Maria am Gestade, (Notre-Dame-du-Rivage), église des bateliers et des pêcheurs du Danube

   L’église Maria am Gestade (Notre-Dame-du-Rivage), dans le centre de Vienne (1, Salvatorgasse), connue par le passé sous le nom de « Unsere liebe Frau auf der G’stetten » ou « Maria Stiegen » (Marie-aux-escaliers) au XVIIIe siècle, reste non seulement l’un des plus beaux édifices gothiques de la capitale autrichienne avec la cathédrale saint- Étienne mais aussi son plus ancien sanctuaire marial. Les reliques de saint-Clément Marie Hofbauer (1751-1820), vicaire général des Rédemptoristes de la capitale autrichienne à l’époque de Metternich et saint protecteur de la ville de Vienne, y sont conservées.

    Les grands travaux de régulation et d’aménagement du fleuve, la construction du Donaukanal (Canal du Danube) et les importantes rénovations urbaines au XIXe siècle ont bousculé la physionomie du premier arrondissement de la capitale autrichienne. L’emplacement originel de l’église dominait le bras du Danube qui traverse la ville. Son clocher a ainsi longtemps servi de point de repère pour les bateliers qui en firent aussi, avec les pêcheurs, jusque dans la seconde moitié du XIXe siècle, un de leurs lieux de pèlerinage favoris. L’église garde encore dans son nom l’écho de son lien privilégié avec le fleuve et la navigation.

Maria am Gestade (Notre-Dame-du-Rivage), Österreichisch-ungarisch Monarchie in Wort und Bild, Wien, 1886 Vienne

Un sanctuaire à l’histoire mouvementée

   Il n’est pas impossible que la première chapelle chrétienne ait été construite à cet emplacement sur le site d’un sanctuaire romain. Des fouilles archéologiques ont permis de retrouver sur les lieux des vestiges de l’antiquité romaine.
   Certaines sources font remonter la fondation du sanctuaire à l’an 880. Madalvin, alors évêque de Passau, aurait confié à un moine du nom d’Alfied le soin d’ériger un petit édifice religieux. Celui-ci devient ensuite la propriété de moines écossais et irlandais peu après la fondation par ces derniers de la Schottenstift (Abbaye écossaise) en 1160. C’est à cette époque qu’il est fait mention pour la première fois d’une chapelle sur le site de l’église actuelle.

Carl Pekarek (1917-?), Maria am Gestade, 1928


   Un important incendie ravage Vienne en 1262. L’édifice n’est pas épargné. Il sera reconstruit une dizaine d’années plus tard. La chapelle entre en possession de la famille von Greif (vers 1330) qui fait reconstruire intégralement le choeur en style gothique flamboyant, peut-être l’intention d’en faire un caveau familial.
    Si le chœur est achevé en 1367, la construction du clocher n’en est par contre qu’à son début. L’église change encore une fois de propriétaire en 1391. Son nouveau maître, le Freiherr (baron) Hans von Liechtenstein-Nikolsburg (vers 1340-1398), souhaite donner à ce sanctuaire une importance qu’il n’avait pas encore acquis. Il choisit pour cela de confier l’ouvrage à un architecte renommé : Michael Knab, dit Maître Michael (vers 1340/1350-ap. 1399).

L’autel, photo © Danube-culture, droits réservés

  Originaire de Wiener Neustadt, il est l’architecte attitré du duc Albrecht d’Autriche III (1349-1395) pour lequel il a dessiné les plan du château de Laxenbourg. Il a aussi réalisé la tour sud de la cathédrale Saint-Étienne. C’est un architecte déjà expérimenté que le Freiherr von Liechtenstein-Nikolsburg a sollicité pour dessiner les plans de la nouvelle nef de Maria am Gestade en remplacement de l’ancien bâtiment de 1276 et poursuivre l’édification du clocher.

Détail de l’autel, photo © Danube-culture, droits réservés

 De nombreuses contraintes s’imposent. Le côté sud de la rue de Passau est déjà construit et l’escarpement au Nord et à l’Ouest limite l’espace constructible. Non seulement la nef ne pourra pas être plus longue que le chœur (l’une et l’autre parties de l’édifice sont de taille égale) mais elle devra même être plus étroite. À cela s’ajoute le caractère accidenté du terrain où il faut également tenir compte des ruines du rempart de l’époque romaine ainsi que de la nécessité d’opérer un coude pour agrandir l’église. L’architecte compensera en hauteur ce qui manque en largeur. En témoigne le caractère surprenant des proportions du bâtiment, encore accentué par sa situation en surplomb ; la nef s’élève à 33 mètres de haut pour une largeur de seulement 9, 7 mètres.

La flèche en pierre ajourée du clocher heptagonal, photo © Danube-culture, droits réservés

   La construction de la nef dure de 1394 à 1414. L’érection du clocher heptagonal se poursuivra jusqu’en 1417. Il est surmonté d’une extraordinaire flèche en pierre ajourée, chef d’œuvre du gothique flamboyant autrichien. Le chiffre sept correspond aux sept douleurs de la Vierge Marie.

L’annonciation faite à Marie, 1460, photo Danube-culture, droits réservés   

Les deux panneaux peints du choeur, oeuvres anonymes datant de 1460, représentent le couronnement de Marie à droite et l’autel de l’Annonciation à gauche. Sur la face arrière du premier panneau se trouve une représentation de la Crucifixion et sur le second le Mont des Oliviers. L’influence du style flamand, en particulier dans la représentation des étoffes et la richesse des coloris, est indéniable. Une nuée d’anges entoure la vierge, chacun avec sa personnalité propre mais tous d’une grâce remarquable. Certains jouent d’un instrument de musique quand d’autres portent simplement la robe de Marie ou en rectifient un pli.

