Les pélicans du Danube et de son delta

   Plus de 176 espèces d’oiseaux nicheuses dont l’extraordinaire pygargue à queue blanche (Haliaeetus albicila), un rapace surdoué pour la pêche, ont été identifiées dans le delta du Danube. Celui-ci représente également, pour la faune avicole migratrice parmi laquelle deux espèces de pélicans, une étape idéale tant du point de vue de la distance, du climat, de la tranquillité relative que de la profusion de nourriture. Gare toutefois aux nombreux mammifères comme les chats sauvages, les belettes, hermines, renards qui peuplent les grinduri ou les terres alluviales ! 

Une centaine d’espèces d’oiseaux choisit également le delta du Danube pour y passer l’hiver ou le traverser ce qui en fait l’un des terrains d’observation ornithologique les plus fascinants au monde. Six voies migratoires printanières et cinq automnales, originaires des continents africain, asiatique et européen, survolent, se posent et séjournent dans le delta.

Le Pélican, un pêcheur organisé
   Deux des huit espèces connues de pélicans, le pélican frisé (Pelecanus crispus) et le pélican blanc (Pelecanus onocrotalus) nichent dans le delta. C’est la colonie de pélicans communs la plus importante en Europe. Elle est évaluée à  plus ou moins 2 500 couples. Elle s’installe au début du printemps et repart à la fin de l’été ou au début de l’automne pour passer l’hiver dans le delta du Nil ou sur d’autres deltas africains et du Moyen-Orient. Rares sont les individus qui choisissent de rester sur place. Le delta du Danube est le refuge des pélicans situé le plus à l’ouest du vieux continent.

Pélican frisé (Pelecanus crispus), photo droits réservés

Eugen Petrescu, de la Société Ornithologique Roumaine explique que pour la plupart des touristes et même des habitants du delta, la différence entre le pélican frisé et le pélican commun n’est pas évidente. Presque insaisissable, elle relève de la taille des oiseaux, le pélican frisé étant juste un peu plus grand.
La migration du pélican commun commence en août-septembre. Très peu d’oiseaux choisissaient autrefois d’hiverner dans le delta alors qu’on observe aujourd’hui de plus de spécimens pendant la saison froide. Il semble qu’au début de sa présence en Roumanie, le pélican frisé avait pour habitat des zones humides en amont du Danube et non pas le delta lui-même, où le pélican commun était déjà installé. On a d’ailleurs observé leur tendance à se déplacer non pas vers le sud, mais en sens inverse vers l’amont du fleuve, en direction de Călăraşi et jusqu’en Olténie, comme s’ils refaisaient de mémoire cet itinéraire. Selon des observateurs de la Société bulgare de protection des oiseaux, une troisième colonie de nidification de pélicans frisés s’est d’ailleurs installée dans la zone bas-danubienne bulgare. Ce nouveau groupe est considéré comme une sous-colonie de celle distante d’environ 2 km où nichent 22 couples depuis 2016. Plus à l’est, la Réserve de Srebarna (Bulgarie) abrite elle aussi une colonie de pélicans frisés. Cette zone est d’une importance cruciale pour la protection du pélican frisé sur le bas-Danube.
En période de reproduction, le plumage des pélicans acquiert un coloris particulier. La partie grise revêt un éclat argenté, tandis que la mandibule se colore en un très beau rouge pourpre. C’est ce contraste des couleurs qui confère aux oiseaux une élégance particulière durant la période d’accouplement. En outre, les pélicans sont très sensibles à toute forme de perturbation. Si, par exemple, une colonie est fortement dérangée pendant son séjour, elle ne revient pas sur les mêmes lieux l’année suivante. Les pélicans sont une espèce rare, menacée d’extinction.

Pélican frisé, photo droits réservés

    Le pélican est sans doute, du moins pour le grand public, l’oiseau le plus représentatif de cette région du fleuve. Celui-ci a le sens de l’entraide et s’organise pour se nourrir d’une manière collective et coopérative. Au moment de la pêche le groupe de pélicans se dispose en arc de cercle ou sur une même ligne et avance régulièrement, la tête sous l’eau, se servant de leur poche profonde et souple qui pend sous leur conséquent bec jaune comme d’une épuisette pendant que de joyeux rabatteurs de la même espèce effraient et poussent les poissons vers les oiseaux pêcheurs. La cérémonie de la pêche se répètent deux fois par jour. Le pélican nourrit sa famille par régurgitation de la nourriture en voie de digestion.
Cet oiseau qui ingurgite un bon kilo de poissons quotidiennement, était considéré autrefois par les habitants du delta et en particulier les pêcheurs professionnels, comme un concurrent redoutable au même titre que le grand cormoran qui s’organise aussi en colonie mais pêche en solitaire. L’espèce fut donc longtemps chassée et menacée d’extermination. Elle est désormais protégée. Double revanche pour cet oiseau unique et singulier qui représente désormais le symbole de la riche mais fragile biodiversité du plus grand delta fluvial européen.

