La Compagnie Impériale et Royale de Navigation à Vapeur sur le Danube (D.D.S.G.)

   La première D.D.S.G. dont l’intitulé initial complet en allemand était « Erste kaiserlische und königlische priviligierte Donau Dampfschiffahrts Gesellschaft », soit en français « Première Compagnie Impériale et Royale avec privilège de Navigation à vapeur sur le Danube », fut au XIXe siècle la plus importante entreprise de transport fluvial de passagers et de marchandises au monde. Cette compagnie prestigieuse, outil de domination autrichienne sur le fleuve et ses rives et bien au-delà mais aussi de commerce, de relations et d’échanges entre les populations de l’Empire austro-hongrois, exerça un quasi monopole durant un certain temps et servi les intérêts politiques et économiques d’une capitale dépendante des ressources de ses provinces en particulier orientales.
Elle fut dissoute en 1991, 162 ans après sa création. 

    « On n’attribue généralement aux compagnies de navigation sur fleuve aucune importance, ni politique, ni commerciale.
On considère de telles compagnies établies plutôt au profit des voyageurs qu’à celui du commerce et de l’industrie. C’est certainement ce qui a lieu sur le Rhin et sur d’autres rivières, où la navigation offre si peu d’obstacles et de difficultés, de sorte que tout individu, tout propriétaire d’un navire peut se charger d’une cargaison de marchandises pour la conduire à sa destination. C’est là que des compagnies de navigation à vapeur ne s’établissent que pour attirer grand nombre de voyageurs par le confort et l’élégance de leurs bateaux, par un prix bas, ainsi que par des voyages régulièrement fixés, auxquels un grand nombre de bateaux, appartenant à la même compagnie, sont indispensables. Des bateaux à voiles ou à rames sont encore chargés du transport de marchandises, tant qu’ils peuvent entrer en concurrence avec les chemins de fer le long des rivières.
Mais la compagnie de navigation à vapeur sur le Danube est tout autre. Pour l’établir de grands capitaux ne suffisaient pas. Il fallait combiner du patriotisme, du dévouement au bien-être général, la coopération d’un grand et puissant empire, de l’énergie, de l’intelligence et du savoir, qui se prêtaient la main à l’établissement et l’accomplissement d’une entreprise, qui n’a été surpassée par aucune autre, sous rapport de l’importance et des difficultés à vaincre.
Tandis que le Rhin, l’Elbe, l’Oder et le Weser, ne parlons que des fleuves d’Allemagne, sont en quelque façon des grandes routes, qui roulent leurs eaux vers l’océan dans des lits réglés, le Danube est plutôt à comparer à un géant incivilité, qui fort de sa puissance se moque de toutes entraves, tantôt en se divisant en bras innombrables, quitte à son gré un lit et prend un autre, tantôt en envoyant ses grands flots dans des plaines étendues, en les réunissant un peu plus loin de nouveau dans un lit étroit dont des rochers élevés, forment l’encadrement, comme si ces flots étaient engloutis par des puissances souterraines, pour revenir au jour quelques lieues plus loin et pour accorder un passage sûr et tranquille aux plus grands navires. Tandis que les rives d’autres fleuves ne sont en général que du territoire d’un seul souverain, ou des parties de plusieurs pays ligués, dont les gouvernements ont le même but — le but de veiller au bien-être de ceux qui les habitant, qui tous ont atteint le même degré de civilisation et de morale, qui veulent faire fleurir le commerce et l’industrie, sans se surveiller mutuellement avec des préjugés politiques, le Danube est un fleuve qui baigne les rives de divers pays, qui voit dans un cours de plus de 300 lieues des nations tout à fait différentes, dont les langues et les moeurs ne se ressemblent nullement, chez lesquelles la variété de mesures, de poids et de douanes met des entraves au commerce et à tout progrès industriel, sans parler de la diversité des institutions politiques, des lois et des vues générales.
La navigation à vapeur sur le Danube, établie par la même compagnie de Donauwörth jusque’à Sulina, s’étend su 32° — 48° Long. vers l’Orient, et descend en conséquence du cours tortueux du fleuve, du 48° presque jusqu’au 43° Latid. en traversant 343 lieues géographiques.
La compagnie a plus de 150 bateaux à vapeur de différentes grandeurs, qui sont employés en partie au transport des passagers et des marchandises et end partie à remorquer près de 500 chaloupes à la toue.
Elle possède en outre quatre chantiers, où l’on ne fait pas seulement des réparations, mais où l’on construit aussi des navires tout-neufs. Ces chantiers sont à Ratisbonne [Regensburg], Korneubourg, Alt-Ofen [Budapest] et à Turnu-Severin. Le dernier a été nouvellement établi pour la réparation de ces bateaux qui ne peuvent pas arriver en deçà dès la Porte de fer.
Nous avons déjà fait mention qu’une houillère appartient à la même compagnie dans le voisinage de Mohacs, laquelle fournit près de quatre millions de quintaux de houilles (200. 000 tonnes) pour la même navigation à vapeur sur le Danube.
Trente et une stations sur le Haut-Danube et soixante-douze sur le Bas-Danube témoignent du grand nombre de voyageurs, de la quantité de marchandises expédiées et transportées journellement pendant la saison navigable, et de la grande importance cette entreprise industrielle, à laquelle aucune autre de l’ancien et du nouveau monde sur des fleuves ne saurait être comparée.
Le but principal de la compagnie de navigation à vapeur sur le Danube n’est pas seulement le transport de voyageurs, comme on pourrait le présumer par le grand nombre de bateaux pour passagers qui font le trajet entre les villes, mais elle est principalement [l’intermédiaire] du commerce et de l’échange de produits de l’industrie et du sol entre l’Europe centrale et l’Orient.
La compagnie de navigation à vapeur sur le Danube joint donc directement l’Europe occidentale aux contrées du Bas-Danube et au Levant, et c’est ainsi qu’elle facilite des relations de commerce de la plus haute importance entre ces différents pays. La compagnie s’est donc en tout cas acquis un mérite des plus importantes conséquences d’avoir introduit sur le plus grand fleuve de l’Allemagne la navigation à vapeur , de l’y avoir porté à un grand degré de perfectionnement non obstant tous les obstacles et toutes difficultés…
C’est à Vienne que se trouve le siège de l’administration générale de la compagnie de navigation à vapeur sur le Danube, à laquelle est joint un conseil de directeurs composé d’actionnaires, qui surveille la conformité du mécanisme compliqué qui doit être toujours bien en règle pour que ce mécanisme ne soit pas arrêté ! C’est cette compagnie qui introduira la civilisation de l’Occident européen dans une partie considérable des contrées orientales et qui contraint un grand fleuve, autrefois seulement navigable en partie, de rendre des services importants au commerce et à l’industrie européenne… »

