Les affluents du Danube

Superficie du bassin versant et réseau hydrographique
La structure du bassin versant du Danube est déterminée par différents facteurs, géologiques, climatiques, morphologiques ainsi que par la densité et la typologie de la végétation.
Le Danube a un réseau conséquent d’affluents et de sous-affluents. Sur les 120 grands et moyens affluents qui le rejoignent, 34 sont (en principe) navigables sur une partie de leur cours.

Dans la partie initiale du cours du Danube (Haut-Danube, du PK 2783 au PK 1791) ce sont des ruisseaux et de petites rivières qui rejoignent le Danube et qui commencent à augmenter la superficie de son bassin versant.

La Stille Musel (14 km, bassin versant de 36, 46 km2) sur la droite de la photo, tout premier affluent du Danube sur la rive gauche, cinquante mètres en aval du confluent de la Breg et de la Brigach sur la commune de Donaueschingen, photo H. Zell, eigenes Werk

Du fait de pertes (infiltrations) importantes dans le sous-sol karstique du Jura souabe que le fleuve traverse en amont d’Ulm (Bade-Wurtemberg) et qui impactent également d’autres cours d’eau de ce massif comme la Breg elle-même, en amont de Donaueschingen, le jeune Danube se voit de plus amputé ponctuellement de la moitié de son débit au profit du bassin voisin du Rhin.

Le Danube à sec en aval de la commune d’Immendingen (Bade-Wurtemberg) et de ses pertes au profit du bassin du Rhin via des infiltrations dans le sous-sol karstique du Jura souabe, photo © Danube-culture, droits réservés

« Iller, Lech, Isar, Inn
Gehen zu der Donau hin ;
Altmühl, Naab und Regen
Kommen ihr entgegen »

Iller, Lech, Isar, Inn
Se dirigent vers le Danube
Altmühl, Raab, et Regen
Viennent à sa rencontre. »
Aide-mémoire pour les écoliers bavarois 

De modestes affluents viennent renflouer son lit en aval, ne compensant toutefois qu’en partie ces pertes conséquentes. Après la Blau (22 km), la Brenz (52 km), la Wörnitz (132 km), l’Altmühl (227 km), rivière désormais aménagée dans ses derniers 34 kilomètres en canal (canal Rhin-Main-Danube), la Naab (197 km) et le Regen (191 km) tous affluents de la rive gauche et sur la rive droite la Lech (256 km), l’Iller (147 km), deux affluents du Haut-Danube qui prennent leurs sources dans les Alpes calcaires septentrionales ainsi que la Vils (109, 9 km, rive droite), viennent confluer avec le Danube, toujours sur la rive droite, ses plus puissants contributeurs alpins ; l’Isar (292 km) puis le plus important d’entre eux, l’Inn en provenance de l’Engadine helvétique (518 km) qui fait plus que doubler le débit du fleuve et dont la magnifique confluence à Passau témoigne de son influence sur le Danube, déterminant le caractère alpin de celui-ci jusqu’à loin en aval, c’est-à-dire jusqu’à son confluent avec la Sava (rive droite), à la hauteur de Belgrade.

La confluence du Lech (256 km) avec le Danube en Bavière, affluent alpin de la rive gauche, photo Danube-culture, © droits réservés

   Sur son cours moyen (Moyen-Danube, du PK 1791 au PK 931) ce sont encore des rivières d’origine alpine comme l’Enns (349 km) et la Traun (153 km) qui viennent grossir le fleuve sur sa rive droite. Plus en aval, sur la rive gauche, la Morava (March 352/358 km selon les sources), en provenance des reliefs montagneux de la Moravie du Nord, conflue avec le Danube, après avoir déterminé sur la dernière partie de son cours la frontière tchéco-slovaque puis austro-slovaque sous les ruines de la forteresse de Devín (Theben). La Váh (406 km), la plus longue rivière de Slovaquie se jette dans le Danube sur la rive gauche à la hauteur de la ville frontière de Komárno-Komarom (PK 1766), appelée par le passée la « Gibraltar du Danube » à cause de ses fortifications destinées à protéger l’amont des invasions de toutes sortes, en particulier ottomanes. Le Hron (le Gran en hongrois, 298 km), l’Ipel’ ou l’Ipoly en hongrois (232 km) et plus loin la somptueuse Tisza (966 km) rejoignent ensuite le Danube toujours sur la rive gauche pendant sa traversée de la grande plaine pannonienne (Alföld).
Sur la rive droite, la Drava (Drau, 707 km) originaire du Tyrol italien, c’est-à-dire des Alpes, superbe rivière qui fait aussi office de frontière et dont le confluent crée une sorte de petite Amazonie danubienne en aval d’Osijek, capitale de la région croate de Slavonie, puis la Sava qui rejoint le Danube à la hauteur de Belgrade et la (Velika) Morava (185 km) contribuent considérablement à l’augmentation de son débit.

L’Ipel’ (Ipoly en Hongrois), affluent de la rive gauche, peu avant son confluent avec le Danube, photo Danube-culture © droits réservés 

Sur son cours inférieur (Bas-Danube, PK 931-0), le Danube reçoit, sur la rive gauche d’importants affluents en provenance des Carpates comme l’Olt (615 km), le Siret (706 km), le Pruth (953 km) qui fait office de frontière orientale de l’Union Européenne sur une grande partie de son cours.

Le Bas-Danube à la hauteur de la confluence du Siret (affluent de la rive gauche) et de la ville de Galaţi (Roumanie), photo © Danube-culture, droits réservés

Sur la rive droite, la Sava (944 km), la Drava (Drau, 707 km) et la (Velika) Morava (185 km) contribuent considérablement à l’augmentation de son débit.

   L’apport total des affluents de la rive droite sur l’ensemble du cours du Danube demeure nettement plus élevé, soit env. 66% pour la rive droite contre 33% pour la rive gauche.

Le bassin danubien : carte orographique et principales villes

En amont immédiat du confluent de l’Iller (PK 2 588), la superficie du bassin danubien est de 5 384 km2. Elle passe en aval de ce confluent à 7 530 km2. En amont du confluent de l’Inn (PK 2 225) la superficie du bassin est de 50 570 km2, et en aval de ce confluent, en intégrant celui de l’Inn, le bassin versant du Danube s’élève à à 76 605 km2. À Orşova (Roumanie), en amont du barrage des Portes-de-Fer (PK 955),  la superficie est de 576 000 km2.

Le Danube aménagé en lac de retenue depuis la rive serbe, en amont de l’usine hydroélectrique de Djerdap I, photo © Danube-culture, droits réservés

Le tableau ci-dessous reprend la liste des principaux affluents du Danube et quelques-unes de leurs principales caractéristiques. Les chiffres peuvent  légèrement varier avec d’autres sources.

affluents_du_danube

sources :
www.danubecommission.org

Longueur des principaux affluents et sous-affluents du Danube

Les chiffres varient parfois en kilomètres selon les sources. La Tisza (latin Tibiscus), affluent de la rive gauche et fleuve navigable sur une partie de son cours, bien qu’ayant ayant été considérablement aménagée au XIXe et au XXe siècle avec des coupures de nombreux méandres et une régulation d’une partie de son cours, reste aujourd’hui avec ses 966 km1 le plus long affluent du Danube devant le Pruth (953 km) et la Sava ou Save (944 km).

La Tisza à la hauteur de Szeged (Hongrie) prise par les glaces pendant l’hiver 2017,  photo © Beroesz, droits réservés

Quant à la Sava ou Save (latin Savus ou Saus), affluent de la rive droite avec un débit moyen de 1613 m3/s qui prend sa source dans les Alpes juliennes slovènes et se jette dans le Danube à Belgrade, elle est l’affluent de cette rive dont la contribution est la plus importante, soit environ le double de la contribution de l’Inn (745 m3/s) ou de la Tisza (814 m3/s).

Confluent de la Sava avec le Danube à la hauteur de Belgrade, photo © Rémi Jouan, droits réservés

Affluents de plus de 500 km, rive gauche
Tisza, 966 km, Prout (Pruth, Прут, Prut), 953 km (Commission du Danube 967 km, 989 km selon d’autres sources), Siret, 706 km (CD 726 km), Olt (latin Aluta), 615 km

Le Bas-Danube à la hauteur du confluent de l’Olt (PK 604) et de l’île Islazul Mare ou île Calnovǎţ, photo droits réservés

Le Pruth ou Prut ou encore Prout, Piretus dans l’Antiquité, Pireta en langue dace soit « scintillant »), dernier grand affluent du Danube de sa rive gauche et sur les rives duquel les armées russes et ottomanes se sont affrontées à plusieurs reprises, prend sa source en Ukraine dans les Carpates orientales.

Près du confluent du Pruth avec le Danube en 1887

Il détermine désormais sur une grande partie de son cours la frontière entre l’Ukraine (rive gauche) puis entre la Moldavie (rive gauche)  et la Roumanie, dessinant une des frontières orientales actuelles de l’UE. Pourtant la ligne de la frontière ne suit pas, à l’exemple de celle entre la Croatie et la Serbie, toujours rigoureusement le thalweg de la rivière. Mais à quels géographes et cartographes  doit-on le tracé singulier de cette frontière ?

Le Pruth dessinant la frontière entre l’Ukraine, la Moldavie et la Roumanie en amont de Giurgiuleşti, photo © Danube-culture, droits réservés

Les bassin du Siret et du Pruth, derniers grands affluents de la rive gauche du Danube, source ICPDR

Affluents de plus de 500 km, rive droite
Sava, 944 km (CD 940 km), Drava (latin Dravus), 707 km, Inn (latin Aenus), 518 km (Commission du Danube : 525 km)

Les rives de la Drava (Drau,707 km) en aval d’Osijek (région de Slavonie, Croatie) à la hauteur de sa confluence (PK 1382, 50) avec le Danube sur la rive droite et du Parc National de Kopacki Rit. Les deux cours d’eaux forment à cette hauteur un véritable delta à l’intérieur des terres, photo © Danube-culture, droits réservés

Sous-affluents de plus de 500 km, rive gauche
Mureş sous-affluent via la Tisza, 761 km, Crişul Negru, sous-affluent via la Tisza, 560 km

Le Siret (706 ou 726 km), quelques kilomètres en amont de sa confluence (PK 155, 05) avec le Danube sur la rive gauche, photo © Danube-culture, droits réservés

« J’ai envie de croire qu’à la minute où je suis venu au monde, mon premier geste a été d’embrasser la terre. Là-bas, dans le hameau de Baldovinești, sur l’embouchure du Sereth, la terre a sûrement dû se fourrer en moi, avec la violence de l’amour. Toute la terre! Toutes ses beautés ! »
Panaït Istrati, Pour avoir aimé la terre, Denoël et Steele, Paris, 1930, Gallimard, Folio, Paris, 1984

Affluents entre 300 et 500 km, rive gauche
Váh (latin Vagus), 406 km (CD 402 km), Ialomiţa, 417 km, Timiş, 359 km, Morava ou March (latin Marus), 352 km (CD 329 km), Argeş, 350 km, Jiu, 331 km (CD 339 km)

La confluence (PK 1880, 26) de la Morava ou March, 352 km, affluent de la rive gauche avec le Danube en amont de Bratislava, photo © Danube-culture, droits réservés

Affluents entre 300 et 500 km, rive droite
Iskar, 368 km (CD 360 km), Enns (latin Anisus) 349 km  

 Sous-affluents  entre 300 et 500 km, rive gauche 
Someş, sous-affluent via la Tisza, 415 km, Buzǎu, sous-affluent via le Siret, 325 km

Sous-affluents  entre 300 et 500 km, rive droite
Mur (Mura), sous-affluent via la Drava, 464 km, Drina, sous-affluent via la Sava, 346 km

La Mur ou Mura (464 km) à la hauteur de Murau (Styrie, Autriche), photo © Danube-culture, droits réservés

Affluents de moins de  300 km, rive gauche
Altmühl (le dernier tronçon de cette rivière a été intégré au canal Rhin-Main-Danube), 227 km, Caraş, 110 km, Hron (Garam en hongrois, Gran en allemand), 298 km, Ialpug, 142 km, Ipel’ (Ipoly), 232 km, Kamp, 153 km, Mostonga ou Мостонга en serbe, 70 km,  Naab, 196, 6 km depuis la source de la Waldnaab, (97, 5 km depuis le confluent de la Waldnaab avec la Haidennaab), 237 km, Nera, 124 km, Regen, 191 km2,  Vedea, 224 km, Wörnitz, 132 km

Le Hron (Garam en hongrois, Gran en allemand) à la hauteur de sa confluence avec le Danube (rive gauche, PK 1716), photo © Danube-culture, droits réservés

Affluents de moins de 300 km, rive droite
Raab ou Rába (latin Arrabo), 298 km, Isar, 292 km, Enns, 254 km, Osam, 205 km, Timok, 203 km, Morava ou Velika Morava, 185 km, Leitha, 180 km, Mlava ou Млава, 160 km, Traun (latin Truna), 153 km, Iller, 147 km, Ogosta, 147 km, Paar, 134 km, Sió (rivière canalisée et en principe navigable reliant le lac Balaton au Danube), 121 km, Rabnitz ou Rábca, 120 km

Dernier rayons de soleil hivernal sur la Rába (Raab), un affluent autrefois souvent pollué de la rive droite du Danube Mosoni, ici à proximité de la frontière austro-hongroise, photo © Danube-culture, droits réservés

La confluence (PK 2281, 71) de l’Isar (292 km), affluent de la rive droite du Danube,  photo © Danube-culture, droits réservés

Sous-affluents de moins de 300 km, rive gauche et rive droite
Amper, sous-affluent via l’Isar, 190 km, Arieş ou Aureus, Aranyos, sous-affluent via le Mureş, 164 km, Bahlui, sous-affluent via la Jijia et le Prout, Barcǎu, sous-affluent via le Crišul Repede et la Tisza, 163, 7 km, Bârlad, sous-affluent via le Siret, 289 km, Bega, sous-affluent via le Timiş, 254 km, Bistriţa, sous-affluent via le Siret, 290 km, Bodva, sous-affluent via le Sajó, 113 km,

La Bega canalisée à la hauteur de Timişoara (Banat, Roumanie), photo © Danube-culture, droits réservés

Bosna, sous-affluent via la Sava, 271 km, Bosut (Босут), sous-affluent via la Sava, 166 km, Brzava, sous-affluent via la Tamiş, 166 km, Čeotina, sous-affluent via la Drina, 91 km, Krasna, sous-affluent via le Prut, 193 km, Crişul Repede ou Sebes Körös, sous-affluent via la Tisza, 209 km, Dâmboviţa, sous-affluent via l’Argeş, 237 km, Dobra, sous-affluent via la Kupa et la Save, 124 km, Feistritz, sous-affluent via la Lafnitz, la Raab et le bras danubien de Moson, 115, 8 km, Gail, sous-affluent via la Drava, 122, 2 km, Glina, sous-affluent via la Kupa et la Sava, 100 km, Gurk, sous-affluent via la Drava, 157 km, Hornád, sous-affluent via la Slaná (Sajó en hongrois) et la Tisza, 286 km dont 193 km en Slovaquie et 118 km en Hongrie, Ibar (Ибар), Ibër/Ibri en albanais, sous-affluent via la Morava occidentale et la (Velika) Morava, 276 km, Ier ou Eriu sous-affluent via la Barcǎ, le Kőrős et la Tisza, 120 km, Jihlava, sous-affluent via la Thaya et la Morava tchéco-slovaque, 181 km, Jijia, sous-affluent via le Prut, 287 km, Tara, sous-affluent via  la Sava, 146 km, Južna Morava (Morava méridioniale), Јужна Морава en serbe, sous-affluent via la Velika, 295 km,  Kolubara, sous-affluent via la Sava, 87 km, Korana, sous-affluent via la Kupa et la Save, 144 km, Krivaja, sous-affluent via la Tisza, 109 km, Kupa ou Kolpa, sous-affluent via la Sava, 296 km, Laborec, sous-affluent via le Latorica, le Bodrog et la Tisza, 129 km, Lafnitz, sous-affluent via la Sulm, la Mur et la Drava, 63, 9 km, Lǎpuş, sous-affluent via le Someş et la Tisza, 119 km, Latorica ou Латориця/Latoryzja  en ukrainien, (Latorca en hongrois), sous-affluent via le Bodrog et la Tisza, 188 km, Lim, sous-affluent via la Drina et la Save, 220 km, Loisach, sous-affluent via l’Isar, 113,2 km, Morava, 295 km, Moldova, sous affluent via le Sereth (Siret), 237 km, Nišava ou Нишава en serbo-croate, sous-affluent via la Južna Morava, 218 km, Nitra, sous-affluent via le Váh, 167 km, Ondava, sous-affluent via le Bodrog et la Tisza, 146,5 km, Ouj (Uh en slovaque), sous-affluent via le Bodrog et la Tisza, 127 km (cette rivière a donné son nom à la ville ukrainienne d’Oujhorod), Malý Dunaj (Petit Danube ou Kis-Duna en hongrois), « sous-affluent » via le Váh, 128 km, Piva, sous-affluent via la Drina et la Sava, 34 km, Plazovi, rive gauche, 129 km, Prahova, sous-affluent via la Ialomiţa, 183 km, Saalach, sous-affluent via la Salzach, 106 km, Sajó, sous-affluent via la Tisza, 230 km, Salzach, sous-affluent via l’Inn, 225 km,

Confluent de la Salzach (à droite) avec l’Inn, photo Carsten Stegers, wikipedia, droits réservés

 Someşul Mare, sous-affluent via le Someş et la Tisza, env. 130 km, Spreča, sous-affluent via la Bosna et la Sava,env. 138 km, Suceava (Сучава en ukrainien), sous-affluent via le Siret, 173 km, Svratka, sous-affluent via la Thaya (Theiß) et la Morava (March),173,9 km, Târnava Mare, sous-affluent via le Mureş, 249 km, Torysa, sous-affluent via l’Hornád, 129 km, Uvac, sous-affluent via le Lim et la Drina, 119 km, Una, sous-affluent via la Sava, 140, 4 km, Trotus ou Tatros sous-affluent via le Siret, 144 km, Toplica, sous-affluent via la Morava, 130 km, Teleajen, sous-affluent via la Prahova et la Ialomiţa, 113 km, Thaya, sous-affluent via la Morava tchéco-slovaque 234, 5 km, Târnava Micǎ, sous-affluent via la Târnava, le Mureş et la Tisza, 191 km, 119 km, Wertach, sous-affluent via le Lech, 141 km, Západna Morava, sous-affluent via la Velika Morava, 184 km,   

Le confluent de la Sió avec le Danube (rive droite), rivière canalisée et en principe navigable reliant le lac Balaton au Danube et d’une longueur de 121 km

Affluents et sous-affluents entre 50 et 100 km, rive gauche et rive droite
Abens, rive droite, env. 71 km, Agrij, sous-affluent via le Someş, 55 km, Almaş, sous-affluent via le Someş, 68 km, Alz, sous-affluent via l’Inn, 68 km, Bobrůvka, sous-affluent via la Loučka, 54, 5 km, Bodrog, sous-affluent via la Tisza, 67 km, Brenz, 52 km, Cerna, 84 km,

Confluent de la Cerna (84 km) avec le Danube, rive gauche, à la hauteur de la ville roumaine dOršova, PK 953, 20

Chamb, sous-affluent via la Regen, 51 km, Cibin, sous-affluent via l’Olt, 82 km, Čik ou Čiker, sous-affluent via la Tisza, 95 km, Čik, Cricovul Sărat, sous-affluent via la Prahova, 83 km, Crni Timok, sous-affluent via le Timok, 84 km, Ðetinja, sous-affluent via la Golijska Moravica et la Zapadna Morava, 75 km, Drinjača, sous-affluent via la Drina et la Sava, 88 km, Feldaist, sous-affluent via l’Aist, 52 km, Friedberger Ach, rive droite, 100 km,  Glan, sous-affluent via la Gurk et la Drava, 64 km, Golijska Moravica, sous-affluent via la Ðetinja et la Zapadna Morava, 98 km, Göllersbach, rive gauche, 60 km, Gomjenica, sous-affluent via la Sana, l’Una et la Sava, 56,7  km, Große Mühl, rive gauche, 71 km, Großache, (se jette dans le lac bavarois du Chiemsee), 71 km, Große Laber, rive droite, 87, 5 km, Gruža, sous-affluent via la Zapadna Morava, 62 km, Güns, sous-affluent via la Raba (Raab), 72 km, Günz, rive droite, 55 km, Gurghiu, sous-affluent via le Mureş, 53 km, Ida, sous-affluent via la Bodva, 56,6 km, Ikva, sous-affluent via l’Einser Kanal, la Rabnitz (Répce) et le Mosoni-Duna, env. 60 km, Ilm, sous-affluent via l’Abens, 83, 8 km, Ilz, rive gauche, 69, 4 km,

