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L’or du Danube
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Le Danube et certains de ses affluents alpins, comme de nombreux cours d’eau de France (le Rhône, le Doubs, la Saône l’Arve, la Garonne, la Rance, la Vilaine, le Gier, le Couesnon, la Jordanne, la Vézère, la Dordogne, le Tarn, la Moselle…) charrient dans ses alluvions, parmi d’autres matériaux et minerais, de l’or. Comme en témoignent de nombreux documents écrits et des photos anciennes cette activité d’orpaillage a été pratiquée depuis l’Antiquité avec plus ou moins de succès et fut aussi sérieusement contrôlée.
Chercheur d’or sur le Danube hongrois
Il se pourrait que les Celtes, avant l’époque romaine, aient déjà pratiquer ce genre d’activité sur le Danube et ses affluents. Les hommes on a par la suite continué à chercher et extraire, en quantité souvent négligeable et plus ou moins rentable, de la poussière d’or des alluvions du Danube en certains endroits de son lit, souvent à l’intérieur des méandres, une zone favorable au dépôt d’alluvions, dans des fissures, failles marmites. Ce fut le cas en particulier en Basse-Autriche aux alentours d’Aschach (rive droite, Haut-Danube), de Mauthausen (rive gauche) et du confluent de l’Enns (rive droite), voire plus en aval près de Gottsdorf (rive gauche), Klein-Pöchlarn, Dürnstein (rive gauche) ainsi que dans les bras morts des prairies alluviales en aval de Zwentendorf, Tulln, Langenlebarn-Königstetten (rive droite). Ces lieux où le Danube se ramifiait autrefois en de nombreux bras entrecoupés d’îles, bancs de sable, affleurements de rochers, parait avoir été particulièrement apprécié. Dans la première moitié du XVIIIe siècle, des orpailleurs bavarois y auraient travaillé suivis, un siècle plus tard par des ouvriers originaires de Croatie. Des activités d’orpaillage ont eu lieu également à Korneuburg (rive gauche), dans la région de Klosterneuburg-Langenzersdorf, à Mannswörth près de Schwechacht en aval de Vienne (rive droite) jusque dans les environs de Bratislava. Des affluents de la rive gauche comme la Krems en Wachau ou la Kamps dans le Waldviertel ont également été prospectés par le passé avec plus ou moins de succès. Les localités comme Goldwörth sur le Danube, en amont de Linz (rive gauche) ou Goldgeben, dans le district de Korneuburg, rappellent à l’évidence que s’y sont pratiquées régulièrement ses activités d’orpaillage et de recherches de la « goldine ».
Une coupe d’un calice pour la messe, réalisé par l’orfèvre Michel Gotthard Unterhueber en 1736 et appartenant au trésor de l’abbaye de Klosterneuburg, est un des plus beaux symbole de cette activité d’extraction du métal précieux dans les sédiments du Danube. L’or à partir duquel a été réalisé ce calice été lavé sur les bords de la rive gauche du Danube aux près du village de Langenzersdorf. Seule la coupe a été préservée. Le pied d’origine également en or fluvial, malheureusement fondu en 1810 pour contribuer au renflouement des finances de l’Empire autrichien, malmenées par les guerres contre les armées napoléoniennes, a été remplacé par un nouveau pied en métal doré à la fin du XIXe siècle.
Des activités d’extraction d’or fluvial ou alluvial ont été également menées plus en amont en Bavière (Électorat puis Royaume de Bavière) à partir du IXe. Les premiers orpailleurs de la région étaient actifs au nord de Passau, près de Straubing, Stephansposching, Bogen, Deggendorf et Vilshofen. En 1477, le duc Louis le Riche de Bavière (1417-1479) conclut un contrat avec une société concernant l’extraction de l’or dans l’Isar, l’Inn, la Salzach et le Danube bavarois.
En 1625, sous le règne du duc Maximilien, on tenta de relancer l’orpaillage dans les rivières bavaroises. L’or extrait à cette époque provenait de deux affluents alpins du Danube, l’Isar et de l’Inn. Cet or, comme celui extrait du Danube ont servi à frapper entre 1756 et 1830 et précisément appelés « ducats d’or du Danube ». Ces pièces d’or, d’une grande rareté, sont considérées aujourd’hui comme des pièces historiques de grande valeur, qui symbolisent une partie de l’histoire de la Bavière.
