il y avait plus de 30 quatuors de Schrammelmusik à Vienne au début du XXIe parmi lesquels les excellents Philharmonia Schrammeln, Symphonia Schrammeln, Neue Wiener Concert Schrammeln,Wiener Art Schrammeln, Malat Schrammeln, Thalia Quartet

En compagnie des frères Schrammel, gravure de Theodor Kupfer, 1886

Eric Baude, Danube-culture © droits réservés, mis à jour juin 2023 

Sources :
BÖCK, Alois, DEUTSCH Walter, Das Werk der Brüder Schrammel, Einführung und Verzeichnis, Folge 1, Die Märsche, 1993, Verlag Hans Schneider, Wien
DIRTMAN, Kurt, Schrammelmusik, Edition Kaleidoskop, Graz, Wien ,Köln, 1981
EGGER, Margarethe Egger: Die « Schrammeln » in ihrer Zeit, Heyne, München 2000
MAILLER, Hermann, Schrammelquartett, Ein Buch von vier wiener Musikanten, Wiener Verlag, Wien, 1945
SANER, Jacqueline, Die Gebrüder Schrammel, Werdegang einer musikalischen Familie und die Entwicklung eines Stilbegriffs, Universität, Wien, 2013 (Diplomarbeit)
KORNBERGER,Monika/WEBER, Ernst Art. « Schrammel, Familie », in: Oesterreichisches Musiklexikon online, Zugriff: 4.11.2020 https://www.musiklexikon.ac.at/ml/musik_S/Schrammel_Brueder.xml
www.biographien.ac.at, Austrian Centre for Digital Humanities and Cultural Heritage
www.daswienerlied.at
www.wienerlied.org
www.wienervolksliederwerk.at
www.radiowienerlied.at
http://www.volkstanz.at

Le canal Danube-Oder-Elbe

   Pour les Viennois, un autre monde et une autre façon de se baigner commence aux portes de la Lobau derrière l’auberge légendaire « Roter Hiasl » ouverte en 1862. Celles et ceux qui ont envie d’échapper à l’agitation et à la fréquentation de l’île du Danube (Donau Insel) et du Vieux Danube (Alte Donau) choisissent d’aller vers les plages de baignade naturelles discrètes et paisibles qui se trouvent au début du Parc National de la Lobau, sur la rive gauche. Le tronçon abandonné du canal Donau-Oder, entre autres, avec ses eaux claires, attire en été les amateurs de fraîcheur et de tranquillité et les pêcheurs. Mais seuls quelques-uns d’entre eux se souviennent désormais que cet endroit de baignade de la Lobau se trouve sur une portion du canal Danube-Oder, un projet grandiose inachevé datant de la Deuxième Guerre mondiale qui devait servir de voie navigable sur laquelle les convois auraient transporter leur marchandise du Danube jusqu’à la mer du Nord ou la mer Baltique.

Carte des voies navigables d’Allemagne pour des bateaux de 100 tonnes et plus ainsi que des voies navigables prévues par l’Autriche du Danube à l’Elbe, l’Oder et la Vistule. Carte (feuillet II) tirée du « Denkschrift zu dem technischen Entwurf einer neuen Donau-Main-Wasserstrasse von Kelheim nach Aschaffenburg », élaborée par Eduard Faber († 1930), directeur du bureau technique de l’Association pour l’amélioration de la navigation fluviale et des canaux en Bavière. Publié par l’Association pour le relèvement de la navigation fluviale et des canaux en Bavière, 1903. Le projet de canal Donau-Oder mentionné sur la carte part de Vienne et rejoint l’Oder via Prerau (Přerov, République tchèque) et Oderberg (Bohumín, République tchèque) avec un embranchement pour l’Elbe via Pardubitz (Pardubice, République tchèque). Un autre projet non réalisé de canal part de Korneuburg en amont de Vienne et rejoint la Moldau (Vltava) via Budweis (České Budějovice, République tchèque).

   Le projet qui a fait jusqu’à un passé très récent coulé beaucoup d’encre, revient régulièrement comme un « serpent de rivière » sur le devant de la scène au gré des aléas de la politique de transport de l’Union européenne empêtrée dans une croissance effarante du trafic de camions sur tout son territoire et les conséquences environnementales désastreuses qui l’accompagnent. Pourtant, ni dans le quartier de Donaustadt ni un peu plus loin à Gross-Enzersdorf où de jolies maisons bordent le canal, personne ne peut imaginer que le projet se concrétisera.

Entrée du canal Danube-Oder-Elbe à la hauteur du port pétrolier de Vienne et de la Lobau, photo Jaroslav Kubec, droits réservés

   L’empereur du Saint Empire Romain germanique et roi de Bohême Charles IV (1316-1378) avait déjà commandé des plans pour une telle liaison entre le Danube et l’Oder ou l’Elbe via la Vltava (Moldau)  au XIVe siècle si l’on en croit l’historien chroniqueur et poète Jan Dubravius (1486-1553) dans le chapitre XII de son « Historica Bohemica ». Mais c’est au régime nazi qu’il revint de concrétiser le début de construction du canal d’une longueur totale de 320 km avec un dénivelé de 124 m à partir du Danube sur quelques kilomètres en 1939. Le projet, côté autrichien a été définitivement abandonné dans les années 1990, notamment en raison de l’opposition du Land de Basse-Autriche et des écologistes.

Carrefour de trois mers, corridor fluvial Danube-Oder-Elbe, photo droits réservés

   Alors que la « variante Lobau » du canal semble aujourd’hui de ce fait presque oubliée du côté autrichien, il semblerait qu’une autre variante soit toujours d’actualité, variante qui partirait de Thèbes (Devín, rive gauche), en Slovaquie, aux lisières de Bratislava, en aval de la frontière avec l’Autriche et qui longerait ensuite la rivière March ou Morava sur sa rive droite en remontant vers le nord et la République tchèque. Cette variante a(vait) la faveur de la Slovaquie et de la République tchèque mais elle provoquerait une catastrophe écologique dans l’écosystème de la rivière, l’inverse d’une politique de renaturation et de protection de la biodiversité entreprise depuis plusieurs années sur ce territoire des confins austro-slovaques des rives de la March/Morava.

 

Le tronçon achevé du canal Danube-Oder-Elbe à Gross-Enzersdorf, aux environs de Vienne, photo droits réservés

Le canal Danube-Oder-Elbe dont les rives ne sont pratiquement plus accessibles au public, photo © Danube-culture, droits réservés

   Le projet est estimé à dix milliards d’euros, un coût qui pourrait être le facteur décisif de l’abandon de la construction de cette nouvelle voie d’eau.
Lors de sa réunion du 8 février 2023, le gouvernement tchèque, sur proposition du Ministère des Transports, a décidé d’annuler les réserves territoriales pour le projet de corridor fluvial Danube-Oder-Elbe. Cette décision répond à la déclaration du gouvernement dans laquelle il s’engageait à mettre fin au projet de construction du canal.1
Un projet définitivement abandonné ?

Notes :
1 www.d-o-l.cz

Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, mis à jour  juin 2023

Le Canal Danube-Elbe-Oder à sa sortie de la Lobau, photo © Danube-culture, droits réservés

L’étonnante porte flottante (Schwimmtor) du canal du Danube

  La porte flottante de l’entrée du canal du Danube à Nussdorf (Schwimmtor), était un bateau en acier sans moteur et symétrique, qui n’était déplacé que par la force humaine via des treuils et le courant de l’eau entrant dans le canal du Danube. Wilhelm Freiherr von Engerth (1862-1875) avait refusé d’y adjoindre un treuil à vapeur en raison de son coût élevé. Construite  Seraing au bord de la Meuse, près de Liège (Belgique), dans l’énorme aciérie de John Cockerill sous la direction de l’ingénieur en chef autrichien J. Ritter von Kraf, elle pourrait avoir été transportée en totalité ou partiellement sur des barges en pièces détachées jusqu’en Haute-Autriche via la Meuse, le Rhin, le Main et le canal Ludwig (?). Elle est assemblée dans le chantier naval de Linz (Haute-Autriche) et amenée à Nussdorf par le fleuve.

Wilhem Freiherr von Engerth (1814-1884)

L’axe de la porte flottante a été placé à 166 mètres en aval de la pointe de Brigittenau, le canal du Danube s’étant suffisamment rétréci à cet endroit pour permettre la construction d’une porte flottante suffisamment stable pour résister aux fortes pressions de l’eau et de la glace.
Le mur de quai gauche (Brigittenau) a été doté d’un renfoncement dans lequel la porte flottante était amarrée quand elle n’était pas utilisée. Juste en dessous de cet endroit de stationnement, le mur du quai s’avançait vers le milieu du fleuve. C’est à cet angle que la porte s’appuyait en cas d’urgence.

Mise en place du dispositif d’amarrage de la porte flottante à l’entrée amont du Canal du Danube, photo prise le 23 décembre 1873

Sur la rive droite (Nußdorf), il n’était pas possible de s’appuyer sur un angle de mur similaire, car l’ouverture de la vanne de barrage en tirant la porte en travers contre le courant d’eau aurait généré des forces trop importantes.
C’est pourquoi une niche fût aménagée dans le mur de quai et recouverte au-dessus. Cette niche abritait la porte de barrage et la porte de l’installation.
Un cabestan situé en haut du couvercle et doté d’une roue dentée en bas permettait de faire pivoter la porte flottante vers l’extérieur par le biais d’une crémaillère. Ce mouvement de rotation faisait à son tour sortir la porte de quai de la niche du mur et constituait ainsi la deuxième butée pour la porte flottante.