Dr. Sigismond Wallace, Sur le Danube de Vienne à Constantinople et aux Dardanelles, traduit de son ouvrage allemand par le Dr. Sigismond Wallace, Avec des illustrations, des cartes et des plans, Vienne 1864, L. C. Zamarski & C. Dittmarsch, Libraires-Éditeurs et Imprimeurs.

   Le char de la Compagnie de Navigation sur le Danube (D.D.S.G.) lors du défilé de la ville de Vienne le 27 avril 1879, aquarelle de Josef Fux (1841-1904). On distingue à droite un porteur de  bannière à cheval suivi de trois cavaliers avec des trompettes de héraut, des marins portant des pagaies sur l’épaule puis le char tiré par quatre chevaux blancs en forme de bateau richement décoré (bucentaure), à l’arrière duquel se trouve une plate-forme en forme de balcon, à l’avant un personnage féminin assis (néréide), dans le bateau cinq personnages élégamment vêtus. Collection Bibliothèque Nationale d’Autriche, Vienne.

   L’histoire de la navigation à vapeur sur le Danube débute à la fin du règne de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche (1717-1780), dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Elle ne se concrétise en Autriche et en Hongrie que vers 1817-1818. Après une première proposition de brevet pour la navigation à vapeur resté sans réponse, le gouvernement autrichien renouvelle sa demande en 1817. Un ingénieur germano-hongrois originaire de Pecs en Hongrie méridionale, Anton Bernhard (1779?-?) relève le défi et fait construire selon ses plans le « Carolina » en l’honneur de la quatrième épouse de l’empereur François Ier d’Autriche, Caroline-Augusta de Bavière (1792-1873), un petit remorqueur à vapeur d’un faible tirant d’eau (1, 02 m) avec une coque en chêne de Slavonie (Croatie septentrionale), et un moteur à vapeur d’une puissance de 24 chevaux, muni de deux roue à aube et d’un treuil qui, dès le 21 mars 1817, peut remorquer sur le Danube une barge de 488 t à la vitesse de 3,4 km/h vers l’amont et à la vitesse de 17 km/h vers l’aval. Le 2 mai a lieu une démonstration du « Carolina » pour le public viennois puis le 10 octobre devant le fondateur et directeur de l’Institut polytechnique royal et impérial, Johann Joseph von Prechtl (1778-1854).