La confluence (PK 2225, 20) de l’Inn (518 km) avec le Danube sur la rive droite à la hauteur de Passau. Le fleuve accueille juste en amont (PK 2225, 43) également sur sa rive gauche les eaux sombres de l’Ilz (69, 4 km). Les flots des trois cours d’eau mettent plusieurs kilomètres à mélanger leurs couleurs, photo © Danube-culture, droits réservés

Innbach, rive droite, 53 km, Isel (Schwarzach), sous-affluent via la Drava, 57, 3 km, Iza, sous-affluent via la Tisza, 83 km, Jablanica, sous-affluent via la Južna Morava, 84, 5 km, Jadar (Јадар), sous-affluent via la Drina et la Sava, 75 km, Jarčina (Јарчина), sous-affluent via la Sava, 53 km, Jasenica, sous-affluent via la Velika Morava, 79 km, Jasenička reka, rive droite, 55 km, Jegrička (Јегричка), sous-affluent via la Tisza, 65 km, Jerez (Јерез), sous-affluent via la Sava, 56 km, Jerma (Јерма), sous-affluent via la Nišava et la Južna Morava, 74 km, Jevišovka, sous-affluent via la Dyje (Thaya) et la Morava, 79 km, 91, 3 km, Janja (Јања ou Modran), sous-affluent via la Drina et la Save, 53 km, Karašica, sous-affluent via la Drava, 91 km, Karasica-patak (Karašica en croate), affluent de la rive droite du Danube, 83, 8 km, Kereš, sous-affluent via la Tisza, Kőrős, sous-affluent via la Tisza, 91, 3 km, Krems, sous-affluent via la Traun, env. 60 km, Krivaja, sous-affluent via le canal Danube-Tisza-Danube, 109 km, Krka, sous-affluent via la Sava, 95 km, Kyjovka, sous-affluent via la Thaja (Dyje) et la Morava, 86 km, Lašva, sous-affluent via la Bosna et la Sava, 56, 6 km, Lauchert, rive gauche, 60, 4 km, Lavant, sous-affluent via la Drava, 72 km, Lešnica, sous-affluent via la Drina et la Sava, 72 km, Lugomir (Лугомир), sous-affluent via la Velika Morava, 47 km, Lechinţa, sous-affluent via le Mureş, 66 km, Lieser, sous-affluent via la Drava (Drau), 50 km, Mangfall, sous-affluent via l’Inn, 58 km, Mindel, rive droite, 78 (81) km, Möll, sous-affluent via la Drava, 84 km, Moravská Sázava, sous-affluent via la Morava, 54 km, Mostonga, rive gauche, 70 km, Mrežnica, 63 km, sous-affluent du Danube via la Korana, la Kupa et la Save, 63 km, Mürz, sous-affluent via la Mur (Mura) et la Drava, 98 km, Nadela, rive droite, 81 km, Niraj (Nyarád en hongrois), sous-affluent via le Mureş, 82 km, Nitrica, sous-affluent via la Nitra et le Váh, 51,4 (55) km, Odra (?), Orava, sous-affluent via le Váh, 60, 3 km, Oskava, sous-affluent via la Morava (March), 50, 3 km,  Oslava, sous-affluent via l’Oskava et la Morava (March), 19,9 km, Pârâul de Campie, sous-affluent via le Mureş et la Tisza, 59 km, Pek, rive droite, 60 km, Pielach, rive droite, 70 km,

La confluence (PK 2034) de la Pielach (70 km) avec le Danube sur la rive gauche en aval du pont de Melk (Basse-Autriche), photo © Danube- culture, droits réservés

Pinka, sous-affluent via la Raab (Rába), 94 km, Prača (Прача), sous-affluent via la Drina et la Sava, 61 km, Pram, sous-affluent via l’Inn, 56 km, Pulkau, sous-affluent via la Taya (Theiß) et la Morava (March), 52 km, Pusta reka (Пуста река) sous-affluent via la Južna Morava, 72 km, Ralja (Раља), sous-affluent via la Jezava et la (Velika) Morava, 51 km, Rasina (Расина), sous-affluent via la Zapadna Morava, 92 km, Raška (Рашка), sous-affluent via l’Ibar, 60 km, Resava (Ресава), sous-affluent via la Velika Morava, 65 km, Riß, rive droite, 50 km, Roňava, sous-affluent via le Bodrog et la Tisza, 51 km, Rokytná, sous-affluent via la Jihlava, la Svratka, la Thaya et la Morava, 88,2 km, Rußbach, rive gauche, 71 km, Rzav (Рзав) Golija, sous-affluent via la Golijska Moravica, la Zapadna Morava et la (Velika) Morava, 62 km, Rzav (Рзав) Zlatibor ou Veliki Rzav, sous-affluent via la Drina, 72 km, Sǎlaj, sous-affluent via le Someş et la Tisza, 70 km, Salza, sous-affluent via l’Enns, 88,km, Savinja, sous-affluent via la Sava, 101, 8 km, Schmida, rive gauche, 73,6 km, Schmutter, rive droite, 95,6 km km, Schwarza, sous-affluent via la Leitha, 65, 9 km, Schwarze Laber, rive gauche, 67, 2 km, Schwechat, rive droite, 62 km, Sokobanjska Moravica (Сокобањска Моравица), sous-affluent via la Južna Morava et la Velika Morava, 60, 4 km, Sotla, sous-affluent via la Sava, 90 km, Someşul mic, sous-affluent via le Dej, le Someş et la Tisza, Steyr, rive droite, sous-affluent via l’Enns, 68 (70) km, Studenica, sous-affluent via l’Ibar, la Zapadna Morava et la Velika Morava, 60 km, Sulm, sous-affluent via la Mur (Mura), 83 km, Tamnava (Тамнава), sous-affluent via la Kolubara et la Sava, 90 km, Tscheremosch (Черемош), sous-affluent via le Pruth, 80 km, Temštica, sous-affluent via la Nišava et la Južna Morava, env. 20 km, Thaya allemande, sous-affluent via la Thaya et la Morava (March), 75,8km,  Thaya morave (ou Dyje, sous-affluent via la Thaya et La Morava, 68 km, Torysa, sous-affluent via l’Hornád, 129 km, Traisen, rive droite, 80 km,

La Traisen (80 km, Basse-Autriche), affluent de la rive droite en amont de sa confluence avec le Danube sur la rive droite (PK 1779, 1), photo © Danube-culture, droits réservés

Triesting, sous-affluent via, la Schwechacht, 62 km, Tur, sous-affluent via la Tisza, 94 km, Ub (Уб) sous-affluent via la Tamnava, 57 km, Vaser, sous-affluent via le Vişeu et la Tisza, 62 km,  Veternica, sous-affluent via la Južna Morava, 75 km, Vils (latin Vilisa), 69 km (ou 109, 9 km avec le cours de la Grande Vils), Vişeu, sous-affluent via la Tisza, 77 km, Vlasina, sous-affluent via la Južna Morava, 70 km, Vrbanja, sous-affluent via le Vrbas, 95, 4 km, Všetínská Bečva, sous-affluent via la Bečva, 58, 8 km, Vučica, sous affluent via la Karašica et la Drava, 52, 2 km, Waldaist, sous-affluent via l’Aist, 58, 5 km, Zaya, sous-affluent via la Morava (March), 58, 5 km, Ziller, sous-affluent via l’Inn, 56 km,  Želetavka, sous-affluent via la Thaya et la Morava, 55 km, Zusam, rive droite, 81 km, Zwettl, sous-affluent via la Kamp, 55 km

La Confluence de la Lauchert (60, 4 km) avec le jeune Danube à Sigmaringensdorf (Bade-Wurtemberg), photo droits réservés

Affluents et sous-affluents entre 30 et 50 km, rive gauche et rive droite :
Ager, 34 km, sous-affluent via la Traun, Alm, 48 km, sous-affluent via la Traun, Antiesen, 45 km, sous-affluent via l’Inn, Aschach, 35 km, Bicaz, 42 km, sous-affluent via le Siret, Bjelica, 41 km, sous-affluent via la zapadna Morava, Blata, 45 km, sous-affluent via la Morava (République tchèque), Breg, 46 km (forme le Danube lors de sa confluence avec la Brigach et la Stille Musel à Donaueschingen. La Breg est considérée par les habitants de Furtwangen comme la véritable source du Danube), Březná, 31 km, sous-affluent via la moravská Sázava et la Morava, Brigach, 40 km (forme le Danube lors de sa confluence avec la Breg à Donaueschingen)

« La Breg et la Brigach mettent le Danube sur le chemin. » La confluence de la Breg et de la Brigach à Donaueschingen (Bade-Wurtemberg). C’est à partir de ce confluent que le cours d’eau porte le nom de Danube, photo © Danube-culture, droits réservés

Bukovica, sous-affluent via la Komarnica, la Piva et la Drina, 42 km,  Desná, sous-affluent via la Morava, 31 km, Dřevice (?), Fischa, rive droite, 35 km, Fojnička rijeka, sous-affluent via la Bosna et la Sava, 46 km, Gasteiner Ache, sous-affluent via la Salzach et l’Inn, 40 km, Gerlosbach, sous-affluent via la Ziller et l’Inn, 33, 5 km, Große Tulln, rive droite, 40 km, Haná, sous-affluent via la Morava, 35, 8 km, Jala, sous-affluent via la Sprečna, la Bosna et la Sava, 37 km, Jezava rive droite, 47, 5 km, Juhyně, sous-affluent via la Morava, 33, 9 km, Kamniška Bistrica, sous-affluent via la Sava, 33 km, Kleine Mühl, rive gauche, 32, 5 km, Kokra, sous-affluent via la Sava, 34 km, Komarnica, sous-affluent via la Piva et la Drina, 42 km, Libochůvka, sous-affluent via la Loučka, la Svratka, la Dyje et la Morava, 35, 9 km, Liesing, sous-affluent via la Schwechacht, 30 km,

La Ljubljanica à son confluent avec la Sava, photo Ajznponar, CC BY-SA 3.0

Ljublanica, sous-affluent via la Sava, 41 km (dont près de la moitié sous-terre), Ljubovida, sous-affluent via la Drina, 34 km, Lone, sous-affluent via l’Hürbe et la Brenz, 34 km, Luţ (?), Ložnica ou Lužnica (26, 4 km ), sous-affluent via la Vlasina, la Juzna Morava et la Velika Morava, 39 km, Mattig (55 km), sous-affluent via l’Inn,

La Lužnica (26, 4 km ), petit sous-affluent de la rive droite du Danube via la Vlasina, la Južna Morava et la Velika Morava, photo domaine public

Melk, rive droite, 36 km, Miljacka, sous-affluent via la Bosna et la Sava, 36 km, Moštěnka, sous-affluent via la Morava, 45, 6 km, Olšava, sous-affluent via la Morava, 44, 9 km, Ostrach, sous-affluent via l’Iller, 33, 1 km, Ösztaler Ache, sous-affluent via l’Inn, 42, km, Peštan, sous-affluent via la Kolubara et la Sava, 33 km, Pitze, sous-affluent via l’Inn, 40, 5 km, Piva, sous-affluent via la Drina et la Sava, 34 km, Rákos patak, affluent de la rive gauche, 44 km, Rička, sous-affluent via la Litava, la Svratka, la Dyje et la Morava, 38, 9 km, Rodl, rive gauche, 42, 4 km, Rožnovská Bečva, sous-affluent via la Bečva et la Morava, 37, 6 km, Ruetz, sous-affluent via la Sill et l’Inn, 34, 7 km, Ruscova, sous-affluent via le Vişeu et la Tisza, 39 km, Sǎlǎuţa (?), Sǎsar (?),

Le confluent du Rákos-patak avec le Danube sur sa rive gauche à Budapest, la petite rivière de 44 km entièrement canalisée et souterraine dans sa traversée de la capitale hongroise doit son nom de Rákos aux écrevisses, qui peuplaient autrefois son cours depuis sa source, photo droits réservés 

Sava Bohinjka, sous-affluent via la Sava, 41 km, Schwarzenbach, sous-affluent via l’Isar, 12, 2 km, Senice, sous-affluent via la Vsetínská Bečva et la Bečva, 32, 5 km, Sill, sous-affluent via l’Inn, 42, 2 km, Skrapež (Скрапеж), sous-affluent via la Đetinja et la Zapadna Morava, 47, 7 km, Studva, sous-affluent via le Bosut et la Sava, 37 km, Sutjeska, sous-affluent via la Drina et la sava, 36 km, Topčiderska reka (Топчидерска река), sous-affluent via la Sava, 31 km, Touria, sous-affluent via le Bodrog, l’Ouj et la Tisza, 46 km, Třebůvka, sous-affluent via la Morava, 48, 3 km, Trisanna, sous-affluent via la Sanna et l’Inn, 31, 1 km, Velička, sous-affluent via la Morava, 40, 2 km, Wien (La Wien conflue avec le Canal du Danube au centre de Vienne,

Le confluent de la Wien avec le Danube dans un environnement urbain affligeant qui ne rend pas hommage à cette jolie rivière qui prend sa source dans la Forêt-Viennoise et a pourtant donné son nom à la ville, photo © Danube-culture, droits réservés

cette petite rivière qui prend sa source dans la Wienerwald a aussi donné son nom à la capitale autrichienne), 34 km, Vöckla, sous-affluent via l’Ager et la Traun, 47 km, Würm, sous-affluent via l’Amper et l’Isar, 39, 5 km

La Jezava (47, 5 km), affluent de la rive droite à hauteur de son confluent avec le Danube à Smederovo (Serbie, PK 1115, 20), photo © Danube-culture, droits réservés 

Affluents et sous-affluents  de moins de 30 km, rive gauche et rive droite :
Aist, 14 km, Aranyhegyi patak, 23 km, Aitrach, 14, 9 km, Aurach, 28 km, Bära, 26, 3 km, Berninabach, 12, 9 km, Blau, 22 km, Bolečica, 12 km, Brandenberger Ache, 22 km, Braunsel, 920 m,  Brixentaler Ache, 28 km, Čermelský potok, 15 km, Despotovica, 24 km, Fuscher Ache, 28 km, Gölsen, 15 km, Gradac, 28 km, Gusen, 17, 5 km, Izra, 14, 3 km, Jezerka, 10 km, Jihlávka, 25, 7 km, Kieferbach, 24 km, Kleine Tulln, 24 km, Kötach, rive gauche 17, 9 km, Krahenbach, ?, Krumme Steyrling, 28 km, Laudach, 22 km, Mileševka, 20 km, Myslavský potok, 19, 5 km, Naarn, 27, 3 km, Obersulzbach, 16, 5 km, Obnica, 25 km, Ördög-árok, 21 km, Ova da Roseg (Rosegbach), 10 km, Pitten, 23 km, Rabnitzbach, 25, 6 km, Ranna, 13 km, Rogačica, 29 km, Spöl, 28 km, Steinerne Mühl, 24 km, Steyrling, 14 km,

Le confluent de la Braunsel (920 m), rivière aux 32 sources et affluent de la rive gauche du Danube à Rechtenstein (Bade-Wurtemberg), photo wikipedia, domaine public

Stille Musel, rive gauche (elle forme le Danube à Donaueschingen avec la Breg et la Brigach), 14 km, Târnava (Küküllő), 28 km,  Teichl, 29 km, Tössebach, ?,  Tržiška Bistrica, 27 km, Turňa, 26 km, Untersulzbach, 12 km, Voldertalbach, 14, 6 km, Vomper Bach, 17 km, Vrelo (sous affluent du Danube via la Drina et la Sava) 365 m, Vydrica, 17 km, Wattenbach, Weißenbach, 12 km, Wildschönauer Ache, 22, 2 km, Zemmbach, 29 km.

Le Vrelo, le plus court des sous-affluents du Danube ?
   C’est dans les eaux des plus petits affluents et sous affluents du bassin versant du Danube qu’il faut aussi chercher l’esprit du grand fleuve.
Le Vrelo (Врело) ou Godina (Година) « L’année », surnommée ainsi en raison de sa longueur de 365 mètres et qui prend sa source au village de Perućac, sur le territoire du parc national de Tara (Alpes dinariques, Serbie), à la frontière avec la Bosnie-Herzégovine, est un affluent de la rive droite de la Drina (346 km) et donc l’un des plus courts sous-affluents du Danube. Malgré la brièveté de son parcours, ce petit cours d’eau a toutes les caractéristiques d’un grand fleuve en puissance !

La confluence du Vrelo (365 m) avec la Drina à Perućac (Serbie), sans doute un des plus courts sous-affluents du Danube, photo Wikipedia, domaine public

Notes :
1 Rien ne me semble plus inapproprié que d’écrire ou de dire que le Danube se « jette » dans la mer Noire même s’il s’agit de la terminologie hydrographique correcte. Symboliquement il me paraît plus juste d’utiliser le terme rejoindre.    

2 La Tisza (un hydronyme d’origine vraisemblablement gète ou scythe, tributs ayant peuplées le Bas-Danube pendant l’Antiquité) prend ses sources dans les Carpates orientales à l’ouest de l’Ukraine près de la petite ville de Rahkiv. Elle dessine ensuite la frontière entre l’Ukraine (rive droite) et la Roumanie (rive gauche) sur près de 300 km, entre ensuite sur le territoire de la Grande Plaine hongroise (Cisdanubie), musarde et dessine avec la complicité d’une très faible déclivité une succession de méandres dont un grand nombre furent coupés, drainés, endigués au XIXe siècle lors de travaux de régulation initiés par le comte et homme politique hongrois István Széchenyi. Ces travaux et d’autres aménagements ont considérablement réduit sa longueur initiale, autrefois de 1419 km à 966 km (976 km selon d’autres sources). Elle accueille tout au long de son cours de nombreux affluents et baigne des villes telles que Tokaj, Szolnok et Szeged. La Tisza, navigable sur une grande partie de sa longueur, conflue avec le Danube (rive gauche) en Serbie (Vojvodine) par l’intermédiaire du canal « Bacser » près du village de Stari Sanklamen au km 1214, 5. La biodiversité de cette rivière a été malheureusement à plusieurs reprises endommagée par de graves pollutions minières et industrielles.
Un excellent documentaire sur cette rivière fascinante : « A Tisza néveben » (Au nom de la Tisza) du réalisateur Dimitry Ljasuk (2021)

https://youtu.be/TLyK_aIu3fc
3 Le Regen se jette en fait dans le Danube à Rheinhausen. Sur les 530 derniers mètres de son cours, cette rivière est utilisée par la navigation professionnelle et est désignée comme voie navigable fédérale, mais avec seulement 100 mètres de parcours fluvial propre. Le canal d’écluse de Regensburg, appelé canal européen de Regensburg, se sépare du Danube au niveau du pont autoroutier A 93 et se jette dans le Regen après un peu plus de 2 km. Le tronçon du Regen allant de l’embouchure de ce canal jusqu’au débouché dans le bras nord du Danube en amont du pont Nibelungen de Regensburg est couvert par le kilométrage officiel du Danube (km 2379, 24 à 2378, 82 = km Regen -0,09). Sources de.Wikipedia.org
4
Le Petit Danube (en slovaque Malý Dunaj, en hongrois Kis Duna, en allemand Kleine Donau) est une branche de la rive gauche du bras principal d’une longueur de 135 km qui se sépare de la branche principale en aval de Bratislava et qui traverse une partie de la Slovaquie méridionale. C’est un cours d’eau de plaine au débit uniformément modéré. Il s’écoule dans un canal endigué puis suit son cours naturel avec de nombreux méandres, entouré de forêts alluviales et atteint une largeur comprise entre 30 et 50 mètres.
Ce fut à partir du Moyen-Âge le bras le plus fréquenté du fleuve car le Mosoni-Duna n’était navigable que par de petites embarcations et les autres bras intermédiaires inaccessibles en raison de la variation de leur débit.
Les ruisseaux Dunába torkollnak, Tőkés et Dudvág sont des affluents du Petit Danube.
Il y avait autrefois de nombreux moulins à pieux sur le Malý Dunaj dont quatre ont été restaurés et transformés en musées. On trouvait également un petit nombre de moulins-bateaux dont un seul a été préservé.  (sources : Kis-Duna, A Wikipédiából, a szabad enciklopédiából.

Eric Baude, © Danube-culture.org, mis à jour novembre 2023, droits réservés

Sources :
STANČÍK, Andrej, JOVANOVIČ, Slavoljub et al., Hydrology of the river Danube, Hydrologie du Danube, Hydrologie der Donau, Přiroda, Bratislava, 1988

Commission du Danube
www.danubecommission.org
Commission Internationale du Bassin de la Sava
www.savacommission.org
https://fr.wikipedia.org/wiki/Danube

Le Danube, déjà bleu à  ses sources, photo © Danube-culture, droits réservés

Les sources du Danube

La source de la Breg au lieu-dit Martinskapelle, sur la commune de Furtwangen, photo ©  Danube-culture droits réservés

Quelques dates :

En l’an 15 avant J.-C., selon Hérodote, le général romain et futur empereur Tibère (42 av. J.-C.-37 ap. J.-C.), chevauchant du lac de Constance vers le Nord aurait découvert le Danube.

