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L’abbaye bénédictine de Melk
« Melk, le plus beau sanctuaire danubien, où résidèrent ces Babenberg, premiers dynastes autrichiens de l’an mille avant les Habsbourg… Melk sur son roc, à l’entrée du défilé de la Wachau, avec sa terrasse insolente sur le fleuve, sa cour des Prélats, sa salle des Marbres, sa bibliothèque bénédictine, aussi belle que celle de la Hofburg. »
Paul Morand

l’abbaye bénédictine de Melk et le Danube, gravure de Georg Matthias Vischer extraite de l’album « Topographia Archiducatus Austriae », 1672
Ici, sur ces hauteurs au pied desquelles le Danube régulé s’est en principe apaisé sauf lors d’inondations exceptionnelles qui ont encore récemment meurtri la jolie petite ville voisine de Melk, l’énergie et la foi du jeune abbé Berthold Ditmayr (1670-1739) conjuguées au génie et à l’inspiration des architectes Jakob Prandtauer (1660-1726) et Franz Muggenast (1680-1741), des peintres Paul Troger (1698-1762), Michael Rottmayer (1654-1730), Johann Josef Bergl (1719-1789), élève de Paul Troger et des artisans talentueux qui les entouraient, ont engendré un miracle d’élégance et de puissance architecturales.

L’abbé Berthold Ditmayr, (1670-1739), grand rénovateur de l’abbaye bénédictine de Melk
L’agencement, la forme et la couleur des bâtiments au sommet de la colline qui réalisent la métamorphose architecturale des éléments naturels environnants, la coupole octogonale et les deux clochers jumeaux de l’abbatiale, la grande cour à l’atmosphère solennelle et les cours secondaires, les terrasses, les pavillons latéraux, le couloir impérial, les jardins, l’orangerie, le paysage et les reliefs ondoyants des alentours, le jeu des lumières aux différentes heures du jour et des saisons, tout concoure à une extraordinaire mise en scène qui n’a évidemment rien du hasard et dont la grandeur tout autant qu’une certaine retenue s’avèrent fascinantes et paraissent avoir été volontairement soumises à l’ordre et à la raison. Comme un écho à l’architecture extérieure, la fresque allégorique de Paul Troger, dans la salle de marbre au plafond en trompe-l’oeil, aux hautes et larges fenêtres séparées par des pilastres en stuc imitant le marbre, met en scène la raison guidant l’humanité vers la lumière de la civilisation et de la culture.

La fresque allégorique en trompe l’oeil parfait de Paul Troger dans la salle de marbre, photo droits réservés
Le plafond à la thématique religieuse de l’extraordinaire et conséquente bibliothèque a été également réalisé par ce même peintre. Cette bibliothèque comprend 1800 manuscrits dont le plus ancien, de la main de Bède le vénérable, date du début du IXe siècle.

Fragment de la « Chanson des Nibelungen« , un des trésors conservés dans la bibliothèque de l’abbaye, photo droits réservés
D’importantes copies des commentaires de Saint-Jérôme, des commentaires de la Règle de Saint-Benoît, des copies de l’Écriture sainte, des collections de recueils de formules et des textes juridiques remontent à la première apogée de la vie monastique de l’abbaye (1140-1250). Une grande partie des anciens documents historiques ont toutefois été détruits au cours du grand incendie de 1297, un évènement auquel fait référence l’écrivain italien Umberto Eco dans son livre « Au nom de la Rose ».

La bibliothèque de l’abbaye, photo droits réservés
Les deux tiers des manuscrits datent de la période ultérieure de réforme des monastères au XVe siècle, période au cours de laquelle l’abbaye de Melk est considérée comme un modèle et attire des étudiants et des professeurs de l’université de Vienne. La majorité des textes rédigés et copiés à cette époque sont des livres de piété et des sermonnaires. Les lieux abritent encore 750 incunables, 1700 oeuvres du XVIe siècle, 4500 volumes du XVIIe et 18 000 livres du XVIIIe siècle. La collection de la bibliothèque de l’abbaye bénédictine de Melk se monte en totalité à plus de 100 000 livres.
La collection de la bibliothèque compte également de superbes globes terrestres illustrant l’inextinguible soif de connaissance et de curiosité universelle des bénédictins que les 29 moines de l’abbaye de Melk d’aujourd’hui comme ceux des autres abbayes bénédictines perpétuent.