Dessin du Carolina, collection privée

L’ingénieur navigue avec son bateau à titre expérimental sur le Danube viennois pendant l’été 1818 puis effectue un voyage de Vienne jusqu’à Pressburg (Bratislava) en 3 heures et jusqu’à Budapest en 24h le 2 septembre de la même année non sans que le remorqueur ne s’échoue sur le trajet. Le 31 décembre 1818, après plusieurs inspections de son bateau, A. Bernhard, associé à un entrepreneur du nom de Saint-Léon (?), reçoit de l’empereur François Ier un privilège de 15 ans pour la navigation à vapeur sur le Danube.

Le Carolina, premier bateau à vapeur sur le Danube, ici devant Bratislava, collection privée

Son intention était de transporter des marchandises avec son remorqueur mais la place de la machine à vapeur sur le pont et son manque de puissance rendait en l’état actuel l’opération difficilement réalisable. Après avoir navigué entre Osijek, Novi Sad et Mohács, sur la Drava et le Danube, le bateau sert à partir de l’été 1820 de premier bac entre Buda, Óbuda et Pest. Le remorqueur qui tire une barge sur laquelle se trouvent les passagers dessert aussi l’île Marguerite. Devant l’insuccès de son initiative et le peu de passagers transportés du fait de la concurrence du pont de bateaux (la construction du premier ouvrage en dur de la capitale hongroise, le pont des Chaines ou Szechenyi Lánchíd ne commencera qu’en 1842), A. Bernhard ramène le Carolina à Osijek (Slavonie) en descendant le Danube hongrois et en remontant la Drava. Il assure provisoirement la traversée d’une rive à l’autre de la rivière, le pont ayant été détruit par les glaces lors d’un hiver vigoureux. Pour une raison restée inconnue, le Carolina sombrera au fond de la rivière en 1824.
   Un projet concurrent entraine la construction d’un deuxième bateau à vapeur, le « Duna » (Danube), conçu par l’ingénieur-mécanicien et prolifique inventeur français exilé à Vienne (Hirtenberg) à l’invitation de l’empereur François Ier, Philippe-Henri de Girard (1775-1845). celui-ci effectue à peine quelques jours plus tard de son côté le même trajet de Vienne jusqu’à la capitale hongroise en faisant escale à Bratislava.

Plan du vapeur « François Ier » réalisé par Philippe-Henri de Girard (1775-1845), ingénieur-mécanicien français

Une première compagnie de navigation à vapeur sur le Danube voit le jour dès 1823. La (E.K.K.P.) D.D.S.G. n’est officiellement fondée qu’en 1829 à Vienne par plusieurs hommes d’affaires autrichiens. La compagnie se développe rapidement au cours des décennies suivantes tout en trouvant, avec le soutien et l’aide de responsables de l’Empire autrichien et du royaume de Hongrie comme l’entreprenant comte István Szechenyi (1791-1860) des solutions aux importants et récurrents problèmes de navigation sur certaines parties délicates du fleuve en particulier dans les Portes-de-Fer.

Blason de la (E.K.K.P.) D.D.S.G.

Si I. Szechenyi franchit lui-même avec succès et dans un grand enthousiasme ce passage en 1834 sur le steamer « Argos », les difficultés de navigation dans ces quatre défilés successifs ne seront résolues définitivement que bien plus d’un siècle plus tard, après l’édification du barrage roumano-serbe de Djerdap I (1963-1972).