Le terme « ducats d’or du Danube » désigne les ducats fabriqués entre 1756 et 1830 dans l’Électorat ou le Royaume de Bavière avec de l’or extrait du Danube ou de ses affluents. L’avers montre le portrait du souverain régnant. Le revers représente le dieu du fleuve avec son urne d’où coule le fleuve. Ce revers est en outre orné de la légende EX AURO DANUBII (De l’or du Danube).
Dans les années 1870, des Tsiganes extrayaient encore professionnellement de l’or du Danube autrichien en face Klosterneuburg, puis de façon expérimentale à la hauteur de Bad Deutsch-Altenburg (1936), sur le Danube hongrois (1937/1938), lors de la construction de la centrale hydroélectrique d’Ybbs-Persenbeug (Basse-Autriche) dans les années cinquante ou encore aux environs de Linz.
La méthode d’extraction de l’or n’a de façon très étrange que très peu changé au cours des siècles, et cela de façon comparable dans le monde entier. Elle repose d’une manière générale sur la densité élevée (environ 19,26–19,7), donc sur le poids spécifique de l’or, ce qui explique que les particules d’or se déposent dans la partie la plus basse du support/substrat en cas de mouvements de l’eau. D’autre part, il est important au cours de ces processus d’éviter un entraînement des particules et donc des pertes en or. Par conséquent, l’or ne devait être recherché ni dans des graviers grossiers, ni dans le « »imon » superficiel provenant des suspensions fluviales, mais dans les couches sableuses plus grossières qui traversent les graviers sous forme de couches ou qui se sont déposées dans les accumulations. Cela supposait également de la patience, de l’effort et de la chance pour trouver des pépites ou de la poussière du précieux métal. Les outils utilisés étaient des pelles en bois pour le sable, une louche pour l’eau, une planche à laver ou une auge droite munie comme une planche à laver d’encoches et de baguettes de bois pour augmenter la rugosité du sol ou – encore mieux – de peaux de cheveux ou de tissus de laine grossiers, flanelle ou similaire, avec en plus une cuvette de dépôt en bois à fond plat, une cuvette ou planche à laver ou en guise de cuvette à laver – die Saxe ?. Le sable contenant l’or était soit déposé d’abord sur la planche à laver rendu rugueuse, où les parties grossières et plus légères étaient évacuées par l’eau et les particules plus lourdes, donc également lors, maintenu par le revêtement rugueux avant de pouvoir être évacué dans un baquet, ou bien l’on utilisait seulement la cuvette (Sicherschüssel) avec laquelle, en berçant et en retournant, on essayait d’effectuer le même lavage Manuellement, dans l’eau ou bien juste au-dessus. Il restait en tous les cas « l’eau contenant l’or », c’est-à-dire un concentré sableux gris violet composé de grenat, de Zirken ?, de béryl, de quartz, de minerai de magnétite et d’ilménite et de petites particules d’or d’environ 0,1 mm. L’or était extrait de ce mélange au moyen de mercure sous la forme d’amalgame, lequel était chauffé pour obtenir l’or pur.
On mesure la peine engendrée par l’extraction de l’or du Danube quand on sait que chaque tonne de matériau initial ne procurait qu’environ 0,5 à 1 g d’or : un résultat bien maigre qui se situait en dessous du seuil de rentabilité, même en cas d’utilisation de machines.
Une catastrophe écologique récente dans le bassin versant du Danube
On se souviendra d’une catastrophe écologique récente pour la flore et la faune danubienne liée à l’exploitation de l’or sur le territoire de son bassin versant. Le 30 janvier 2000 des pluies violentes ont provoqué la rupture de la digue du bassin de décantation de la mine d’or Aurul à Baia Mare, dans le nord-ouest de la Roumanie. 100.000 m3 environ d’eau cyanurée se sont déversés dans la petite rivière Szamos, affluent de la Tisza qui se jette dans le Danube à quelques dizaines de kilomètres au nord de Belgrade. Malgré l’évidence et l’ampleur de la catastrophe environnementale, accentué par l’incapacité à réagir du gouvernement roumain de l’époque, le groupe australien Esmeralda Exploration nia farouchement toute responsabilité dans cette pollution au cyanure…
Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour juillet 2023