368 après J.-C. : le poète Decimus Magnus Ausonius (vers 309/310 -vers 394-395 ap. J.-C.) mentionne dans l’un de ses poèmes d’amour la source du Danube.

1292 : Le nom du fleuve est joint au nom du village de Túnŏeschingen (Donaueschingen).

1488 : les princes de Fürstenberg achètent le village et le château de Donaueschingen.

1493 : l’humaniste Hartmann Schedel (1440-1514) mentionne la source du Danube dans ses Chroniques de Nuremberg.

1538 : le savant humaniste, professeur d’hébreu, mathématicien, astronome et cartographe Sébastien Münster (1489-1552), originaire de Bâle, réalise la première carte de la source du Danube. Il mentionne la source du Danube dans sa Cosmographia Universalis (1538).

La Brigach, Vilingen et Donaueschingen, détail d’une carte de la Cosmographie Universelle de Sébastien Münster (1538)

1723 : le prince Josef Wilhelm Ernst de Fürstenberg (1699-1762) fait de Donaueschingen sa résidence principale. Il construit un nouveau château de style Baroque.

FURTWANGEN en Forêt-Noire (Land de Bade-Wurtemberg)

Furtwangen en 1808

« Profitant d’un carnaval à Donaueschingen, un bourgmestre de Furtwangen, déguisé en statue du Commandeur, n’y alla pas par quatre chemins pour dire son sentiment. À la tête d’une délégation de partisans résolus, il vida avec ostentation une bouteille d’eau de la Breg dans le bassin du château afin, déclara-t-il, que celui ne devienne pas à sec. »
Bernard Pierre, Le roman du Danube, « Une naissance princière », Éditions Plon, Paris, 1987

La petite chapelle saint-Martin (Martinskapelle) veille sur la la source de la Breg, photo © Danube-culture, droits réservés

Furtwangen en Forêt-Noire est la première commune à se vouloir être le berceau du Danube. C’est sur le territoire de cette petite cité, également connue pour ses fabriques d’authentiques coucous, au lieu-dit Martinskapelle (Chapelle Saint-Martin), que la Breg (ou le Danube) prend sa source, à 1078 mètres d’altitude.

« Ici jaillit la source principale du Danube, la Breg, à l’altitude de 1078 m au-dessus de la mer, à 2 888 km de l’embouchure du fleuve. À 100 m de la ligne de partage des eaux entre le Danube et le Rhin, entre la mer Noire et la mer du Nord. » Photo © Danube-culture, droits réservés

Furtwangen prétend encore à une autre singularité. Son territoire se situe sur la ligne de partage des eaux de deux bassins versants de deux grands fleuves européens, ceux du Rhin et du Danube. Deux rivières, qui naissent à moins de deux cents mètres de distance l’une de l’autre, courent ainsi vers deux horizons opposés : la Breg, qui, de sa rencontre avec la Brigach et d’autres sources du sous-sol karstique à Donaueschingen, forme officiellement le Danube et l’Elz (121 km) qui, elle, tourne le dos au Danube et préfère se jeter dans le Rhin.

Toute proche de la source de la Breg, quelques mètres au-dessus, la ligne de partage des eaux entre le bassin du Rhin et celui du Danube, photo © Danube-culture, droits réservés

Cette petite ville de près de 10 000 habitants est aussi réputée pour son musée de l’horlogerie.

Source de la Breg. À peine sortie de terre et déjà bleue ! Photo © Danube-culture, droits réservés

« Ici naît le bras principal du Danube, dit la plaque apposée près de la source de la Breg. Malgré cette déclaration lapidaire, le débat pluriséculaire sur les sources du Danube est loin d’être clos, et se trouve même à l’origine d’une vive rivalité entre les villes allemandes de Donaueschingen et de Furtwangen. En outre, ce qui est venu récemment compliquer les choses, c’est l’hypothèse hasardeuse soutenue par Amédée, sédimentologue distingué et historiographe occulte des erreurs de programmation —hypothèse selon laquelle le Danube naît d’un robinet. Sans prétendre résumer l’énorme quantité de livres écrits au fil des âges sur le sujet depuis Hecatée de Millet, le précurseur d’Hérodote, jusqu’aux fascicules de la revue Merian, en vente dans tous les kiosques, il convient de se remettre en mémoire ces époques lointaines pour lesquelles le Danube était né de source inconnue — comme le Nil, dans les eaux duquel, du reste, il se reflète et se confond, sinon in re du moins in verbis, au gré des comparaisons et des parallèles entre les deux fleuves qui se succèdent depuis des siècles dans les commentaires savants.

Une source plus discrète, celle de la Brigach au lieu-dit Sankt-Georgen-Brigach à 925 m d’altitude, sur la commune de Sankt-Georgen im Schwarzwald, photo © Danube-culture, droits réservés

Ces sources ont été très tôt l’objet de recherches, de notices, de conjonctures de la part d’Hérodote, de Strabon, de César, de Pline, de Ptolémée, du pseudo-Skymnos, de Sénèque, de Mela, d’Erastothène, elles y sont supposées ou signalées dans la forêt d’Hyrcanie, chez les Hyperboréens, dans les Pyrénées, dans les contrées des Celtes, ou des Scythes, sur le mont Abnoba, aux Hespérides, tandis que d’autres hypothèses font état de la bifurcation du fleuve, d’un bras qui se jetterait dans l’Adriatique, et donnent des descriptions contradictoires de son embouchure sur la mer Noire. Si, de l’histoire ou de la légende qui veut que les Argonautes soient descendus du Danube jusqu’à l’Adriatique, on passe aux temps préhistoriques, la vérification devient encore plus malaisée, on se heurte à l’énorme, au fracas d’une gigantesque mise en place, à une géographie de titans : l’Ur-Donau, le Danube primitif, prenait sa source dans l’Oberland bernois, là où se dressent aujourd’hui les pics de la Jungfrau et de l’Eiger, recevait les eaux de l’Ur-Rhin, de l’Ur-Neckar et de l’Ur-Main et, vers la moitié du Tertiaire, pendant l’Éocène, il y a vingt à soixante millions d’années avait son embouchure à peu près sur le site actuel de Vienne, dans un golfe de Thétis, mère originelle des océans, au bord de cette mère des Sarmates qui recouvrait alors toute l’Europe du sud-est. »
Claudio Magris, Danube, « Donaueschingen contre Furtwangen », Éditions Gallimard, Paris, 1986

Collectivité locale de Furtwangen : www.furtwangen.de
Musée allemand de l’horlogerie : www.deutsches-uhrenmuseum.de

DONAUESCHINGEN (Land de Bade-Wurtemberg) : les sources et plus… 

La source « officielle », aménagée et très fréquentée du Danube dans le parc du château de Donaueschingen, photo © Danube-culture, droits réservés

Le bassin de la source officielle, dans le parc du château, a été aménagé en 1875 à la demande du prince Charles Egon III de Furstenberg (1820-1892) par son architecte Adof Weinbrenner (1836-1921). La statue intitulée « Die Baar » qui symbolise le relief en forme de plateau où le fleuve prend ses sources1, montre à une jeune fille, le Danube (die Donau), le chemin vers le lointain. Réalisée initialement mais non achevée par Franz Xaver Reich en 1875 l’oeuvre a été relevée et intégrée dans un cadre en marbre par Adolf Heer.
Une tradition voulait autrefois que les hôtes du château prennent un bain dans le bassin quelqu’en soit la saison !

Notes :
1Le nom de Baar ou Baarhochmulde désigne un  plateau calcaire situé dans sa zone centrale à une altitude d’environ 670 à 750 mètres entre la Forêt-Noire et le Jura souabe dans le sud-ouest de l’Allemagne (Bade-Wurtemberg). Le nom provient de l’ancien landgraviat historique de Baar qui avait cependant une étendue un peu plus grande. La Baar couvre une superficie de 410 km².

La Baar montrant le chemin au jeune Danube au-dessus du bassin de la source officielle du fleuve  dans le parc du château de Donaueschingen, photo © Danube-culture, droits réservés

« On a fait l’honneur à une très belle source, enfermée aujourd’hui dans la cour du château de Donaueschingen, de la regarder comme l’origine du Danube, et le faible courant qui en sort porte le nom du fleuve, reçoit comme simples affluents deux rivières qui viennent s’y joindre et perdre leur nom. Ce privilège accordé à la faiblesse contre les droits de la force, si rarement contestés, remonte sans doute à une très haute antiquité ; il est probable que son origine fut mythologique ; la beauté de la source et des sites qui l’environnent put faire croire que le dieu du fleuve avait choisi ce lieu pour sa demeure. Un prince de Fürstenberg, propriétaire de ce charmant pays, eut l’ambition de se mettre à la place de ce dieu, de tenir à son tour l’urne inclinée dont les eaux vont se répandre jusque dans le Pont-Euxin ; il fit construire le château dont ce réservoir naturel et le ruisseau qu’il alimente, sont la plus intéressante décoration. »
DUCKETT, M.W. (dir.), Dictionnaire de la conversation et de la lecture. Tome XIX, [D-Délibéra]. Paris, Berlin-Mandar, 1835

Bassin de la source officielle du Danube dans le parc du château des Fürstenberg à Donaueschingen, photo © Danube-culture, droits réservés

Donaueschingen : « Hier entspringt die Donau »
« Hier entspringt die Donau », Ici naît le Danube, dit la plaque du parc des Fürstenberg, à Donaueschingen. Mais l’autre plaque, que le docteur Ludwig Ohrlein a fait apposer sur la source de la Breg, précise que c’est cette dernière, parmi toutes celles prétendent au titre de source de fleuve, qui est la plus éloignée de la mer Noire, à 2.888 kilomètres, soit à 48,5 km de plus que Donaueschingen. Ce docteur Ohrlein, propriétaire du terrain dans lequel jaillit la Breg, à quelques kilomètres de Furtwangen, a livré bataille contre Donaueschingen à coups de papier timbré et de certificats. On a là une intime et tardive séquelle de la Révolution française au sein de la persistante « misère allemande » : le bourgeois de profession libérale et petit propriétaire se dressant contre la noblesse féodale et ses blasons. Les bons bourgeois de Furtwangen se sont rassemblés en troupe compacte derrière le docteur Orhlein et tous ont en mémoire ce jour où leur maire, suivi d’un cortège de ses concitoyens, a versé non sans mépris, dans la source de Donaueschingen, une bouteille d’eau de la Breg. »
Claudio Magris, Danube, « Donaueschingen contre Furtwangen », Éditions Gallimard, Paris, 1986

« Brigach und Breg
bringen die Donau zu Weg.
Breg et Brigach
mettent le Danube en chemin. »
Dicton local

  Première ville en aval des deux sources du Danube, Donaueschingen, élégante et propette, se revendique haut et fort comme le lieu de la naissance du fleuve, plus précisément dans le parc du château des princes Fürstenberg. C’est par la confluence de la Breg et de la Brigach en aval à l’extrémité du parc, que ces deux petites rivières qui n’en demandaient pas tant du point de vue de la géographie ni de l’histoire, forment le point de départ du parcours du Danube.
Donaueschingen est jumelée avec la ville de Saverne (Alsace).

« Officiellement, c’est bien connu, c’est à Donaueschingen que se trouve la source du Danube, et les habitants en garantissent l’originalité et l’authenticité, juridiquement parlant. Depuis l’époque de l’empereur Tibère, le petit filet d’eau jaillissant de la colline a été célébré comme source du Danube, et c’est aussi à Donaueschingen que se rencontrent les deux rivières, la Breg et la Brigach, dont la réunion (selon l’opinion commune, confirmée par les guides touristiques, les pouvoirs publics et les proverbes populaires) constitue le départ du Danube. L’incipit du fleuve qui engendre et enserre la Mittteleuropa fait partie intégrante de l’ancienne résidence princière des Fürstenberg, en même temps que le château, la bibliothèque de cour renfermant les manuscrits de la Chanson des Nibelungen et de Parsifal, la bière portant elle aussi le nom des seigneurs du lieu et les festivals de musique qui ont fait la réputation de Hindemith. »
Claudio Magris, Danube, « Donaueschingen contre Furtwangen », Éditions Gallimard, Paris, 1986

Brochure de l’Office de tourisme de Donaueschingen :
Die Donauquelle (La source du Danube)
« L’eau qui jaillit entre l’église collégiale saint-Jean et le château de Donaueschingen et que l’on désigne comme la « source du Danube » provient d’une source souterraine de la Forêt-Noire alimentée par l’eau de pluie.

L’élégant temple néo-grec de la source du Danube dans le parc du château de Donaueschingen, photo © Danube-culture, droits réservés

Depuis l’empereur romain Tibère, cette source, une des quinze sources de type karstique, est considérée comme la source du Danube, fleuve traversant l’Europe. Hérodote mentionne dans ses écrits que les Celtes avaient déjà bâti leurs habitations autour de ce lieu avant l’arrivée des Romains ce qui incite à penser que ceux-ci considéraient déjà cette source d’eau comme la source du Danube et la vénéraient en tant que telle. »

Le confluent de la Breg et de la Brigach à Donaueschingen ; c’est à partir de ce confluent que le fleuve prend officiellement le nom de Donau (Danube), photo © Danube-culture, droits réservés

À Donaueschingen…
« Le Danube prend sa source sous la colline de l’église paroissiale saint-Jean à l’architecture baroque, juste à côté du château princier. À l’origine, cette source coulait librement devant celui-ci et rejoignait la Brigach et la Breg à environ deux kilomètres à l’est pour former le Danube. Au-delà de la Brigach se trouvaient autrefois des marais alimentés par de nombreuses sources et petits cours d’eau.
L’eau de la source du Danube coule désormais via un canal souterrain directement dans la Brigach. Les marais ont été transformés en un parc princier avec des étangs et des canaux.
La source du Danube est réputée depuis l’époque romaine. Le commandant militaire et futur empereur Tibère visite le site en l’an 15 avant Jésus-Christ et l’empereur Maximilien du Saint Empire Romain germanique (1459-1519) y tient une cour solennelle en 1499. Le dernier empereur allemand, Guillaume II de Hohenzollern (1859-1941), a également visité la source du Danube à plusieurs reprises entre 1900 et 1913.
Le prince Karl Egon III de Fürstenberg (1820-1892), né à Donaueschingen, fait construire en 1875 un élégant bassin circulaire entourant la source du Danube. La sculpture centrale représente la « Mère Baar » qui dirige le jeune Danube sur son parcours de 2840 kilomètres, de sa source à Donaueschingen à la mer Noire. »
https://haus-fuerstenberg.com/donaueschingen/?lang=en

Combien de kilomètres ?
On attribue au cours du Danube différentes longueurs : il mesure 2840 km à partir de sa source jusqu’à la mer Noire, (certains citent le chiffre de 2845 km) et 2775 km à partir de la confluence de la Brigach et de la Breg. On cite également le chiffre de 2888 km [comme il est d’ailleurs indiqué sur la plaque de la source de la Breg à Furtwangen] mais celui-ci inclut en fait les 46 km du cours de la Breg qui prend sa source dans la Forêt-Noire et rejoint la Brigach à Donaueschingen.
En réalité, on ne mesure pas la longueur du Danube à partir de la source de la Breg dans la Forêt-Noire, pas plus qu’on ne la mesure à partir de la source située à Donaueschingen. Le Danube est un cas particulier et, contrairement aux autres fleuves, ses kilomètres sont comptabilisés depuis l’une de ses embouchures [l’embouchure du bras de Sulina]. Son point « zéro officiel » est matérialisé par le « vieux » phare de Sulina, petite ville et port du delta du Danube en Roumanie et son dernier kilomètre se trouve à la confluence de la Brigach et du Breg à Donaueschingen !

Sulina (bras de Sulina, rive gauche) le point kilométrique zéro à partir duquel la longueur du fleuve est mesurée, se situe aujourd’hui bien en amont du confluent de ce bras avec le mer Noire, photo © Danube-culture, droits réservés

Collectivité de  Donaueschingen :
www.donaueschingen.de (page en langue française)
Office du Tourisme :
www.donaueschingen.de

Le château des princes de Fürstenberg ne se visite que sur réservation (voir à l’Office du Tourisme).
Musée Biedermann :
www.museum-art-plus.com
Musée d’art contemporain en bordure du parc du château

Festival de musique contemporaine de Donaueschingen (Donaueschinger Musiktage) :
www.swr.de/donaueschingen
Le plus ancien festival de musique contemporaine au monde, créé en 1921 et l’un des plus prestigieux. Une programmation transversale ouvrant sur d’autres pratiques artistiques contemporaines. Un grand évènement culturel. Certaines des oeuvres créées dans le cadre de cette manifestation ont été dédiées au Danube.

Danube-culture, mise à  jour novembre 2023, © droits réservés

La statue de Fluvius Danubius veille sur la source de la Breg/Danube et sur le lieu-dit Martinskapelle sur le territoire de la petite cité de Furtwangen à moins que ce ne soit la chapelle saint-Martin qui veille sur la modeste source de la Breg et son destin grandiose. Photo © Danube-culture droits réservés

La SFND et les tribulations de la flotte commerciale française sur le Danube

L’Amiral Lacaze, le remorqueur emblématique de la S.F.N.D.  (Société Française de Navigation Danubienne)

La France et la navigation danubienne

   « Pour la France, la navigation danubienne a été une préoccupation diplomatique d’importance, même si les implications économiques sont toujours restées limitées. La France était membre de la Commission Européenne du Danube jusqu’à la deuxième Guerre mondiale. Elle a entretenu sur le Danube une flotte sous pavillon français pendant le XIXe siècle (58 bateaux sous pavillons français, sur le Danube en 1880) et du XXe siècle (à partir de 1922 à travers la S.N.D. puis de la S.F.N.D., Société Française pour la Navigation du Danube, maintenue en activité jusque dans les années 1990. Cette flotte avait une importance économique non négligeable entre les deux guerres (en 1939, avec 85 unités, elle représentait 7 % de la flotte danubienne totale) mais elle n’eut plus qu’un caractère symbolique sous le régime communiste. Paradoxalement, la S.F.N.D. a été liquidée au moment où le marché danubien a été de nouveau libéralisé au début des années 1990. »

L’axe fluvial Rhin-Danube : mythes et réalités
   Après la signature, à l’initiative de l’empereur Napoléon III  du Traité de Paris (1856) qui précise dans son article 15 que « La navigation du Danube ne pourra être assujettie à aucune entrave ni redevance qui ne serait pas expressément prévue par les stipulations contenues dans les articles suivants. En conséquence, il ne sera perçu aucun péage basé uniquement sur le fait de la navigation du fleuve, ni aucun droit sur les marchandises qui se trouvent à bord des navires. Les Règlements de police et de quarantaine à établir pour la sureté des États séparés ou traversés par ce fleuve seront conçus de manière à favoriser, autant que faire se pourra, la circulation des navires. Sauf ces Règlements, il ne sera apporté aucun obstacle, quel qu’il soit, à la libre navigation. », et la création de la Commission Européenne du Danube, la France continuera à s’intéresser de près au fleuve et à sa navigation parfois en collaboration avec certains pays riverains.
   Un projet d’un service de navigation fluviale à vapeur (marchandises et passagers) franco-serbe sur le Danube et la Save, associé à l’exploitation de mines de charbon, de cuivre et de fer ainsi qu’à l’exploitation de forêts, porté par la Compagnie Générale de Navigation (du Rhône), « constituée en Société anonyme par décret impérial du 14 septembre 1858″ et dont les Statuts autorisent « de la manière la plus large, à exercer l’exploitation des transports sur les fleuves, rivières, canaux, lacs et mers, tant en France qu’à l’Etranger« , est envisagé afin de concurrencer l’omniprésence autrichienne sur le fleuve.
Le « Rapport sur les Services de Navigation à Vapeur à établir par la Compagnie franco-serbe sur le Danube et la Save présenté le 5 décembre 1859 au Prince serbe Miloš Ier [1780-1860]2 indique que :
« Le Danube est, comme on le sait, le plus grand fleuve de l’Europe ; son cours, à partir de Belgrade jusqu’à la mer, est d’environ 1, 000 kilomètres ; sa largeur dépasse souvent un kilomètre, et son courant est beaucoup moins rapide que celui du Rhône.
Ce beau fleuve, dans cette partie de son parcours, offre une admirable voie de communication ; séparant tour à tour la Hongrie de la Serbie et de la Turquie, la Turquie elle-même de la Moldo-Valachie.
Le Danube, toutefois, en séparant ces pays ne les isole pas les uns des autres ; placé au centre d’un immense bassin, il est devenu la grande route des deux versants, l’unique voie d’importation et d’exportation pour la Moldavie, la Valachie, la Bulgarie, La Serbie et la Bosnie, province qui renferment environ seize millions d »habitants.
   Le service de navigation établi par la Compagnie Autrichienne [D.D.S.G.] étant loin de satisfaire aux besoins de ces populations, un nouveau service, créé dans de bonnes conditions et dirigé avec intelligence et économie, permettra aux produits français de trouver un écoulement avantageux dans toutes ces contrées, et de pénétrer jusqu’en Hongrie, en Transylvanie et en Bosnie.
   Belgrade deviendra un jour le centre d’un grand mouvement commercial d’échanges, et ouvrira un vaste champs au commerce et à l’industrie de la France, là où l’Autriche a jusqu’à ce jour fait la loi comme vendeur et acheteur… ».3
   Quant à la Save, cette rivière d’environ 1000 km, navigable sur une grande partie de son cours et qui conflue avec le Danube à Belgrade « elle est appelée à disputer à Fiume et à Trieste la majeure partie du commerce des bois et des douelles4  si considérable avec Marseille et Bordeaux… Enfin pour donner une idée des relations de ville à ville dans le parcours de Belgrade à Sissek5, il me suffira de citer une service établi par la Compagnie Autrichienne, et fait avec deux petits bateaux à peine 40 tonneaux chacun, et donnant à la compagnie un bénéfice annuel qu’on assure être de 500 000 francs.
En présence d’un pareil résultat, on doit être étonné que la Compagnie Autrichienne néglige d’établir sur cette rivière, par laquelle s’écoulent tous les produits de l’intérieur de la Serbie et de la Bosnie, un service convenable : mais il faut attribuer cette lacune à la politique autrichienne, qui s’est toujours opposée au développement commercial et agricole de la Serbie ».
Six navires français à vapeur, le Papin n°1, le Papin n°6, le Creusot, le Bourdon, le Napoléon et le Tigre, vendus par la Compagnie Générale de Navigation du Rhône6 à M. Jules Leclerc, maître de forges, doivent rejoindre le Danube mais il est envisagé pour « satisfaire à tous les développements que la Navigation de la Save et du Danube, sur un parcours de plus de 1200 kilomètres, est évidemment appelée à prendre… »7 que d’autres bateaux viennent rapidement rejoindre la modeste flotte initiale et que la navigation soit également étendue au Danube maritime c’est-à-dire au-delà de Galatz, soit en tout 22 bateaux à vapeur » sans compter les quatre  beaux remorqueurs et sept chalands en fer que possède ladite Compagnie, et qui pourraient être utilisés avantageusement de Galatz aux embouchures du Danube, pour relier au besoin ces services avec le service maritime à créer sur Marseille ». Malheureusement le prince Miloš Ier Obrenović, si favorable à ce projet et qui a accordé la charge d’établir, sous pavillon français, le service de bateaux à vapeur sur le Danube et la Save, meurt en septembre 1860 et l’opération ne se concrétisera pas.