István Szechenyi (1791-1860)

   La D.D.S.G. assure tout d’abord le transport des marchandises et des passagers sur une partie du cours du  Danube, étend son réseau à l’ensemble du fleuve (de Regensburg à Sulina et quelques-uns de ses affluents parmi lesquels la Tisza (liaisons Szeged-Zemun (Semlin) et la Save (ligne Šabac-Belgrade) ainsi que sur différents canaux tout en développant d’autres activités économiques dans l’Empire austro-hongrois et au-delà comme l’acheminement du courrier postal par ses propres bateaux (pour cela la compagnie émet également ses propres timbres), l’extraction du charbon près de Pecs (Hongrie) ainsi que le transport ferroviaire de cette matière première et de voyageurs sur les lignes Űszőg-Mohács, Űszőg-Pécsbànyatelep, Űszőg-Szabolcsbànyatelep. Ces voie ferrées ont été parmi les premières lignes à être électrifiées en Europe centrale.

« Privilège » impérial et royal rédigé en latin du 22 avril 1831 accordé à la D.D.S.G. pour la navigation sur le Danube hongrois

Dès 1830, le steamer « François Ier », deuxième vapeur danubien de ce nom, offre un service de transport pour les passagers entre Vienne et Budapest soit environ 280 km. « En Autriche il y a déjà une compagnie d’actionnaires [D.D.S.G.] ayant 3 bateaux à vapeur de 36, 50 et 60 forces de cheval, qui, depuis quelques temps, font la navigation régulière entre Presbourg [Bratislava] et Gallatz [Galaţi, Roumanie], et on attend encore dans le courant de 1834, un bateau plus grand de 70 forces de cheval, destiné à faire la navigation entre Gallatz et Constantinople, L’organisation de la navigation à vapeur entre Vienne et Presbourg sera terminée en 1830 de manière que les plus grands obstacles de la navigation sur le Danube seront levés. »

Appareillage de Vienne, pour l’un de ses premiers voyages, du second bateau à aubes dénommé « François Ier »

À partir de 1834, la D.D.S.G. effectue, en plus de ses lignes fluviales intérieures, le transport maritime entre Trieste, port de l’Empire austro-hongrois, et Constantinople (Empire ottoman). En 1845, cette liaison est reprise par une autre compagnie autrichienne le Lloyd Austriaco (Le Lloyd autrichien), fondée en 1833 à Trieste et qui sera en activité jusqu’en 1918. La Lloyd Austriaco relie encore, parmi ses liaisons maritimes, Galatz à Constantinople, Galatz à Odessa et Nikolaeff.

Album publié par la D.D.S.G. à l’occasion du cinquantenaire de son existence

Vers la fin des années 1880 la D.D.S.G. compte plus de mille bateaux qui acheminent annuellement plus de trois millions de passagers et plus d’un million de tonnes de fret sur près de 6 000 km de cours d’eau en Europe centrale et orientale. La D.D.S.G. possède ses propres chantiers navals à Korneuburg sur la rive gauche en amont de Vienne et à Budapest (Ofen) et elle en ouvrira un également un peu plus tard à Turnu-Severin.

Le siège de la D.D.S.G. sur le canal du Danube à Vienne en 1871, « Das Kaiserthum Oesterreich » Wien / Darmstadt, 1871

Bien que demeurant la plus importante compagnie de navigation (fluvial et maritime) au monde au début du XXe siècle (142 bateaux à vapeur et 860 remorqueurs pour un tonnage total de 470 000 tonnes en 1914), la D.D.S.G. se voit confrontée au déclin du transport fluvial, concurrencé durement par le développement du transport ferroviaire.

Évolution de la flotte de bateaux de passagers de la D.D.S.G. depuis 1853 jusqu’à 1913