La porte flottante fermée pendant une crue du Danube,  photo de Moritz Nähr, vers 1890

 La porte de barrage et la porte de service étaient toutes deux des constructions en treillis en acier qui absorbaient les forces et les transmettaient au mur de quai sur lequel s’appuyait la porte flottante
Pour rouvrir la porte flottante, la porte de barrage et la porte d’amarrage étaient à nouveau tournées dans la niche par le biais du cabestan. La porte flottante barrage était ensuite poussée par le courant sur le côté, vers le quai de Brigittenau.
La porte flottante pouvait s’enfoncer grâce au ballast mais elle ne devait pas reposer sur le fond de l’écluse d’une largeur 48,85 mètres. Quatre soucoupes en fonte et remplies de béton furent fabriquées afin de laisser une ouverture de 95 centimètres de hauteur. Il en résultait une grande vitesse d’écoulement avec une force destructrice correspondante. C’est pourquoi les supports ont été placés sur une dalle de béton de 126 centimètres d’épaisseur et de 30 mètres de long.

Amand v. Schweiger-Lerchenfeld- Die Donau als Völkerweg, Schiffahrtsstraße und Reiseroute, Wien 1896

Dimensions de la porte flottante :
Longueur : 48,6 mètres
Largeur maximale : 9,5 mètres
Largeur aux extrémités : 1,0 mètre
Hauteur : 5,7 mètres
Poids : 440 tonnes

Équipement :
Chaudière à vapeur (chaudière tubulaire) avec une surface de chauffe de 30 mètres carrés.
Deux pompes centrifuges (débit de 165 mètres cubes d’eau par heure chacune)
Deux pompes de fuite à commande manuelle
Appareil de chargement manuel des pierres de ballast (chargé : 1.000 pierres par heure, déchargé : 600 pierres par heure)
Chauffage à la vapeur pour éviter le gel des tuyauteries de et vers les pompes ainsi que des vannes.

En guise de lest, 2.000 kilogrammes de fonte se trouvaient en permanence à bord, jusqu’à 1.200 cubes de granit de 17,5 kilogrammes chacun étaient chargés en fonction des besoins, tout comme les réservoirs d’eau étaient remplis pour atteindre le tirant d’eau nécessaire à chaque fois.
L’utilisation de la porte flottante dépendait du niveau de l’eau au pont Ferdinand/Schwedenbrücke. La porte flottante était « immergée » à l’aide d’un ballast en cas de crue, mais elle ne devait en aucun cas toucher le fond. La profondeur d’enfoncement de la porte flottante devait également être adaptée en permanence par rapport au niveau du Danube. Pour se protéger des glaces ou des embâcles, il suffisait d’amarrer la porte en travers du canal du Danube, entre les deux culées. Grâce aux parois latérales droites, les blocs de glace n’étaient pratiquement pas poussés sous la porte. Il était important que celle-ci puisse monter ou descendre en fonction du niveau de l’eau.
Après plusieurs années d’utilisation, on s’aperçut que la porte ne répondait pas à l’objectif fixé et, en été 1878, on procéda à des améliorations. La porte flottante fut encore équipée ultérieurement d' »aiguilles de glace » supplémentaires. Il s’agissait de barres d’acier fixées à la paroi de la porte, qui s’étendaient jusqu’au sol et servaient de râteaux.

Notes :
1 Un pont en bois, construit au même endroit sur ce bras encore sauvage du Danube est mentionné dès 1368. Ce pont à péage servait aussi d’abattoir en plein air des animaux et à la vente des parties de moindre qualité qu’on appelait du nom de  « Bruckfleisch » (viande du pont). Le sang des animaux s’écoulait directement dans le bras du Danube, ce qui posa des problèmes d’hygiène. L’ouvrage qui resta la seule liaison fixe jusqu’en 1782 et rattachait  la ville à l’Unterer Werd, une grande île située sur le territoire de Leopoldstadt, se trouvait un peu en aval de la Rotenturmstrasse. Il fut reconstruit à plusieurs reprises à cause d’embâcles et d’inondations puis remplacé en 1819 par  un premier pont Ferdinand, en hommage à Ferdinand Ier de Habsbourg,  remplacé en 1911 par un nouvel ouvrage du même nom jusqu’en 1919, année pendant laquelle on le rebaptisa « Pont de la Suède ». Détruit pendant des bombardements en 1945, le pont actuel date de 1955.

 Éric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour juin 2023

Maria am Gestade, (Notre-Dame-du-Rivage), église des bateliers et des pêcheurs du Danube

    Les grands travaux de régulation et d’aménagement du fleuve, la construction du Donaukanal (Canal du Danube) et les importantes rénovations urbaines au XIXe siècle ont bousculé la physionomie du premier arrondissement de la capitale autrichienne. L’emplacement originel de l’église dominait le bras du Danube qui traverse la ville. Son clocher a ainsi longtemps servi de point de repère pour les bateliers qui en firent aussi, avec les pêcheurs, jusque dans la seconde moitié du XIXe siècle, un de leurs lieux de pèlerinage favoris. L’église garde encore dans son nom l’écho de son lien privilégié avec le fleuve et la navigation.

Maria am Gestade (Notre-Dame-du-Rivage), Österreichisch-ungarisch Monarchie in Wort und Bild, Wien, 1886 Vienne

Un sanctuaire à l’histoire mouvementée

   Il n’est pas impossible que la première chapelle chrétienne ait été construite à cet emplacement sur le site d’un sanctuaire romain. Des fouilles archéologiques ont permis de retrouver sur les lieux des vestiges de l’antiquité romaine.
   Certaines sources font remonter la fondation du sanctuaire à l’an 880. Madalvin, alors évêque de Passau, aurait confié à un moine du nom d’Alfied le soin d’ériger un petit édifice religieux. Celui-ci devient ensuite la propriété de moines écossais et irlandais peu après la fondation par ces derniers de la Schottenstift (Abbaye écossaise) en 1160. C’est à cette époque qu’il est fait mention pour la première fois d’une chapelle sur le site de l’église actuelle.

Carl Pekarek (1917-?), Maria am Gestade, 1928


   Un important incendie ravage Vienne en 1262. L’édifice n’est pas épargné. Il sera reconstruit une dizaine d’années plus tard. La chapelle entre en possession de la famille von Greif (vers 1330) qui fait reconstruire intégralement le choeur en style gothique flamboyant, peut-être l’intention d’en faire un caveau familial.
    Si le chœur est achevé en 1367, la construction du clocher n’en est par contre qu’à son début. L’église change encore une fois de propriétaire en 1391. Son nouveau maître, le Freiherr (baron) Hans von Liechtenstein-Nikolsburg (vers 1340-1398), souhaite donner à ce sanctuaire une importance qu’il n’avait pas encore acquis. Il choisit pour cela de confier l’ouvrage à un architecte renommé : Michael Knab, dit Maître Michael (vers 1340/1350-ap. 1399).

L’autel, photo © Danube-culture, droits réservés

  Originaire de Wiener Neustadt, il est l’architecte attitré du duc Albrecht d’Autriche III (1349-1395) pour lequel il a dessiné les plan du château de Laxenbourg. Il a aussi réalisé la tour sud de la cathédrale Saint-Étienne. C’est un architecte déjà expérimenté que le Freiherr von Liechtenstein-Nikolsburg a sollicité pour dessiner les plans de la nouvelle nef de Maria am Gestade en remplacement de l’ancien bâtiment de 1276 et poursuivre l’édification du clocher.

Détail de l’autel, photo © Danube-culture, droits réservés

 De nombreuses contraintes s’imposent. Le côté sud de la rue de Passau est déjà construit et l’escarpement au Nord et à l’Ouest limite l’espace constructible. Non seulement la nef ne pourra pas être plus longue que le chœur (l’une et l’autre parties de l’édifice sont de taille égale) mais elle devra même être plus étroite. À cela s’ajoute le caractère accidenté du terrain où il faut également tenir compte des ruines du rempart de l’époque romaine ainsi que de la nécessité d’opérer un coude pour agrandir l’église. L’architecte compensera en hauteur ce qui manque en largeur. En témoigne le caractère surprenant des proportions du bâtiment, encore accentué par sa situation en surplomb ; la nef s’élève à 33 mètres de haut pour une largeur de seulement 9, 7 mètres.

La flèche en pierre ajourée du clocher heptagonal, photo © Danube-culture, droits réservés

   La construction de la nef dure de 1394 à 1414. L’érection du clocher heptagonal se poursuivra jusqu’en 1417. Il est surmonté d’une extraordinaire flèche en pierre ajourée, chef d’œuvre du gothique flamboyant autrichien. Le chiffre sept correspond aux sept douleurs de la Vierge Marie.