SFND

Après la première guerre mondiale : L’histoire de la Société Française de Navigation Danubienne (S.F.N.D.)
De 1918 à 1939
Suite à l’effondrement des puissances centrales (Empire allemand, austro-hongrois, ottoman et Royaume de Bulgarie) à l’automne 1918, la France entre en possession, au titre de dommages de guerre d’un nombre importants de bateaux et de barges qui vont constituer la base de la flotte commerciale de la Société de Navigation Danubienne. À l’instigation de deux Français nés en Roumanie, la gestion de ce matériel naval est confiée à la S.N.D. à partir du 21 février 1920, une entité créée à l’initiative de la Compagnie maritime Fraissinet, fondée en 1836 à Marseille par Marc Fraissinetet de la Compagnie des Messageries Maritimes9, deux sociétés qui assurent déjà un service maritime entre la France (Marseille) et la mer Noire  (Odessa) et dont les bateaux font escale sur le Bas-Danube. En octobre 1922, la propriété du matériel naval de la S.N.D. est transférée à l’Office National de la Navigation (O.N.N.). La S.N.D. continue toutefois à assurer la gestion du parc de bateaux qui comprend encore une dizaine de chalands supplémentaires achetés par la S.N.D. en 1920 et 1921. En 1925, l’Office National de la Navigation devient également actionnaire de la S.N.D. et lui cède en contrepartie la propriété des remorqueurs et des barges lui appartenant. Cette même année, un rapport de la Société des Nations mentionne une flotte française composée de 19 remorqueurs à vapeur pour une puissance de 8970 chevaux et 78 barges d’une capacité de charge de 70 976 tonnes ce qui est certes modeste par rapport aux importantes flottes serbes, roumaines, autrichiennes, allemandes et hongroises mais n’est pas négligeable puisque cette flotte arrive en sixième position et précède en nombre les flottes grecques, tchèques, bulgares, belges, néerlandaises, italiennes et anglaises présentes également sur le Danube à cette époque. C’est par ailleurs la plus importante flotte d’un pays non riverain du Danube.
La réputation dont jouissait la France sur le Bas-Danube ainsi que les relations personnelles que les directeurs de la S.N.D. avaient nouées à Bucarest avec les responsables politiques roumains permettent à la S.N.D. d’établir dans ce pays, dès novembre 1921, un second siège social disposant des mêmes droits qu’une société roumaine. Cette situation avantageuse va offrir la possibilité aux bateaux de la compagnie de naviguer non seulement sur les eaux danubiennes roumaines mais aussi sur tout le fleuve et ce jusqu’à Ratisbonne (Bavière). En 1929, le directeur général de la S.N.D. reçoit l’autorisation de représenter la société non seulement en Roumanie ainsi que dans toute l’Europe centrale et au-delà, Bulgarie, Yougoslavie, Hongrie, Tchécoslovaquie, Autriche, Allemagne, Pologne et Italie.
La Société de Navigation Danubienne prend en 1930 le nom de Société Française de Navigation Danubienne (S.F.N.D.). De 1930 à 1939, elle joue un rôle important de médiateur dans le cadre de la coopération entre des partenaires dont les intérêts divergent considérablement sur l’ensemble du Danube. La compagnie fluviale, créée après la Première Guerre mondiale pour représenter les intérêts de la France sur le Danube international, peut jouer ainsi un rôle actif dans le transport de marchandises sur le fleuve.

Les péniches Armagnac, Vendôme et Navarre de la S.F.N.D.

La flotte de la S.F.N.D. connait son apogée à cette période. En 1939, Elle comprend 37 péniches de type « Haut-Danube », chaque péniche ayant une capacité de charge de 636 t à 942 t, 17 péniches (810 t à 2 197 t), 15 péniches-citernes (380 t à 1020 t, 14 remorqueurs de 280 CV à 1000 CV, 3 chaloupes et 1 ponton, soit en tout 85 unités. Cette flotte représente 7% de l’ensemble des bateaux de commerce naviguant sur le Danube qui, outre les pavillons des pays riverains et le pavillon français, voit également circuler des navires britanniques.

Les péniches Doubs et Garonne II de la S.F.N.D. construits par les chantiers navals de Linz

De l’ensemble de cette flotte naviguant sous pavillon français, il ne restera, pour différentes raisons, que cinq remorqueurs à la fin des années soixante : le « Strasbourg », construit en 1963 par les chantiers navals de Korneuburg (Basse-Autriche), le « Pasteur », le « Frédéric Mistral »,  « l’Amiral Lacaze » et le « Pascal ». 

Le « Pasteur », ex « Turnu Severin », ancien remorqueur de la S.F.N.D., ici dans le port de Strasbourg. Longueur : 38,07 m, largeur : 6,52 m, tirant d’eau : 1,60 m, moteur de 400 CV, année : 1914, construit par les chantier naval de Linz (Haute-Autriche). Le bateau appartient à l’association Amure, initiatrice du Musée Régional du Rhin et de la Navigation de Strasbourg qui a fermé ses portes au début de l’année 2010. Le bateau a été néanmoins classé « monument historique » depuis le 17 septembre 1995.  

De 1939 à 1960
    Les responsables de la S.F.N.D. vont dès le début de la deuxième guerre mondiale tenter de soustraire la flotte française à la saisie des bateaux par les armées allemandes. Mais seuls 46 d’entre eux ont le temps, avant l’armistice du 20 juin 1940, de quitter les eaux roumaines pour Istanbul et les eaux territoriales turques où ils navigueront par la suite sous pavillon britannique. Sur les 46 unités, 37 pourront être restituées à la S.F.N.D. en 1946. En raisons du mauvais état des bateaux et des coûts élevés de remise en état, la S.F.N.D. est contrainte de vendre rapidement et à un prix dérisoire une grande partie de cette flotte, à l’exception de quelques unités dont le remorqueur « Amiral Lacaze ».

Le « Frédéric Mistral » de la S.F.N.D. ex « Colombia », remorqueur construit en 1914 en Hollande pour la compagnie de navigation danubienne hongroise MFRT navigue ensuite pendant la première guerre mondiale sous pavillon de la marine impériale et royale austro-hongroise. Il sert comme dragueur de mines, est inspecté par l’empereur François-Joseph et se voit pour cela doté pour cette visite et les inspections incognito d’un salon à l’avant de la timonerie. Le bateau est attribué à la France en dédommagement de guerre en 1918 puis appartient à la S.F.N.D. à partir de 1920. Il est rebaptisé « Frédéric Mistral » en 1930. Confisqué par l’Autriche lors de la Deuxième Guerre mondiale, il navigue entre 1943 et 1945 pour la D.D.S.G. puis est restitué à la France à la fin du conflit. Vendu par la S.F.N.D., il rejoint le Bas-Danube et appartient à la flotte de la compagnie roumaine Navrom jusqu’en 1997. Il est ensuite racheté et rapatrié à Vienne par le capitaine autrichien Franz Scheriau qui fait diverses réparations puis le transforme en bateau d’habitation et bateau-musée du Musée des bateaux de Vienne (Schiffsmuseum Wien). Le « Frédéric Mistral » est aujourd’hui amarré à Freudenau (rive gauche) avec les autres bateaux du Schiffsmuseum. 

   Dans l’ensemble, les années de guerre et leurs conséquences coûtèrent très cher à la S.N.F.D. qui, outre les pertes de péniches, de remorqueurs et de réserves de marchandises, avait dû faire face à l’arrêt de l’exploitation de ses bateaux.
Dès la signature de la capitulation de l’armée allemande, en mai 1945, les dirigeants de S.F.N.D. cherchent à redévelopper avec un certain succès les affaires commerciales de leur entreprise sur le Danube. De toutes les compagnies qui avaient navigué sur le Danube sous les pavillons de pays non riverains (belges, hollandais, britanniques, italiens, grecs…) avant la Seconde Guerre mondiale, seule la S.F.N.D. reprend ses activités avec les unités qu’elle a pu conserver. Son maintien est en même temps fortement soutenu par les pays occidentaux riverains du Danube, l’Autriche et l’Allemagne, car d’une part il s’agit, dans le climat politique de l’époque, de renforcer la présence occidentale dans les pays de l’Est, et d’autre part, la présence de la S.F.N.D. empêche de considérer comme caduque la convention de la Conférence Internationale du Danube signée à Paris en 1921.

Le Jacques Vuccino de la S.F.N.D. remorquant sur le Danube deux barges. (photo prise pendant la seconde guerre mondiale). Ce remorqueur est construit en 1907 par les Chantiers navals d’Obuda (Hongrie) pour la D.D.S.G., et baptisé sous le nom de Sulina. En 1918, il est attribué à la France en tant que dédommagement de guerre et rejoint la flotte de la S.F.N.D. sous le nom de Jacques Vuccino. Le remorqueur est confisqué et passe au service la marine de guerre autrichienne comme dragueur de mines auxiliaire pendant la seconde guerre mondiale puis il est restitué à la France et à la S.F.N.D. à la fin du conflit. Il reste en service jusqu’à la fin des années soixante. (Sources : Klaus Günther, www.vagus-wagrant.fr)

   Il faut cependant accepter les restrictions imposées par la conférence de Belgrade en 1948 sous domination soviétique qui édictent de nouvelles règles contraignantes. Dans ce contexte particulier, la S.F.N.D. conclue avec l’Autriche et la Bavière un accord qui lui permet de louer ses péniches et ses remorqueurs. Ces derniers doivent toutefois continuer à naviguer sous pavillon français. En outre, la S.F.N.D. fait construire un certain nombre de nouveaux bateaux pour le Haut-Danube et le Danube moyen. Cette flotte est gérée par un représentant de la S.F.N.D., qui a son siège à Vienne. En 1959, la flotte du Bas-Danube qui comprend cinq barges et sept remorqueurs loués à l’Armée roumaine est gérée par le représentant roumain de la S.F.N.D.

Depuis 1960
   En 1960, la flotte de la S.F.N.D. représentait 40 % de son parc de bateaux d’avant-guerre.
Son capital était composé comme suit :
Office National de la Navigation : 35, 34 %
Compagnie de Transport Océanique (ex Messageries Maritimes) : 24, 80 % Compagnie de Navigation Fraissinet et Cyprien Fabre : 24, 80 %
Louis Dreyfus et Cie : 8, 45 %
Compagnie de Navigation Générale sur le Rhin : 5, 20 %
Divers : 1, 41 %

  L’État français, représenté par l’O.N.N., est donc un actionnaire important, mais il est toutefois minoritaire. Comme mentionné ci-dessus, la flotte de la S.F.N.D. n’est pas exploitée directement mais elle est entièrement louée. Le Traité de la navigation établi à Belgrade en 1948 ainsi que les difficultés d’exploitation dues à une flotte relativement insignifiante ont conduit les dirigeants à adopte cette solution. Les résultats d’exploitation sont déficitaires. C’est pourquoi la S.F.N.D. commence à vivre sur son capital, plus précisément sur un capital fortement ébranlé par les pertes subies durant la guerre.
La société tente alors de renforcer sa flotte et de rééquilibrer ses comptes. Ces projets nécessitent toutefois de très gros investissements et échouent, la S.F.N.D. ne réussissant pas à obtenir une indemnisation pour les pertes subies lors de l’évacuation de la majeure partie de ses bateaux vers la Turquie.
En juillet 1963, il est envisagé de réunir la somme nécessaire aux investissements grâce à une augmentation de capital soutenue par l’Etat français. Les actionnaires privés se voient proposer, s’ils le souhaitent, de participer à l’augmentation de celui-ci mais, considérant que cette proposition représente une spoliation de leurs droits légitimes, ils refusent à l’unanimité.
Au printemps 1964, le Conseil d’Administration propose donc de dissoudre la S.F.N.D. au 1er avril 1965. Les contrats de location des bateaux sur le Danube doivent être clôturer à cette date mais ils seront toutefois prolongés. Il faut néanmoins prendre la décision de vendre la flotte du Bas-Danube appartenant à l’entreprise. Aussi, le 19 avril 1967, le Conseil d’Administration décide de dissoudre la société. La flotte de la S.F.N.D. sur le Haut-Danube est vendue aux autorités bulgares par un contrat daté du 15 décembre 1967.
Compte tenu de l’intérêt que représente le maintien de la présence française fluviale sur le Danube, l’État français considère toutefois qu’il est préférable de revenir sur la proposition de dissolution. Il peut légitimement le faire, puisque le droit français permet à un actionnaire représentant plus d’un tiers du capital de s’opposer à la dissolution d’une entreprise.
Le plan de redressement proposé parallèlement par l’État entraine la réduction de 85 % des actifs de la société. L’Office National de la Navigation est contraint de suivre ce plan. De nombreux actionnaires privés obtiennent le rachat de leurs actions par l’O.N.N. à un prix correspondant à la valeur des actifs restants de la société. Le résultat de cette opération fait que l’O.N.N. devient l’actionnaire majoritaire de la S.F.N.D. au nom de l’État français. Un nouveau Conseil d’Administration, dans lequel les représentants de l’État sont majoritaires, se met en place.
Les années 1967 et 1968 marquent un tournant décisif dans l’histoire de la S.F.N.D. Le capital de l’entreprise est alors réparti comme suit :
O.N.N. (pour l’ensemble du patrimoine de l’État) : 91, 33 %
S.A. Louis Dreyfus et Cie : 3, 27 %
M. Fernand Champion : 2, 54 %
C.F.N.R. : 1, 95 % Actionnaires divers : 0, 91 %

   La flotte de la S.F.N.D. restante est composée de quatre remorqueurs et de cinq chalands basés à Brǎila, bien modeste en regard de ce qu’elle était avant la Seconde Guerre mondiale. Les bateaux sont loués à des sociétés roumaines sur l’initiative du directeur de la S.F.N.D. basé à Bucarest. La société compte 40 employés en tant que personnel technique et personnel navigant. Le directeur technique et le chef mécanicien sont basés à Brăila. Les unités disponibles datent certes d’avant la Première Guerre mondiale mais, soigneusement entretenues sous la vigilance et l’expertise du personnel et de la direction, elle est en bon état.
Il est envisagé, en lien avec la Compagnie Française de Navigation Rhénane (C.F.N.R.) et du fait de l’important changement de la situation politique conséquent aux évènements de 1989 en Europe centrale et orientale et de nouvelles opportunités commerciales, de relancer les activités de la S.F.N.D. au début des années 1990 par le transfert d’unités récentes, y compris sur le Haut-Danube.10 La S.F.N.D. est à cette époque (1993) détenue à  51 % par la C.F.N.R., les 49 % restants étant répartis à égalité entre la S.A. Louis Dreyfus et Cie et Les Ciments Lafarge. Le projet, pourtant pertinent, n’aboutira pas.
La S.F.N.D. dont le dernier siège est à Strasbourg, cesse définitivement ses activités le 21 mai 1999.

Notes :
1L’idée de la batellerie lyonnaise en perte vertigineuse de marché dès les années 1850 à cause de la construction d’une ligne de chemin de fer entre Paris et Marseille, était de recycler leurs bateaux inutilisés sur d’autres cours d’eaux européens. « C’est alors qu’un projet hardi prit naissance dans les milieux de la batellerie lyonnaise : pourquoi ces navires qui avaient terminé leur carrière sur le Rhône ou la Saône n’iraient-ils pas en Mer Noire, dans la Mer d’Azov, ou pour remonter les fleuves de Russie ou des provinces roumaines ? Ils pourraient y rendre de grands services pour transporter des troupes, pour abriter des malades, pour faire même des ponts de bateaux. Il semble que l’idée première de cette utilisation revienne au Capitaine Magnan qui ne craignait pas les aventures puisqu’il avait participé à des expéditions navales en Amérique du Sud. Seulement, comment envoyer ces petites barques destinées à un simple trafic fluvial jusqu’en Mer Noire ? C’est alors qu’il fut décidé d’en diriger une à titre d’essai vers le Bosphore. Son commandement revint, comme il était légitime, au Capitaine Magnan qui aurait ainsi à faire la preuve de ce qu’il avait affirmé. Le bateau désigné, « Le Cygne », jaugeait seulement 116 tonneaux ; sa longueur ne dépassait pas 57 m. pour un « creux » de 2 m. 40. Sa puissance était de 50 CV. C’était le type même du bateau de rivière sur lequel un équipage de 22 hommes allait entreprendre un voyage de plus de 2.000 km. sur mer. L’entreprise paraissait folle. Parti de Lyon, « Le Cygne » descendit le Rhône. arriva à Marseille et en repartit, le 15 août 1855, accompagné par les prières de toute une population convaincue qu’on ne reverrait jamais les hardis navigateurs. Ayant hissé à son mât le drapeau français et le pavillon lyonnais, le frêle navire fit successivement escale à Gênes, Livourne, Civita-Vecchia, Messine (détail amusant, les habitants de l’Italie du Sud l’acclamaient du rivage, criant: « Vive la France ! Vive le Roi Murat! » celui-ci fusillé depuis 40 ans !). Puis son long parcours fut jalonné par Gallipoli, Corfou, Parga, Zante, Hydras, Le Pirée, Calchis, Volo, les Dardanelles, Constantinople enfin qui fut atteinte le 19 septembre. « Le Cygne » avait ainsi atteint son but, ayant couvert 612 lieues en 26 jours dont 7 et demi de navigation. C’était un véritable triomphe. Le Capitaine Magnan mit le comble à sa renommée, lorsque, à l’épouvante des Levantins, il dirigea son bateau contre le pont de bateaux de Galata, enfila sans encombre l’arche étroite réservée aux caïques, la cheminée mobile étant abaissée, et se retrouva dans le bassin de l’arsenal turc. Malheureusement, ce succès fut de courte durée : immédiatement le navire avait été utilisé et il avait à bord 150 prisonniers russes lorsque, le 8 octobre il fut abordé et coulé par le navire autrichien « L’Impératrice ». On peut retenir son oraison funèbre telle que la rédigea un journaliste: « Un gros navire autrichien venant de ‘Trieste mit fin aux destinées aventureuses de ce pauvre bateau de rivière dépaysé, qui jamais plus ne débarquera ses joyeux voyageurs aux foires de Montmerle et qui, laissant à la surface des eaux le pavillon tricolore n’a pas voulu se séparer de son Lion, symbole héraldique de la seconde ville de France… ». Le naufrage du « Cygne » mit fin à ce vaste projet qui aurait permis une « liquidation magnifique» du matériel inemployé de la batellerie lyonnaise. — D’autres projets furent envisagés : usage sur le Danube, mais le Gouvernement et les banquiers pressentis ne mirent aucun bonne volonté pour faciliter les choses; – utilisation sur le Dniepr, puis en Turquie, sur le lac de Van, puis en Espagne, sur l’Ebre… Au reste ces diverses tentatives importent peu, puisqu’elles prouvent suffisamment la défaite de la batellerie dans sa lutte contre le chemin de fer… »
Félix Rivet, Le conflit entre la batellerie et le chemin de fer à Lyon au début du XIXe siècle, in : Revue de géographie jointe au Bulletin de la Société de géographie de Lyon et de la région lyonnaise, vol. 24, n°2, 1949. pp. 97-107.