Recensement des pélicans frisés en Roumanie danubienne de décembre 2023 : une population stable malgré l’épidémie de grippe aviaire de 2022.
   Lors du recensement de décembre 2023, 949 pélicans frisés (Pelecanus crispus, Bruch 1832) ont été dénombrés sur l’ensemble de leur aire de répartition en Roumanie. Parmi eux, 704 étaient des adultes et 245 étaient immatures et dans différentes catégories d’âge. Il s’agit du nombre le plus élevé de pélicans frisés enregistré jusqu’à présent en Roumanie au cours du suivi hivernal effectué depuis le début du projet Pelican Way of LIFE (https://life-pelicans.com)
   Le nombre de pélicans le plus élevé a été, comme prévu, observé dans les zones de grands lacs le long du Danube, telles que Suhaia, Bugeac et Oltina. Cependant, par rapport aux années précédentes, près de la moitié (404 individus) du total enregistré a été recensée dans la réserve de biosphère du delta du Danube. Les zones surveillées couvraient, comme les années précédentes, la quasi-totalité de l’aire de répartition de l’espèce, et pas seulement les sites du projet.
   « Nous voulions assurer la meilleure couverture possible et obtenir le nombre le plus représentatif de pélicans hivernants dans notre pays. Pendant la période de suivi (8-10 décembre), nous avons rencontré des conditions hivernales typiques avec un temps moins favorable, des températures basses et un vent relativement fort. Bien que ces conditions aient rendu le suivi partiellement difficile, elles ont également réduit la mobilité des pélicans dans les différentes zones, facilitant ainsi le processus de comptage », a expliqué le biologiste Sebastian Bugariu, coordinateur du projet en Roumanie.
   Le nombre de pélicans frisés enregistrés en Roumanie est le plus élevé depuis le début du projet. Combiné au nombre de pélicans frisés comptés en Bulgarie (644 individus), le total reste dans les paramètres observés les années précédentes. C’est encourageant et on peut dire que la population de pélicans frisés est globalement stable, surtout si l’on tient compte de l’impact considérable de l’épidémie de grippe aviaire en 2022, qui a affecté les effectifs de manière significative.
   Des zones telles que la vallée de Mostiștei, la zone de Calarasi Iezer, la basse vallée de l’Olt et le confluent de l’Olt avec le Danube, Bistreț, le delta du Danube et la zone lagunaire, y compris les sites du sud-ouest de la Dobrogea (Bugeac, Oltina, Dunăreni, Vederoasa), les lacs du centre de la Dobrogea et la côte de la mer Noire ont été surveillés. Lors des expéditions dans le delta du Danube et la zone lagunaire, les équipes ont bénéficié du soutien de l’Administration de la réserve de biosphère du delta du Danube (ARBDD), partenaires de ce projet.
La couverture des zones a été faite de manière à éviter le risque de comptages multiples. Au total, 13 équipes ont participé, dont 6 équipes, composées d’observateurs du SOR accompagnés par le personnel de l’ARBDD, ont participé au territoire de la réserve de biosphère du delta du Danube.
   Le suivi à long terme du Pélican frisé est fondamental pour observer les tendances et la dynamique de la population de l’espèce, les changements potentiels et pour pouvoir développer des mesures visant à assurer la meilleure conservation et protection de l’espèce possible.
Sources : Societatea Ornitologică Română
https://www.sor.ro
https://youtu.be/gvpk1QTL9E8?

Pélican blanc (Pelecanus onocrotalus), Linnaeus, 1758

Ordre : Pélécaniformes
Famille : Pélécanidés
Genre : Pelecanus
Espèce : onocrotalus
Espèce monotypique
Taille : 148 à 175 cm
Envergure : 226 à 360 cm
Poids : 10000 à 11000 g

Pélican blanc

Pélican frisé (Pelecanus crispus), Bruch, 1832

Ordre : Pélécaniformes
Famille : Pélécanidés
Genre : Pelecanus
Espèce : crispus
Espèce monotypique
Taille : 180 cm
Envergure : 310 à 345 cm
Poids : 10000 à 13000 g

Pélican frisé

Sources :
Dominique ROBERT, Danube, les oiseaux au fil du fleuve, Éditions Lechevalier-R.Chabaud, 1988

Radio România International/ À la découverte de la Roumanie/Les pélicans du delta du Danube, Teofilia Nistor (29 juillet 2013)
www.oiseaux.net
Societatea Ornitologică Română

Eric Baude pour Danube-culture, mis à jour mars 2024

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