L’annonciation faite à Marie, 1460, photo Danube-culture, droits réservés   

Les deux panneaux peints du choeur, oeuvres anonymes datant de 1460, représentent le couronnement de Marie à droite et l’autel de l’Annonciation à gauche. Sur la face arrière du premier panneau se trouve une représentation de la Crucifixion et sur le second le Mont des Oliviers. L’influence du style flamand, en particulier dans la représentation des étoffes et la richesse des coloris, est indéniable. Une nuée d’anges entoure la vierge, chacun avec sa personnalité propre mais tous d’une grâce remarquable. Certains jouent d’un instrument de musique quand d’autres portent simplement la robe de Marie ou en rectifient un pli.

 Les vitraux ouvrent l’édifice à la lumière. Les quatre superbes vitraux de l’abside de Maria am Gestade ont été reconstitués à partir d’éléments originaux des XIVe et XVe siècles.
   Dans le chœur et la nef, adossées aux piliers dans la partie droite de la nef, près de la chapelle Saint-Clément, se tiennent la statue de l’archange Gabriel et une statue de Marie (vers 1350). Les reliefs du portail d’entrée dans le chœur représentent la Vierge protectrice et son couronnement. Au-dessus du tympan du portail Ouest se trouve un baldaquin de pierre dont la pointe renvoie à celle qui surmonte la dentelle de pierre du clocher, contribuant ainsi à l’unité architecturale de l’église.

Maria am Gestade Wien, photo droits réservés

   La paroisse resta prospère pendant la Renaissance. En témoigne la présence, exceptionnelle à Vienne, d’éléments de style de cette époque dans l’église, le superbe buffet d’orgue (1515) et, dans une chapelle attenante, un petit autel de pierre (1520), avec le nom de son commanditaire, Johann Perger.

L’orgue  de Maria am Gestade et son superbe buffet Renaissance, photo droits réservés

   Les bombardements des armées ottomanes lors du siège de Vienne en 1683, n’épargnent pas l’église dont le clocher est détruit mais sera reconstruit cinq ans plus tard.
   Maria am Gestade, qui est rattachée à l’évêché de Passau en 1409, demeure la propriété des princes-évêques de Passau jusqu’en 1784. Avec la sécularisation de l’ancienne principauté ecclésiastique de Passau par l’empereur Joseph II, elle devient la propriété de l’État autrichien. Délabrée, servant d’entrepôt, l’église tombe en ruine. Joseph II envisage même sa destruction mais seul le coût d’une telle opération l’en dissuade. François Ier de Habsbourg (1768-1835) rouvrira l’église au culte et la confie à l‘ordre du Très Saint Rédempteur en 1820.
   L’église fera alors l’objet d’importants travaux qui se poursuivront jusqu’au premier tiers du XXe siècle. Le chœur est doté d’un maître-autel néo-gothique intégrant quelques éléments d’inspiration baroque. Les mosaïques et les statues qui surplombent le portail ouest datent de cette même époque.
   Le bras du Danube est aménagé en canal lors de la régulation du fleuve dans les années 1870. Des immeubles sont édifiés sur ses rives, enserrant peu à peu Maria am Gestade comme dans un étau. La construction d’un grand escalier devant l’église allège heureusement la pesanteur du nouvel environnement architectural.
   Du fait de la présence des reliques de saint-Clément Marie Hofbauer, d’origine morave, Maria am Gestade est l’église de la communauté tchèque de Vienne tout comme celle de la communauté française. 

Sources :
Wolfgang J. Bandion, Steinerne Zeugen des Glaubens. Die Heiligen Stätten der Stadt Wien, Wien, Herold, 1989

Felix Czeike, Wien, Kunst und Kultur-Lexikon, Stadtführer und Handbuch, München, Süddeutscher Verlag, 1976
Felix Czeike, Wien, Innere Stadt, Kunst-und Kulturführer, Jugend und Volk, Ed. Wien, Dachs-Verlag, Wien, 1993
Carl Dilgskron, Geschichte der Kirche unserer lieben Frau am Gestade zu Wien, 1882, Dom-und Diözesanmuseum (Katalog 1987)
Franz Eppel, Die Kirche Maria am Gestade in Wien, Salzburg, 1960
Rudolf Geyer, Handbuch der Wiener Matriken, Ein Hilfswerk für Matriken-Führer und Familienforscher,Verlag d. Österr. Inst. für Genealogie, Familienrecht und Wappenkunde, Wien, 1929
Gustav Gugitz, Bibliographie zur Geschichte und Stadtkunde von Wien, Hg. vom Verein für Landeskunde von Niederösterreich und Wien, Band 3 : « Allgemeine und besondere Topographie von Wien », Jugend & Volk, Wien 1956
P. Josef Löw, Maria am Gestade, Ein Führer, Wien, 1931
Alfred Missong, Heiliges Wien, Ein Führer durch Wiens Kirchen und Kapellen, Wiener Dom-Verlag, Wien, 1970
Richard Perger, Walther Brauneis, « Die mittelalterlichen Kirchen und Klöster Wiens »Zsolnay (Wiener Geschichtsbücher, 19/20), Wien, 1977
Richard Perger, « Ein Marienaltärchen von 1494 aus der Kirche Maria am Gestade in Wien », In Österreichische Zeitschrift für Kunst und Denkmalpflege, Hg. vom Österreichischen Bundesdenkmalamt, Horn-Wien, Berger / Wien-München, Schroll, 1970
Alfred Schnerich, Wiens Kirchen und Kapellen in kunst- und kulturgeschichtlicher Darstellung, Zürich -Wien, Amalthea 1921
Communauté catholique française de Vienne
www.ccfv.at
Site de la cathédrale saint-Étienne de Vienne
www.stephanskirche.at

Danube-culture © droits réservés, mis à jour juin  2023

Le Voyage de Jean-Baptiste Tavernier sur le Danube (1630)

   « Nous arrivâmes à Sighet après-midi, & aussitôt je pris un petit bateau, & fus en diligence à Raab1 nommé autrement Javarin2, qui n’en est éloigné que de deux heures. Je rendis au Vice-roi [de Hongrie] la lettre que son frère m’avait donné, & lui fis savoir l’arrivée de Messieurs de Chapes & de Saint Liebau. Comme j’avais eu l’honneur d’être quelques années à son service, il me témoigna qu’il était bien aise de me revoir, & qu’il ferait toutes choses pour la satisfaction des personnes que son frère lui recommandait.

Raab (Javarin), gravure anonyme, 1624

   Dès le lendemain il commanda trois cents Cavaliers & deux carrosses pour les aller prendre et les amener à Javarin. Il les reçut fort civilement, et pendant les séjour qu’ils y firent, les principaux Officiers tachèrent de leur faire passer agréablement le temps. Il fallut s’y arrêter huit ou dix jours pour avoir réponse du Bacha de Bude3, & l’on avait mandé au Gouverneur de Comorre4 de lui envoyer un exprès pour savoir s’il accorderait le passage à deux Gentilshommes Français et à leur suite.

Forteresse de Kormorn (Comorre),  gravure de L. F.  Marsigli, 1626

   Pour faciliter la chose on les fit passer pour parents de Monsieur de Cecy Ambassadeur de France à la Porte5, & la réponse du Bacha étant venue telle qu’on la souhaitait, nous descendîmes à Comorre, où le Gouverneur nous donna d’autres bateaux. Ils nous menèrent jusqu’à moitié chemin de Bude où nous en trouvâmes d’autres, qui sur l’avis qu’on avait eu de nôtre départ, étaient partis de Bude pour nous venir prendre. Ces bateaux sont comme une manière de Brigantins6 bien armés & fort commodes, & l’on fait dessus à force de rames beaucoup de chemin en peu de temps parce qu’ils sont fort légers.

Galériote ou tschaïque armée avec une voile latine. C’est probablement sur ce type de bateau que J.-B. Tavernier descend le Danube vers Buda.

   C’est entre Comorre et Bude aux frontières des deux Empires où se font les échanges des Ambassadeurs, qui vont d’ordinaire de part et d’autre tous les six ans, & en même temps renouveler l’alliance, & il faut que des deux côtés le nombre soit égal. De Vienne à Javarin, nous demeurâmes trois jours sur l’eau parce que le Danube fait un grand détour, & on peut faire en deux heures le chemin par terre. De Javarin, on va coucher à Comorre, & de Comorre nous descendîmes à Bude en moins de deux jours. Le chemin sa fait rarement par terre de Raab à Bude parce que le pays étant frontière il y a des coureurs7 de part et d’autres qu’il serait dangereux de rencontrer. Dans la belle saison on peut se rendre de Bude à Belgrade en moins de huit jours ; mais nous en mîmes huit, le froid & les neiges nous empêchant d’avancer. Nous eûmes un pareil temps jusqu’à Constantinople où nous ne pûmes arriver que le vingt-neuvième jour de notre départ, parce que les jours étaient fort courts et les chemin très mauvais.
   C’est la coutume en Hongrie surtout dans les lieux de traverse & peu fréquentés des étrangers, de ne prendre point d’argent des voyageurs ; un Bourgeois les loge & les traite bien & le Bourg-mestre du lieu le rembourse au bout de l’an des deniers publics, de la dépense qu’il peut avoir faite. Mais il faut considérer qu’ils ne sont pas chargés d’un grand nombre de passants & qu’en Hongrie, qui est un des meilleurs pays de l’Europe, les vivres se donnent à si grand marché, que nous ne dépensions pas à Belgrade pour quatorze bouches deux écus par jour.