DOI : https://doi.org/10.3406/geoca.1949.5308
2 C. Bouillon : Rapport sur les services de navigation à vapeur, À établir par la Compagnie Franco-Serbe sur le Danube et la Save, présenté au Prince Milosch, le 5 décembre 1859, in Compagnie Générale de Navigation, Actes et Documents relatifs au projet d’étendre ses services sur le Danube et ses affluents, Imprimerie et Lithographie J. Nigon, Lyon, 1860, reprint Facsimile Publisher, Delhi, 2016
3 idem

4 Pièce de bois en chêne qui forme la paroi des tonneaux
5 Sisak, Croatie ; ville située à la confluence de la Kupa et de l’Odra avec la Save
6 crée en 1955
7 C. Bouillon : Rapport sur les services de navigation à vapeur, À établir par la Compagnie Franco-Serbe sur le Danube et la Save, présenté au Prince Milosch, le 5 décembre 1859, in Compagnie Générale de Navigation, Actes et Documents relatifs au projet d’étendre ses services sur le Danube et ses affluents, Imprimerie et Lithographie J. Nigon, Lyon, 1860, reprint Facsimile Publisher, Delhi, 2016
8 La Compagnie Fraissinet n’était pas tout à fait en terrain inconnu sur le Bas-Danube puisqu’elle desservit avec ses bateaux depuis Marseille dès la fin du XIXe siècle outre le Languedoc, la Corse (service postal), la Sardaigne, l’Italie, la Riviera française et italienne, Oran, Dakar et Libreville (service postal) Constantinople, la mer Noire et l’embouchure du Danube.
Outre la Compagnie Fraissinet et la S.F.N.D., La société Louis Dreyfus & Co. dont la filiale roumaine était basée à Brǎila fera naviguer sur le Bas-Danube pendant la première moitié du XXe siècle jusqu’en 1939,  une petite flotte comptant un remorqueur à vapeur (Zugraddampfer) « l ‘Alliance » (construit à Lyon en 1897) et une dizaine de barges de 450 à 1500 tonnes.  

9 « C’est à Marseille, le grand port de la Méditerranée que tout a commencé en 1851. Un petit armateur Marseille, Albert Rostand, proposa à Ernest Simons, directeur d’une compagnie de messageries terrestres, les Messageries Nationales, de s’associer pour créer une compagnie maritime de Messageries, qui prit le nom de Messageries Nationales, puis de Messageries Impériales, pour devenir en 1871 la Compagnie des Messageries Maritimes. Dès le départ la nouvelle compagnie va cumuler deux rôles et deux fonctions parfois difficilement conciliables: transporter, avec un bénéfice commercial, des passagers et du fret, mais aussi assurer avec une régularité imposée par une convention avec l’Etat, le transport du courrier et des messageries, la contrepartie étant une subvention annuelle. Deux ingénieurs, Dupuy de Lôme et Armand Behic s’associèrent au projet, encourageant notamment le rachat des chantiers navals de La Ciotat en 1849. C’est dans ces chantiers que la Compagnie a fait construire la majorité de ses navires. La Compagnie assurait donc deux sortes de lignes: des lignes purement commerciales, indépendantes de l’Etat, et des lignes postales, subventionnées. »  La compagnie dessert la mer Noire à partir de 1855.
Sources : messageries-maritimes.org
10 « Alliance française en faveur d’une percée sur le Danube » (Élie le Du, article du Journal Les Échos, 14 janvier 1993) :
« Grâce à des accords déjà signés (Roumanie) ou en cours de négociation (Autriche), les intérêts fluviaux français du Rhin se montrent actuellement très dynamiques. Il s’agit notamment de miser sur l’axe Rhin-Danube pour effectuer une percée en direction des Balkans et même au-delà.
   « La Compagnie Française de Navigation Rhénane doit renouveler sa flotte et moderniser sa gestion pour soutenir ses ambitions, tant sur le Rhin que sur le Danube et même au-delà. Pour ce faire, une recapitalisation de 64 millions a été décidée en mars dernier. L’Etat, qui contrôle 75 % du capital aux côtés de l’Association technique des importations de charbon, du Port et de la Ville de Strabourg, et de la société Traction de l’Est, apporte environ 52 millions. Pour le président de la C.F.N.R., Gérard Gérold, « cette recapitalisation doit permettre de réussir le plan 1992 – 1994 de modernisation et de retour à l’équilibre ».
   Deuxième des armateurs fluviaux européens opérant sur le Rhin avec une capacité de transport propre et affrétée de 140.000 tonnes (derrière l’allemand Stinnes, qui dispose d’une capacité de 300.000 tonnes), la CFNR semble donc désormais armée pour défendre ses positions. D’autant plus qu’elle dispose d’une filiale basée à Bucarest, la Société Française de Navigation Danubienne (S.F.N.D.), qui peut constituer une excellente carte dans le nouvel environnement économique qui se met en place depuis la chute du régime Ceaucescu. La C.F.N.R. détient 51 % de la S.F.N.D., le reste du capital étant réparti à égalité entre Louis Dreyfus et Ciments Lafarge. Directeur général de la C.F.N.R., président de la S.F.N.D., Claude Meistermann souhaite « valoriser cette carte en transport fluvial proprement dit, mais aussi en participant à d’autres opérations concernant des prestations de gestion de terminaux, de stockage, de zones franches, etc. »
Ouvertures sur le Moyen-Orient
  Rien qu’en Roumanie, la S.F.N.D. dispose d’un champ d’action qui concerne 1.000 kilomètres de Danube. En jouant la synergie C.F.N.R.-S.F.N.D., les intérêts français peuvent être présents sur les marchés rhénans et danubiens avec des ouvertures non seulement sur les Balkans en général, mais aussi sur la Turquie, la Grèce et l’ensemble du Moyen-Orient. Les ambitions danubiennes de la C.F.N.R. sont d’autant plus crédibles que la carte S.F.N.D. pourrait bien être renforcée prochainement par une présence appréciable en Autriche. En partenariat avec le groupe allemand Stinnes, la C.F.N.R. envisage en effet de créer une société de droit autrichien qui achèterait 49, 9 % de l’armement national D.D.S.G. Cargo, dont le siège est à Vienne. L’autre actionnaire important, avec 15 %, étant alors Schenker Austria, qui fait partie du même groupe que Stinnes, à savoir le Konzern allemand Veba. Selon Gérard Gerold, « il ne s’agit que de pourparlers mais ces derniers sont en phase finale ». Si ces négociations aboutissent, de nouveaux développements des intérêts fluviaux français sur l’axe Rhin-Danube seront à attendre. »

La compagnie Fraissinet sur le Danube
L’armateur et homme politique marseillais Jean Fraissinet (1894-1981) raconte dans le chapitre « La mer Noire et le Danube » de son  livre
Un combat à travers deux guerres et quelques révolutions le contexte de la création de la Société de Navigation Danubienne et de la navigation sur le Bas-Danube à cette époque :
    « La Cie Fraissinet exploitait un service régulier entre Marseille et les ports de la mer Noire et du Danube. J’allais souvent à Bourgas, Varna en Bulgarie, à Constantza, Sulina, Galatz et Braïla, en Roumanie. Le gel du Danube interrompait la navigation en hiver. Pendant le reste de l’année nos navires prenaient des chargements de graines en vrac, qu’ils complétaient dans les ports de la mer Noire, quand les tirants d’eau l’exigeaient. C’est pourquoi les navires affectés à cette ligne qui portaient tous le nom d’un membre décédé de notre famille, étaient construits avec un tirant d’eau aussi faible que possible…
   Au lendemain de la guerre 1914-1918, la Cie Fraissinet était représentée en Roumanie, de père en fils par la famille Vuccino. Jacques Vuccino, qui était fort dynamique proposa à mon père de créer une société pour acquérir et exploiter le matériel de navigation fluviale pris sur le Danube par les armées alliées.
Ainsi naquit, avec la participation des Messageries maritimes, la Société [Française] de Navigation Danubienne, que présidait mon père, et qui me valut des séjours à Braïla, Galatz, Constantza, Sulina. Mon initiation à l’exploitation des remorqueurs et des schleps [remorqueurs] m’éloignait trop, à mon gré, du gibier d’eau, oies comprises qui pullulait alors dans les bouches du Danube…
   En hiver, la navigation était interrompue par les glaces. Il fallait veiller à appareiller parfois en catastrophe, les navires de haute-mer, pour éviter de les voir longuement immobilisés dans les fleuves, par la glace.
   À la mort de mon père, l’amiral Lacaze, avec lequel il était très lié, lui succéda à la présidence de la société, dont je fus, quelque temps, administrateur délégué.
   La Danubienne subit des fortunes diverses. Par l’office National de la Navigation, l’État en devint actionnaire, mais ne parut jamais beaucoup s’intéresser à elle. Au moment même où j’écris ces lignes, cet office, les Chargeurs Réunis et la Cie Fraissinet sont les principaux actionnaires d’une société dont la liquidation est envisagée. »

Jean Fraissinet, Au combat à travers deux guerres et quelques révolutions, La Table Ronde, Paris, 1968

Remarque : n’ayant pas encore pu consulté les documents conservés aux Archives Nationales de France concernant la Société Française de Navigation Danubienne, cet article fera l’objet de révisions ultérieures.

L' »Amiral Lacaze », photo sources Musée de la navigation de Ratisbonne (Schiffahrts-Museum Regensburg)

L’incroyable odyssée de l’Amiral Lacaze, remorqueur de la Société Française de Navigation sur le Danube

   La Société Française de Navigation Danubienne exploita sur le grand fleuve européen pendant une cinquantaine d’années, jusqu’au début de la Seconde Guerre Mondiale, une flotte conséquente de 80 bateaux ou unités fluviales. De celle-ci il ne reste plus à la fin des années soixante que trois navires à propulsion unique qui naviguent encore sur le Danube : le MZS Strasbourg (type D.D.S.G. Döbling), construit en 1963 dans les chantiers navals autrichiens de Korneuburg et qui fut après avoir été vendu à une compagnie bulgare, rebaptisé ultérieurement BRP T. Kableschkov, le Pasteur et le MZS Amiral Lacaze.
Le MZS Amiral Lacaze est construit par les célèbres chantiers navals Ruthof de Regensburg en 1938. Le navire, d’une longueur maximale de 45, 75 m et d’une largeur maximale de 7, 75 m, a un tirant d’eau idéal pour le Danube de 1, 50 m et est équipé d’un moteur de 2 X 500 CV MWM. Il porte le le nom du ministre français de la Marine, l’amiral Marie Jean Lucien Lacaze (1860-1955), grand rénovateur de la marine française avant la Première Guerre mondiale et a son port d’attache en France, comme d’ailleurs tous les autres navires de la SFND. Le bateau navigue après sa mise en service principalement entre Ratisbonne et Budapest.
   Dès la déclaration de la Seconde Guerre mondiale en 1939, l’armée allemande s’intéresse de près à ce navire français récent et bien équipé. Afin d’éviter qu’elle ne le confisque, la direction de la S.F.N.D. donne l’ordre à son capitaine de descendre le Danube jusqu’à son delta et la mer Noire. C’est le début de l’incroyable odyssée de l’Amiral Lacaze. La situation demeure instable sur le Bas-Danube roumain. Aussi, sur sur un nouvel ordre de la direction de la S.F.N.D., le navire danubien rejoint la mer Noire, traverse le Bosphore et rallie la Turquie et Istanbul. Là non plus les conditions de sécurité ne sont pas satisfaisantes pour le navire français qui est obligé de poursuivre son périple via la mer de Marmara et le détroit des Dardanelles jusqu’en Grèce. L’amirauté grecque, profitant de l’aubaine, l’utilise pour transporter le courrier et les dépêches entre les îles grecques de Chios et de Mytilène. Lorsque l’armée allemande envahit la Grèce au printemps 1941, ses avions ou des appareils de l’armée de l’air italienne bombardent le navire à Mytilène l’ayant identifié comme cible de guerre ennemie. Ces bombardements endommagent sérieusement la proue arrière du bateau. Le capitaine sauve de justesse le remorqueur du naufrage en s’enfuyant une nouvelle fois et en mettant celui-ci à l’abri sur l’île d’Andros. Mais le pauvre marin, traumatisé par les attaques allemandes, a une crise de nerfs et abandonne son navire. Un nouveau capitaine prend le destin de l’Amiral Lacaze en main et réussit à remettre le navire à flot avec des moyens rudimentaires. Malgré un système de gouvernail endommagé et des hélices tordues, l’Amiral Lacaze échappe de justesse aux troupes allemandes peu avant l’occupation de l’île.
L’odyssée emmène le navire vers le port turc d’Izmir. Les conditions de sécurité insatisfaisantes obligent une nouvelle fois le capitaine à appareiller rapidement. Tout en prenant de grands risques, il réussit en déjouant la surveillance et les sous-marins ennemis pour se réfugier à Famagusta sur l’île de Chypre. Dissimulé dans un bassin portuaire, il est malgré tout repéré et au cours d’une attaque aérienne à nouveau bombardé et coulé lors d’un raid italien en provenance de l’île de Rhodes. De l’Amiral Lacaze on ne voit plus que le mât qui dépasse tristement hors de l’eau. On réussit malgré les difficultés à renflouer le bateau et à le réparer provisoirement. La route de l’Amiral Lacaze se poursuit à travers la mer du Levant jusqu’à Port Saïd en Égypte. Il entre alors au service des Britanniques et de la Royal Navy naviguant en tant que bateau de guerre sur le Nil. Le navire se trouve au moment de la fin du conflit dans le port égyptien d’Alexandrie. Ses propriétaires français décident alors de rapatrier le navire sur le Danube.
Le retour n’est guère possible en remontant le fleuve depuis la mer Noire. Le Bas-Danube est impraticable à cause des destructions dues à la guerre. Son chemin de retour l’oblige à traverser la mer de Corinthe, la mer Ionienne, le détroit d’Otrante et la mer Adriatique pour terminer à Trieste. De Trieste le bateau sera acheminé par le train jusqu’au Danube. La coque du bateau est démontée et chargée sur des wagons à destination de Ratisbonne. Au terme de la partie finale de son odyssée, l’Amiral Lacaze doit encore traverser les Alpes via le col du Semmering et l’Autriche pour rejoindre la Bavière. Le bateau est reconstitué dans ses chantiers navals d’origine à Ratisbonne puis retrouve le Danube naviguant sous pavillon français mais avec un équipage de la D.D.S.G.

Le Filip Totü et le T. Kableschkow bord à bord le 31 Juillet 1968, photo collection particulière, droits réservés

Au début des années 60, le bateau est rénové, remotorisé et loué à l’ancienne compagnie fluviale COMOS (Continentale Motorschiffahrtgesellschaft A.G.) avec son personnel. L’Amiral Lacaze est ensuite vendu avec le Strasbourg par la S.F.N.D. en 1968 à la société bulgare de navigation fluviale BRP et rebaptisé du nom de Filip Totü. Il naviguera alors sur le Danube comme remorqueur sous pavillon bulgare entre les ports d’Izmaïl (Ukraine), Ruse (Bulgarie) et Ratisbonne (Allemagne) jusqu’en 1984.

Le Filip Totü, ex-Amiral Lacaze en juin 1980 sur le Danube oriental, photo sources www.binnenschifferforum

   Le Filip Totü sert ensuite de navire de manœuvre dans la zone du port de Ruse et part  » à la retraite » le  17 avril 2001. La société « Kontakt Invest Holding », basée à Veliko Tarnovo (Bulgarie), achète le navire le 31 mars 2003. En automne 2004, l’ex Amiral Lacaze, après 66 années de bons et loyaux services, est envoyé au démantèlement dans le bassin de la société « Donau Dragen Flotte » – Ruse (DDF).

Le Filip Totü à la hauteur de Vienne, photo collection particulière, droits réservés

Le Pascal, ex S.F.N.D.
   Le Pascal (ex West Havelland puis Bertha Anna), construit en 1907 par les chantiers navals des Frères Wiemann à Brandebourg-sur-la-Havel, un affluent de l’Elbe, est dans un état plus que préoccupant. Il est bien triste de voir ce joli petit remorqueur d’une vingtaine de mètres de long (19, 80 m), de 4, 40 m de large, d’un tirant d’eau de 1, 40 m, d’un poids de 55 t et équipé d’un moteur de 170 CV, attribué à la France comme dommage de guerre en 1918 pour les pertes occasionnées par le conflit à la S.F.N.D., confisqué par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale puis restitué à la compagnie française en 1945, et qui a navigué sous pavillon tricolore sur le Danube de longues années, se détériorer de jour en jour.

Le Pascal, remorqueur à vapeur historique de la Société Française de Navigation Danubienne (S.F.N.D.), amarré au quai dans le port de Korneuburg, presque bord à bord (quel contraste !) avec le MS Vivaldi, un bateau de croisière de la compagnie strasbourgeoise Croisieurope. Photo © Danube-culture, droits réservés

À l’exception du Mistral, à l’histoire rocambolesque (ex Columbia, le remorqueur a accueilli des personnalités historiques telles que l’empereur François-Joseph, incognito pour des inspections, Staline et Tito), construit en Hollande en 1914 qui appartient aujourd’hui (tout comme le Pascal ?) au Musée de bateaux de Vienne (Schiffmuseum Wien) et à son propriétaire, le capitaine Franz Scheriau, aucun autre remorqueur de la S.F.N.D. ayant navigué sur le fleuve n’a vraisemblablement échappé à la démolition.

Photo © Danube-culture, droits réservés

Autres bateaux ayant navigué sur le Danube sous pavillon français
-Adour, ex Emma, Schlepp construit à Budapest ayant appartenu à la S.F.N.D., port d’attache : Brăila
-Algérie, ex Keriminetz (coque et pont en fer), Schlepp, construit à Budapest en 1885) ayant appartenu à la S.F.N.D., port d’attache : Brăila
-Alsace, ex D.D.S.G., Schlepp, construit à Budapest en 1885 ayant appartenu à la S.F.N.D., port d’attache : Brăila
-Angkor, ex Cars 45, Schlepp ayant appartenu à la S.F.N.D., port d’attache : Brăila
-Anjou, (coque et pont en fer), Tanker, construit à Budapest en 1903 ayant appartenu à la S.F.N.D., port d’attache : Brăila
-Annam, ex M.F.T.R. (coque et pont en fer), Tanker, construit à Budapest en 1903 ayant appartenu à la S.F.N.D., port d’attache : Brăila
-Armagnac, (coque et pont en fer), Schlepp, construit en 1912 ayant appartenu à la SFND, port d’attache : Brăila
-Artois, ex DDSG, (coque et pont en fer), Schlepp construit en 1912 ayant appartenu à la SFND (?), port d’attache Brăila
-Aunis, Schlepp (?) ayant appartenu à la S.F.N.D., port d’attache : Brăila

Sources :
Compagnie Générale de navigation, Actes et Documents relatifs au projet d’étendre ses services sur le Danube et ses affluents, Imprimerie et Lithographie J. Nigon, Lyon 1860, reprint Facsimile Publisher, Delhi, 2016

DUBOIS, Jacques, « Anmerkung zur Gesichte der SFND », in Donau Schiffahrt, Schriftenreihe des Arbeitskreise Schiffahrt-Museum Regensburg e. V., Band 6, 1992, pp. 145-147
FRAISSINET, Jean, Au combat à travers deux guerres et quelques révolutions, La Table Ronde, Paris, 1968
HINES, Walker D, avec la collaboration du major Brehon Somerwell, Rapport relatif à la navigation sur le Danube, présenté à la Commission Consultative et Technique des Communications et du Transit de la Société des Nations, Genève, août 1925
PIPAUD, Patrice, « Le « Lyonnais » sur le Danube : liberté de navigation et opportunisme commercial français (1856–1858), in REVUE DES ÉTUDES SUD-EST EUROPÉENNES, Tome LX, 2022 Nos 1–4, Janvier–Décembre, pp. 307-331
https://ccr-zkr.org › files › histoireCCNR › 13_axe-fluvial-rhin-danube
www.donau-schiffahrtsmuseum-regensburg.de
www.binnenschifferforum.de
 Archives Nationales, Paris
Sociétés de Navigation  : 1943 à 1974
Société « SOVROM-TRANSPORTS » convention russo-roumaine du 19/7/1945 notes diverses (1945-1948)
Société Française de Navigation Danubienne
a) dédommagement partiel des pertes subies pendant la guerre (1946 à 1964)
b) nomination au Conseil d’Administration (1947)
c) contrat passé entre la société allemande de navigation du Danube (D.D.S.G.) et la S.F.N.D. (1943 à 1946)
d) avenir de la société – rachat de la flotte du Haut-Danube – étude financière – correspondance – statistique règlementation de la navigation sur le Danube etc … (1962 à 1974)
e) situation financière et documents divers (1946 à 1950)
Identifiant de l’unité documentaire :
19770765/1-19770765/30 – 19770765/28
Cotes :
19770765/1-19770765/30
Date : 1849-1975
Nom du producteur : Deuxième bureau des voies navigables (direction des ports maritimes et des voies navigables)
Localisation du site : Pierrefitte

Eric Baude pour Danube-culture, mis à  jour nvembre 2023, © droits réservés

Periprava (delta du Danube)

Photo Guy-Pierre Chaumette, Regards de l’Est

Les lieux sont peuplés par des pêcheurs d’origine lipovène dans les années 1860 ,à proximité d’un monastère orthodoxe situé en lisière de forêt. Une église orthodoxe, dédiée à saint Dimitri est construite en 1882.

