Aschach (Haute-Autriche)

« ASCHAW, (Géog. anc. & mod.), ville d’Allemagne dans la haute Autriche, sur le Danube, à l’embouchure de l’Ascha ; quelques-uns prétendent que c’est l’ancienne Joviacum de la Norique, que d’autres placent à Starnberg, & d’autres à Frankennemarck. »
ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES, PARIS,  1751-1772 

En raison des conditions climatiques favorables pour la culture de la vigne et de droits qui lui sont accordés, l’ancien village de pêcheurs devient au cours du temps une importante place de négoce du vin. Le droit de passage sur le Danube (péage) et la construction de bateaux pour le transport des marchandises (vin, sel, pierre, matériaux divers…) viennent compléter les autres activités locales et enrichir la commune.

Aschach, gravure de Salomon Kleiner, 1738

La première source écrite concernant Aschach se trouve dans un document mentionnant la fondation de l’abbaye bénédictine de Kremsmünster (Haute-Autriche) en 777. Son fondateur, le Duc Tassilo de Bavière ( 741 ?-794) avait offert à l’abbaye deux vignobles d’Aschach, alors situé sur son territoire. Aschach est de nouveau cité dans les années 791 et 802 à l’époque de Charlemagne et figure dans le « Schaunberger Urbarbuch » de 1371 (cadastre de Schaunberg) dans  lequel il est écrit que le village compte environ 60 maisons et possède un droit de justice et de cité, deux églises, les chapelles de saint-Laurent et de saint-Jean ainsi qu’un octroi de péage sur le Danube. le village est élevé au rang de bourgade en 1512 par l’Empereur Maximilien Ier ( ) et obtient son blason sur lequel figure des grappes de raisin et qui inclue. la bourgade obtient « galement le droit d’y tenir marchés et foires. Les façades élégantes et colorées des maisons de la « rangée d’or » qui s’alignent depuis l’église, sur la place Kurzwernhardt et le long de la rue Ritzberger, témoignent de la richesse d’Aschach et de ses habitants à cette époque.Quand les dynasties des comtes d’Aschach et de Schaunberger (1559) s’éteignent, le château d’Aschach passe aux mains de la familles des Liechtenstein. En 1622, l’Empereur Ferdinand II ( ) offre les terres et le château d’Aschach au comte Harrach. Celui-ci fait agrandir le château en 1709-1710 avec le concours du célèbre architecte baroque Lukas von Hildebrandt (1668-1745). Aschach devient une paroisse indépendante sous le règne de Joseph II de Habsbourg.

Les activités du village furent largement favorisé par son emplacement favorable au bord du Danube. Le nombre d’habitants parmi lesquels les bateliers, les ouvriers, les bourgeois les négociants, étaient les plus nombreux, a malgré tout beaucoup fluctué.

 Aschach en 1781, gravure de Gignoux 

Aschach fut également un lieu fréquenté au cours du temps par de nombreux artistes parmi lesquels le musicien et compositeur Leonhard Paminger (1495-1567), né dans le village. Le peintre Josef Abel (1764-1818) en est également originaire. Citons encore Albert Ritzberger (1853-1915), Karl Schade (1862-1954), Franz Koberl (1889-1967), Fritz Cernaysek (1910-1996) et Christian Ludwig Attersee (1940-).

Portrait supposé du jeune Franz Schubert, peint par Josef Abel, collection du Kunsthistorisches Museum, Vienne

La commune ne fut pas épargnée par les guerres au long de son histoire. Elle est occupée par les troupes bavaroises en en 1620 et en 1809 par les armées napoléoniennes. Par miracle, aucune destruction ne fut à déplorer pendant la première ni lors la deuxième guerre mondiale.