La première guerre mondiale, l’éclatement de l’Empire austro-hongrois, les changements de frontières bouleversent son hégémonie. Les pertes de la flotte de la D.D.S.G. après le conflit, dues au jugement arbitral final de Hynes du 2 août 1921, jugement qui détermine définitivement les indemnité de guerre à verser par la compagnie à certaines nations alliées, portent un coup sévère à sa situation économique. Elle se voit perdre 34 remorqueurs, 8 bateaux à passagers, 425 barges de marchandises et deux barges-citernes, 101 pontons en fer et un bateau-atelier ; plus précisément, sans aucune indemnisation, elle doit céder six bateaux à passagers, 21 remorqueurs, 318 barges, une barge-citerne et neuf pontons en fer à la Yougoslavie, huit remorqueurs à la Roumanie, cinq remorqueurs et 25 barges à la France, et enfin, contre indemnisation, deux bateaux à passagers, un remorqueur et 39 barges au profit de la Tchécoslovaquie. La compagnie réussira malgré tout à redevenir la principale compagnie de navigation sur le Danube entre les deux guerres. Sa flotte se répartie en 1925 de la manière suivante : 31  steamers, 43 remorqueurs, 43 chalands ou barges, 8 chalands à moteur et 19 bateaux citernes (tankers)3. En 1937 elle compte encore 22 steamers, 25 transports de fret, 394 remorqueurs et 29 bateaux citernes qui transportent le pétrole depuis la Roumanie vers l’amont du fleuve. La compagnie et ses dirigeants jouent ensuite un rôle assez sombre dans les années suivantes. La D.D.S.G. collabore avec le régime nazi suite à l’annexion de l’Autriche en 1938, participe au transport dans des conditions précaires des Juifs autrichiens après la tragique « Nuit de cristal » (9 et 10 novembre 1938), lorsque ceux-ci sont forcés de quitter le pays et d’émigrer. Ses dirigeants sont également impliqués dans le prélèvement de sommes d’argent et de biens auprès des populations juives candidates à l’exil et tirèrent profit de cette émigration juive forcée.
Le conflit mondial entraine une nouvelle réduction importante de sa flotte. De nombreux bateaux sont réquisitionnés par les armées allemandes et servent au transport de troupes, de fret et de matière première (pétrole…). Durant l’occupation de l’Autriche entre 1945 et 1955, la D.D.S.G., considérée comme propriété du Reich allemand, passe sous contrôle de l’administration soviétique. Puis elle est restituée au tout nouvel État autrichien par le Traité de 1955 contre des compensations financières.

Les lignes fluviales de la D.D.S.G. en 1913 (en gras), la compagnie navigue sur le Danube de Regensburg à Sulina, la Drava, la Tisza (Theiss), la Save, le Bossut, le Temeš le canal François, le canal de la Bega soit 4127 km en tout. Elle possède également dans le sud de la Hongrie 68 km de voies ferrées pour acheminer le charbon jusqu’au Danube.  

La D.D.S.G. d’origine a été dissoute en 1991 soit 162 ans après sa création en 1829. Deux entreprises autrichiennes sont issues à la suite de cette dissolution, la D.D.S.G.-Cargo GmbH pour le transport de marchandises et la D.D.S.G.-Donaureisen GmbH pour le transport de passagers. La D.D.S.G.-Cargo est rachetée en 1993 par la société allemande German Stinnes qui la cède à son tour au holding Gerhard Meier en 1997. Elle possède alors une flotte de 175 000 tonnes. La D.D.S.G.-Donaureisen GmbH cesse ses activités en 1995. La même année, le port de Vienne et le bureau de tourisme autrichien fondent la D.D.S.G.-Blue Danube Schiffahrt GmbH, une compagnie qui assure avec ces cinq bateaux des croisières sur le Danube viennois et entre Vienne et la région de la Wachau.

Les horaires de bateaux entre Passau et Vienne en 1954

La Compagnie Générale de Navigation : un projet franco-serbe de concurrence avorté
Il est clair que la situation de développement et de monopole dans lequel va se trouver la Compagnie Impériale et Royale de Navigation à Vapeur autrichienne sur le Danube, engendra un fort ressentiment de la part des pays voisins et en particulier de la Serbie. Aussi celle-ci encouragea-t-elle des projets de création d’autres sociétés de navigation sur le Danube à même d’entamer ce quasi monopole. Des entrepreneurs et hommes d’affaire français proposent au prince Milosch [Michel Obrenovitch III, 1823-1868] et à son gouvernement serbe dans les années 1860, la création de la Compagnie Générale de Navigation, projet qui avortera à cause de la mort du souverain serbe. M. Clément Reyre, à qui les dirigeants de la Compagnie Générale de Navigation ont confié une mission d’évaluation et des chances de succès de cette « grande affaire » qu’il s’agit de conclure lors de la séance du C.A. du 12 novembre 1859, s’exprime en des termes très clairs sur la D.D.S.G. à l’occasion de la séance du 20 janvier 1860 :