L’église saint Dimitri, photo droits réservés

En 1900, le village compte une population exclusivement lipovène de 344 habitants logés dans 65 maisons, 559 en 1912, 558 en 1930, 602 en 1948, 593 en 1956, 1048 en 1966, 615 en 1977, 322 en 1992 et 312 en 2002. Ces variations démographiques peuvent s’expliquer par la présence d’un goulag, le camp de la maison rouge construit vers 1950 par Gheorghe Gheorghiu-Dej (1901-1965) et le régime communiste et qui a été « transformé » en prison pour détenus de droits communs en 1975 et continué à fonctionner comme tel jusqu’à la révolution de 1989.

Ruine de la colonie pénitentiaire de Periprava. Tout ce qui a pu être récupéré a été emporté ou encore détruits par les habitants des environs comme pour exorciser ce passé douloureux, photo droits réservés

L’objectif officiel de la colonie pénitentiaire était de construire un barrage de 16,5 km de long entre Periprava et Sfiştofca afin de protéger des inondations les champs sur le point d’être débarrassés des roseaux et de les utiliser comme surfaces agricoles. Un autre objectif était de rehausser la route de Periprava sur plusieurs kilomètres. Ainsi, à partir de 1959, des milliers de prisonniers politiques ont été amenés dans la colonie jusqu’en 1964, date des amnisties collectives. Le but non déclaré mais implicite de ces transferts était d’exploiter brutalement leur travail et de les soumettre à un régime d’extermination. Ces conditions atroces ont entraîné la mort de 124 prisonniers, principalement des prisonniers politiques, mais aussi des prisonniers de droit commun. Selon des informations documentaires, ainsi que de nombreux témoignages d’anciens prisonniers politiques ayant survécu à la détention dans le camp de travail de Periprava, les causes de décès sont les suivantes : la famine, le froid, le manque d’eau potable et l’absence de soins de santé, les accidents dus à l’environnement de travail épuisant et aux expériences antérieures dans d’autres camps de détention. Certains d’entre eux ont été abattus dans différentes circonstances, notamment lorsqu’ils tentaient de s’échapper.1 Une croix peinte en blanc, sans aucune inscription, commémore ceux qui y perdirent la vie. Les femmes âgées du village qui s’occupent des tombes du cimetière local, racontent qu’elle a été installée à l’endroit où leurs dépouilles étaient enterrées.

Photo droits réservés

Le village souhaite mettre en place à l’intention des visiteurs un parcours mémorial rappelant cette histoire douloureuse mais il est quand même étrange que l’hôtel  « Ultima Frontiera », un établissement écotouristique dans une propriété de 10 000 ha, ait été construit sur l’emplacement même de ce camp de prisonniers.

Complexe écotourisitique « Ultima frontiera », photo droits réservés

Cette région du delta est un trésor de biodiversité et représente la plus importante zone de nidification d’oies sauvages de tout le delta du Danube, Des petits cormorans, des sternes nocturnes et des cigognes noires en grand nombre la fréquentent également.

L’embarcadère pour Tulcea, photo droits réservés

Notes :
1  Sources : Institut d’enquête sur les crimes communistes et la mémoire de l’exil roumain, www.iiccmer.ro

Les Lipovènes du delta du Danube

Vilkove ou Vylkovo (Vâlcov en roumain), ancienne carte postale roumaine

« Il ne faudrait pas se figurer que les pêcheurs n’ont qu’à plonger leurs mains dans le Danube pour en retirer des poissons de choix. La pêche de l’esturgeon ne va pas sans péril. On suspend sur la moitié du fleuve, à deux poteaux ou à deux flotteurs, des filets formés de longues lignes qui balancent au mouvement des eaux, leurs gros hameçons. Dès que les esturgeons s’y engagent, ils sont attrapés et accrochés. Ces lignes doivent être assez espacées ; et les inspecteurs exigent entre les filets  un intervalle d’au moins cinquante mètres, afin que les petits, les chanceux ou les malins puissent s’esquiver. Lorsque les pêcheurs arrivent, ils soupèsent chaque ligne l’une après l’autre et, quand ils sentent le poisson se débattre, ils unissent leurs efforts et la soulèvent avec précaution. À peine le museau de la bête émerge-t-il, q’un homme, armé d’un maillet où l’on a coulé du plomb fondu, lui en assène un coup mortel, car l’esturgeon renverserait barque et pêcheurs. L’an dernier, on en a pris un qui pesait deux cents kilos. Ce genre de  pêche à l’assommoir convient aux Lippovans, ces cosaques sauvages ; ils tiennent autant du boucher que du pêcheur… »
André Bellessort (1866-1942), Sur le Danube, article parue dans la Revue française, 6 septembre 1905

Les Lipovènes qui fuirent la Russie et les persécutions du régime du tsar au début du XVIIIe siècle ont du et su s’adapter aux conditions difficiles de leur nouvel environnement, dans le delta du Danube. Autrefois majoritaires dans celui-ci, devenus presque exclusivement pêcheurs (pour les hommes) et agricultrices pour les femmes, ces « Vieux-Croyants » d’un autre temps ont réussi à préserver jusqu’à aujourd’hui leur langue, leurs pratiques religieuses et une grande partie de leurs traditions tout en diversifiant récemment, pour des raisons économiques et de survie, leurs activités. Certains villages s’ouvrent comme ceux de Mila 23 ou de Jurilovca, à un tourisme durable. Mais la population lipovène est désormais vieillissante à l’image des autres communautés du delta du Danube, déserté peu à peu par ses habitants, les nouvelles générations préférant gagner les grandes villes voisines voire Bucarest et au-delà en Europe pour y travailler.

Vylkove (Vylkovo, Valcov) dans les années cinquante (photo Kurt Hilscher), la petite ville aujourd’hui sur le territoire ukrainien était alors soviétique après avoir été roumaine 

La communauté lipovène des « Vieux Croyants » est dispersée de façon hétérogène sur les territoires ukrainiens (Boudjak, oblast d’Odessa) et roumains (Dobrodgée, départements de Tulcea et de Constanţa, Munténie, département de Brǎila). Elle est fortement implantée, côté ukrainien, notamment à Vilkove (Вилкове en ukrainien, Valcov en roumain), petite ville du Boudjak de Bessarabie, sur la rive gauche du bras danubien septentrional de Chilia, et dans des villages aux alentours. Fondée par des réfugiés lipovènes en 1746 sur un territoire ottoman aux confins de la Russie, Vilkove devient russe en 1812, moldave en 1856, roumaine en 1859, suite à l’union de la Moldavie avec la Valachie, de nouveau russe en 1878, retourne à la Moldavie en 1917 et redevient roumaine en 1918 jusqu’en 1940 ou elle passera sous le giron soviétique. La petite ville fait partie de l’Ukraine depuis 1991. 

Le nom de Lipovène proviendrait du moine Filip, faisant d’eux les Filipovcy, c’est à dire les adeptes de Filip, en roumain Filipoveni, devenus avec le temps Lipoveni.1 Selon d’autres sources, ce nom viendrait du mot lipa (tilleul), un arbre dont le bois servait pour la fabrication des icônes.   

« De nos jours le delta, où vivent environ vingt-cinq à trente mille personnes, est surtout le territoire des Lipovènes, ces pêcheurs à longue barbe de patriarche arrivés au XVIIIe siècle de la Russie qu’ils avaient quittée pour des raisons religieuses. Les Vieux-Croyants, adeptes du moine Philippe, avaient abandonné la Moldavie pour se réfugier en Bucovine ; ils refusaient les sacerdoces, les sacrements, le mariage et le service militaire, et ils refusaient surtout de jurer et de prier pour le tsar, tandis qu’ils choisissaient comme suprême pénitence de mourir sur le bûcher ou en jeûnant. Dans la Bucovine autrichienne Joseph II leur accorda la liberté de culte et l’exemption du service militaire ; l’empereur illuministe méprisait probablement les principes qui leur interdisait de prendre aucun médicament, mais il admirait à coup sûr leur douceur laborieuse et respectueuse des lois, et surtout leur ingéniosité industrieuse, qui faisait d’eux des artisans et paysans hautement qualifiés et en avance sur le plan technique. Vers le milieu du XIXe siècle, beaucoup de Lipovènes en revinrent à une acceptation de la hiérarchie et une célébration de la messe selon l’ancienne liturgie, et à la fin du siècle certains rejoignirent l’église grecque d’Orient.

À présent les Lipovènes sont pêcheurs dans le delta, mais exercent aussi ailleurs les métiers les plus divers, dans les fabriques ou les usines de Roumanie. Pourtant, ils restent toujours essentiellement le peuple du fleuve, vivant dans l’eau comme les dauphins ou les autres mammifères marins. Sur les rives, leurs barques noires ressemblent à de grosses bêtes en train de se reposer sur la plage au soleil, à des phoques prêts à plonger et à disparaître dans les eaux au moindre signal. C’est sur l’eau que se trouvent leur maison de bois, de boue et de paille, couvertes de roseau, leurs cimetières avec leurs croix bleu ciel, leurs écoles où les enfants se rendent en canoë. Les couleurs des Lipovènes sont le noir et le bleu ciel, clair et doux comme les yeux de Nikolaï sous ses cheveux blonds. Tandis que notre bateau passe devant leurs maisons, les gens se montrent hospitaliers et joyeux, ils nous saluent et nous font signe de nous arrêter et d’entrer ; l’un d’entre eux, à petits coups de pagaie, nous accoste et nous offre du poisson tout frais en échange de raki.
Il n’y a pas de limite entre la terre et l’eau, les rues qui dans un village conduisent d’une maison à l’autre sont tantôt des sentiers herbeux, tantôt des canaux sur lesquels flottent des joncs et des nénuphars ; la terre et les fleuve s’interpénètrent et se perdent l’un dans l’autre, les « plaurs » recouverts de roseaux flottent comme des arbres à la dérive où sont fixés au fond comme des îles. Ce n’est pas pour rien qu’il existe une Venise du delta, Valcov, avec son église à coupoles.

Église lipovène de Vylkovo, photo © Danube-culture droits réservés

Zaharia Haralambie, près du mille 23 [Mila 23], sur l’ancien cours du Danube, à double méandre, du côté du canal qui mène à Sulina, est le gardien de la réserve des pélicans ; toute sa vie se passe à écouter leurs cris et le battement de leurs ailes. Comme les autres Lipovènes, il a un visage franc et ouvert, une innocence dénuée de crainte. Les enfants, qui en bande ont fait cercle autour de nous dès que nous sommes descendus, se plongent dans le fleuve et le boivent, se courent après sans faire de distinction entre la terre et l’eau. Les femmes sont bavardes, aimables, elles ont des façons libres et familières, ce qui induit Cisek, dans son roman, à imaginer de plaisantes aventures amoureuses. Le delta, c’est l’abandon total à l’écoulement ; dans cet univers liquide qui libère et dénoue, les feuilles se laissent aller et emporter par le courant. »
Claudio Magris, « Sur le delta » in Danube, Collection l’Arpenteur, Éditions Gallimard, Paris 1986

« Pour définir la population que l’on qualifie de lipovène en Roumanie, en Moldavie et dans l’ouest et le sud de l’Ukraine, on peut dire qu’il s’agit d’une population ethniquement russe ; installée principalement en Moldavieet en Dobroudja depuis près de 300 ans, et qui a conservé la langue, les croyances religieuses et les coutumes ancestrales de sa patrie d’origine la Russie. Ces Russes-Lipovènes, nom que prirent les Vieux-croyants russes en s’installant sur les terres de l’Empire ottoman et de ses principautés vassales de Moldavie et Valachie dès le début du XVIIIe siècle sont, aujourd’hui encore, massivement présents dans le delta du Danube, dont ils constituaient jusque dans les années 1890 la majorité de la population. Ces nouveaux arrivants fuyaient les persécutions de l’administration tsariste qui cherchait à leur imposer de force une réforme de l’Église orthodoxe russe qu’ils refusaient avec obstination depuis la fin du XVIIe siècle. Leur peuplement actuel, situé pour l’essentiel dans le delta du Danube, semble remonter, quant à lui, à la guerre russo-turque de 1768-1774 dans laquelle les Vieux-croyants furent impliqués. On distingue dès cette époque deux types de peuplement russes vieux-croyants dans la région du delta du Danube, deux peuplements bien distincts à l’origine mais qui progressivement, pour des raisons culturelles et religieuses, se sont homogénéisés pour aboutir à l’émergence du peuplement russe-lipovène que l’on connaît aujourd’hui… »

Notes :
1Frédéric Beaumont, « Les Lipovènes du delta du Danube », Balkanologie [En ligne], Vol. X, n° 1-2 | mai 2008, mis en ligne le 02 avril 2008, URL : http://balkanologie.revues.org/394
2 Moldavie au sens large. Les Lipovènes sont également présents en Bucovine, région partagée aujourd’hui entre la Roumanie et l’Ukraine.

350px-LipovènesCarteBibliographie :
BEAUMONT, Frédéric, « Les Lipovènes du delta du Danube », Balkanologie [En ligne], Vol. X, n° 1-2 | mai 2008, mis en ligne le 02 avril 2008
PRYGARINE, Olexandre, « LES « VIEUX-CROYANTS » (LIPOVANE) DU DELTA DU DANUBE », Presses Universitaires de France | « Ethnologie française » 2004/2 Vol. 34 | pages 259 à 266
https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2004-2-page-259.htm
POLIAKOV, Leon, L’épopée des vieux-croyants : Une histoire de la Russie authentique, Librairie académique Perrin, 1991
CISEK, Oskar Walter (1897-1966), Strom ohne Ende, Rütten & Loening, Berlin, 1967, 
Interview de Frédéric Beaumont sur les populations lipovènes du delta :
www.youtube.com/watch?v=2-8_Gbi6j58

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés mis à jour novembre 2023

Kurt Hielscher (1881-1948  Vâlcov, photo extraite du recueil « Landschaft, Bauten, Volksleben. F.A. Brockhaus, Leipzig 1933/Roumanie. Son paysage, ses monuments, son peuple. F.A. Brockhaus, Leipzig 1933.

Jean Bart (Eugeniu P. Botez)

   « Le Danube, large et paisible, s’écoule lentement et indolemment vers la mer avec la même majestueuse insouciance depuis des milliers d’années. »
Jean Bart, Dettes oubliées, 1915

Fils du général de brigade Panait Botez (1843-1018), Jean Bart commence en 1882 ses études à l’école primaire du quartier Păcurari de Iaşi en Moldavie où enseigne, en tant qu’instituteur, l’écrivain Ion Creangǎ (1837-1889). Il les poursuit au lycée militaire puis à l’École de la Marine de Constanţa, termine sa formation d’officier en embarquant à bord du navire-école Mircea et travaille ensuite dans l’administration navale militaire et civile. Il occupera ultérieurement les fonctions de Directeur de l’École de la Marine de Constanţa, de Commissaire maritime (1909-1913 et 1915-1918), de Capitaine principal du port de Sulina, de Commandant de la garnison et de Commandant militaire du même port.

La maison de Jean Bart à Sulina, collection ICEM, Tulcea

Sans doute est-il un témoin privilégié, lors de son séjour à Sulina, du déclin économique de la petite ville que la Commission Européenne du Danube (1856-1940) avait, de par son installation à la fin des années 1850, sa présence durant de nombreuses années et ses impressionnants travaux d’aménagement pour la navigation à l’embouchure de ce bras, métamorphosée en une cité au destin inespéré.

L’ancien palais de la Commission Européenne du Danube à Sulina, construit en 1860, photo Danube-culture, droits réservés

   « Quand tu rejoindras le Danube, ô voyageur, arrêtes-toi ! Qu’importe ta course, attarde-toi ici quelques instants. Médite et contemple silencieusement la grandeur suprême du vieux roi des fleuves que le monde antique a érigé au rang de divinité. »
Jean Bart, Le livre du Danube, Bibliothèque de la Ligue navale, Bucarest (?), 1933

L’écrivain dont le choix du pseudonyme de Jean Bart est un témoignage d’admiration pour le célèbre corsaire français, collabore en 1899 au magazine littéraire Pagini literare aux côtés de Mihail Sadoveanu (1880-1961) et entretient de nombreux contacts dans le monde de la littérature qui lui permettront d’écrire dans d’autres revues spécialisées roumaines (Viața Românească, Adevărul Literar…). Il effectue en parallèle de ses activités de journaliste et d’écrivain, en tant que secrétaire de la Ligue Navale Roumaine et spécialiste dans les problématiques de la navigation danubienne, plusieurs missions officielles en Suède, aux États-Unis, en Suisse et en France.

Jean Bart, Le Danube et sa solution, publié à Galaţi en 1920

Jean Bart a écrit de nombreux articles et reportages pour la presse roumaine ainsi que des romans et des nouvelles. Son dernier livre Europolis, premier volet d’une trilogie dont seul ce premier volume verra le jour, se déroule à Sulina. Ce livre est publié l’année de sa mort, en 1933.

Jean Bart, collection Musée National de la Littérature Roumaine, Bucarest

L’essayiste et critique littéraire roumain Paul Cermat a récemment consacré (2010) une préface à une nouvelle édition d’Europolis, préface intitulée : Un port de la răsărit (Un port du levant). Quant à Claudio Magris, il écrit à propos de ce roman dans son livre Danube1 : « Jean Bart voit les destinées humaines elles-mêmes aborder à Sulina comme les épaves d’un naufrage ; la ville, comme le dit le nom qu’il lui a inventé, vit encore dans un halo d’opulence et de splendeur, c’est un port situé sur de grandes routes, un endroit où se rencontrent des gens venus de pays lointains et où on rêve, on entrevoit, on manie mais surtout on perd la richesse.

Groupe de femmes de Sulina, collection ICEM, Tulcea

Dans ce roman, la colonie grecque, avec ses cafés, est le décor de cette splendeur à son déclin, à laquelle la Commission du Danube confère une dignité politico-diplomatique, ou du moins un semblant. Le livre est, toutefois, une histoire d’illusion, de décadence, de tromperie et de solitude, de malheur et de mort ; une symphonie de la fin, dans laquelle cette ville qui se donne des allures de petite capitale européenne devient bas-fond, rade abandonnée ».