Aschach, gravure d’après une peinture de Jakob Alt

Des catastrophes naturelles l’endeuillent à toutes les époques parmi lesquelles des crues importantes, en 1789 et plus récemment en 1954 et en 2002 avec un incendie et des débâcles de glaces catastrophiques.
Quand le péage fut supprimé, la commune dut chercher d’autres sources de revenus. En dehors des activités de calfatage des bateaux, des radeaux et autres embarcations, on eut l’idée de construire une briqueterie. Des entrepreneurs fondèrent une usine fabriquant des cadres de tableaux. Une usine de fabrication d’amidon démarra ses activités en 1936.
Le pont sur le Danube a été érigé 1962 et remplace le bac à fil. Dès l’année suivante, la plus grande centrale hydroélectrique d’Europe centrale à cette époque est construite en amont de la cité.

Aschach et la viticulture
   La vigne est cultivé à Aschach ainsi que dans 13 autres lieux de Haute-Autriche depuis l’époque romaine. Les vignobles des seigneuries de Schaumberg, Stauf et de St. Nikolas (évêque de Passau) rapportaient chaque année sous forme d’impôts, plus de 1000 seaux d’un volume de 56,6 l chacun. Entre 1445 et 1447 est expédié depuis Aschach plus d’un million de litres de vin. Dans les années 1664/1665, la superficie de vignobles atteint plus de 120 ha, Des changements climatiques et de mauvaises vendanges contribuèrent à la disparition de la vigne. Ces dernières années, des tentatives courageuses de redonner vie aux anciennes cultures viticoles ont été entreprises.

Aschach et son péage
      De tous temps, le Danube fut une voie de transit et de commerce. Il était donc compréhensible qu’on y installe des postes de douane. Celui d’Aschach est mentionné pour la première fois dès 905. C’était surtout le sel du Salzkammergut qu’on transportait sur le Danube vers la Bavière c’est-à-dire vers l’amont.
On parle pour la première fois du péage de Aschach en 1190 qui était entres les mains des comtes de Formbach et fut plus tard transféré aux Seigneurs de Schaunberg. Par la suite le péage fut donné en bail, néanmoins les entrées et les consignes du péage étaient strictement surveillées par les seigneurs. Avec les juges, les responsables du péage avaient également un statut particulier. En 1775 le péage fut transféré en amont, à Engelhartszell, ce qui a entrainé de grandes pertes sur le plan économique pour le bourg d’Aschach. À l’exception de la batellerie il ne resta alors plus pendant un certain temps que la pêche comme activité locale directement liée au fleuve.

Karl Martin Schade (1862-1954), Île sur le Danube, huile sur toile, 1891

La confrérie des bateliers d’Aschach
   On rencontrait d’autres corporations à Aschach comme celles des bateliers, des calfateurs, des pêcheurs, des commerçants et des aubergistes. Tant qu’il y eut un poste de péage, les bateaux étaient obligés d’accoster à Aschach et de s’acquitter de droits de douane. Pour traverser le passage délicat de Kachlett, en aval, où se trouvaient des rochers, les bateliers qui ne connaissaient pas bien les endroits devaient s’assurer les services d’un pilote. Il en résulta la création d’une corporation. Pour les convois qui remontaient le Danube, les bateaux étaient souvent halés par des équipages de 30 à 40 chevaux appelés Hohenauer.

Corporation des bateliers et des calfateurs d’Aschach et des environs pour la procession de 1951

Aschach et la construction navale
   La construction navale en bois est une tradition locale très ancienne. Elle fut favorisée non seulement par l’emplacement de la commune le long des voies de communication et de commerce, mais aussi par les forêts environnantes. On y construisait de grandes « Zille » qui pouvaient transporter sur le Danube des cargaisons de pierre et d’autres marchandises jusqu’à 100 tonnes. Ces pierres ont été utilisées comme enrochement lors de la régulation du fleuve. On construisait également des « Trauner » de 20, 30 et 50 tonnes et d’autres types d’embarcations.

Un  remarquable petit musée de la construction de bateaux (Zille) et de la pêche (https://museum.aschach.at) met en valeur l’histoire de ces deux importantes activités locales.

Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, mise à jour octobre 2024

Le docteur Faust, le diable et le Danube

   Frédéric III de Habsbourg (1415-1493), empereur du Saint Empire Romain Germanique de 1452 jusqu’à sa mort, père du futur Maximilien Ier (1459-1519) et de la devise en latin A.E.I.O.U. (« Austriae est imperare orbi universo », « Il appartient à l’Autriche régner sur tout l’univers »), avait établi sa cour au château de Linz de 1489 à 14931.

Le château de Linz depuis la rive gauche du Danube, photo © Danube-culture, droits réservés

   Centre du Saint Empire Romain Germanique, celle-ci fut fréquentée, à l’image de celle de Rodolphe II de Habsbourg (1552-1612) qui avait préféré s’établir à Prague sur les bords de la Vltava, par de nombreux artistes et savants parmi lesquels des alchimistes et des astrologues réputés. La légende voudrait que le savant originaire du Bade-Wurtemberg Johannes Georg Faust (vers 1480-1540/1541), se désignant lui-même comme « sourcier des Nécromantes, Astronome et Astrologue, Magicien au second degré, Chiromante, Aéromante, Pyromante, Hydromante au second degré, connu aussi sous le nom de Georg Faustus, philosophe des philosophes, Hémitheos [demi-dieu] de Heidelberg », inspirateur de « The Tragical History of Doctor Faustus » (1589) du poète et dramaturge anglais  Christopher Marlowe (1564-1593) ainsi que du « Faust » (1808-1832) de Johann Wolfgang Goethe (1749-1832), ait fréquenté en personne la cour de l’empereur Frédéric III ce qui paraît dans les faits peu vraisemblable. À moins que ce ne soit celle de son fils Maximilien Ier.

Johannes Georg Faust (vers 1480-1540/1541)

   La légende raconte que, traversant la contrée en allant vers Linz et trouvant les rives du Danube à sa convenance à la hauteur de Landshaag (rive gauche), il requit et obtint l’aide de Méphistopheles pour y construire un château dont il souhaitait faire l’une de ses résidences. Le château qui lui doit son nom est déjà mentionné dans un document datant de 1500 sous le nom de « Fauststöckl ». Par la suite, il abrite le siège du percepteur du péage sur le Danube d’Aschach appartenant aux comtes de Schaunberg qui l’avait reçu de l’empereur Frédéric Barberousse. Un vestige du mur sur lequel était fixé une des extrémités de la lourde chaine qui entravait la navigation sur le fleuve a été conservé. La famille des comtes Schaunburg s’éteignit en 1559 et le comté passa aux mains des puissants Starhemberg qui furent notamment propriétaires du château de Schönbühel puis d’autres familles de la noblesse autrichienne. Les bâtiments furent aménagés et servirent de sanatorium entre 1925 et 1938 puis réquisitionné par le Front du Travail Allemand, un organisme sous la tutelle des Nazis jusqu’en 1945. En 1966, après d’importants travaux de rénovation et d’agrandissement il est transformé en hôtel restaurant.

Aschach en 1854, gravure colorée d’Adolph Kunike d’après Jakob Alt

Il paraîtrait même qu’un pont qui traversait le Danube et conduisait à Aschach depuis la rive gauche serait né d’un caprice du même savant et alchimiste allemand avec l’aide du diable. Des habitants plus hardis que les autres les auraient surpris en pleine nuit en train de jouer aux quilles au beau milieu du fleuve. Le pont disparut aussi mystérieusement qu’il était apparu !

Notes : 
1 Le château de Linz (rive droite) a été construit au Moyen-Âge sur l’emplacement même d’un site celtique et de la forteresse qui protégeait la cité romaine de Lentia. Frédéric III de Habsbourg le fait aménager pour y installer sa résidence impériale. Rodolphe II de Habsbourg ordonne sa démolition et confie au début du XVIIe siècle l’édification d’un nouveau château à l’architecte impérial flamand Anton de Moys (1604-1614).  Le château servira tour à tour de résidence du gouverneur, d’hôpital militaire (guerres napoléoniennes), de pénitencier, de caserne. Rénové   après la deuxième guerre mondiale, agrandi en 2006,  il abrite désormais les collections du Musée de Haute-Autriche. 

 

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