L’escalier de la bibliothèque, photo droits réservés
La musique à l’abbaye de Melk
La vie musicale prend son essor à partir du XVIIe siècle. De nombreuses œuvres de musique sacrée sacrée et profane y compris des arrangements d’opéra, des quatuors à cordes… ont été interprétées dans le cadre de la liturgie (messes, oratorios…) ou à différentes occasions, concerts ou évènements de l’abbaye. La plupart des partitions de ces oeuvres ont été conservées sur place. Elles constituent le fond des archives musicales du monastère. Des moines s’adonnèrent à la composition et ont entretenu des contacts étroits avec la vie musicale viennoise de la période classique et de la période Biedermeier. Le père Robert Kimmerling (1737–1799) a été l’élève de Joseph Haydn, l’abbé, musicographe, compositeur et pianiste Maximilian Stadler (1748–1833), prieur à Melk entre 1784 et 1786, abbé du monastère de Lilienfeld puis de Kremsmünster, ami de Mozart dont il s’occupe de la succession, de Haydn, de Beethoven et de Schubert. Il fut encore un invité de marque recherché dans divers cercles musicaux de la capitale autrichienne. La collection des archives musicales de l’abbaye bénédictine de Melk compte environ 10 000 partions, dont près 4 000 manuscrits et plus de 50 instruments.
Illustrant la place de la musique au sein de la vie de l’abbaye, les bâtiments n’abritent pas moins de cinq orgues : le grand orgue de l’église abbatiale, l’orgue de la sacristie d’été, l’orgue de la salle Koloman, l’orgue de la chapelle bénédictine et le petit orgue positif, datant de la première moitié du XVIIIe siècle, à l’origine destiné à la chapelle de Sainte-Marie de l’assomption et désormais installé dans l’église abbatiale où il est joué à l’occasion des Vêpres dominicales.

Le grand orgue de l’église abbatiale, photo Henry Kellner, droits réservés
« Pour voir cette abbaye, il faut fermer les yeux et te laisser frissonner. Remonte jusqu’au lieu dans le temps où elle est semence dans l’esprit d’un seul, de quelques seuls…
C’est un lieu de vertige.
À force de traiter les oeuvres d’art comme de la matière et non comme des visions hissées jusqu’à la visibilité, on perd la trace de l’essentiel : le lieu où la vision a germé, a surgi, s’est déployée. C’est à ce lieu qu’il faut s’attarder. C’est celui de notre humanité co-créatrice, la grande pépinière de l’aujourd’hui. Pénétrer jusque dans le coeur de l’homme (des hommes) où germe l’idée créatrice sous la nécessaire poussée du Vivant. Assise, les yeux fermés, à vingt ans, dans l’abbaye de Melk, j’ai touché ce secret. »
Christiane Singer, N’oublie pas les chevaux écumants du passé, Albin Michel, Paris, 2005
Eric Baude, Danube-culture, © droits réservés, mis à jour juillet 2023

Luigi Kasimir (1881-1962), Le quai des Nibelungen à Melk, l’abbaye bénédictine et le Danube, eau-forte colorée, vers 1920
Sources/ bibliographie :
Jaccottet, Philippe, « En descendant le Danube », in Autriche, L’Atlas des voyages, Éditions Rencontre, Lausanne, 1966
Morand, Paul, » Le Danube », Entre Rhin et Danube, Transboréal, Paris, 2011
Schmeller-Kitt, Adelheid, Klöster in Österreich, Wolfgang Weidlich Verlag, Frankfurt/Main, 1983
Singer, Christiane, N’oublie pas les chevaux écumants du passé, Albin Michel, Paris, 2005
Die Wachau, Niederösterreichische Kulturwege, NÖ Landesarchiv und NÖ Institut für Landeskunde, Sankt Pölten
Stifte und Klöster, Niederösterreichische Kulturwege, NÖ Landesarchiv und NÖ Institut für Landeskunde, Sankt Pölten
www.stiftmelk.at

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