Buda ottomane, 17e siècle, la légende de l’illustration est en français, sources : Archives Impériales Ottomanes

   Bude est à la droite du Danube éloignée du fleuve d’environ une demi-heure de chemin. Dès que le Bacha eut eu avis de notre arrivée, il envoya son Écuyer avec des chevaux menés en main par des esclaves fort bien couverts pour nous conduire à la ville. Entre ces esclaves il y avait deux Parisiens, & nos Messieurs s’étant informés de leurs familles, offrirent inutilement pour leur liberté jusqu’à huit cents écus.
    Nous demeurâmes douze jours à Bude avant qu’on pût avoir audience du Bacha qui était indisposé. Il nous envoyait tous les matins nos provisions de bouche, un mouton, des poules, du beurre, de ris, du pain avec deux sequins pour les autres menus frais, & le jour qu’il donna audience à Messieurs de Chapes & de Saint-Liebau, ils lui firent présent d’une horloge de poche dont la boîte était couverte de diamants. Ce Bacha était un homme de belle taille & de bonne mine ; il les reçut fort civilement, & à leur départ pour Belgrade qui fut le quatorzième jour de leur arrivée à Bude, il leur envoya six Calèches avec deux Spahis8 pour les conduire, & ordre partout de les défrayer de la dépense de bouche, de quoi ils ne voulurent pas se prévaloir.

Belgrade, gravure de Melchior Hafner Junior, Augsburg, 1684

   À notre arrivée à Belgrade, nous mîmes pied à terre dans un vieux Caravanséra9 : mais quatre des principaux marchands de Raguse10, qui font grand trafic en ce lieu-là, nous tirèrent de ce mauvais poste pour nous mener au logis d’un bon bourgeois. Les Ragusiens portent des draps à Belgrade, & prennent en échange de la cire, & du vif argent qu’on tire de la Haute-Hongrie et de la Transylvanie.
   Si nous avions eu lieu de nous louer du bon accueil du Bacha de Bude, nous eûmes de quoi nous plaindre de la rude manière dont le Sangiac11 de Belgrade en usa avec nous, & et il nous fallut contester quinze ou seize jours, sur la ridicule demande qu’il nous fit d’abord de deux cents ducats16 par tête. Nos marchands de Raguse surent lui parler, & tout ce qu’ils purent obtenir fut que nous lui donnerions chacun cinquante ducats. Enfin le Sangiac continuant de faire le mauvais, je sus le trouver avec notre « truchement »& lui parlais d’abord en terme civil. Mais voyant qu’il n’en faisait point de cas & qu’il fallait lui parler d’une autre sorte, je l’intimidais si bien par les menaces que je lui fis d’envoyer en exprès à la Porte pour me plaindre de son rude procédé envers deux Gentilshommes parents de l’Ambassadeur de France que des deux cents ducats qu’il nous demandait par tête, il se contenta de cinquante pour le tout, qui lui firent aussitôt portés. Pendant ces quinze jours de retardements nous eûmes cette petite consolation de faire très bonne chair. Le pain, le vin, les viandes, tout est  excellent & à bon marché en ce lieu-là, & Belgrade étant bâtie à une pointe de terre où deux grandes rivières le Danube et la Save se viennent joindre, il s’y prend une si grande quantité de grands brochets et de grosses carpes, que nous ne mangions que les foies & les laitances, donnant le poisson aux pauvres gens. Deux pères Jésuites Chapelains des marchands de Raguse contribuèrent beaucoup à dissiper le chagrin que ces Messieurs avaient du retardement que l’injustice du Sangiac apportait à leur voyage. Les marchands mêmes ne se contentèrent pas des bons offices qu’ils leur avaient rendu en plusieurs occasions, ils y ajoutèrent une collation magnifiques où ils les invitèrent la veille de Noël ; après quoi ils furent à la messe de minuit, qui fut accompagnée d’une musique et d’instruments qu’ils trouvèrent assez bonne… »

Jean-Baptiste Tavernier, Les Six voyages de Jean-Baptiste Tavernier, Écuyer Baron d’Aubonne, en Turquie, en Perse, et aux Indes, Suivant la copie, Imprimé à Paris. l’An 1679 (1692). Première édition publié à Paris en 1676 chez GERVAIS CLOUZIER et CLAUDE PERRON. Le livre est dédié à Louis XIV.    

Notes :
1 Nom allemand de la ville hongroise de Györ, située sur un bras du Danube et au confluent de la Rába (Raab) et de la Rábca avec celui-ci.
2 En français ancien
3 Pacha turc de Buda
4Komárno, forteresse danubienne autrefois sur le territoire hongrois (aujourd’hui en Slovaquie), au confluent du Váh avec le Danube, une des pièces maitresse de la défense de Vienne contre les Ottomans. Elle fut âprement disputée et perdue malgré tout à plusieurs reprises puis reconquise. Elle fut également surnommée « la Gibraltar » de l’Empire autrichien.
5 Philippe de Harlay, comte de Césy (1582-1632), ambassadeur de Louis XIII à Constantinople de 1619 à 1640 (1641).
6 Petite galère, galiote ou tschaïque armée naviguant à la rame et/ou à la voile. Cesbateaux étaient adaptés pour remonter le Danube en jouant avec les contre-courants. 
7 Militaires à cheval qui sévissaient le long de la frontière entre les deux empires.
8 Corps de cavalerie turque.
9 Auberge turque en général peu avenante si l’on en croit la description de nombreux voyageurs européens des siècles passés.
10 République de Raguse (Dubrovnik en Croatie). Elle exista de 1358 à 1808 et fut  très active sur le plan commercial . Elle bénéficiait d’accords commerciaux privilégiés avec l’Empire ottoman à cette époque.
11 Sandjak, entité administrative de l’Empire ottoman

Danube-culture, © droits réservés, mis à jour juin 2023

Jean-Baptiste Tavernier, gravure de Tardieu, 1817

Stefan Zweig : un voyage sur le Danube il y a deux cents ans…

  « Le médiateur pacifique de l’Orient et de l’Occident »

   Dans cet article sont perceptibles l’émotion et l’admiration de l’écrivain pour l’un des plus beaux ouvrages jamais publié consacré au Danube et à son patrimoine naturel et culturel, « l’Atlas du cours du Danube avec les plans, vues et perspectives des villes, châteaux et abbayes qui se trouvent le long du cours de ce fleuve, depuis Ulm jusqu’à Widdin ; dessiné sur les lieux, fait en 1751″, et dont l’un des auteurs, du moins pour les illustrations, semble être le peintre paysagiste du nom de Franz Nikolaus von Sparr (François-Nicolas Sparr de Benstorf, 1696-1774), accompagné du cartographe Carl Johan von Redel.

Stefan Zweig (1881-1942)

   Si l’écrivain loue sans réserve « la vision homogène et significative » de l’auteur de cet atlas « intelligent et distrayant », la cohérence harmonieuse du paysage avec le fleuve qui forment ensemble un tout harmonieux et animé d’une seule âme, il s’agit pourtant pour lui d’un paysage désormais étranger même si « le Danube est resté le même » depuis cette période. Le fleuve a pourtant subi de la part des hommes précisément ses plus grandes transformations depuis la deuxième moitié du XIXe siècle mais S. Zweig ne les prend pas en considération. Il semble déconcerté, dérouté par d’autres métamorphoses. Ces propos profondément affecté par la situation douloureuse et la confusion dans laquelle se trouve son pays, les territoires danubiens et tout le vieux continent à cette époque (1917), témoignent déjà de son imprégnation d’une forte nostalgie du passé, d’un monde d’avant, de mélancolie et d’une profonde inquiétude qui le conduiront lentement, inexorablement vers le suicide dans son exil brésilien un 22 février 1942.
Curieusement, à la fin de son article, S. Zweig situe par erreur (?) les sources du Danube en Suisse : « … jusqu’à la Suisse où il prend naissance. » Étonnante « distraction » de la part d’un écrivain considéré comme l’un d’un des auteurs les plus érudits de l’histoire de la littérature européenne.

Premier numéro de l’éphémère revue fondée et publiée par Paul Siebertz et Alois Veltzé Donauland illustrierte Monatschrift

