Linz (Haute-Autriche) et le Danube

   Moins connue et moins touristique que Salzbourg, Linz (PK 2135), environ 205 000 habitants, près de 300 000 avec son agglomération, troisième plus grand ville d’Autriche après Vienne et Graz, capitale du Land de Haute-Autriche (Oberösterreich) est une cité danubienne fascinante, étonnante par sa capacité d’entreprendre, de se métamorphoser, d’innover tout en sachant préserver et valoriser son patrimoine des siècles passés. Linz fut « Capitale européenne de la culture » en 2009.
   Accueillante, dynamique, pleine de charme et de ressources culturelles en tous genres, Linz, ville avenante aux mille et un visages, est aussi une grande cité danubienne portuaire et industrielle autrichienne.
Linz, ville préférée d’Hitler, est encore célèbre dans le monde entier grâce à une spécialité culinaire, un succulent dessert qui fait l’unanimité, la « Tarte de Linz » (« Linzertorte ») !

   « Les façades décorées, peintes en marron foncé, en vert, en violet, en blanc cassé et bleu s’y dressaient de toutes parts. Des médaillons en relief les ornaient et des volutes de stuc et de pierre les animaient. Des oriels1 sur le pan s’avançaient au premier étage et des échauguettes arrondissaient les angles, les uns et les autres s’élevant jusqu’au toit où ils rétrécissaient puis retrouvaient leur taille première pour s’achever en exubérantes coupoles ou en globes ; des pots à feu2, des pinacles, des obélisques escortaient ces bulbes décoratifs sur la ligne d’horizon de la ville. Au niveau du sol, des colonnes torsadées commémoratives se dressaient sur les dalles des places, couronnées de disques rayonnant des piques d’or, sortes d’ostensoirs post-tridentins suspendus dans l’air. La sévère forteresse exceptée, campée sur son rocher, la cité était toute vouée au plaisir et à la splendeur. On respirait en tout lieu, la beauté, l’espace et la grandeur. »
Patrick Leigh Fermor, Dans la nuit et le vent, À pied de Londres à Constantinople, « Le Danube, ô saisons, ô châteaux », Éditions Nevicata, Bruxelles, 2016

Beda Weinmann (1818-1888), panorama de Linz, vers 1860 

Linz transformée ou ville-métamorphose

   Hier, et encore aujourd’hui, grande et dynamique cité commerciale et industrielle, Linz a trouvé un judicieux compromis qui lui permet de conjuguer harmonieusement des objectifs parfois contradictoires (développement industriel, protection du patrimoine et de l’environnement) et d’accueillir des touristes de plus en plus nombreux.

Le château de Linz Haute-Autriche au-dessus du Danube, photo © Danube-culture, droits réservés

Sans doute cette politique dynamique et consensuelle, alliée à des ambitions culturelles légitimes ont-t-elles des limites mais permis à Linz d’être élue dès 2009 « Capitale européenne de la culture ». Linz ne s’est pas arrêtée à 2009. L’Opéra-théâtre, réalisé par l’architecte britannique Terry Pawson, connu pour son goût du minimalisme, et inauguré en avril 2013, en est une des preuves les plus convaincantes.

Anton Lutz (1894-1992), Pont et château de Linz, huile sur toile, 1913

La capitale de la Haute-Autriche, déjà bien desservie par des infrastructures routières est désormais en train, grâce aux récents aménagements ferroviaires dans la plaine de Tulln, à 1h 30 de Vienne.
Grande ville culturelle contemporaine danubienne, membre du Réseau des villes créatives de l’UNESCO, elle se situe de plus à la croisée des magnifiques paysages danubiens de la Strudengau et de la Nibelungengau.

L’Opéra de Linz, photo © droits réservés

Linz a toujours su entretenir tout au long de son histoire, des liens étroits avec le fleuve, la construction navale et la navigation sur le Danube. Linz fut dès le début de la navigation à vapeur reliée à Vienne par le « Maria-Anna » un steamer de la D.D.S.G.  dès 1837. Son port est l’un des plus modernes et des plus actifs du Haut-Danube et le plus important d’Autriche en terme de trafic de marchandises. C’est toutefois l’invention du chemin de fer qui entraîna l’impressionnant développement industriel de cette cité. La première ligne d’Autriche, inaugurée dès 1832, reliait la cité à sa soeur slave de Bohême du Sud, České Budějovice (Budweis) par un chemin de fer dont les wagons étaient tirés par des chevaux.

