Le pavillon chinois de Donaustauf

Photo Kerstin Dittmann, www.donaupiratin.de, droits réservés

Donaustauf recèle en effet d’autres trésors architecturaux historiques parmi lesquelles les ruines d’une forteresse médiévale construite par les évêques de Ratisbonne et détruite par les armées suédoises pendant la guerre de Trente ans (1618-1638) d’où la vue sur le Danube est incomparablement plus belle que depuis le Walhalla voisin, une église de pèlerinage, saint-Sauveur datant du XVe siècle de style gothique, baroquisée au XVIIIe et « adaptée » à l’architecture du Walhalla en 1843 par son auteur, Léo von Klenze (1784-1864), une église paroissiale, saint-Michel, en partie médiévale et, dans l’ancien jardin princier, une étonnante tour chinoise.

Joseph Mallord William Turner (1775-1851) ), L’ouverture du Walhalla, National Gallery, London, 1842

Cet exemple d’un patrimoine discret, symbole de l’inspiration et du goût pour l’exotisme alors à la mode au XVIIIe siècle parmi l’aristocratie et d’une élégance raffinée, contraste avec l’édifice pompeux dominant le fleuve érigé entre 1831 et 1842 à la demande du roi Louis Ier de Bavière (1786-1868).

Le village de Donaustauf, les ruines de la forteresse médiévale, l’église Saint-Michel, le Walhalla au pied duquel se trouve un pont en bois franchissant le Danube, le château des princes von Thurn und Taxis et la tour chinoise,  vers 1850

Le prince Maximilian Karl von Thurn und Taxis (1802-1871) a fait construire la tour chinoise dans le jardin de sa résidence d’été de Donaustauf la même année que celle de l’inauguration du Walhalla (1842). Celle-ci a remplacé en fait une première construction du même type, un pavillon d’été chinois qui avait été érigé dans le parc du château de Donaustauf vers 1800 puis transformée en une tour de deux étages surmontée d’un toit en forme de lanterne chinoise par son père, Karl Alexander (1770-1827).

Détail de la tour chinoise, photo © Danube-culture, droits réservés

Ce monument échappe au grand incendie qui détruit entièrement le château en 1880 et se propage jusqu’aux maisons du village. La tour est démontée et installée en 1902 à Prüfening dans le jardin de la nouvelle résidence d’été des princes Thurn und Taxis, une ancienne abbaye bénédictine fondée au début du XIIe siècle et dont ils ont récemment hérité. Elle y restera jusqu’en 1998 où, sur l’initiative de l’association pour la protection de la tour chinoise fondée en 1998, elle retrouve son emplacement d’origine à Donaustauf dans le parc de l’ancienne résidence d’été princière en 1999 tout en étant restaurée.
La tour chinoise accueille des expositions durant la belle saison ainsi que d’autres évènements de tous types (concerts, mariages…). Le monument est accessible à la visite chaque premier dimanche du mois de mai à septembre entre 14h et 18h.

Les monuments asiatiques ou d’inspiration asiatique étant fort rares le long du Danube, on ne saurait manquer de lui consacrer un peu de temps lors d’une visite à Donaustauf et au Walhalla.

Eric Baude, © Danube-culture, droits réservés, mis à jour mars 2023

L’église de pèlerinage saint-Sauveur, photo © Danube-culture.droits réservés

Notes :
1 Claudio Magris, « Un Walhalla et une rose » in Danube, Éditions Gallimard, Paris, 1988, p 123. Claudio Magris à qui le monument ne plait guère écrit un peu loin dans ce même chapitre : « Ce Walhalla est à ce rêve ce que le film sur les travaux d’Hercule, avec Steve Reeves et Sylva Koscina, est au mythe grec. Il contient 161 bustes de grands homme d’Allemagne ; certains ne sont indiqués que par leur nom (Goethe), d’autres avec leur qualification (Mozart, compositeur) ou avec de solennelles définitions (Klopstock, le chanteur sacré). L’administration dans ce panthéon s’est poursuivie même après Louis Ier et aujourd’hui encore, pour des postulants à l’immortalité, il n’est pas impossible d’y accéder, moyennant un complexe parcours administratif. Mais ceux qui avaient raison, c’étaient Metternich qui ne l’aimait pas, et Hebbel qui ne voulait pas y entrer… »

La vue sur le Danube depuis les ruines de la forteresse médiévale, photo © Danube-culture, droits réservés

Le château de Schönbühel (Wachau)

Le château avec sa tour caractéristique tels qu’on les aperçoit aujourd’hui à la sortie de Melk, date du début du XIXe siècle. Au sommet de deux rochers d’une quarantaine de mètres de haut qui plongent directement dans le lit du Danube et qui sont appelés familièrement la vache et le veau, ce monument historique a été remanié à plusieurs reprises.
Comme dans de nombreux endroits stratégiques de la vallée du Danube, il est vraisemblable que les Romains avaient déjà bâti à cet endroit une forteresse ou du moins une tour de guet afin de surveiller le fleuve, le Danube faisant alors à la fois office de frontière et d’artère commerciale. Un premier château-fort médiéval est construit à la fin du XIe-début du XIIe siècle par deux frères, Marchwardus et Friedrich von Schoenbuchele, vassaux de l’évêché de Passau, sur l’emplacement de la tour de guet
. Dans l’enceinte même de ce château-fort se trouve une école et une église dans laquelle les messes et les cérémonies auront lieu jusqu’en 1667.