«Quelque part, au milieu de notre production littéraire récente, on peut trouver un ouvrage intelligent et distrayant au joli titre prometteur : L’art de voyager en restant à la maison. Il y est décrit d’une façon au plus haut point récréative comment, allongé sur son canapé, un cigare aux lèvres, un guide touristique ou une carte à la main, il est possible de faire de superbes excursions, sans autre véhicule que son imagination vagabonde. Bien sûr, cela vous est expliqué dans le détail, le cavalier doit posséder un cheval, et meilleur est ce cheval, plus il ira loin, et par ce cheval l’auteur quelque peu prolixe désigne le livre. Cette manière commode de voyager au moyen de livres et d’images est un art qui, s’il doit être inné, peut pourtant être favorisé avec le plus grand bonheur par une étude assidue, et certains y réussissent si bien qu’un aride Baedeker ou une douzaine de cartes postales coloriées les transportent déjà à des lieux de leur domicile dans un univers étranger qu’ils n’ont jamais vu.
Or, ce charme inhérent à un voyage effectué chez soi devient tout à fait fantastique quand on échange non seulement son propre espace contre un monde étranger mais en outre le présent contre le passé. Car soudain on se met à vivre dans des maisons inconnues, depuis longtemps disparues, on chemine vêtu de costumes fanés, oubliés, on se déplace dans de petites diligences ou de petits bateaux à voile, on respire l’air desséché de siècles écoulés, et c’est un jeu excitant de confronter sans cesse cette époque et soi-même au temps présent. Que l’on accompagne Marco Polo en Chine ou lady Hamilton à travers l’Europe, de ces vieux infolio s’exhale toujours une vie animée et une ivresse face à l’immensité du monde, le parfum enchanteur des horizons lointains et les chimères de l’inaccessible. Et, fait le plus curieux, ce qui dans ces ouvrages nous apparaît encore plus exotique et plus intéressant que l’Inde et les royaumes Mandchous, ce sont les objets appartenant à notre environnement immédiat, au nom familier, enracinés dans le même paysage, et pourtant rendus singuliers et attirants par les siècles. Rien n’est d’une lecture plus délicieuse qu’un voyage dans son propre passé.
Parmi ces guides à travers notre univers personnel, il en est un merveilleusement ancien et néanmoins actuel comme peu le sont, enveloppé par-dessus le marché du secret qui entoure les livres inédits : le bel in-folio à la somptueuse reliure de cuir conservé dans les archives de l’armée impériale et royale1 qui décrit un voyage sur le Danube en 1751 et dont cette revue montre pour la première fois au grand public quelques images. C’est un chef-d’oeuvre de réalisation technique que cet épais volume doré sur tranche comprenant des centaines de cartes dessinées, de perspectives et de vues manifestement commandées par le gouvernement impérial. Le joli titre (peint) en est : Atlas du cours du Danube avec les plans, vues et perspectives des villes, châteaux et abbayes qui se trouvent le long du cours de ce fleuve, depuis Ulm jusqu’à Widdin ; dessiné sur les lieux, fait en 1751. L’auteur n’est pas facile à déterminer. La dédicace magnifiquement écrite, en français, est de la main d’un certain Franz Nikolaus von Sparr ; pourtant, selon toute apparence, plusieurs artiste ont conjugué leurs efforts pour réaliser cet ouvrage parfait : un iconographe remarquable, auquel on doit de toute évidence les superbes rebords et l’ornementation ; un paysagiste qui dessina les sites d’après nature et un géomètre chargé des plans des fortifications et de la cartographie. Quelques indices révèlent bien l’existence de multiples auteurs : une des feuilles, le plan de Presbourg, n’est pas signée par ce Franz Nikolaus von Sparr, mais par un certain Carl Johann von Redel ; en outre, sur le panorama de cette même ville, ce que l’on voit, ce n’est pas l’autoportait d’un artiste unique : ils sont deux, assis paisiblement côte à côte sur un tronc d’arbre commun, face au paysage, avec leur feuille à dessin. L’exécution, elle aussi, témoigne de conceptions différentes. Le cartographe semble d’une exactitude rare, ses plans sont des modèles de netteté et de précision. Le paysagiste au contraire, sur un mode romantique, accorde plus d’attention à l’esthétique qu’à la ressemblance. Pour maints châteaux sur le Danube que nous connaissons aujourd’hui, comme Greiffenstein ou Aggstein, il fait se dresser les rochers, menaçants, jusqu’au bord du fleuve, il transforme un tourbillon, un ancien rapide, en une terrible cataracte — un Charybe et Scylla autrichien —, bref il incarne à la perfection l’esprit du baroque qui, dans sa recherche du Beau, ne craint pas l’exagération. Mais aussi quelle délicatesse, quelle grâce dans nombre de ses dessins d’une douce coloration sépia. Chacun d’eux est en lui-même une oeuvre d’art qui serait digne de figurer au nombre de ces monuments historiques grâce auxquels sont sauvées de l’oubli des choses depuis longtemps disparues et s’enrichit avec tendresse de l’histoire du pays.
Le voyage ne se déroule pas de la source à l’embouchure, mais en sens inverse, de Widdin à Ulm, au rythme des images. La première feuille contient une dédicace dans le goût de l’époque et dont le symbole peut-être encore valable pour la nôtre. Antique vieillard allègre, le Danube, avec des gestes soumis, s’avance vers l’impératrice et reine, vers Marie-Thérèse, et lui présente sa couronne et ses trésors. L’aigle de l’Autriche, les ailes déployées, veille sur cet hommage. Dans le fonds, au loin, on découvre la campagne autrichienne. Manifestement cette image, avec sa symbolique naïve, veut dire que le Danube reconnaît comme seul suzerain l’Autriche et comme unique maître légitime les Habsbourg. Sur la page suivante, une dédicace en français adressée à l’époux-empereur, Charles de Lorraine1, vient compléter avec éloquence ce dessin. Ensuite se déploie la carte du cours du Danube près de Nicopolis2 et de la région des fortifications de Trajan.
Et, fait curieux, surgissent à présent tous les noms, tous les lieux que notre actualité récente a rendus si célèbres dans le monde entier. Voici Lom Palanka, où les Bulgares traversèrent le fleuve, petite bourgade ceinte de remparts face aux routes menant à Craiova et à Orsova. Widdin scintille dans notre direction : c’est encore une véritable ville turque couronnée du croissant, sans la moindre croix, avec ses nombreux minarets pointus et les coupoles rondes des mosquées. Le voyage continue, et une curiosité, susceptible de revêtir une valeur particulière pour les chercheurs, s’offre à notre regard. Une peinture multicolore montre le pont de Trajan, dont la voûte soutenue par des piles de pierre dominait le Danube à l’époque romaine, près de Turnu-Severin — localité bien connue de tous également aujourd’hui —, l’une des merveilles du monde des siècles passés, désormais disparue. Un premier dessin reproduit ce pont d’après un vieux tableau de Jakob Leuw, tel que celui-ci l’avait vu en 1669. Les arches datant de Trajan se dressaient, solides, robustes, au-dessus du passage étroit du fleuve, praticables pour les chariots et les hommes ; comme au temps où les cohortes romaines partaient en campagne contre les Scythes et les hordes des invasions barbares. Si, sur le tableau réalisé sur place par notre auteur moins de cent ans plus tard, en 1750, on ne découvre plus que les ruines de cette imposante construction, les piles sont toujours plantées, encombrantes, dans l’eau, et plusieurs fragments ont conservé leur cintre avec son épigraphe, un morceau de la Rome antique maintenant réduit en poussière.
Le voyage se poursuit vers l’ouest, des contrées actuellement en guerre jusqu’à la vieille ville-frontière hongroise d’Orsova, dont l’île fortifiée est représentée par de ravissantes aquarelles. Semendria3, dessinée en 1738, est comme en ce moment un bivouac. Des tentes sont montées, des cavaliers en armes avancent au trot et le château pointe ses canons menaçants. Mais la principale forteresse à l’est semble bien avoir été, déjà à l’époque, Belgrade, car ce livre ne nous offre pas moins de six tableaux et deux cartes splendidement dessinées et travaillées jusque dans le plus infime détail. Une partie des illustrations a été réalisée en pleine guerre pendant le siège de la ville par les Turcs, et la silhouette de maint édifice bien connu aujourd’hui du grand public grâce à la reproduction de photographies récentes se découpe déjà sur un paysage étrange, mi-oriental, mi-européen.
Les images du Danube affluent toujours plus près de nous, les noms nous sont de plus en plus familiers. Voici Peterweiden, la forteresse avec ses redoutes et ses murailles, Budapest, ou plutôt Ofen4, qui alors n’était pas encore la capitale et le coeur de la Grande Hongrie, puis Waitzen5, Visegrad, avec les ruines du vieux château, Gran6, Komorn7 et Raab8, et finalement Presbourg9, la «capitale, résidence et ville du couronnement en Haute-Hongrie». Ensuite, on s’approche rapidement de Vienne. Wiener-Neustadt, Ebenfurt, Altenburg, Hainburg, tous ces noms font partie de notre univers ; enfin nous arrivons.
La feuille somptueusement ornée où est représentée Vienne a déjà (c’est la seule de cet ouvrage) été publiée dans la revue autrichienne d’archéologie et elle a été dotée d’une description très détaillée. Même si, ici aussi, l’artiste s’est laissé porter par une imagination quelque peu romantique pour ce qui est des volumes et des proportions, d’un point de vue purement graphique cette feuille capitale au dessin minutieux est une réalisation hors du commun. Les environs de Vienne sont également présents, de façon remarquable, avec Enzersdorf, le Kalhenberg, Korneuburg et Klosterneuburg, mais combien ils sont encore loin de la ville !
Et maintenant, promenade dans la Wachau deux cents ans plus tôt. Dépassant Tulln, on se dirige vers Spitz, Stein et Krems où un pont de bois enjambe le Danube et où des chalands vieillots, assez semblables à ceux des lacs de la Haute-Autriche, montent et descendent gaiement le fleuve, vers les beaux châteaux de Göttweih10, Wolfsberg, Aggsbach et Aggstein. On peut voir encore ici l’aspect originel de tous ces magnifiques édifices, à l’heure actuelle pour la plupart en ruine ou défigurés par l’ambition d’architectes prétendant les perfectionner en les remettant au goût du jour. Schönbichel et Dürnstein, réduits à présent à l’état de décombres, sont à peine reconnaissables sur cette image. Seule Melk, cette merveille, n’a rien perdu de sa splendeur. On continue, à travers la contrée des Nibelungen, depuis Pöchlarn, Persenbeug, en remontant un Danube de plus en plus étroit jusqu’aux célèbres tourbillons de Grein, où jadis des rapides dangereux menaçaient le marin inexpérimenté. Ici le peintre romantique qu’est Franz Nikolaus von Sparr a réalisé un tableau d’une sauvagerie effroyable. En un parcours sinueux, le Danube se précipite, écumant, autour des rochers, et les petites embarcations se fraient avec peine un passage à travers ce site dominé, en guise d’avertissement, par le symbole funèbre de la croix. Bientôt réapparaissent des domaines plus sereins. C’est un plaisir chaque fois aussi excitant de voir toutes les petites cités, les charmantes bourgades et les villages de la haute Autriche, Freienstein, Mautthausen, et enfin Linz, qui à l’époque sentait encore délicieusement sa province. À Passau, nous quittons le territoire autrichien pour pénétrer en Allemagne, non sans avoir au préalable contemplé quelques beaux paysages et les villes situées sur les affluents, comme Salzbourg, Landau, Landshut, Ingelfingen, Pfaffenhofen, Achau, Straubing. Avec une superbe opiniâtreté, le dessinateur se lance à la poursuite du Danube sur ses chemins toujours plus étroits et montagneux vers Ingolstadt, Neuburg, Donauwörth, Ulm, jusqu’à la Suisse où il prend naissance [sic !] et où l’in-folio s’achève.
Le voyage à travers cette centaine de sites est terminé et, lorsqu’on se détache de ces feuilles pleines de délicatesse afin d’observer notre monde métamorphosé, en proie à la confusion, on pense d’abord, stupéfait, avoir été transporté dans un endroit parfaitement étranger, tant le contraste entre notre temps et le siècle d’alors est curieux. Et pourtant, le Danube est resté le même, le paysage est identique et on ne peut que mieux saisir par le biais de la comparaison leur âme et leur cohérence quand on constate que, il y a deux cents ans déjà, un artiste autrichien a eu une vision homogène de ce fleuve, de sa source à son embouchure, de l’Allemagne à l’Empire ottoman. Son regard n’est plus le nôtre, nous voyons et nous ressentons aujourd’hui le cours du Danube et les régions traversées par lui d’un oeil plus vigilant que ce baroque à l’âme romantique ; néanmoins, sa vision homogène est significative et peut servir d’exemple à une époque dont le premier désir assurément est que ce fleuve cesse d’être divisé par des frontières en empires, et qu’il devienne l’artère principale d’une Europe centrale unie, le médiateur pacifique de l’Orient et de l’Occident.