Le Maria-Anna, un des premiers vapeurs de la D.D.S.G. assurent les liaisons régulières entre Vienne et Linz dès 1837

Pour avoir aujourd’hui un panorama général de la ville il faut se rendre sur la rive gauche, au sommet du Pöstlingerberg (rive gauche).

La colline du Pöstlingerberg, photo droits réservés

De cet endroit on jouit de la plus belle vue sur Linz, sur son patrimoine architectural et la vallée du Danube en aval avec son impressionnante zone industrielle (rive droite). Un train à crémaillère (Pöstlingerbahn) permet d’y accéder confortablement depuis la place principale (Hauptlatz).

Un peu d’histoire…

Vue de Linz au XVIIe siècle depuis la rive gauche, gravure de Matthäus Merian le jeune (1621-1687), 1650

Linz doit tout d’abord étymologiquement son nom à « son » fleuve, à son changement de direction et à la langue celte. Le mot celte « Lentos » (courbé) a donné son nom à la citadelle romaine de Lentia établie à un carrefour stratégique permettant de contrôler à la fois d’importants territoires danubiens et la Route du sel. Même si elle ne fut que brièvement ville impériale sous le règne de Frédéric III de Habsbourg (1415-1493), la cité n’en continua pas moins à prospérer.

la Place principale en 1821, sources : Robert Batty,Rudolf Lehr – Landeschronik Oberösterreich, Wien, Verlag Christian Brandstätter, 2008 

De nombreux lieux et monuments comme la Place principale au centre ville, le château Renaissance, de style maniériste qui abrite désormais le Musée régional de Haute-Autriche, l’ancienne cathédrale Saint-Ignace, les églises gothiques et baroques, l’impressionnante nouvelle cathédrale (1924), l’usine de tabac (1929-1935) et d’autres édifices témoignent de la vitalité de la ville à travers l’histoire.

La nouvelle cathédrale néo-gothique dédiée à l’Immaculée Conception, fut construite entre 1862 et 1924. Sa flèche mesure 134 m de haut, photo © Danube-culture, droits réservés

La guerre civile de 1934 et la sombre période du national-socialisme ont aussi laissé leur empreinte dans la ville tel le pont des Nibelungen. Adolf Hitler, né en Haute-Autriche à Braunau/Inn, passa son adolescence dans les environs de Linz et envisagea de concrétiser dans cette cité ses rêves paranoïaques.

Projet architectural du régime nazi pour les bords du Danube à Linz

Linz devint ainsi alors la cible privilégiée des mesures nazies de planification urbaine et économique mais seul le pont des Nibelungen vit le jour. En 1945, ce pont séparant la rive droite occupée par les forces américaines et la rive gauche du Danube, tenue par l’armée russe, faisait dire aux habitants, non dépourvus d’humour, que « c’est le pont le plus long du monde de l’après guerre. Il commence à Washington et finit en Sibérie ! »

La Place principale et sa colonne protectrice de la Sainte Trinité érigée en 1723 contre les épidémies de peste et autres calamités, photo © Danube-culture, droits réservés

Au milieu de la place principale trône la haute et blanche colonne de la Sainte-Trinité (1723), flanquée d’un Jupiter et d’un Neptune. Elle rappelle les miracles qui ont permis aux habitants d’échapper au feu, à la peste et aux envahisseurs ottomans. Cette belle place aux dimensions impressionnantes a longtemps servi de champ de foire et de marché. Joseph Fouché (1759-1820) a habité avec sa femme et sa fille  au n° 27, pendant son exil en Autriche (1816-1820). Ministre de la police du Directoire à l’Empire, ayant voté la condamnation à mort de Louis XVI, il avait du quitter la France en 1816. Exilé d’abord à Prague, Fouché demandera au prince de Metternich la permission de s’installer à Linz. Il mourra peu de temps après avoir été autorisé à déménager à Trieste en 1820. Au n° 34 de la même place logeait le compositeur Ludwig van Beethoven (1770-1827) lors de ses visites à son frère, pharmacien de son état. Le musicien y composa sa huitième symphonie. Un peu plus loin dans une ruelle longeant l’Hôtel-de-ville (Rathausgasse), se trouve la maison qui abrita le célèbre astronome, mathématicien et théologien allemand Johannes Kepler (1571-1630). Mozart y séjourne en 1783 et compose, à l’âge de 27 ans, une symphonie dite « de Linz » en ut majeur n°36, KV 425.

Johannes Kepler (1571-1630)

L’ancienne cathédrale, autrefois église des Jésuites, conserve intact l’orgue aménagé par le musicien et compositeur Anton Bruckner (1824-1896) et sur lequel il joua et improvisa de 1856 à 1868.