Europolis, roman, (nouvelle traduction par Gabrielle Danoux), 2016

Europolis
   « Sulina, du nom d’un chef cosaque, est la porte du Danube. Le blé en sort et l’or rentre. La clef de cette porte est passée au fil des temps d’une poche à l’autre, après d’incessantes luttes armées et intrigues. Après la guerre de Crimée, c’est l’Europe qui est entrée en possession de cette clef qu’elle tient d’une main ferme et ne compte plus lâcher : elle ne la confie même pas au portier, qui est en droit d’en être le gardien.
Sulina, tout comme Port Saïd à l’embouchure de Suez, une tour de Babel en miniature, à l’extrémité d’une voie d’eau internationale, vit uniquement du port.
Cette ville, créée par les besoins de la navigation, sans industrie ni agriculture, est condamnée à être rayée de la carte du pays, si on choisit un autre bras du fleuve comme porte principale du Danube. »
Jean Bart, Europolis, 1933, roman, nouvelle traduction en français par Gabrielle Danoux, 2016

Le cimetière international multiconfessionel de Sulina, modèle de tolérance religieuse, photo Danube-culture, droits réservés

La trame d’Europolis peut se résumer ainsi : à Sulina, port du delta en déclin, Stamati Marulis, patron de café et ancien marin, s’est marié à Penelopa qui a fréquenté du temps de sa jeunesse un milieu huppé à Istamboul avant la mort de son père. Elle est frustrée du peu d’envergure de son mari et se laisse séduire par Angelo Deliu, un marin avide de conquêtes féminines. Une lettre annonce à Stamati l’arrivée de son frère Nicola Marulis, émigré aux Etats-Unis et que tout le monde imagine riche et prêt à investir. Nicola débarque avec sa fille Evantia, une magnifique métisse. Il a été condamné, emprisonné et se trouve sans d’argent. Sa fille tombe amoureuse de Neagu, un jeune apprenti capitaine mais se fait piéger par Angelo et lui cède. Neagu, follement jaloux, part au loin. Pénélope se suicide. Stamati brûle sa maison et finit sa vie à l’asile. Nicola fait de la contrebande pour survivre. Il est tué lors d’une opération de police. Evantia travaille dans un bordel où elle danse. Enceinte, elle accouche avant de mourir de tuberculose. Son infirmière, Miss Sibyl, adopte l’enfant.

Jour de fête à Sulina (1932), collection ICEM, Tulcea

   Europolis a été porté une première fois à l’écran en 1961 sous le nom de Porto-Franco par le réalisateur roumain de Galaţi, Paul Călinescu (1902-2000) avec dans les principaux rôles Ștefan Ciobotărașu (Stamate), Simona Bondoc (Penelope), Elena Caragiu (Evantia) Geo Barton (Nick Santo), Liliana Tomescu (Olimpia) et Fory Etterle (le docteur).
Le roman a été récemment adapté au cinéma pour un film au titre éponyme par le cinéaste Cornel Gheorgiţa (1958). Ce film est sorti sur les écrans en 2011.

Sulina au début du XXe siècle 

Notes :
1 Claudio Magris, « Comme le fleuve se jette à la mer », in Danube, Collection L’Arpenteur, Domaine italien, Gallimard, Paris, 1988

Bibliographie :
Jurnal de bord (Journal de bord), Schițe de bord și marine (Esquisses de bord et des mers), 1901
Datorii uitate (Devoirs oubliés), 1916, mémoires de guerre
În cușca leului (Dans la cage du lion), 1916, mémoires de guerre
Prințesa Bibița (La Princesse Bibița), roman, 1923
În Deltă… (Dans le delta), 1925
Pe drumuri de apă (Par les voies maritimes), 1931
Europolis, roman, 1933

Livres en français :
Europolis, roman (traduction Constantin Botez), 1958
Europolis, roman, nouvelle traduction par Gabrielle Danoux, 2016

Remerciements chaleureux à Maria Sinescu, conservatrice passionnée des Monuments Historiques et du Musée du vieux phare de Sulina département de l’ICEM Gavrilǎ Simion de Tulcea et qui veille attentivement sur deux salles de documentation passionnantes, l’une sur l’écrivain Eugeniu P. Botez, la vie à Sulina et l’autre sur le chef d’orchestre Georges Georgescu (1887-1964), né dans cette petite ville portuaire du bout de l’Europe et l’un des plus grands chefs d’orchestre de l’histoire européenne de la musique.

Eric Baude, © Danube-culture, mis à jour novembre 2023, droits réservés

Ada-Kaleh

Tout comme l’ancienne et proche cité roumaine d’Orşova et les îles Poreci, érigée à l’emplacement de la colonie romaine de Tierna et qui marquait la fin de la voie trajane, prouesse technique et humaine taillée dans les rochers le long du fleuve par les armées romaines, la minuscule mais singulière île danubienne d’Ada-Kaleh (1,7 km de long sur 500 m de large) fut recouverte en 1970 par les eaux d’un lac artificiel, conséquence de la construction du premier des deux imposants barrages/centrales hydroélectriques roumano-serbe des Portes-de-Fer, Djerdap I.

Cette île en forme de croissant au milieu du grand fleuve, formée par les sédiments d’un affluent de la rive gauche roumaine, la rivière Cerna, fut submergée par la volonté des dictateurs roumains Gheorghe Gheorghiu-Dej (1901-1965) et Nicolae Ceauşescu ( 1918-1989) qui ne voyaient dans cette île « exotique » qu’un désuet et encombrant souvenir de la longue domination ottomane sur les principautés danubiennes de Moldavie et de Valachie.         L’histoire de cette île remonte jusqu’à l’antiquité et à la mythologie grecque. Elle portait avant l’arrivée des turcs sur l’île au XIVe siècle encore, semble-t-il, son nom grec d’origine, Erythia. Hérodote la mentionne sous le nom de Cyraunis. Les chevaliers teutoniques la baptisèrent Saan. L’île répondit aussi aux noms de Ducepratum, l’île ville Ata / Ada, l’Ile forteresse, Ada-Kale, Ada-i-Kebir, l’île d’Orsova, la Nouvelle Orsova, Karolina, Neu Orsova… Les Serbes la mentionnent sous le nom d’Oršovostrvo, les Hongrois la nomment Uj-Orsova sziget et les Roumains continuent à l’appeler de son nom turc Ada-Kaleh (l’île fortifiée).

La vieille Orsova, la Nouvelle Orsova et les récifs en aval, dessin du XVIIIe siècle

Certains archéologues supposent que l’empereur Trajan lors de la guerre daco-romaine de 101-102, aurait traverser le Danube avec ses légions juste à l’endroit où se trouvait l’île, après avoir fait construire un pont de bateaux qui s’appuyait sur celle-ci. L’existence d’un canal de navigation pourrait confirmer qu’Ada-Kaleh, de par sa position stratégique pour la défense de l’accès au canal, devait être déjà peuplée durant les Ier et IIe siècles après J.-C.1
Pour l’archéologue serbe Vladimir Kondic, la forteresse romaine de Ducepratum ou Ducis pratum, utilisée du IVe au VIe siècle, aurait été construite sur l’île-même.2
   « Une légende populaire de la région des Portes-de-Fer raconte qu’Hercule a séparé des rochers au lieu dit « Babakaï » ouvrant de ce fait les gorges du fleuve qui s’écoule vers la mer Noire. Les Valaques croient à un être surnaturel qu’ils appellent Dzuna, terme ressemblant beaucoup au mot Danube. Dzuna habite dans les profondeurs des eaux, sort de l’eau pour se laisser porter par le vent quand il souffle et on entend alors la musique de flûtes. Vue de la falaise, l’île d’Ada-Kaleh ressemblait énormément par sa forme à un dragon dont la tête plongeait dans les profondeurs de Danube. Et selon de nombreuses croyances populaires de la région des Portes-de-Fer, on croit que la carpe, à partir d’un certain âge acquiert des ailes et sort de l’eau pour se transformer en dragon, d’où probablement la légende d’un combat mystique entre le héros populaire serbe Baba Novak et un terrible dragon de la région des Portes-de-Fer. Baba Novak coupa la tête du dragon qui dégringola de la colline et laissa des traces de sang  formant la rivière Cerna sur  la rive gauche confluant avec le grand fleuve près de l’île Saan-Ada Kale. L’origine du mot Saan renvoie au mot sang en latin et roumain, d’où une légende racontant que  l’île aurait été créée soit à partir de la tête en sang du dragon, soit à partir de gouttes de ce sang versé à l’endroit où la rivière Cerna se jette dans le Danube. »5
L’île est mentionnée sur une carte autrichienne de 1716 sous le nom de Carolaina.6

Plan de l’île d’Orsova, Nicolas de Sparr : Atlas du Cours du Danube avec les plans, vues et perspectives des villes, châteaux et abbayes qui se trouvent le long du cours de ce fleuve depuis Ulm jusqu’à Widdin dessiné sur les lieux, fait en MDCCLI.TM (1751), collection de la Bibliothèque Nationale d’Autriche de Vienne

Les avantages de l’emplacement stratégique de l’île permettant de contrôler la navigation sur le fleuve à un endroit où la largeur de celui-ci est restreinte en raison du relief traversé, sont remarqués par les armées de l’empire des Habsbourg qui, après avoir repoussé les Turcs au XVIIsiècle, la dote d’un solide dispositif de fortifications afin de se prémunir contre de nouvelles menaces ottomanes, transformant peu à peu l’île à chacune de leurs occupations, en une sorte de  « Gibraltar » de l’occident en Europe orientale. Mais en 1739, suite au Traité de Belgrade entre l’Autriche et l’Empire ottoman, négocié avec l’aide de la France, l’île est rendue à la Sublime Porte ainsi que la Serbie et Belgrade. Elle sera difficilement reconquise par l’Empire autrichien en 1790 lors d’une nouvelle guerre austro-turque et demeurera par la suite ottomane jusqu’en 1918.

Ada Kaleh (Neu Orsova) sur la carte de Pasetti

Elle fut étonnement (volontairement ?) un des « oublis » des négociations du Congrès de Berlin (1878). Occupée de force par les armées austro-hongroises au moment de la Première guerre mondiale, Ada-Kaleh devient officiellement un territoire roumain suite au Traité de Lausanne (1923). Les autorités du royaume de Roumanie laissent la jouissance de l’île à la population turque insulaire tout en lui donnant un statut fiscal avantageux, statut qui encourage la contrebande de diverses marchandises.

Elles la dotent en même temps de nouvelles infrastructures, construisent une école officiant en roumain et en turc, une église orthodoxe, une mosquée, une mairie, un bureau de poste, une bibliothèque, un cinéma, des fabriques de cigarettes, de loukoums, de nougats, des ateliers de couture et y installent même une station de radio !

Intérieur de la mosquée

La réputation grandissante de l’île lui permet d’attirer alors de nombreux visiteurs au nombre desquels le roi Carol II de Roumanie, des dignitaires du régime communiste et des curistes de la station thermale proche de Băile Herculane (Herkulesbad, les Bains d’Hercule). On raconte aussi que des tunnels auraient été creusés et remis en service par des trafiquants de marchandises sous le fleuve depuis l’île vers la rive droite yougoslave6. Les habitants y vivent de la fabrication de tapis, de la transformation du tabac, de la fabrication du sucre oriental rakat, d’autres produits non imposés, du tourisme et profitent sans doute aussi de diverses contrebandes.

Boite de lokoums « La favorite du sultan » d’Ada-Kaleh

Il ne reste qu’un peu moins d’un demi-siècle avant sa disparition définitive, rayée de la carte par la dictature communiste. Mais qui sait si Ada-Kaleh dont le minaret de la mosquée réapparaît parfois en période de basses-eaux du Danube, comme pour rappeler sa présence silencieuse sous les eaux assagies par la construction du barrage, ne redeviendra pas un jour ce qu’elle fut autrefois ?

Ada-Kaleh, photo Rudolf Koller, 1931, collection Bibliothèque Nationale d’Autriche, Vienne

Informés du projet mégalomane les habitants turcs commencent à déserter « l’île sublime » bien avant le début des travaux du barrage. Certains choisissent de repartir en Turquie, d’autres s’installent dans la région de la Dobroudja, à Constanţa qui a conservé un quartier  turc ou à Bucarest, attendant vainement la réalisation de la promesse du gouvernement roumain d’être rapatriés avec le patrimoine d’Ada-Kaleh sur l’île toute proche en aval de Şimian (PK 927). Mais le projet de second barrage en aval, près de Gogoşu, (PK 877) qui commence dès 1973 et dont le lac de retenu aurait du à son tour noyé cette terre d’accueil, décourage les habitants de s’y installer. Il reste encore aujourd’hui sur cette petite île abandonnée, au milieu d’une végétation abondante, des ruines de ce nouveau paradis turc perdu. Des villages voisins serbes et roumains des bords du fleuve, Berchorova, Eșelnița, Jupalnic, Dubova, Tufari, Opradena, l’ancienne Orşova, d’autres îles des environs d’Ada Kaleh, des sites archéologiques remarquables, subissent le même sort.

L’île de Şimian (PK 927) avec ses quelques vestiges mais sans le charme de sa soeur Ada-Kaleh, photo © Danube-culture, droits réservés

Quelques monuments et maisons furent malgré tout reconstruits sur l’île de Simian mais l’architecture et l’ambiance insulaire ottomane unique des petits cafés, des ruelles pittoresques, de la mosquée à la décoration élégante, des bazars turcs d’Ada-Kaleh, de ses ruelles pittoresques et de ses jardins parfumés, disparurent dans les flots de la nouvelle retenue.

Le bazar d’Ada-Kaleh en 1912

« Je me souviens encore de l’odeur du tableau Ada-Kaleh quand je sautais de mon lit. L’île verte avec son minaret jaune pâle […] et la femme turque peinte au premier plan lévitait sur les profondeurs vert Nil du Danube […] Ma chambre était pleine jusqu’au plafond de cette odeur d’huile de lin et quand j’ouvrais la fenêtre, je le voyais littérairement se déverser et couler en cascades le long des cinq étages de façade rugueuse de notre immeuble en préfabriqué… »
Mircea. Cărtărescu, « Ada-Kaleh, Ada-Kaleh », Fata de la marginea vieţii, povestiri alese, Humanitas, Bucarest, 2014

Notes : 
1 Srdjan Adamovicz, « Ada Kaleh histoire et légende d’une Atlantide danubienne »
https://doi.org/10.4000/cher.13140
2 idem

3 idem
4 idem
5 Cartarescu Mircea « Ada Kaleh, Ada Kaleh (Vallée du Danube/Roumanie) », dans Last andLost, Atlas d’une Europe fantôme, sous la direction de Katharina Raabe et Monika Sznajderman. Traduit du roumain par Laure Hinckel, Éditions Noir sur Blanc 2007, p. 155-173, cité par Srdjan Adamovicz, dans « Ada Kaleh histoire et légende d’une Atlantide danubienne », opus citatum.
6 Tunnels sous le Danube : un secret non résolu
L’infatigable voyageur M.T. Romano raconte que, dans l’entre-deux-guerres, on pouvait encore voir des traces des tunnels depuis les rives du Danube du côté serbe. Il affirmait que, selon les habitants, une autre galerie communiquait avec la rive roumaine et concluait que de tels travaux avaient dû soulever de nombreuses difficultés. Les murs de la forteresse, d’une épaisseur maximale de 25 mètres, avaient résisté, en 1737, pendant 69 jours, aux deux sièges turcs. En 1810, les drapeaux russes sont hissés brièvement sur l’île par le bataillon dirigé par Tudor Vladimirescu.

Eric Baude  pour Danube-culture, mis à jour novembre 2023, © droits réservés

Au revoir Adah-Kaleh, photo de 1964

Adah-Kaleh, 1964

Sources :
ADAMOVICZ, Srdjan, « Ada Kaleh histoire et légende d’une Atlantide danubienne »
https://doi.org/10.4000/cher.13140
LORY, Bernard, « Ada Kale », Balkanologie, VI-1/2, décembre 2002, p. 19-22. URL : http://balkanologie.revues.org/437
MARCU, P. « Aspects de la famille musulmane dans l’île d’Ada-Kaleh », Revue des Études Sud-Est Européennes, vol. VI, n°4, 1968, pp. 649-669
NORRIS, Harry T., Islam in the Balkan, religion and society between Europe and the Arab world, Columbia (S.C.) University of South Carolina Press, Columbia, 1993

ŢUŢUI, Marian, Ada-Kaleh sau Orientul scufundat (Ada Kaleh ou l’Orient englouti), Noi Media Print, Bucureşti, 2010
VERBEGHT, Pierre, Danube, description, Antwerpen, 2010

Au revoir les enfants, au revoir Adah-Kaleh…

 Documentaires :
The Turkish Enclave of Ada Kaleh, documentaire de Franck Hofman, Paul Tutsek et Ingrid Schramme pour la Deutsche Welle (en langue anglaise)
https://youtu.be/pNOLbkE4524
Le dernier printemps d’Adah Kaleh (1968) et Adah Kaleh, le Sérail disparu (en roumain)
npdjerdap.org

 

Ada Kaleh (II) : l’histoire de sa forteresse

   La construction des premiers remparts de protection d’Ada-Kaleh est l’oeuvre de János Hunyadi (1387/1407?-1456). Il ordonne l’élévation de fortifications en 1444 afin de défendre la Hongrie contre l’expansion ottomane mais après la disparition du royaume de Hongrie en 1526, les Ottomans deviennent maîtres de la région pendant un siècle et demi et occupent l’île. Pour tenter de contrer menaces autrichiennes, ils font venir en 1716, 4 000 ouvriers des environs et érigent de nouvelles fortifications. Inutilement car l’année suivante, les armées du prince Eugène de Savoie font le siège victorieux de l’île, appelée Carolina sur les cartes de l’époque. Eugène de Savoie commande en 1691 l’érection d’une puissante forteresse. Ce sont les troupes de Friedrich Ambros Veterani (1643-1695), un général des armées de l’Empire autrichien d’origine italienne qui en a la charge. Elle est dotée de tours dans les angles qui sont reliées par deux redoutes et des galeries souterraines selon le principe mis au point par Vauban .

Friedrich Ambros Veterani (1643-1695)

  Friedrich Ambros Veterani a donné son nom aux célèbres grottes de Veterani situées sur la proche rive gauche du Danube (Roumanie).

Plan nouveau et très exact de l’lsle d’Orsova [pendant le siège ottoman de 1738] A. L’Isle, B. 4. Bastions, C. 4. demies lunes, D. Fossé marécageux, E. L’Éperon avec un mur de parapet, autrement dit la retirade, F. Magasin, G. fort pointu ayant un fossé plein d’eau de marais, H. Mur de parapet qui entoure toute l’Isle, au lieu d’un chemin couvert, I. petits ouvrages en forme d’Éperon, K. Casernes pour 4 bataillons, L. Église, M. grande garde, N. fort de St Charles et de Ste Élisabeth, O. Pont volant [pour accéder à l’île et revenir sur la rive gauche], P. Basse cour et Écurie pour les officiers de la garnison, Q. Cimetière des soldats, R. Tribunal de justice du Pays, S. Celui pour les soldats, T. Fournaise (Four à chaux), U. (V) Mine de pierres, W. bois à bâtir et à brûler,  X. Montagnes remplies de bois, Y. Limites de la Valachie. Collection de la Bibliothèque Nationale de France. 

   Cette place forte initiale va subir alternativement, du fait de sa position stratégique qui lui permet de fermer le défilé du Danube et de paralyser la navigation sur le fleuve, de nombreux sièges des armées ottomanes et autrichiennes. Médiocrement protégée à l’origine par de faibles fortifications en terre, elle est prise une première fois par les armées ottomanes lors d’une contre-attaque.

Détail du plan précédent, collection de la Bibliothèque Nationale de France de Paris

   Le traité de paix conclu sur les rives mêmes du Danube à Karlowitz (Sremski Karlovci, Serbie) le 26 janvier 1699 et qui met fin à la « Grande guerre turque » ou cinquième guerre austro-turque, longue de 26 années, donne la propriété de l’île à l’Empire ottoman. Mais les hostilités reprennent bientôt et ce sont cette fois les armées autrichiennes qui assiègent à la forteresse et la reprenne au bout de quelques mois. Quand à la paix de Passarowitz (Požarevac, Serbie) du 21 juillet 1718, elle entérine la prise de la forteresse par les Autrichiens bien décidés cette fois à la conserver.
   Les Autrichiens décident de la construction d’une nouvelle forteresse. Les travaux se prolongent et l’ouvrage ne sera achevé qu’au bout de vingt années. De forme rectangulaire, en pierres et en briques, il est situé au centre de l’île. Ses remparts et ses bastions protègent l’ensemble du site. Sur la rive droite, aujourd’hui serbe, un fort tour de guet complémentaire est érigée. Elle est reliée à l’île par une passerelle en bois qui sera détruite au cours du XIXe siècle. Avec les fortifications élevées sur la rive droite, le dispositif, baptisé du nom de Fort Élisabeth par les Autrichiens, rend presque impossible le passage des flottes ennemies.
   Les hostilités reprennent et la forteresse, à peine terminée, est assiégée et tombe pourtant à nouveau aux mains des Ottomans en 1738. Le Traité de Belgrade du 18 septembre 1739 marque la fin de cette guerre opposant l’Empire ottoman  à l’Autriche (et à la Russie). Gravement endommagée par les bombardements, la forteresse est reconstruite par les nouveaux occupants turcs. Les colons allemands qui s’y étaient installés pendant l’occupation autrichienne sont expulsés et remplacés par une population turque. Après un demi-siècle de paix les deux empires entre à nouveau en conflit en 1788 à l’initiative de Joseph II de Habsbourg (1741-1790 ). Belgrade est reconquise en 1789 par les troupes du Maréchal von Laudon (1717-1790) et Ada-Kaleh retombe pour une courte période aux mains des Autrichiens (1790). Le Traité de Sistova (1791) les contraint toutefois à restituer l’île, tout comme Belgrade, à la Sublime Porte.