« La Compagnie Autrichienne qui exploite seule lr Danube, le fait avec le plus grand luxe. Ses navires sont extrêmement commodes pour les touristes, mais ils n’ont rien de commercial, ou du moins tout ce qui touche aux intérêts commerciaux y est déplorablement traité et dans des vues étroites de monopole. Cette Compagnie est constituée d’une manière presque gouvernementale, avec des éléments en quelques sortes aristocratiques ; les emplois, les sinécures y sont multipliés outre mesure. Ses bateaux très richement décorés, en apparence très élégamment construits, sont lourds ; leur marche est lente et craintive ; ils s’arrêtent au moindre brouillard, au moindre glaçon. Ils sont bien loin, en un mot sous le point de vue de l’exploitation pratique et pour le service des intérêts commerciaux, de nos navires du Rhône que tant de progrès successifs ont amenés pour la rapidité de la marche, la calaison, le port, la puissance utile, à des perfectionnements exceptionnels.
Mais, sous le point de vue moral, la Compagnie Autrichienne est encore bien plus mal placée, du moins dans toutes les provinces danubiennes. Il semble que loin de vouloir développer les ressources et le commerce de ces provinces, elle n’ait d’autres buts que de les comprimer, de les monopoliser à son profit. Rien n’est fait pour satisfaire les populations, pour faciliter leurs relations. La Serbie, par exemple, bornée au Nord et à l’Ouest par les Etats Autrichiens, au Midi et à l’Est par les provinces turques tout-à-fait dépourvues de voies de communication, voit tous ses produits à la disposition exclusive des Autrichiens, et ne peut en quelque sorte recevoir que par l’Autriche les importations qui lui sont nécessaires. Cet état de choses, joint aux formes toujours désagréables, maladroites, vexatoires, de tous les Agents du Gouvernement Autrichien, a donné dans toutes les contrées qu’arrose le Danube inférieur l’impopularité la moins contestable à tout ce qui porte le nom Autrichien. Aussi, c’est avec a plus vive impatience, c’est avec les sympathies les plus cordiales qu’on attend dans ces contrées l’apparition de la batellerie française, et je ne crains pas trop m’aventurer en disant que la préférence sera toujours donnée à celle-ci, même abstraction faite des différences de prix. J’oserai même dire qu’il est peut-être permis d’espérer que la Compagnie Autrichienne finira par reconnaître qu’il convient à ses propres intérêts de se borner à exploiter le Danube autrichien et de s’arrêter à Belgrade, en nous abandonnant le Danube inférieur.
Dans tous les cas, il est évident que, quant à présent, sa concurrence n’est nullement à redouter, et que, dût-elle se produire d’une manière agressive, les ressources nouvelles que des services de navigation faits avec intelligence ne manqueraient de développer sur toutes les rives du Danube, donneraient à notre navigation des aliments aujourd’hui négligés et qui suffiraient largement pour l’occuper utilement…. »
« Rapport présenté au Conseil d’Administration de la Compagnie Générale de Navigation Dans sa Séance du 20 janvier 1860 par M. Clément Reyre », in Compagnie Générale de Navigation. Actes et Documents relatifs au projet d’étendre ses services sur le Danube et ses affluents, Lyon, Imprimerie et Lithographie J. Nigon, 1860.  

Notes :
1 KLEINSCHROD, von, Charles Théodore (1789-1869), Canal de jonction entre le Rhin et le Danube, Chez G. Franz Libraire, Munich, 1834, p. 64
2 « CABOTAGES EN EAUX TERRITORIALES »
La guerre a créé un état de choses nouveau : aujourd’hui, le Royaume S. H. S. et la Rou­manie interdisent à toutes les compagnies étrangères de se livrer à aucun trafic intérieur ou «cabotage »sur le Danube, dans leurs pays respectifs, et d’effectuer aucun transport sur certains affluents importants du Danube, tels que la Save et la Bega, qui sont à présent considérées non plus comme des eaux internationales, mais comme des eaux territoriales. Cet usage fait passer aux mains des compagnies de navigation de ces Etats de nombreux transports assurés avant la guerre par les compagnies autrichiennes et hongroises. Celles-ci critiquent également ce nouvel usage et lui attribuent la diminution du trafic total parce qu’il rend le service moins satisfaisant.», Walker D. Hines (avec la collaboration du major Brehon Somervell), Rapport relatif à la navigation sur le Danube, présenté à la commission consultative et technique des communications du transit de la Société des Nations, S.D.N., Lausanne, 1925, p. 193
3 sources : Walker D. Hines (avec la collaboration du major Brehon Somervell), Rapport relatif à la navigation sur le Danube, présenté à la commission consultative et technique des communications du transit de la Société des Nations, S.D.N., Lausanne, 1925, tableau de la flotte danubienne en 1924, p. 91