Stefan Zweig, Auf Reisen, (En Voyage), « Un Voyage sur le Danube », Éditions Belfond, Paris, 2000

Franz Nikolaus von Sparr von Benstorf (1696-1774)
Franz Nikolaus (François-Nicolas) von Sparr naît à Pont-à-Mousson le 16 novembre 1696, alors dans le duché de Bar, sous le nom de François Nicolas Benstorf, fils d’Yves Augustin Benstorf dit l’Allemand, marchand, et de Marie-Anne Florentin. Sa famille séjourne à Lunéville (duché de Lorraine) vers 1705-1707. En 1736, François III (1708-1765), duc de Lorraine et de Bar, épouse Marie-Thérèse de Habsbourg  (1717-1780) et F.-N. von Sparr fait partie des quelques artistes qui accompagnent celui-ci à Vienne où, suite à son anoblissement, il prend le nom de « Benstorf, comte de Sparr » ou « Sparr von Benstorf ». F. N. von Sparr von Benstorf est ensuite envoyé en mission sur les bords du Danube, mission à l’occasion de laquelle il prépare avec l’aide du cartographe Carl Johan von Redel un  « Atlas du cours du Danube avec les plans, vues et perspectives des villes, châteaux et abbayes qui se trouvent le long du cours de ce fleuve, depuis Ulm jusqu’à Widdin ; dessiné sur les lieux, fait en 1751« . On connaît également de lui plusieurs volumes et dessins isolés, constitués de cartes géographiques et représentations de diverses forteresses, datées de 1718 à 1743, et conservées aux Archives de la Guerre de Vienne.
Restant au service des Habsbourg, il accompagne Charles-Alexandre de Lorraine (1712-1780) nommé gouverneur des Pays-Bas en 1741 et devient bibliothécaire à Bruxelles en 1750. Il meurt semble-t-il dans la pauvreté et sans descendance le 14 février 1774.
Son « Atlas du cours du Danube avec les plans, vues et perspectives des villes, châteaux et abbayes qui se trouvent le long du cours de ce fleuve, depuis Ulm jusqu’à Widdin ; dessiné sur les lieux, fait en 1751 » est mentionné dans le catalogue de S. Hohensinner sous le n° 217 et la référence : SPARR, F. N., M:?, 4 Photos, Wiener Stadt u. – Landesarchiv, Sandort 511/75/7, Sign. 472.

Notes :
1 Kriegsarchiv Wien [KA] Kartensammlung [KS] BIXb 113
2 En réalité, Charles était le prénom du père de Marie-Thérèse ; son mari était François de Lorraine. (N.d. T.)
3  Nikopol, petite ville de Bulgarie
4 Semederovo, aujourd’hui en Serbie
5 Buda
6 Vác (Hongrie) 
7 Esztergom (Hongrie)
8 Komárom (Hongrie) et Komárno (Slovaquie), ville identique de part et d’autre du Danube mais qui fut partagée par le traité de Trianon.
9 Györ (Hongrie)
10 Bratislava
11 L’abbaye bénédictine de Göttweig sur la rive droite, à l’entrée sud de la Wachau (Autriche)

Sources :
HOHENSINNER, Severin, Bibliografie historischer Karten und Literatur zu österreichischen Flusslandschaften (Materialien zur Umweltgeschichte Österreichs 3), Wien, 2015,
ZWEIG, Stefan, Auf Reisen, Feuilletons und Berichte, Fischer Klassik, 2009
ZWEIG, Stefan, En Voyage, « Un Voyage sur le Danube » Éditions Belfond, Paris, 2000

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour juin 2023

Le canal de Marchfeld : du Danube à la Morava (March)

 Sa vocation est également de stabiliser et d’améliorer les conditions hydrologiques des eaux souterraines et de celles de surface avec l’aide de stations d’épuration.

Source Société du canal de Marchfeld

   Cet ouvrage, alimenté par les eaux du Danube et long de 19 km, part de Langenzersdorf, sur la rive gauche, en amont du bras du nouveau Danube et de l’île du Danube (Donauinsel), traverse une région frontalière1 qui fut d’une haute importance stratégique par le passé et le lieu de batailles historiques2.

Le canal de Marchfeld, photo © Danube-culture, droits réservés

Cette région se situe en aval de Vienne, au nord-est de la capitale, sur la rive gauche. Ses terres alluvionnaires sont propices à l’agriculture. Le Marchfeld souffrait toutefois d’un important déficit en eau en raison d’une faible pluviosité et d’un dense réseau de captage d’eaux souterraines (nappes phréatiques) dont le niveau, de ce fait et en raison des conséquences de la régulation du fleuve, baissait régulièrement. Les travaux de construction ont commencé en 1984 nécessitant la réalisation de 45 ponts. Le canal est entré en service en 1992.

Le « Feldwegbrücke Tilakstraße, se trouve près de la Bernhard-Bolzano-Gasse dans le quartier de Stammersdorf, dans le XXIe arrondissement de Vienne à Floridsdorf.
Le pont de 29 mètres de long et de 4 mètres de large, a été construit en 1988, photo droits réservés

La passerelle Felix Slavik sur le canal de Marchfeld se trouve près de la Tulzergasse ou de la Gschweidlgasse dans le quartier de Großjedlersdorf, dans le XXIe arrondissement de Vienne, Floridsdorf. La passerelle de 28 mètres de long et de 4 mètres de large sur le canal de Marchfeld a été construite et inaugurée en 1995, photo droits réservés

   Ce canal est le premier premier tronçon d’un réseau d’environ 100 km qui irrigue cette région et qui comprend, outre le canal de Marchfeld, la rivière Rußbach (71 km), alimentée par ce même canal et confluant avec le Danube en face de Hainburg, le canal d’Obersiebenbrunner (6 km) reliant le Rußbach et le Stempfelbach (32 km), un affluent de la March (Morava) et sous-affluent du Danube.

Le confluent de la Russbach avec le canal de Marchfeld sur le territoire de la commune de Deutsch Wagram, photo droits réservés

   Cette voie d’eau est désormais également une zone de loisirs et de découverte de l’environnement grâce aux pistes cyclables aménagées le long de son cours mais la baignade y est interdite. La navigation des embarcations dépourvues de moteur y est par contre autorisée.