Le château de Schönbühel, gravure de Georg Matthäus Vischer (1628-1696) extraite de son recueil « Topographia Archiducatus Austriae Inferioris Modernae », 1672

Lorsque leur descendant, Ulrich von Schoenbuchele, meurt au début du XIVe siècle, la dynastie des Schoenbuchele s’éteint. Le château devient alors la propriété de Konrad (IV) von Eisenbeutel dit l’ancien puis en 1323 de l’évêché de Passau1 qui l’administre mais est contraint de le vendre en 1396 à Gundakar von Starhemberg, dernier seigneur féodal de Gallneukirchen vraisemblablement pour des raisons financières. Gundakar von Starhemberg et son frère Kaspar vont soutenir le mouvement de la Réforme au XVIe et feront de Schönbühel un centre du protestantisme. Après s’être converti au catholicisme en 1639, Konrad Balthasar von Starhemberg (1612 -1687) fait édifier à proximitié du château, entre 1666 et 1674, le monastère de l’ordre des Servites sur des ruines surnommées par les habitants du voisinage « le château du diable ». Son fils, le comte Ernst Rüdiger von Starhemberg (1638-1701), gouverneur militaire de Vienne, a marqué l’histoire de l’Autriche par son courage exceptionnel et sa défense héroïque de la capitale autrichienne assiégée pour la deuxième fois de son histoire par les armées ottomanes de Kara Mustafa (1683).

Le comte Ernst Rüdiger von Starhemberg (1638-1701)

Pendant plus de quatre siècles, la seigneurie de Schönbühel demeure la propriété de la famille Starhemberg. Cette famille possédait également dans la Wachau la forteresse d’Aggstein ainsi que les droits de péage pour la navigation sur le fleuve y dont abusèrent sans scrupule certains occupants précédents des lieux comme Hadmar III von Kuenring ou encore Jörg Scheck vom Wald.

Le château de  Schönbühel, peinture de Jakob-Placidus Altmutter (1680-1820), vers 1817

Franz Graf von Beroldingen (1791-1864), membre d’une vieille famille de la noblesse d’origine suisse, acquiert le château de Schönbühel en 1819 et le fait reconstruire sur les anciennes fondations de la forteresse initiale (1819/1821) dont quelques vestiges sont encore visibles dans le clocher de la chapelle du château. Schönbühel est ensuite revendu en 1929 au comte Oswald Seilern und Aspang (1900–1967) dont la famille est expulsée par les armées soviétiques lors de l’occupation de l’Autriche  à la fin de la deuxième guerre mondiale. Le château est ensuite restitué aux Seilern-Aspang qui en sont toujours propriétaires.

Photo © Danube-culture, droits réservés

Une communauté juive vécut du Moyen-Âge jusqu’en 1671 dans le petit village au pied du château et dont le nom est mentionné dans un document officiel de l’année 1538. La synagogue se trouvait sur le site de la maison actuellement n° 147. Le cimetière juif du Kettental, au nord-est du village, n’a pu être localisé avec précision. Entre juin 1944 et avril 1945, des membres de la communauté juive hongrois ont été réquisitionnés par l’administration du domaine de Schönbühel et travaillaient à diverses taches (gestion et forêts).

Notes :
1Selon certaines sources la seigneurie et son château deviennent la possession de l’abbaye voisine de Melk.

Danube-culture, © droits réservés mars 2022

Sources : 
www.schoenbuehel.at
www.gedaechtnisdeslandes.at
www.museumnoe.at
Barbara Staudinger, « Gantze Dörffer voll Juden », Juden in Niederösterreich 1496-1670, Mandelbaum Verlag, Wien 2005

Portail d’entrée, photo © Danube-culture, droits réservés

Le Centre Culturel Nicăpetre de Brăila, souvenir de la grande époque et lieu d’exposition

   La villa Embiricos, aujourd’hui Centre Culturel Nicăpetre (strada Belvedere n°1), a été édifiée en 1912 par l’architecte Lazăr I. Predinger pour Menelas Embiricos, armateur et homme politique grec, descendant d’une véritable dynastie d’armateurs, de banquiers et de commerçants  originaires de l’île ionienne d’Andros et dont certains des membres s’étaient installés déjà auparavant à Brăila et exerçaient un quasi-monopole sur certaines activités commerciales, cet élégant et luxueux hôtel particulier aux façades et décorations raffinées, tient lieu à son origine de siège de la compagnie maritime M. Embiricos & Co dont Menelas Embiricos est le propriétaire avec son frère Leonidas et de logement pour sa famille.

Le port de Brăila au début du XXe siècle avant sa mécanisation (1908) qui provoquera de graves émeutes parmi les dockers et les ouvriers.