Anton Bruckner, portrait d’Hermann Kaulbach (1846-1909), huile sur toile, vers 1885

D’autres personnalités telles le peintre Alfred Kubin (1877-1959), le graphiste Herbert Bayer (1900-1985, typographe et affichiste du Bauhaus, le ténor Richard Tauber (1891-1948), le philosophe Ludwig Wittgenstein (1889-1951), le mathématicien et physicien Christian Doppler (1803-1853), se rattachent également à l’histoire de la ville. On ne peut pas non plus évoquer Linz sans évidemment citer le nom de l’écrivain, peintre et pédagogue de l’époque Biedermeier, Adalbert Stifter (1805-1868), fondateur en 1855 de la Landesgalerie, aujourd’hui le Lentos Kunstmuseum de Linz (Musée d’art moderne et contemporain de Haute-Autriche lui aussi au bord du fleuve).

Adalbert Stifter (1805-1868), écrivain, peintre, pédagogue, inspecteur des écoles primaires de Haute-Autriche
   Ces dernières années d’importants projets d’aménagement urbain, culturels et architecturaux ont vu le jour. Difficiles de les citer tous tant ils sont nombreux : le nouveau quartier de la gare (Bahnhofviertel) avec l’Opéra-théâtre (Musiktheater), inauguré en avril 2013, des immeubles à l’architecture innovante, le magnifique Musée d’art moderne au bord du fleuve, (Lentos Kunstmuseum Linz) dont la façade éclairée et multicolore se reflète de nuit dans les eaux du Danube, le passionnant Musée du futur (Ars Electronica Center), l’espace de découverte de l’acier (Voestalpine Stahlwert), la SolarCity, le Parc du Danube et ses sculptures contemporaines grand format, de nouveaux ponts… Linz est une cité qui ne cesse d’innover !

À Linz, on aime construire des ponts sur le Danube ! Photo © Danube-culture, droits réservés

 À ne pas manquer…

Culture
Lentos, Kunstmuseum Linz
Musée d’art moderne et contemporain au bord du fleuve dont les façades aiment à se refléter dans les eaux du fleuve. À voir pour ses collections et son architecture réussie !
www.lentos.at

Vue de Linz (et du Danube) en 1955 par le peintre « expressionniste » Oskar Kokoschka (1886-1980), collection du Musée Lentos de Linz. Oskar Kokoschka, né à Pöchlarn, sur les bords du Danube, non seulement peintre mais graveur, décorateur, écrivain, auteur dramatique, est un des artistes les plus complets de sa génération. « Je suis le seul véritable expressionniste : le mot expressionnisme est un mot commode qui veut tout dire de nos jours. Je ne suis pas expressionniste parce que l’expressionnisme est un des mouvements de la peinture moderne. Je n’ai pris part à aucun mouvement. Je suis expressionniste parce que je ne sais pas faire autre chose qu’exprimer la vie … »  

Ars Electronica Center – Bio Lab
Le « Musée de l’avenir » se trouve sur la rive gauche du Danube dans le quartier d’Urfahr. Espace interactif et ludique de découverte dans les domaines des nouvelles technologies et des arts numériques, l’AEC organise un festival chaque année au mois de septembre et de nombreuses autres manifestations.
www.aec.at

Les reflets colorés de la façade éclairée d’Ars Electronica Center se mirent aussi dans le fleuve miroir, photo © Danube-culture, droits réservés

Brucknerhaus
www.brucknerhaus.at
Salle de concert sur la rive droite du fleuve, « port d’attache » du Brucknerorchester Linz
www.bruckner-orchester.at

La Brucknerhaus et le Danube, photo © Danube-culture, droits réservés

Musiktheater Linz
Le « Musiktheater » de Linz est l’une des salles les plus modernes d’Europe. Elle bénéficie d’une acoustique exceptionnelle.
www.landestheater-linz.at

Posthof – Culture
Centre culturel à la programmation contemporaine, ancienne annexe de la poste dans le quartier du port.
www.posthof.at

Schlossmuzeum Linz
Le château de Linz, construit au XIIsiècle (l’aile sud a été restaurée, agrandie et inaugurée en 2009) abrite un musée universel : histoire naturelle, culturelle, artistique et technologique de la Haute-Autriche. Des collections d’art régional magnifique ! Vue exceptionnelle sur la ville et le fleuve et la rive gauche depuis les terrasses.
www.schlossmuseum.at

