Conditions climatiques du bassin danubien

On peut adopter comme critère du caractère continental croissant en direction de l’est, l’amplification des variations des températures mensuelles moyennes de l’air entre le mois le plus chaud et le mois le plus froid. Cette différence augmente régulièrement depuis le bassin supérieur avec 20°-21° (Ulm, Vienne) jusqu’au bassin central encerclé de montagnes avec 22°-24° (Budapest, Belgrade 23°) et enfin jusqu’à la basse plaine danubienne avec 26° (Bucarest). La basse plaine danubienne centrale a un climat continental avec un été chaud et un hiver relativement modéré. La basse plaine danubienne inférieure  (basse plaine roumano-bulgaro-ukrainienne) se distingue par un été chaud et un hiver froid avec des précipitations relativement faibles.1

Le bras méridional du Danube à la hauteur du site archéologique romain de Capidava : un paysage contrasté, photo Danube-culture, © droits réservés

Le régime des précipitations du bassin du Danube varie selon son exposition. Il est pluvieux pour les contreforts des montagnes exposés à l’ouest et au nord. Les précipitations sont plus réduites pour les versants tournés vers l’est. La chaine de montagnes entourant le bassin central du Danube reçoit des précipitations plus abondantes que la basse plaine hongroise continentale. Les Carpates, avec leur position septentrionale, connaissent des hivers bien plus rigoureux que les Alpes dinariques (Balkans occidentaux) qui descendent vers le sud depuis la Slovénie jusqu’en Albanie.

Le Danube à la hauteur d’Orşova dans sa traversée des défilés des Portes-de-Fer, photo Alain-Chotil-Fani, © droits réservés

Températures de l’air et de l’eau
   Le régime des températures dans le bassin du Danube dépend surtout du caractère de la circulation atmosphérique et des particularités du relief ; ainsi, l’influence de la latitude géographique devient un facteur secondaire. La température de l’air augmentant tout au long du cours du fleuve, la température de l’eau du Danube augmente elle aussi mais les variations de température de l’eau sont moins importantes que les variations de température de l’air.La température de l’eau varie de l’amont vers l’aval en fonction des conditions météorologiques et du relief et n’a de caractère constant dans aucune section mouillée. Ce fait est en d’abord en rapport avec la température de l’air environnant, la radiation solaire et lié à la température de l’eau des affluents qui alimentent le fleuve.
La variation de la température de l’eau suit la variation de la température de l’air, mais du fait de la capacité thermique de l’eau, dans la première moitié de la période libre de glaces, la température de l’air est en général plus haute que la chaleur accumulée dans l’eau, tandis que dans la deuxième période elle est plus basse. Les températures moyennes annuelles des eaux du Danube sont toujours supérieures aux températures moyennes annuelles de l’air dans le bassin danubien, car en hiver la température de l’eau ne tombe presque jamais en dessous de zéro, tandis que la température de l’air peut atteindre à la même époque des températures négatives.
La température maximum de l’eau du Danube est enregistrée en juillet et en août ; elle atteignait au début du XXIe siècle en moyenne 18-19° sur le Haut-Danube et 24-26° sur le Bas-Danube. Le réchauffement climatique a déjà commencé à engendrer ces dernières années une augmentation des températures moyennes de l’eau sur l’ensemble du cours du fleuve avec un impact conséquent sur sa biodiversité.

Régime des glaces
   La particularité caractéristique du régime des glaces du Danube est l’extrême instabilité des phases des phénomènes d’embâcle et la diversité des dates de leur apparition. Il y a des années où le fleuve n’est pris à aucun endroit et d’autres où des phénomènes de glaces apparaissent à certains endroits. La probabilité d’apparition de phénomènes d’embâcle varie de 70 à
90 %. Du fait du réchauffement climatique, ces phénomènes d’embâcle sont de plus en plus espacés.

Neuburg sur le Haut-Danube (Allemagne) pendant l’hiver 1929

Les glaces peuvent apparaître sur le Haut-Danube et sur le Moyen-Danube entre début décembre et fin février. La disparition des glaces peut survenir à partir de fin décembre jusqu’à mi-mars sur le Haut-Danube et de début janvier jusque fin mars sur le Moyen-Danube et le Bas-Danube.

