Дунай (Dounaï/Danube) dans les bylines de la mythologie slave et de la vielle Russie

Konstantin Alexeyevich Vasilyev (1942-1976), La naissance du Danube, 1974, Fair Use

   Dans la mythologie slave, le fleuve Danube (Дунай) est la représentation du fleuve père de tous les autres fleuves et rivières,  une patrie, un lieu qui attire tous les autres cours d’eau, une frontière au-delà de laquelle se trouvent des terres fertiles peu dangereuses ressemblant à la terre promise. Дунай est aussi le chemin vers la mer. Les Slaves du Sud et de l’Est associent également Дунай aux femmes, à l’abondance et à la vie pacifique. Dans les chansons, Дунай est une métaphore de la vie libre des jeunes filles avant le mariage : une jeune fille se promène sur le bord du Дунай, lui fait ses adieux avant de se marier et fait une ablution rituelle ou bien elle cherche son réconfort quand elle ne souhaite pas pas se marier. Дунай  peut être aussi un fleuve sacré. On le retrouve en tant que tel dans des chants rituels ou dans des incantations.
Dans une des bylines traditionnelles1 de la mythologie russe, Дунай Ivanovitch est un héros épique. Il se rend avec Dobrynia Nikititch chez le roi de Lithuanie dans le but de lui demander la main de sa fille Apraksa pour le prince Vladimir. Le roi rendu furieux par l’attitude de Дунай le jette aux oubliettes, mais Dobrynia lui vient en aide et combat la droujina (escouades de chevaliers lituaniens) dont elle triomphe. Le roi de Lithuanie laisse alors partir sa fille Apraksa avec Дунай Ivanovitch et Dobryina vers Kiev.

Konstantin Alexeyevich Vasilyev, La naissance du Danube, 1974, Fair Use

Une épopée russe
Дунай Ivanovitch (Dounaï fils d’Ivan) et Dobrynia se rendent en Lituanie  pour demander main d’ d’Apraksa pour le prince Vladimir. Le choix de Дунай Ivanovitch comme entremetteur n’a rien du hasard car celui-ci a servi dans le passé le roi de Lituanie. Дунай Ivanovitch est d’abord méfiant à l’égard son ancien maître. Furieux, celui-ci l’emprisonne le jette dans des oubliettes. mais il vient ensuite en aide à Dobrynya, qui sort victorieuse d’un combat avec une escouade lituanienne. Le roi laisse partir Apraksa avec les deux héros à Kiev.
Une autre histoire prolonge cette épopée. Le roi lituanien a également une deuxième fille, la sœur d’Apraksa, Nastasya, avec laquelle Дунай Ivanovitch a eu une relation secrète dans le passé. Lorsque Дунай Ivanovitch a eu des ennuis à cause de cette relation, Nastasya l’a racheté aux bourreaux et l’a laissé partir pour Kiev. Lorsque des bogatyrs russes viennent chercher Apraksa, Nastasya est blessée par le manque d’attention de Дунай Ivanovitch à son égard. Sur le chemin du retour, les bogatyrs découvrent la trace d’un héros. Дунай Ivanovitch part à sa recherche, le trouve et engage un combat avec lui. Après l’avoir vaincu, il sort son couteau pour le coup de grâce et découvre qu’il s’agit en fait de Nastasya. Elle lui rappelle leur amour passé. Дунай Ivanovitch succombe à nouveau à la passion et invite Nastasya à Kiev pour se marier avec lui.
Dans la glorieuse ville de Kiev, il y a une grande fête de mariage. Deux couples prestigieux vont se marier : Vladimir et Apraksa etДунай Ivanovitch et Nastasya. Lors de la fête, Дунай Ivanovitch se glorifie de son courage et Nastasya de sa précision au tir à l’arc. Дунай Ivanovitch le perçoit comme un défi et demande qu’un concours de tir à l’arc soit organisé. Nastasya transperce à trois reprises l’anneau d’argent posé sur la tête de Дунай Ivanovitch. Celui-ci n’accepte pas de la supériorité de sa jeune épouse. Il propose alors de refaire le concours de tir en posant l’anneau d’argent sur la tête de Nastasya. L’anneau d’argent est maintenant sur la tête de Nastasya. Дунай Ivanovitch vise et tire mais sa flèche touche Nastasya et la tue. Дунай Ivanovitch découvre horrifié que la jeune femme était enceinte. Дунай Ivanovitch se transperceavec sa propre épée épée et meurt aux côtés de sa femme. C’est de son sang que le fleuve Danube tire son origine.

Konstantin Alexeyevich Vasilyev, La naissance du Danube, 1974, Fair use

Notes :
1 Chants épiques de la vieille Russie, d’origine obscure et controversée, les bylines, sans doute élaborées dans un milieu de poètes-guerriers, étaient chantées par des aèdes professionnels devant les princes et se transmettaient oralement, reprises par les simples paysans. Elles se regroupent en plusieurs cycles, principalement autour de deux centres, Kiev et Novgorod. Leurs héros (bogatyri) sont des personnages tantôt légendaires, comme Ilia de Mourom, tantôt historiques et transfigurés. Le cycle de Kiev, d’inspiration fantastique, chante le prince Vladimir et ses preux ; plus tardif, le cycle de Novgorod est composé à la gloire des marchands et mêle au merveilleux beaucoup de notes réalistes (Sadko le riche marchand).

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour mai 2025

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