   L’écrivain Fanuş Neagu (1932-2011) évoque dans un de ses récits l’atmosphère  de la fête que l’amateur organise pour l’inauguration de son hôtel particulier qu’il avait fait coïncider avec la journée de la fête national grecque :
« Les sirènes des navires ancrés dans le port retentissaient sur l’eau puis se taisaient et recommençaient à nouveau, les canons de parade tonnaient en grandes salutations. Dans le jardin d’Embericos on servait, sur des plateaux géants, des olives, des oranges, des mandarines, de l’ouzo, de la liqueur de roses, du vermouth, de l’eau-de-vie de Chios, du mouton grillé, des tripes surtout et des pièces de viande de chevreau accompagnées par des vins doux et parfumés… »
   La société grecque exporte des céréales et importe du charbon d’Angleterre. Menelas Embiricos est également agent général de plusieurs compagnies maritimes (Byron Steamship Ltd, Londres, Compagnie Nationale Grecque de Navigation de Bateaux à Vapeur grecque) et possède avec son frère une flotte de cargos assurant une liaison régulière entre l’Angleterre, le continent, la Méditerranée et les ports de la mer Noire et du Danube parmi lesquels Brăila. Ils  possèdent encore les paquebots Themistocle puis Alexandre Ier qui relieront Constanţa à New York via le Pirée et Marseille ainsi que d’autres bateaux transportant les voyageurs de Marseille jusqu’à Varna (Bulgarie) tout en desservant des ports grecs intermédiaires (Thessaloniki, Le Pirée…).
   Les affaires de la famille Embiricos vont connaître une période d’instabilité à cause de la première guerre mondiale. Elles reprendront par la suite mais les deux armateurs grecs décident de transférer en 1920 le siège de leur compagnie à Constanţa, au bord de la mer Noire. Ils s’y s’installent et y font construire un immeuble prestigieux.

L’immeuble construit à la demande des frères Embiricos à Constanţa en 1922 et surnommé « Le palais de la navigation, un joyau du patrimoine architectural de la capitale de la Dobrodgée, est aujourd’hui dans état déplorable, sources Wikimedia

   Le conflit entre la Grèce et l’Empire ottoman (1919-1922), la défaite de leur pays et ses conséquences financières entravent à nouveau les activités commerciales des frères Embiricos. La crise économique de 1929 commence à se profiler. Leur hôtel particulier de Brăila, abandonné, mal entretenu, a été vendu entretemps (1927). Il appartiendra ensuite successivement à la la Société des amis de M. Eminescu (1930), servira de dispensaire de la Caisse d’Assurance Sociale Roumaine (1937), sera occupé par des soldats de l’Armée rouge en 1944 puis abritera un hôpital et une polyclinique. En 1986, le bâtiment est confié à l’administration du Musée Carol Ier .  

Photo © Danube-culture, droits réservés

   Le Centre Culturel Nicăpetre de Brăila, strada Belvedere n°1, qui abrite désormais la collection de l’artiste roumain Nicăpetre (de son nom de famille Petre Bălănică, 1936-2008) a été inauguré le 6 décembre 2001 dans l’ancienne Maison des collections d’art (1986-2001). Il a été rénové entre 2008 et 2010 et réouvert au public le 12 novembre 2010.

   Le bâtiment aux quatre façades d’une rare élégance est entouré d’un jardin dans lequel sont également exposées des sculptures.

Photo © Danube-culture, droits réservés

   À l’intérieur, répartis sur trois étages organisés de la même manière, des salles d’exposition réparties autour d’un escalier central en marbre décoré d’un superbe vitrail art déco représentant Hermès, dieu grec du commerce. L’escalier est relié au hall d’entrée. Les combles ont été aménagés pour accueillir des expositions temporaires.

Photo © Danube-culture, droits réservés

Détail du vitrail « Art Nouveau » de l’escalier Photo © Danube-culture, droits réservés

   Un travail intéressant de dramaturgie muséal met en valeur les oeuvres du sculpteur. Elles-mêmes valorisent par leur puissance, leur expressivité et leur symbolisme les espaces architecturaux et les éléments de décoration (plafonds, frises, lucarnes, balcons et balustrades, grandes fenêtres, colonnes corinthiennes qui ne sont pas sans faire allusion au pays d’origine du commanditaire du bâtiment…) tout en contrastant avec eux. 

Photo © Danube-culture, droits réservés

Un jeu permanent d’influences multiples.
Il émane de cette rencontre, de ce dialogue et de cette alliance par delà les années entre sculpture, architecture, organisation des espaces, des perspectives, des alternance des champs de lumières et d’ombres douces et des éléments décoratifs raffinés, une atmosphère particulièrement séduisante et convaincante, une fluidité artistique équilibrée entre mouvement et repos.

Photo © Danube-culture, droits réservés

Photo © Danube-culture, droits réservés

www.muzeulbrailei.ro

Eric Baude, © Danube-culture, droits réservés, avril 2019, révisé septembre 2021

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