Aménagement (salon des  femmes et salle de restaurant)  du bateau de transport de courrier (Postdamfper) et de passagers de la D.D.S.G. « Wien »

Longueur totale des lignes fluviales de transport de passagers en 1893 : 3321 km
Danube
Regensburg-Sulina (2432 km)
Canal du Danube de Vienne (17 km)
Bras du Danube de Györ (Györ-Gönyö, 17 km)
Bras de Szentendre (31 km)
Bras de Tolna (14 km)
Bras de Gardinovce (Dunagardony, 7 km)
Bras de Ram (Požarevac ou Passarovitz, 27 km)
Bras de Golubac (10 km)
Canal de Bjelina (Ostojićevo/Save, 19 km)
Canal Georges (Giurgiu-Smârda, 3 km)
Bras de Borcea (107 km)
Canal de Gura-Balja (10 km)
Bras de Mǎcin (Mǎcin-Ghicit, 13 km)
Bras de Kilia (22 km)

Port de marchandise de la D.D.S.G. sur le quai viennois du Prater (Praterkai) dans les années 1880-1890

Rivière Sárviz (Leitha)
Szegzard-confluent de la Leitha avec le Danube (6 km)

Rivière Drava
Barcs-confluent de la Dráva avec le Danube (151 km)

Rivière Tisza
Szolnok-confluent de la Tisza avec le Danube (335 km) 

Longueur totale des lignes en 1912 : 
transport de passagers et courrier postal : 2553 km
transport de marchandises : 4066 km
Nombre total d’embarcadères : 177
Nombre total de passagers transportés en 1912 : 2 380 277
Nombre total de tonnes de marchandises transportés en 1912 : 2 548 126 tonnes

Longueur totale des lignes fluviales en 1913 (marchandises et passagers et transport du courrier) :
4127 km

Effectifs de la compagnie en 1913 :
50 bateaux à aube de transport de passagers (et de courrier postal)
92 bateaux à vapeur pour le convoyage des marchandises
851 barges représentant un volume de 458 574 tonnes de marchandises

Ex voto de 1841 représentant la collision entre le bateau à aube de la D.D.S.G. « Sophia » et une barge transportant du sel dans le défilé des Portes-de-Fer, un passage resté longtemps très délicat pour la navigation

Sources :
BINDER, Johannes, Dr., Rot-Weiss-Rot auf blauen Wellen, 150 Jahre DDSG, Bohmann Druck und Verlag AG, Vienne, 1979
DOSCH, Franz, Oldtimer auf der Donau, Sutton Verlag, Erfurt, 2010
DOSCH, Franz, 180 Jahre Donau-Dampfschiffahrts-Gesellschaft, Sutton Verlag, Erfurt 2009
HAUKE, Erwin, Donaureise in alter Zeit : der Strom und seine Dampfschiffe auf alten Ansichtkarten : ein historischer Bildband von Regensburg bis zum Schwarzen Meer, Verlag Martin Fuchs, Wien, 2001 
HINES,Walter D. (avec la collaboration du major Brehon Somervell), Rapport relatif à la navigation sur le Danube, présenté à la commission consultative et technique des communications du transit de la Société des Nations, S.D.N., Lausanne, 1925
GRÄFFER, Franz, CZIKANN, Johann J., Oesterreichische National-Encyklopädie, oder alphabetische Darlegung der wissenswürdingsten Eigenthümlichkeiten des österreichischen Kaiserthumes, Band 1, Wien 1835

JUŽNIČ, Stanislav, The Global and the Local: The History of Science and the Cultural Integration of Europe, Proceedings of the 2nd ICESHS (Cracow, Poland, September 6–9, 2006) / Ed. by M. Kokowski

Eric Baude pour Danube-culture, droits réservés, mis à jour novembre 2023

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