Le Schloßmuseum possède une magnifique collection d’art populaire de la Haute-Autriche, photo © Danube-culture, droits réservés

Mariendom (nouvelle cathédrale)
Le plus grand bâtiment religieux d’Autriche, achevé en 1924
www.mariendom.at

Tabakfabrik Linz
Ce beau témoignage de l’histoire de l’architecture industrielle européenne moderne se transforme en espace d’innovation pour les industries créatives.
www.tabakfabrik-linz.at

Botanischer Garten (jardin botanique)
Les serres abritent notamment une impressionnante collection de cactus et d’orchidées.
www.linz.at/botanischergarten

Francisco Carolinum Linz, Maison de la photo et des arts contemporains
www.ooelkg.at

Institut Adalbert Stifter
www.stifterhaus.at

La maison de l’écrivain et peintre Adalbert Stifter, toute proche du fleuve.

Voestalpine Stahlwelt
Site dédié aux nouvelles technologies de production de l’acier
www.voestalpine.com/stahlwelt

 Pour les enfants et les adultes 

Linz est aussi une ville très agréable pour séjourner en famille.

Ars Electronica Center – Bio Lab (voir ci-dessus)
Le Drachenexpress (l’express des dragons)
www.grottenbahn.at

Du côté du Danube

   Il est tout à fait possible de prévoir une excursion en bateau sur le Danube. Linz est le port d’attache de l’élégant Schönbrunn, un des plus anciens bateaux à vapeur conservés dans son état d’origine en Europe.
ÖGEG Dampfschiff Schönbrunn : www.oegeg.at

Le Schönbrunn est dernier bateau à vapeur d’une flotte de 300 navires qui, autrefois parcouraient le Danube sous le drapeau de la D.D.S.G. Construit en 1912 dans le chantier naval d’Obuda/Hongrie, il assure un service régulier entre Vienne et Passau jusqu’en 1985. Mis hors service en 1988, il est ancré à Budapest et transformé en casino flottant. En 1994, le Schönbrunn qui n’est plus en état de fonctionnement, échoue à Engelhartszell et sert de bateau d’exposition à la Oberösterreichische Landesausstellung (Exposition Nationale de la Haute-Autriche). Il est alors mis au rebut. La République autrichienne le cède en toute dernière minute à l’association de passionnés Ö.G.E.G. qui l’a remis en état et le fait naviguer régulièrement pour diverses croisières. (sources : www.kaeser.fr

De nombreux autres bateaux descendent et remontent le Danube depuis Passau en amont ou Vienne, Budapest et au-delà et font bien évidemment escale à Linz. Il est aussi possible de visiter le port et d’admirer les nombreuses oeuvres graphiques qui allègent la pesanteur du décor et qui donnent quelque peu aux darses, bassins, aux quais de bétons et aux bâtiments industriels une allure de gigantesque galerie de plein air  d’art contemporain.

Croisières Würm+Köck
www.donauschiffahrt.at

Croisières MS Helene
www.donauschifffahrt.at

Donautouristik
MS Kaiserin Elisabeth
www.donaureisen.at

Hébergement/gastronomie

Hôtel restaurant Pöstlingberg-Schlössl
Vue magnifique sur la ville depuis le Pöstlingberg et cuisine d’excellent niveau
www.poestlingbergschloessl.at

Hôtel Harry’s Home Linz
Hôtel contemporain
www.harrys-home.com/linz

Hôtel Wolfinger
Atmosphère désuète et accueil chaleureux
www.hotelwolfinger.at

Hôtel-restaurant Prielmayer’s
www.prielmayerhof.at

Restaurant Essig’s
Le meilleur restaurant de Linz actuellement : belle atmosphère, service attentif et carte de vins remarquable
www.essigs.at

À noter également la présence de très bons restaurants de cuisine indienne et grecque :
Royal Bombay Palace : www.bombaypalace.at
Zum kleinen Griechen : www.zumkleinengriechen.at

À proximité…

   Après avoir pris le temps de visiter Linz et d’en découvrir quelques-uns de ses trésors, on remontera la rive droite du fleuve jusqu’à l’abbaye cistercienne de Wilhering. On mettra une nouvelle fois ses pas dans ceux du compositeur et organiste romantique autrichien Anton Bruckner en visitant la non moins impressionnante abbaye de Saint-Florian, fondé au XIsiècle par les chanoines de Saint-Augustin, réaménagée aux XVIIe et XVIIIe siècles, autre chef d’oeuvre du Baroque de la vallée du Danube autrichien.