Le Danube gelé en Hongrie, source Fortepan

La prise du fleuve par les glaces n’a pas lieu chaque année. La plus petite probabilité est relevée sur le Haut-Danube (de 5 à 30 %). Dans cette région, il arrivait que le fleuve gèle autrefois  à plusieurs fois au cours du même hiver et que la rupture des glaces survienne en conséquence à plusieurs reprises. Sur le Moyen-Danube, la probabilité de gel du fleuve s’élevait de 25 à 50 %, et sur le Bas-Danube de 40 à 75 %. Dans ces régions, le gel du fleuve et la rupture des glaces répétées pendant un même hiver sont de plus en plus rares.
Les charriages de printemps et d’automne s’accompagnent d’entassements de glaces sur les rives, d’embâcles et de bouchons qui provoquent souvent de brusques hausses du niveau d’eau, des inondations des régions riveraines et peut entrainer la destruction de digues et d’ouvrages portuaires.

Le Bas-Danube pris par les glaces à la hauteur de Ruse (Bulgarie), photo droits réservés

La durée de la période hors gel était en moyenne jusque dans les années 2000 de 345 jours pour le Haut-Danube et le Moyen-Danube et de 330 jours pour le Bas-Danube La durée minimum record de période hors gel a été relevée en 1947 sur la majeure partie du Moyen-Danube soit 275 jours.

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour octobre 2024

Notes : 
1 JOVANOVIČ , Slavobuj, STANČÍK, Andrej, Hydrology of the river Danube/Hydrologie du Danube, Publishing House Priroda, Bratislava, 1988, p. 65

Sources :
Commission du Danube
La Commission du Danube et la navigation danubienne, collectif d’auteurs,  Commission du Danube, Budapest, 2004
JOVANOVIČ, Slavobuj, STANČÍK, Andrej, Hydrology of the river Danube/Hydrologie du Danube, Publishing House Priroda, Bratislava, 1988

Le Danube : frontière ou trait d’union entre les peuples d’Europe centrale et orientale ?

Le Danube c’est évidemment bien plus qu’une frontière ou plutôt qu’une superpositions de frontières presque invisibles, parfois fluctuantes mais toujours palpables. Ce fût (mais n’est pas encore ?) le symbole d’affrontements, de confrontations douloureuses, d’enjeux entre un monde sédentaire à l’ouest et un univers longtemps nomade et de migration à l’est, entre des empires, entre des peuples, entre des régimes politiques opposés ? C’est en même temps une voie de vie, de civilisation et d’échanges. Ont été édifiées dès l’antiquité au long de ses rives des routes de marchandises, sont passés et passent sur celles-ci dans les deux sens des chemins d’invasions, de conquêtes, de pillards, de croisés, de migrants, de pèlerins, d’aventuriers de toutes sortes mais aussi et sur ces mêmes chemins des voies de diffusion de nouvelles cultures. Les abords du fleuve en sont toujours les mémoires vivantes, témoignent.

Le Danube : une impressionnante succession de paysages et d’horizons

Ruines de la forteresse d’Aggstein en Wachau, photo droits réservés

Le bassin versant danubien raconte aussi plusieurs histoires extraordinaires, celle de la formation du continent européen, celle de la nature d’abord puis celle d’une relation tumultueuse entre l’homme prométhéen et une divinité de la nature à la force, à la ténacité opiniâtre, au caractère ombrageux, indocile, colérique. Rien ne fut et ne sera jamais gagné définitivement par l’homme sur le fleuve impérial. Celui-ci, encore aujourd’hui, et malgré de nombreux et pharaoniques aménagements des deux derniers siècles avec ces cathédrales fluviales que sont les gigantesques barrages d’Autriche et des Portes de fer, sort régulièrement de son lit, provoquant des inondations sur des espaces considérables, rappelant à l’homme que lui seul décide. Comment vivre le mieux possible en composant avec ces incertitudes fut sans doute la question permanente des hommes depuis leur installation au long de ses rives.
Danube se tient bien au-delà de l’histoire humaine mais il la façonne continuellement. Le Danube est ainsi au sein de cette histoire tout à la fois le fleuve des émotions, des passions, de la démesure et du simple quotidien, des dangers de la nature, des légendes, des fêtes, du vivre ensemble ou parfois aussi… du ne plus vivre ensemble.
Chacun a « son » Danube ou le voit selon sa place, ses rêves, ses besoins, ses projets, sa propre histoire. Mille et un métiers, mille et une manières d’être et de faire déclinent l’incroyable attractivité du fleuve, mille et un regards se posent sur le Danube et le questionnent. Le fleuve génère sans le vouloir un incessant tourbillon de vies entremêlées.