La piste cyclable du canal de Marchfeld mène du Danube jusqu’au pont-passerelle de la liberté au-dessus de la March (Morava) à la frontière slovaque et à Bratislava (source Société du canal de Marchfeld)

Notes :
1 Ce qui explique que les ouvrages qui le franchissent soient équipés d’un dispositif militaire.
2 Bataille de Dürnkrut et Jedenspeigen (1278) entre le roi Ottokar II Přemysl de Bohême (vers 1230-1278) et l’empereur Rodolphe de  Habsbourg (1218-1291) qui vit la mort du premier et la victoire du second.
En 1809 eut lieu à Aspern-Essling et dans les environs, sur l’île de la Lobau, une bataille entre les troupes napoléoniennes et autrichiennes. La victoire échut cette fois aux armées autrichiennes commandées par l’archiduc Charles de Habsbourg (1771-1847) après un affrontement qui fait de nombreuses victimes parmi lesquelles le dévoué maréchal de Lannes (1769-1809), « le plus brave de tous les hommes » selon Napoléon.

www.marchfeldkanal.at (en allemand)
Eric Baude, © Danube-culture,  mis à jour juin 2023, droits réservés

Un oasis de verdure et de biodiversité aux portes de Vienne, photo © Danube-culture, droits réservés

Vienne et le vin : un art de vivre !

Le Viennois est aussi fier de ses vignobles que de l’histoire de sa ville et de son patrimoine musical. Wien est d’ailleurs un anagramme du mot vin en allemand (Wein). Il attribue volontiers à la présence du vin son sens de l’art de vivre, sa sensibilité, sa forme d’humour et d’esprit spécifiques, voire quelquefois sa supériorité ! Vienne se rattache via le vin à la civilisation latine et son histoire se confond aussi avec celle de la vigne. C’est l’empereur romain Probus (232-282) qui autorisa les légionnaires du camp de Vindobona à planter des vignes à proximité du Danube. Il n’est toutefois pas impossible que la culture de la vin puisse remonter encore plus loin, c’est à dire à l’époque des Celtes (400 avant J.-C.). La colline du Leopoldsberg aujourd’hui en partie couverte de vignobles, pourrait avoir abriter un oppidum celte. Vienne s’appelait alors Vedunia (transformé en Vindobona par les Romains) ce qui signifie en celte « ruisseau de forêt » ce qui convenait parfaitement à la petite rivière Vienne qui prend sa source dans la Forêt-Viennoise (Wienerwald) et descend ensuite vers le Danube et son canal dans laquelle elle  conflue au centre de la capitale autrichienne.

Vignobles du côté de Grinzing au sortir de l’hiver avec en arrière-fond les  gratte-ciels de Donaustadt, photo © Danube-culture, droits réservés

Le vignoble viennois occupe une superficie d’environ 700 hectares (Vienne s’étend sur 414,6 km2) exposés vers le sud pour la plupart et se répartissent sur les coteaux des Kahlenberg et Leopoldsberg qui surplombent la rive droite du Danube, dans les quartiers de Nußdorf, Grinzing (joli village de vignerons attesté depuis le Xe siècle), Sievering, Heiligenstadt, Salmannsdorf, sur les pentes du Bisamberg au nord du Danube (rive gauche), à Stammersdorf, Strebersdorf et Jedlersdorf, favorables au cépages bourguignons. On trouve encore des vignobles au sud de la capitale, à Mauer, Kalksburg sur les pentes du Laaer Berg et au-delà.

Le plus petit vignoble de la capitale et d’Autriche se trouve place Schwarzenberg, photo © Danube-culture, droits réservés

Le plus petit vignoble viennois (100 m2), datant de 1924 et planté en Gemischter Satz (mélange de différents cépages), se cache en plein centre ville. Il faut pour le découvrir se rendre au numéro 2 de la place Schwarzenberg devant le palais de l’archiduc Louis Victor. Les quelques rangs de vigne sont dissimulés derrière une balustrade et presque invisibles à l’oeil des touristes. Le vignoble produit 50 à 60 kilos de raisin annuellement. La cinquantaine de bouteilles issues des vendanges est vendue lors d’une manifestation caritative à l’Hôtel de ville de Vienne au mois de décembre.
On dénombre plus de 600 vignerons et quelques 180 Heuriger (caveaux) sur le territoire de la commune pour une production totale avoisinant les 25 000 hectolitres dont 21 000 de vins blancs (2016).

La Poste autrichienne a elle aussi rendu hommage au Gemischter Satz viennois, photo droits réservés

Les cépages :
Le Gemischter Satz, représentant 30 % de la surface totale du vignoble. Cette tradition remonte à la Renaissance et bénéficie de l’appellation prestigieuse D.A.C. (Districtus Austriae Controllatus) depuis 2013. Elle consiste à cultiver des cépages différents de vins blancs sur une même vigne et à les vendanger en même temps. Il peut y avoir de deux minimum jusqu’à 20 cépages différents ! Le Gemischter Satz symbolise l’esprit du vin blanc viennois par excellence, léger ou complexe, toujours fruité et généreux en arômes. Sont cultivés également sur le vignoble viennois les Grüner Veltliner, Neuburger, Riesling, Weißburgunder, Ruländer (pinot gris) Morillon (Chardonnay), Sauvignon blanc, Traminer, (Gelber) Muskateller, pour les blancs, Zweigelt, Merlot, Pinot noir (Blauburgunder) et Cabernet Sauvignon (rare !) et des Cuvées (vins rouges d’assemblage) comme le Danubis Grand Select, un grand vin rouge viennois du vigneron Fritz Wieninger (Stammersdorf). Certains vignerons ont implanté ces dernières années de nouveaux cépages (Shiraz…) ou proposent, pour s’adapter à la mode des vins rosés, parfois pétillants (Weingut Walter, Strebersdorf) à la jolie robe issus généralement du cépage Blauer Zweigelt, des vins blancs champagnisés ou des vins liquoreux de vendange tardive (Beerenauslese).

Place Schwarzenberg, photo © Danube-culture, droits réservés 

Les Heuriger et Buschenschank :
Les vins blancs viennois secs se boivent pour la plupart jeunes (1-3 ans) et sont servis habituellement dans des verres en Achtel (un huitième de litre), Viertel (un quart), en carafe (d’un litre ou de deux litres) ou à la bouteille. Dans les dégustations, on sert également des Sechzehntel (1 seizième = 6,5 cl). Ces vins se dégustent traditionnellement entre amis ou en famille dans les fameux Heuriger, au sein de leur cour aménagée en guinguette, dans les jardins et tonnelles, assis à des grandes tables et bancs en bois au confort assez rudimentaire ou encore au milieu des vignes dans les Buschenschank, ouverts seulement quelques semaines par an. Dans ces guinguettes à l’atmosphère bon enfant et conviviale se côtoient, dans un joyeux brouhaha, toutes les classes sociales viennoises auxquels se joignent désormais des touristes du monde entier de plus en plus nombreux. Réglementés par un édit de l’empeureur Joseph II en 1784, les Heuriger se reconnaissent facilement de la rue à la perche couronnée d’un bouquet ou de branches de pin marquant leur entrée et le droit de servir du vin et du Sturm, vin de l’année et en cours de fermentation.

Dument autorisé par l’empereur Joseph II, photo © Danube-culture, droits réservés

Les Viennois savourent souvent ainsi le plaisir partagé de bipperln (boire en dialecte viennois) quelques Achtel ou de partager a Lita (carafe d’un litre) ou même si on est assez nombreux de commander a Doppla (deux litres) de Gemischter Satz ou de Grüner Veltliner, Riesling, Sauvignon blanc, Chardonnay, de Cuvée (rouge), de déguster en plein air éventuellement quelques plats typiques présentés sous forme d’un Buffet (ici c’est plutôt la cuisine qui accompagne le vin !) et de goûter aux charmes des dernières douces soirées de l’automne ou des beaux jours revenus du printemps.

Frontispice de la valse de Johann Strauss « Wein, Weib und Gesang (« Aimer, boire et chanter »), pour choeur d’hommes et orchestre, opus 333, 1869, Wien Verlag C.A. Spina, collection de la Bibliothèque de la ville de Vienne

« Pour connaître vraiment l’âme viennoise, mieux vaut chercher entre Grinzing et Nußdorf un Heuriger non frelaté — ils sont, Dieu merci, encore nombreux—, ou bien pousser plus loin jusqu’à Sievering, un peu plus en dehors des sentiers battus. Partout on trouvera la même gaité sans vulgarité ni tapage, la même retenue aussi jusque dans l’épanchement, avec l’art d’éluder l’émotion par un sourire ; la sociabilité viennoise reste toujours de bonne compagnie, ne verse jamais dans la crapule ou dans le mélodrame. C’est qu’on ne soûle pas dans un Heuriger ; tout au plus s’y grise-t-on, juste assez pour atteindre cet état vibratoire où la sensibilité oscille incessamment entre euphorie et mélancolie. Au reste, les Viennois ont un instinct très sûr du moment où il convient de dire Servus, formule d’adieu familière du dialecte local qui équivaut à notre ancien « Serviteur ». Si la qualité d’une société se mesure à sa façon de s’amuser, il faut convenir que le Heuriger, qui conjugue des qualités que l’on pourrait croire incompatibles —simplicité paysanne, expressivité en demi-teintes, urbanité—, témoigne d’un raffinement et d’une originalité aujourd’hui presque uniques dans une Europe qui s’abrutit et perd toute saveur. »
X. Y. Lander, Vienne, « Plaisirs de table », Points Planète Seuil, Paris, 1989
Les Heuriger sont aussi des lieux où l’on peut entendre, interprétée par des chanteurs et d’excellents interprètes en formation de trois, quatre voire cinq musiciens composée d’un ou deux violons, d’une contre-guitare (un instrument typiquement viennois !) d’un accordéon, d’une petite clarinette en sol (au son inimitable surnommée dans leur dialecte par les Viennois « Picksüaßen Hölzls » qu’on pourrait traduire en français par quelque chose comme « une délicieuse friandise boisée »…), de la « Schrammelmusik« , un style de musique viennoise extrêmement populaire à la fin du XIXe/début du XXe dans les auberges de Nußdorf, un village de la banlieue de la capitale, qu’affectionnait, parmi bien d’autres célébrités, Johann Strauss fils et ses frères et sans lequel Vienne ne serait pas tout à fait Vienne. Cette musique doit son nom à Johann Schrammel (1850-1893) à son frère Josef (1852-1895) qui lui donnèrent ses lettres de noblesse. Quelle Viennoise ou Viennois n’a pas entendu dans ces lieux conviviaux au moins une fois dans sa vie la chanson « Wien bleibt Wien! », (Vienne sera toujours Vienne !), la « Kronprinz Rudolph-Marsch » (la Marche du Prince héritier Rodolphe) ou encore « Weana Gmüath« . Le vin et Vienne sont deux des thèmes les plus prédominant de ce répertoire de Schrammelmusik.

