Le Danube ottoman II : Mohács 1526

   la petite cité de Mohács et les rives danubiennes hongroises des environs furent par le passé le lieu de deux batailles capitales pour la chrétienté occidentale, batailles qui virent s’affronter les armées de la coalition catholique et celles de l’Empire ottoman. La première (1526) symbolise le triomphe de l’expansion de l’Empire ottoman vers l’ouest du continent, la deuxième (1687) le début, après l’échec du siège de Vienne (1683), de son repli.

   Charles de Habsbourg plus connu sous le nom de Charles Quint (1500-1558), qui réunissait sur sa tête les couronnes d’Espagne, des Deux-Siciles, des Pays-Bas et d’Autriche, était considéré comme une menace permanente par la Sublime Porte (Empire ottoman). Une révolte des janissaires turcs avait d’autre part du être réprimée sévèrement. Aussi le sultan Soliman Ier dit « le Magnifique » (1494-1566), dixième sultan de la dynastie ottomane, décide t-il d’attaquer la Hongrie et de mener ses redoutables guerriers au combat en leur faisant miroiter l’espoir d’un butin considérable.

Soliman le Magnifique (1494-1566)

En face des troupes ottomanes , l’armée hongroise réunie par le jeune roi inexpérimenté de Bohême et de Hongrie, Louis II Jagellon (1506-1526), en nombre et en équipement largement inférieure aux Ottomans, subit une de ses plus sanglantes défaites de son histoire face aux troupes de  Soliman et de son « ami » le vizir Ibrahim Pacha (1493-1536) que le sultan fera assassiné dix ans plus tard.

La bataille de Mohács, miniature turque

 La stratégie ottomane avait été soigneusement élaborée avant la bataille : ouvrir les rangs pour laisser pénétrer la cavalerie ennemie, puis l’encercler. Cette stratégie était la bonne. Emportés par leur fougue orgueilleuse, espérant s’emparer du sultan, les chevaliers chrétiens se précipitèrent dans ce piège et se firent rapidement décimés par l’artillerie ottomane. Le jeune Louis II Jagellon et les survivants du massacre, lourdement handicapés par le poids de leurs armures périrent pour la plupart. Le roi se noya dans les marécages des alentours pendant la retraite de ses troupes. Il semblerait que son allié et vassal hongrois de Transylvanie, János Szapolayi (Jean Ier de Hongrie, 1487-1540), ne lui apporta pas toute l’aide et le renfort attendus. Celui-ci, soutenu par Soliman, succédera d’ailleurs à Louis II Jagellon comme roi de Hongrie à la fin de la même année…

Janos Szapolayi (1487-1540)

Cette défaite marque le début de l’occupation de la Hongrie par les Turcs. Pest tombe au main de la Sublime Porte en 1529. Les armées de Soliman le Magnifique ne réussissent toutefois pas à prendre Vienne la même année après un siège qui dure de mai à décembre. Une nouvelle tentative en 1532 se soldera encore une fois par un échec mais le Danube est désormais ottoman de Pest jusqu’à la mer Noire et sert et servira activement pour celui-ci de poumon commerciale, économique et militaire.
Une autre bataille a lieu le 12 août 1687 près de Mohács sur le mont Harsany. Cette fois, les troupes impériales autrichiennes avec à leur tête le duc Charles V de Lorraine (1643-1690), vainqueur des Turcs au siège de Vienne en 1683 avec le roi de Pologne Jean III Sobieski  (1629-1696) et le margrave Louis de Bade-Bade (1655-1707) prennent leur revanche et infligent à la Sublime Porte une défaite décisive. L’expansion turque s’arrête. Cette défaite marque aussi tout comme l’échec du siège Vienne en 1683 et le Traité de Karlowitz (Sremski Karlovci, aujourd’hui en Serbie), signé sur les bords du Danube entre la Sublime Porte et l’empire des Habsbourg en 1699, le début du déclin de l’Empire ottoman et son retrait des rives du fleuve vers l’aval. Le Danube se transformera par la suite en une ligne de défense contre les Habsbourg sur son cours moyen puis, sur la partie basse du cours du fleuve, contre l’Empire russe.

La seconde bataille de Mohács (1687) qui verra le triomphe des armées de l’Empire d’Autriche emmenées par le duc Charles V de Lorraine (1643-1690).   

Un monument pérènise sur la colline de  Törög (turc en hongrois), sur le lieu même de l’affrontement, le souvenir de la première bataille qui préluda à cent cinquante années d’occupation turque de la Hongrie. Une église votive dans le style byzantin a été édifiée sur la place principale de Mohács à l’occasion du 400e anniversaire de l’évènement.

Sources :
CLOT, André, Soliman le Magnifique, Fayard, Paris, 1983  
GEORGEON, François, VATIN, Nicolas et VEINSTEIN, Gilles (sous la direction de), Dictionnaire de l’Empire ottoman, XVe-XXe, Fayard, Paris, 2015
MANTRAM, Robert, (sous la direction de), Histoire le l’Empire ottoman, Fayard, Paris, 2003
SOLNON, Jean-François, L’Empire ottoman et l’Europe, Perrin, Paris, 2017  

TURNBULL, Stephen, Ottoman Empire 1326-1699, Osprey Essential Histories 062, 2003, e-Library 2005

 Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, mis à jour janvier 2024 

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