L’abbaye et la basilique augustinienne de Saint-Florian, photo © Danube-culture, droit réservés

Les grandes abbayes autrichiennes de Wilhering, Saint-Florian, Melk, Göttweig et Klosterneuburg sont toutes situées sur la rive droite du Danube.
Au nord de Linz, la région bucolique du Mühlviertel est une chaleureuse invitation aux randonnées et aux promenades en forêt.

Mémorial de Mauthausen (rive gauche)
Dans ce camp de concentration construit par les Nazis, périrent pendant la seconde guerre mondiale plus de 100 000 victimes.
www.mauthausen-memorial.org

Porte d’entrée du sinistre camp de concentration de Mauthausen, photo © Danube-culture, droits réservés

Linz et le troisième Reich…
« Les fenêtres donnent sur le Danube, elles regardent le grand fleuve et les coteaux qui le surplombent, paysage marqué par les bois et les coupoles en bulbe des églises ; l’hiver, avec le ciel froid et les plaques de neige, les courbes aimables du fleuve et des coteaux semblent perdre leur réalité et leur consistance pour devenir les traits à peine esquissés d’un dessin, un blason d’une élégante mélancolie. Linz, capitale de la Haute-Autriche, était la ville qu’Hitler préférait entre toutes et dont il voulait faire la métropole la plus monumentale du Danube. Speer, l’architecte officiel du Troisième Reich, a mis sur le papier ces projets d’édifices gigantesques, pharaoniques, qui n’ont jamais vu le jour, et à travers lesquels, Hitler, comme l’a écrit Elias Canetti, révélait son besoin fébrile de dépasser les dimensions déjà atteintes par d’autres constructeurs, son obsession de la compétition le poussant à battre tous les records […]Dans les rêves du Führer, la cyclopéenne Linz qu’il voulait édifier devait être le refuge de sa vieillesse, l’endroit où il caressait l’espoir de se retirer, après avoir définitivement consolidé le Troisième Reich millénaire et l’avoir remis entre les mains de quelqu’un qui eût été dingne de lui succéder […] À Linz, confiait-il de temps en temps à ses intimes, il vivrait à l’écart du pouvoir, disposé tout au plus, comme un grand-père indulgent, à donner des conseils à ses successeurs, qui viendraient le trouver ; mais peut-être, disait-il – minaudant avec l’hypothèse de son détrônement, qu’il était bien disposé à ne jamais permettre – personne ne viendrait le trouver. À Linz, où il avait vécu des années paisibles, ce despote sanguinaire rêvait de retrouver une espèce d’enfance, une saison libre de tout projet et de toute échéance. Il pensait probablement avec nostalgie à cet avenir vide dans lequel il jouirait de la sécurité de celui qui a déjà vécu, déjà lutter pour dominer le mode, qui a déjà gagné, déjà réalisé ses rêves, et que personne ne pourra plus frustrer. Quand il imaginait cet avenir, il se sentait peut-être assailli par l’angoisse, l’impatience d’atteindre au plus vite ses objectifs, et rongé par la peur de ne pas pouvoir les atteindre. Il avait envie que le temps passe vite, pour vite avoir la certitude d’avoir gagné ; autrement dit, il désirait la mort, et il rêvait de vivre à Linz dans une aimable sécurité semblable à la mort, à l’abri des surprises et des échecs que réserve la vie… »
Claudio Magris, Danube, collection L’Arpenteur, Gallimard, Paris, 1998

Les jeunes années autrichiennes d’un dictateur
Adolf Hitler (1889-1945) est né en Haute-Autriche, à Braunau sur l’Inn, à la frontière avec l’Allemagne. Sa famille, après avoir déménagé à plusieurs reprises, s’installe à Leonding sur la rive droite du Danube en amont de Linz. Hitler y réside jusqu’à 1905 puis séjourne à Linz, à Steyr, retourne à Linz et sur la rive gauche à Urfahr où il s’imagine devenir compositeur. Il perd sa mère en 1907, âgée de 47 ans. Entretemps il a tenté d’entrer à l’École des Beaux-Arts de Vienne. Il est n’y est pas admis mais se représente en 1908 et s’en voit de nouveau refuser l’accès par manque de travail. Il subsiste dans la capitale autrichienne en vendant ses peintures participant à des débats politiques, fuira en 1914 l’Autriche afin ne pas porter les armes pour les Habsbourg qu’il déteste et rejoint Munich dans l’espoir d’étudier à l’Académie des Beaux-Arts…

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour janvier 2024

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