 Les vitraux ouvrent l’édifice à la lumière. Les quatre superbes vitraux de l’abside de Maria am Gestade ont été reconstitués à partir d’éléments originaux des XIVe et XVe siècles.
   Dans le chœur et la nef, adossées aux piliers dans la partie droite de la nef, près de la chapelle Saint-Clément, se tiennent la statue de l’archange Gabriel et une statue de Marie (vers 1350). Les reliefs du portail d’entrée dans le chœur représentent la Vierge protectrice et son couronnement. Au-dessus du tympan du portail Ouest se trouve un baldaquin de pierre dont la pointe renvoie à celle qui surmonte la dentelle de pierre du clocher, contribuant ainsi à l’unité architecturale de l’église.

Maria am Gestade Wien, photo droits réservés

   La paroisse resta prospère pendant la Renaissance. En témoigne la présence, exceptionnelle à Vienne, d’éléments de style de cette époque dans l’église, le superbe buffet d’orgue (1515) et, dans une chapelle attenante, un petit autel de pierre (1520), avec le nom de son commanditaire, Johann Perger.

L’orgue  de Maria am Gestade et son superbe buffet Renaissance, photo droits réservés

   Les bombardements des armées ottomanes lors du siège de Vienne en 1683, n’épargnent pas l’église dont le clocher est détruit mais sera reconstruit cinq ans plus tard.
   Maria am Gestade, qui est rattachée à l’évêché de Passau en 1409, demeure la propriété des princes-évêques de Passau jusqu’en 1784. Avec la sécularisation de l’ancienne principauté ecclésiastique de Passau par l’empereur Joseph II, elle devient la propriété de l’État autrichien. Délabrée, servant d’entrepôt, l’église tombe en ruine. Joseph II envisage même sa destruction mais seul le coût d’une telle opération l’en dissuade. François Ier de Habsbourg (1768-1835) rouvrira l’église au culte et la confie à l‘ordre du Très Saint Rédempteur en 1820.
   L’église fera alors l’objet d’importants travaux qui se poursuivront jusqu’au premier tiers du XXe siècle. Le chœur est doté d’un maître-autel néo-gothique intégrant quelques éléments d’inspiration baroque. Les mosaïques et les statues qui surplombent le portail ouest datent de cette même époque.
   Le bras du Danube est aménagé en canal lors de la régulation du fleuve dans les années 1870. Des immeubles sont édifiés sur ses rives, enserrant peu à peu Maria am Gestade comme dans un étau. La construction d’un grand escalier devant l’église allège heureusement la pesanteur du nouvel environnement architectural.
   Du fait de la présence des reliques de saint-Clément Marie Hofbauer, d’origine morave, Maria am Gestade est l’église de la communauté tchèque de Vienne tout comme celle de la communauté française. 

Sources :
Wolfgang J. Bandion, Steinerne Zeugen des Glaubens. Die Heiligen Stätten der Stadt Wien, Wien, Herold, 1989

Felix Czeike, Wien, Kunst und Kultur-Lexikon, Stadtführer und Handbuch, München, Süddeutscher Verlag, 1976
Felix Czeike, Wien, Innere Stadt, Kunst-und Kulturführer, Jugend und Volk, Ed. Wien, Dachs-Verlag, Wien, 1993
Carl Dilgskron, Geschichte der Kirche unserer lieben Frau am Gestade zu Wien, 1882, Dom-und Diözesanmuseum (Katalog 1987)
Franz Eppel, Die Kirche Maria am Gestade in Wien, Salzburg, 1960
Rudolf Geyer, Handbuch der Wiener Matriken, Ein Hilfswerk für Matriken-Führer und Familienforscher,Verlag d. Österr. Inst. für Genealogie, Familienrecht und Wappenkunde, Wien, 1929
Gustav Gugitz, Bibliographie zur Geschichte und Stadtkunde von Wien, Hg. vom Verein für Landeskunde von Niederösterreich und Wien, Band 3 : « Allgemeine und besondere Topographie von Wien », Jugend & Volk, Wien 1956
P. Josef Löw, Maria am Gestade, Ein Führer, Wien, 1931
Alfred Missong, Heiliges Wien, Ein Führer durch Wiens Kirchen und Kapellen, Wiener Dom-Verlag, Wien, 1970
Richard Perger, Walther Brauneis, « Die mittelalterlichen Kirchen und Klöster Wiens »Zsolnay (Wiener Geschichtsbücher, 19/20), Wien, 1977
Richard Perger, « Ein Marienaltärchen von 1494 aus der Kirche Maria am Gestade in Wien », In Österreichische Zeitschrift für Kunst und Denkmalpflege, Hg. vom Österreichischen Bundesdenkmalamt, Horn-Wien, Berger / Wien-München, Schroll, 1970
Alfred Schnerich, Wiens Kirchen und Kapellen in kunst- und kulturgeschichtlicher Darstellung, Zürich -Wien, Amalthea 1921
Communauté catholique française de Vienne
www.ccfv.at
Site de la cathédrale saint-Étienne de Vienne
www.stephanskirche.at

Danube-culture © droits réservés, mis à jour juin  2023

Retour en haut de page