Le Schrammel quartett (1890)  

Eric Baude, Danube-culture, mis à jour juin 2023, © droits réservés

Le Vocabulaire indispensable à connaître lors d’une visite d’un « Heuriger » viennois ou autrichien

Aus’gsteckt (is) = buisson, une couronne ou enseigne qui se trouve au-dessus au-dessus de l’entrée d’un Heuriger et qui signifie que la soif sera bientôt étanchée !
Beusch(e)l = poumon
Blunze/Blunzn = boudin noir
Brauner (kleiner/gross Brauner) = un grand ou petit café avec du lait, le café viennois par excellence !
Brösel = mie de pain, chapelure
Bucht(e)l = pâtisserie, beignets à la vapeur
Burenhäutel = Burenwurst, spécialité de saucisse, classique dans les stands de rue spécialisés
Doppler (« Doppelliter ») = 2 litres de vin
Eierschwammerl = chanterelle ou girolle
Eierspeise = œufs brouillés
Erdäpfel = pomme de terre (Kartoffeln en allemand)
Essigwurst = saucisse aigre, généralement saucisse supplémentaire dans une marinade au vinaigre/huile
Faschiertes = viande hachée

Heuriger « Zum Berger », photo droits réservés

Faschierte Laibchen = boulettes de viande
Fleckerln = pâtes autrichiennes
Fleischlaberl = fricadelle, boulette
Frankfurter = on entend par là à Vienne saucisses viennoises !
Frittaten = garniture de soupe, crêpes coupées en petites bandes étroites qui garnissent les bouillons
Geselchtes = viande fumée
Gespritzter ou G’spritzter = Schorle (50% d’eau pétillante, 50% de vin blanc ou rouge).
Signifie en argot une personne « singulière ». Si l’on utilise de l’eau minérale, on parle alors d’un « mélange ».
Sommerg’spritzter = G’spritzter avec plus de soda que de vin (2/1 ou 3/1)
Kaiserg’spritzer = G’spritzter avec un peu de sirop de sureau
Obi g’spritzt = jus de pomme avec une eau pétillante
Golatsche = pâtisserie autrichienne de forme carrée avec une pâte proche de la pâte feuilletée, fourrée de « topfen » (fromage blanc) ou de powidl (purée de pruneaux) ou de fruits divers.
Grammeln = lardons
Grieskoch = bouillie de semoule
Gug(e)lhupf = gâteau de forme et de goût assez proche du Kougelhopf alsacien
Haaße = saucisse chaude cuite dans l’eau
Häupt(e)lsalat = salade verte
Hendl = poulet
Heurige Erdäpfel = (pommes de terre) de la récolte de l’année
Heuriger = caveau de vigneron proposant du vin issu de la récolte de raisin de l’année (en autrichien « heuer ») et d’autres boissons alcoolisées ou non. Se rencontre un peu partout en Autriche ou l’on produit du vin.
Käsekrainer = saucisse viennoise au fromage
Kartoffelpuffer = galette de pommes de terre
Kipferln = croissants
Kletzen = poires séchées
Knacker, Knackwurst = saucisse autrichienne de grosse taile
Knödel = boulette de pain (Semmelknödel)
Kohl = chou frisé
Kohlsprossen = choux de Bruxelles
Kracherl = limonade
Kren = raifort
Ein Krügerl = 1/2 litre de bière
Leberkäse = fromage de viande
Liptauer = pâte à tartiner à base de fromage blanc et d’épices
Melange = « café viennois » (avec de la mousse lait chaud)
Most = jus de raisin non fermenté (moût de raisin) ou jus fermenté de pommes et de poires (cidre)
Nockerln = Spätzle
Ober = serveur (dans les cafés) ; à ne pas confondre avec
Obers = crème, crème fraîche ou Obi = jus de pomme
Palatschinke = crêpe épaisse au chocolat ou autres ingrédients sucrés
Paradeiser = tomate
Powidltaschkerl = petite poche, spécialité à base de pâte de pommes de terre, roulé dans de la chapelure et servi avec du sucre.
Purée = bouillie
Ribisel = groseille
Rindsuppe= bouillon de viande
Roten Rüben = betterave rouge
Rotkraut = chou rouge
Saft = jus ou saucez aussi sauce pour des plats salés
Sauerrahm = crème aigre
Schlag, Schlagobers = crème fouettée
Scherz(e)l = 1. entame ou dernier morceau d’une miche de pain 2. morceau déterminé de viande de bœuf
Schopfbraten = rôti d’échine de porc
Schöberl = biscuit salé pour garnir une soupe
Schwammerl = champignon
Seite(r)l = 1/3 de litre
Stamperl = verre à eau-de-vie, 2 cl
Staubzucker = sucre en poudre
Stelze = jarret de porc (à Vienne, généralement rôti croustillant)
Surfleisch = viande salée, alternative à l’escalope viennoise classique en tant que « Surschnitzel ».
Sturm = stade de fermentation du jus de raisin en vin. Le terme vient peut-être du fait que la consommation excessive de ce dernier peut entraîner des tempêtes intérieures…
Tafelspitz = viande de bœuf maigre cuite, spécialité viennoise, accompagnement classique : Apfelkren (pommes avec du raifort) ou Erdäpfelgröst’l (rôti de pommes de terre)
Topfen = fromage blanc dont on fourre par exemple les Strudel
Zwetschkenröster = compote de pruneaux

Bibliographie sélective (en langue allemande) :
LANDSTEINER, Erich : « Wien – eine Weinbaustadt? » In: Peter Csendes, Ferdinand Opll (Hg.): Wien. Geschichte einer Stadt. Bd. 2: « Die frühneuzeitliche Residenz (16. bis 18. Jahrhundert) », hrsgg. v. Karl Vocelka, Anita Traninger, Wien-Köln-Weimar: Böhlau 2003, S. 141-146.
BAUER Martin: Weinbau und Urbanisierung im Niederösterreich des Spätmittelalters und der frühen Neuzeit (ungedr. Dipl.Arb.), Wien 2002
PERGER, Richard, « Weinbau und Weinhandel in Wien im Mittelalter und in der frühen Neuzeit ». In: « Stadt und Wein ». In: Beiträge zur Geschichte der Städte Mitteleuropas (Hg. Ferdinand Opll) 14 (Linz 1996), S. 207 ff.
ARNOLD, Arnold: Wiener Weinwanderwege, Wien: Deuticke 1996
TSCHULK, Herbert: « Weinverfälschung in alter Zeit », in: Wiener Geschichtsblätter 40 (1985), S. 119 ff.
TSCHULK, Herbert: Wein und Weinhandel im Wiener Raum im Hoch- und Spätmittelalter (Prüfungsarbeit IföG, 1983)
Herbert Tschulk: « Weinbau im alten Wien ». In: Wiener Geschichtsblätter 37 (1982), Beiheft 7
Elisabeth Lichtenberger, Die Wiener Altstadt. Wien: Deuticke 1977
Hans Pemmer: Schriften zur Heimatkunde Wiens. Festgabe zum 80. Geburtstag. Hg. von Hubert Kaut. Wien [u.a.]: Jugend & Volk 1969 (Wiener Schriften, 29), S. 103 f. (Weinverfälschung)Paul Harrer-Lucienfeld: Wien, seine Häuser, Geschichte und Kultur. Band 2, 2. Teil. Wien, 1952 (Manuskript im WStLA), S. 307 f.
Leopold Schmidt: Wiener Volkskunde. 1940, S. 56 f. (Weinlese)
Statistisches Handbuch für den Bundesstaat Österreich 17 (1937), Wien: Österreichische Staatsdruckerei 1937
Albert Elmar: « Ottakring und der Wein ». In: Geschichte der Stadt Wien 4, S. 104 ff.
Geschichte der Stadt Wien. Hg. vom Altertumsverein zu Wien. Wien: Holzhausen 1897-1918, Bände 2/2 und 4

Heuriger Weinbau Maria Grötzer, Nußdorf, photo droits réservés

 quelques (bonnes) adresses de vignerons viennois :
www.zumberger.wien

bioweingutlenikus.at

www.wienwein.at

www.weinstrauch.at

www.wieninger.at

www.weinbauobermann.at

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