Bombardement d’Ada-Kaleh par les les armées autrichiennes du Maréchal von Laudon

   Ce traité inaugure enfin une longue ère de paix pour l’île qui va perdre de son importance stratégique du fait du déclin de l’Empire ottoman et de l’émancipation des peuples des Balkans. Ada Kaleh perd également sa garnison turque et sa passerelle la reliant à la rive méridionale qui sera laissé à l’abandon puis détruite au cours du XIXe siècle. Occupée pendant la première guerre mondiale, officieusement roumaine dès 1919,  elle reste sous domination ottomane jusqu’en 1923 où elle fut annexée officiellement à la Roumanie par le Traité de Lausanne tout en préservant sa séduisante atmosphère orientale.
   Un gros plan d’une carte de la Valachie datant de 1790 et de la brève occupation autrichienne d’alors, conservée à la Bibliothèque Nationale d’Autriche (ÖNB, Kartensammlung FBK Q.4.1a-i) permet de voir simultanément une passerelle, construite après le Traité de Passarowitz (1718) ou reconstruite entretemps, qui aurait encore relié à cette époque l’île au fort et à la tour de guet sur la rive droite (territoire ottoman) et un pont de bateaux (volant ?) provisoire, construit probablement dès après la reprise de l’île par les Autrichiens en 1790 qui relie la forteresse à la rive gauche (territoire autrichien) et aurait servi à différentes opérations militaires. 

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour novembre 2023

Ada-Kaleh in  « Zwey Hundert Vier und Sechzig Donau-Ansichten nach dem Verlauf des Donaustromes von seinem Ursprunge bis zum Ausfluss in den schwarzen Meer (Deux cents  soixante-quatre vues du Danube d’après le cours du fleuve depuis son sa source jusqu’à son embouchure dans la mer Noire). Avec une carte du Danube, publiée par Adolph Kunike, peintre d’histoire et propriétaire d’un institut de lithographie à Vienne. Accompagné d’une description topographique, historique, ethnographique et pittoresque par le Dr Georg Carl Borromäus Rumy, professeur émérite de littérature classique, de philosophie et de sciences historiques. Vienne, aux frais de l’éditeur, imprimé chez Leopold Grund 1826 et relié en trois albums.

Patrick Leigh Fermor :« quelques réflexions à la table d’un café, entre le Kazan et les Portes-de-Fer »

« Le progrès a aujourd’hui immergé l’ensemble de ce paysage. Un voyageur assis à ma vieille table sur l’embarcadère d’Orşova serait obligé de l’envisager à travers un gros disque de verre monté sur charnière de   cuivre ; ce dernier encadrerait une perspective de boue et de vase. Le spectateur serait en effet chaussé de plomb, coiffé d’un casque de scaphandrier et relié par cent pieds de tubes à oxygène à un bateau ancré dix-huit brasses plus haut. Parcourant un ou deux milles vers l’aval, il se traînerait péniblement jusqu’à l’île détrempée, au milieu des maisons turques noyées ; vers l’amont il trébucherait entre les herbes et les éboulis jonchant la route du comte Széchenyi pour discerner de l’autre côté du gouffre obscur les vestiges de Trajan ; et tout autour, au-dessus et en-dessous, l’abîme sombre baillerait, les rapides où se précipitaient naguère les courants, où les cataractes frémissaient d’une rive à l’autre, où les échos zigzaguaient le long des vertigineuses crevasses, étant engloutis dans le silence du déluge. Alors, peut-être, un rayon hésitant dévoilerait l’épave éventrée d’un village ; puis un autre, et encore un autre, tous avalés par la boue. Il pourrait s’épuiser à arpenter bien des jours ces lugubres parages, car la Roumanie et la Yougoslavie ont bâti l’un des plus gros barrages de béton et l’une des plus grosses usines hydroélectriques du monde entier, en travers des Portes de Fer. Cent trente milles du Danube se sont transformés en une vaste mare, qui a gonflé et totalement défiguré le cours du fleuve. Elle a supprimé les canyons, changé les escarpements vertigineux en douces collines, gravi la belle vallée de la Cerna presque jusqu’aux Bains d’Hercule. Des milliers d’habitants, à Orşova et dans les hameaux du bord de l’eau, ont du être déracinés et transplantés ailleurs. Les insulaires d’Ada Kaleh ont été déplacés sur une autre île en aval, et leur vieille terre a disparu sous la surface comme si elle n’avait jamais existé. Espérons que l’énergie engendrée par le barrage a répandu le bien-être sur l’une et l’autre rive, en éclairant plus brillamment que jamais les villes roumaines et yougoslaves, car, sauf du point de vue économique, les dommages causés sont irréparables. Peut-être, avec le temps et l’amnésie, les gens oublieront-ils l’étendue de leur perte.
D’autres ont fait mal, ou pis ; mais il est patent qu’on n’a jamais vu nulle part aussi complète destruction des souvenirs historiques, de la beauté naturelle et de la vie sauvage. Mes pensées vont à mon ami d’Autriche, cet érudit qui songeait aux milliers de milles encore libres que les poissons pouvaient parcourir depuis la Krim Tartarie jusqu’à la Forêt-Noire, dans les deux sens ; en quels termes, en 1934, avait-il déploré le barrage hydroélectrique prévu à Persenbeug, en Haute-Autriche : « Tout va disparaître ! Ils feront du fleuve le plus capricieux d’Europe un égout municipal. Tous ces poissons de l’Orient ! Ils ne reviendront jamais. Jamais, jamais, jamais !
Ce nouveau lac informe a supprimé tout danger pour la navigation, et le scaphandrier ne trouverait que l’orbite vide de la mosquée : on l’a déplacée pierre par pierre pour la reconstruire sur le nouveau site des Turcs, et je crois qu’on a soumis l’église principale au même traitement. Ces louables efforts pour se faire pardonner une gigantesque spoliation ont ravi à ces eaux hantées leur dernier vestige de mystère. Aucun risque qu’un voyageur imaginatif ou trop romantique croit entendre l’appel à la prière sorti des profondeurs ; il ne connaîtra pas les illusoires vibrations des cloches noyées comme à Ys, autour de la cathédrale engloutie : ou bien dans la légendaire ville de Kitège, près de la moyenne Volga, non loin de Nijni-Novgorod. Poètes et conteurs disent qu’elle disparu dans la terre lors de l’invasion de Batu Khan. Par la suite, elle fut avalé par un lac et certains élus peuvent parfois percevoir le chant des cloches. Mais pas ici : mythes, voix perdues, histoire et ouï-dire ont tous été vaincus, en ne laissant qu’une vallée d’ombres. On a suivi à la lettre le conseil goethéen : « Bewahre Dich von Raüber und Ritter und Gespentergeschichten », et tout s’est enfui… »

Patrick Leigh Fermor,  « La rançon du progrès ou « Quelques réflexions à la table d’un café, entre le Kazan et les Portes de Fer », in Dans la nuit et le vent, À pied de Londres à Constantinople (1933-1935), remarquablement traduit de l’anglais par Guillaume Villeneuve, Éditions Nevicata, Bruxelles, 2016

Danube-culture, mis à jour novembre 2023

Patrick Leigh Fermor : Une visite à Ada Kaleh dans les années trente

« J’avais beaucoup entendu parler d’Adah Kaleh dans les dernières semaines et lu tout ce qui me tombait sous la main. Le nom signifie  « île forteresse » en turc. Elle faisait à peu près un mille de long, avait la forme d’une navette, légèrement courbée par le courant, un peu plus proche de la rive carpate que de la rive des Balkans. On l’a appelée Erythia, Rushafa, puis Continusa et, selon Appolonios de Rhodes, c’est là que les Argonautes jetèrent l’ancre à leur retour de Colchide. Comment Jason arriva-t-il à piloter le navire Argo à travers les Portes-de-Fer, puis le Kazan ? Il faut croire que Médée avait soulevé le navire au-dessus des écueils par magie. Certains prétendent que l’Argo avait atteint l’Adriatique par transport terrestre, d’autres qu’il l’avait traversée, remontant le Pô pour échouer mystérieusement en Afrique du Nord. Des écrivains ont émis l’hypothèse que le premier olivier sauvage implanté en Attique a pu être originaire de cette île. Mais elle devait sa célébrité à une époque plus tardive.

Ses habitants étaient turcs, descendants peut-être des soldats de l’un des premiers sultans qui aient envahis les Balkans, Murad Ier ou Bayazid Ier. Abandonnée par le reflux turc, l’île avait perduré, relique éloignée de l’Empire ottoman, jusqu’au traité de Berlin en 1878. Les Autrichiens détenaient sur elle quelque vague suzeraineté, mais l’île semble avoir été laissée pour compte jusqu’à ce qu’on la concède à la Roumanie lors du traité de Versailles ; et les Roumains avaient laissé tranquilles ses habitants. La première chose que je découvris après mon débarquement, ce fut un café rustique sous une treille, où siégeaient de vieux bonhommes assis en tailleur et en cercle, avec des faucilles, des doloires et des couteaux d’affûtage autour d’eux. Lorsqu’ils m’invitèrent à les rejoindre, la joie m’envahit comme si l’on l’avait soudain permis de m’asseoir sur un tapis magique. Des ceintures bouffantes rouge vif, d’un pied de large, plissaient abondamment leurs amples pantalons noirs ou bleu nuit. Certains portaient des vestes ordinaires, d’autres des boléros bleu nuit aux riches broderies noires et des fez couleur prune déteints et ceints de turbans effilochés, aux noeuds lâches ; tous sauf le hodja, dont les plis blancs comme neige étaient bien disposés autour d’un fez plus bas moins effilé, pourvu d’une courte tige au milieu. Quelque chose dans la ligne du front, la courbure du nez et le ressaut des oreilles les rendait indéfinissablement différents de toutes les personnes que j’avais croisées jusqu’ici. Ces quatre ou cinq cents insulaires appartenaient à quelques familles qui s’étaient alliées pendant des siècles, et j’en vis un ou deux avec l’expression vague et absente, le regard indécis, la légèreté erratique qui résultent parfois d’une trop grande antiquité et consanguinité. Malgré ces habits reprisés, usés jusqu’à la corde, leur style et leurs manières étaient pétris de dignité. Rencontrant un inconnu, ils se touchaient le coeur, les lèvres et le front de la main droite, puis la posaient sur la poitrine avec une inclinaison de tête et une formule murmurée de bienvenue. C’était un geste d’une grâce extrême, sorte de cérémonial d’altesses déchues. Un air de survivance préhistorique flottait sur l’île, comme si elle avait abrité une espèce par ailleurs éteinte et balayée depuis longtemps.

Le bastion d’Ada-Kaleh dans les années cinquante

Plusieurs de mes voisins trituraient des chapelets, mais non pour prier ; ils les faisaient courir entre leurs doigts de temps en temps, comme pour mesurer leur oisiveté illimitée ; à mon grand ravissement, un vieil homme, encerclé par son nuage, fumait un narghilé. Six pieds de tube rouge était adroitement enroulés et, lorsqu’il tirait sur l’embouchure ambrée, le morceau de charbon rougeoyait sur un tas humide de feuilles de tabac d’Ispahan, et les bulles, qui se frayaient un chemin dans l’eau avec les coassements d’un crapaud qui s’accouple, remplissaient de fumée le récipient de verre. Pourvu de petites pinces, un garçonnet arrangea de nouveaux morceaux de charbon. À ce moment, le vieil me désigna du doigt en chuchotant ; quelques minutes plus tard, le garçon revenait avec un plateau chargé, posé sur une table ronde et haute de six pouces. Devant ma perplexité, un voisin m’expliqua la marche à suivre : d’abord, ingurgiter le petit verre de raki ; puis manger la cuillerée de délicieuse confiture de pétales de rose déjà prête sur une soucoupe de verre ; avaler ensuite un demi-gobelet d’eau ; enfin, siroter un dé à coudre de café noir et bouillant glissé dans un support de métal en filigrane. Le rituel s’achevait quand on avait vidé le gobelet et accepté du tabac, en l’occurrence une cigarette aromatique roulée à la main sur l’île. Pendant ce temps, les vieilles gens restaient assis, souriants, en silence, avec un soupir occasionnel, et parfois un mot amical à mon adresse dans ce qui me paraissait être un roumain très heurté ; le médecin m’avait dit que leur accent et leur syntaxe amusaient beaucoup sur le continent. Entre eux, ils parlaient le turc, que j’entendais pour la première fois : de sidérantes enfilades de syllabes agglutinées, avec une suite de voyelles identiques qui rappelaient obscurément le magyar ; tous les mots sont différents mais les deux langues sont de lointaines cousines dans le groupe ouralo-altaïque. Selon mon cicérone de tout à l’heure, leur idiome s’était beaucoup éloigné de la langue vernaculaire de Constantinople, ou bien il était resté immuablement pris dans son vieux moule, comme les parlers des vieilles communautés françaises du Québec ou d’Acadie, ou d’une collectivité anglaise isolée depuis longtemps, et qui parlerait encore la langue de Chaucer.
Je ne savais quoi faire en partant ; on arrêta ma tentative de paiement d’un sourire, en renversant la tête en arrière, d’une manière énigmatique. Comme tout le reste, le geste de dénégation universel dans le Levant, était pour moi une nouveauté ; et une fois de plus, il y eut cette charmante inclinaison, la main sur le coeur.

Ada Kaleh à l’époque du voyage de P.-L. Fermor , photo de Karl Konig, 1937, collection de la Bibliothèque Nationale d’Autriche, Vienne, droits réservés

Ainsi, c’était là les ultimes descendants des nomades victorieux venus des confins de la Chine ! Ils avaient conquis la plus grande partie de l’Asie, l’Afrique du Nord, jusqu’aux colonnes d’Hercule, asservi la moitié de la chrétienté, fait trembler les portes de Vienne ; victoires passées depuis longtemps, mais rappelées ici et là par un minaret qu’ils détenaient encore, comme une épée plantée en terre. Des maisons pourvues de balcons se regroupaient autour de la mosquée, avec de petits ateliers producteurs de loukoums et de cigarettes, tous entourés par les vestiges croulants d’une massive forteresse. Des treilles ou un auvent occasionnel ombrageaient les allées pavées. Des bidons d’essence peints en blanc étaient remplis de roses trémières et grimpantes ou d’oeillets, et les femmes qui s’activaient autour se cachaient la tête dans un sombre feredjé — un voile fixé sur le front, et refermé sur le le nez ; elles portaient un pantalon blanc fuselé, mise qui leur donnait l’air de quilles blanc et noir. Les enfants étaient des miniatures d’adultes semblablement vêtues et, leurs visages dévoilés exceptés, les fillettes auraient pu prétendre être la plus petite d’une série de poupées russes. Des feuilles de tabac pendaient à sécher au soleil comme des rangées de harengs. Les femmes juchaient des fagots de rameaux sur leur tête, nourrissaient la volaille, et revenaient de la berge en portant de pleines brassées de roseaux, et leurs faucilles. Des lapins aux oreilles tombantes se prélassaient ou sautillaient avec indolence dans les petits jardins, et grignotaient les feuilles des melons mûrissants. Des flottilles de canards croisaient parmi les filets et les canots, et des multitudes de grenouilles avaient fait descendre de leurs toits toutes les cigognes.
Hunyadi était l’auteur de la première muraille défensive, mais les remparts circulaires dataient d’après la prise de Belgrade par le prince Eugène, et la fuite des Turcs vers l’aval ; l’extrémité oriental de l’île donnait l’impression de devoir sombrer sous le poids de ses fortifications. Les voûtes des galeries de tirs et les formidables et humides magasins s’étaient effondrés. Des fissures courraient sur les remparts, de gros blocs de maçonnerie emplumés d’herbe s’étaient détachés, et les chèvres arrachaient les feuilles au milieu des ruines. Une sente conduisait, entre les poiriers et les mûriers, à un petit cimetière où s’inclinaient des stèles enturbannées, où l’on découvrait dans un coin la tombe d’un prince derviche de Bokhara qui avait fini ses jours ici après avoir vagabondé dans le monde, «pauvre comme Job», à la recherche du plus bel endroit terrestre, le plus à l’abri du mal et de l’infortune.

Il se faisait tard. Le soleil abandonna le minaret, puis la nouvelle lune, un peu moins filiforme que la nuit précédente, lui répondit dans le ciel turquoise, accompagnée d’un étoile qu’on aurait pu croire épinglée par un héraut ottoman. Aussi prompt, le buste du hodja apparut sur le balcon dominé par la flèche du minaret. Tendant le coup dans la brume, il leva les mains et l’invitation aiguë, traînante de l’izan flotta dans l’air, chaque verset oscillant et se dilatant comme des rides acoustiques provoquées par le jet intermittent de petits cailloux dans la mare atmosphérique. J’écoutais encore en retenant mon souffle que le message avait pris fin ; le hodja devait déjà être à mi-chemin de l’escalier obscur.

Ada Kaleh, photo de Karl Konig, 1937, collection de la Bibliothèque Nationale d’Autriche, Vienne, droits réservés

Entourés de pigeons, les hommes s’activaient sans se hâter, à la fontaine d’eau lustrale, près de la mosquée, et à la rangée de chaussons laissés dehors vinrent bientôt s’ajouter mes chaussures de gym. Une fois entrés, les Turcs se disposèrent en rang sur un grand tapis, les yeux baissés. Point de décoration, à part le mihrab, le mimbar et la calligraphie noire d’un verset coranique sur le mur. Les gestes de préparation s’effectuaient avec soin et mesure, à l’unisson, jusqu’au moment où, prenant de l’ampleur, la rangée d’adorateurs s’arqua comme une vague puis s’abattit, le front posé sur le tapis, la plante des pieds soudainement, candidement révélée ; se redressant, ils restèrent assis, les mains ouvertes sur les genoux, paumes tournées vers le ciel ; tous parfaitement silencieux. De temps en temps, le hodja assis devant eux murmurait « Allah Akbar ! » d’une voix tranquille, et un autre long silence s’ensuivait. Dans cet espace dépouillé et feutré, les quatre syllabes isolées avaient quelques choses d’incroyablement digne et austère.1
   Le vacarme des oiseaux et des coqs insulaires me réveilla juste à temps pour entendre l’appel du muezzin. Un frémissement agitait les feuilles de peupliers, et le lever du soleil projetait l’ombre de l’île loin en amont. La séduction de l’eau était irrésistible ; plongeant depuis un talus, je fus si surpris par la force du courant que je hâtais de remonter sur la rive après quelques brasses, de peur d’être emporté.


Dans le café, les vieillards avaient déjà repris leur place, et je me retrouvais bientôt à siroter une tasse minuscule en mangeant du fromage de chèvre blanc, enveloppé dans une crêpe de pain ; le vieux fumeur de hookah, tirant ses premières bulles à travers l’eau, émettait les signaux de fumée d’un Huron. Un craquement, une ombre et un souffle d’air nous passèrent au-dessus de la tête ; une cigogne quittait sa posture d’unijambiste sur le toit pour glisser dans les roseaux ; elle replia ses ailes l’une sur l’autre, avec leur bande noire sénatoriale, et rejoignit trois compagnons qui arpentaient le bord de l’eau, attentifs, sur leurs échasses écarlates ; rien ne différenciait plus les parents des jeunes, à présent. L’un des vieux fit le geste de voler puis, indiquant vaguement la direction du sud-est, il dit : « Afrik, Afrik ! » Elles n’allaient pas tarder à partir. Quand ? Dans une ou deux semaines ; pas beaucoup plus… Je les avais vu arriver le soir de mon passage en Hongrie, et voici que parade, nichée, ponte et éducation, tout était fini et qu’elles s’apprêtaient à repartir. »

Patrick Leigh Fermor, Dans la nuit et le vent, à pied de Londres à Constantinople (1933-1935), traduit de l’anglais par Guillaume Villeneuve, Éditions Nevicata, Bruxelles, 2016
https://editionsnevicata.be

Notes :
1Les mots arabes signifiant « Allah est grand » — criés sur le minaret un peu plus tôt et à présent murmurés à l’intérieur — s’étaient vus remplacés pendant un certain temps, en Turquie, par l’expression locale Allah büyük ; de même que le rôle du fez et du turban avait été usurpé par la casquette de toile, souvent portée à l’envers par les fidèles comme font les bougnats, de manière à pouvoir toucher le sol du front sans être gêné par la visière. Si l’on veut bien admettre qu’un autre que le hodja, sur Ada-Kaleh, savait lire, c’étaient toujours les vieux caractères arabes qui étaient en usage, et non le nouvel alphabet latin obligatoire en Turquie proprement dite. Je retrouvai par la suite la même méfiance à l’égard des nouveautés parmi les minorités turques égarées en Bulgarie et en Thrace grecque par les traités d’après-guerre. Note de l’auteur.

Danube-culture, mis à jour novembre 2023

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