C’est dans cet esprit que ce site francophone souhaite s’organiser et raconter le fleuve.

La France et le Danube : une histoire ancienne
Ce site francophone veut aussi se faire l’écho de la présence française au bord du fleuve et de son dialogue avec les pays riverains et leurs cultures. La France a eu le souci permanent, depuis la révolution, de permettre au Danube d’acquérir un statut de fleuve international justement partagé entre tous, statut illustré en particulier par des règles de navigation et protégé par une Commission du Danube ad hoc qui siège aujourd’hui à Budapest et dont l’une des quatre langues officielles est toujours le français.

Vive la France II

Orşova (Roumanie), photo collection privée

Ce site regroupe également des sources et des informations en langue française liées à l’histoire du fleuve, à sa vie, à ses habitants, à ses cultures et à celles de son bassin.

Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, mis à jour mars 2024

Le bassin du Danube, un espace cohérent ? par Jacques Bethemont

« Les dysfonctionnements de l’espace danubien »

« La majeure partie du Danube a longtemps été unifiée dans le cadre de l’Empire austro-hongrois qui avait obtenu le principe de l’internationalisation du fleuve lors du traité de Vienne. Bien avant cette date, les autrichiens avaient entrepris d’améliorer la navigation sur le cours du fleuve dans les limites d’un espace impérial qui allait de l’aval de Passau à l’amont de Belgrade [Semlin ou aujourd’hui Zemun] jusqu’en 1878. Par la suite, le recul de l’Empire ottoman et l’indépendance de fait de la Valachie et de la Bulgarie permirent d’étendre le système navigable sur le cours aval du Danube. Restait le problème de la Serbie dont il est inutile de préciser qu’il ne fut pas résolu du temps de l’Empire.

Le brassage des invasions et le reflux de la puissance turque avaient laissé dans un espace souvent uniforme, une mosaïque de peuples que séparaient leurs langues ou leurs religions avec, parfois, des frontières abolies mais encore sensibles comme celle qui séparait la Hongrie de la Valachie. Dans ce contexte social et politique délicat, le Danube apparaissait comme un facteur d’unité, d’autant que les problèmes frontaliers n’empêchaient pas l’acheminement vers les ports de la mer Noire du blé destiné à l’Europe du Nord et au Royaume-Uni1. Cette activité amenait une incessant brassage de population et l’existence d’une culture danubienne paraissait évidente en dépit de la diversité des langues, jusqu’à ce que le sort des armes et l’exacerbation des nationalismes amènent le démembrement de l’Empire austro-hongrois.

Le Bassin du Danube n’est donc pas assimilable à un espace cohérent et il reste pour l’essentiel affecté par des tensions frontalières qui dégénèrent régulièrement en conflits armés dont le dernier en date ne paraît pas définitivement clos. Dans ce contexte difficile, la Commission du Danube joue un rôle de conciliation qui pour être officiel n’en est pas moins modeste2. Témoignent de ces multiples contradictions, d’un côté l’échec de Gabčikovo entrepris dans le cadre de deux nations réunies dans un même ensemble économique, la CAEM (COMECOM), de l’autre la réalisation des deux barrages des Portes-de-Fer, mené à bien dans le cadre d’une coopération entre deux nations, la Roumanie et la Yougoslavie, appartenant à deux ensembles supposés antagonistes. »

Notes :
1 grâce au travaux de la Commission Européenne du Danube issue du Traité de Paris de 1856

2 avec désormais d’autres organismes internationaux en particulier dans le domaine environnemental parmi lesquels l’IPCDR (www.icpdr.org), The International Commission for the Protection of the Danube River, ou la structure  (danubeparks.org).

On lira également avec intérêt le rapport de la Commission au Parlement Européen, au Conseil, au Comité Économique et Social Européen et au Comité des Régions concernant la stratégie de l’Union européenne pour la région du Danube qui date… du 8 décembre 2010 ! L’UE a-t-elle une réelle et cohérente stratégie pour la région du Danube ? On peut en douter !
https://ec.europa.eu/regional_policy/information-sources/…

Sources :
Bethemont Jacques, « Le fleuve et la structuration de l’espace » in Les grands fleuves, entre nature et société, « Le fleuve et la structuration de l’espace », Armand Colin/VUEF, Paris 2002, p. 228

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