La Porta Hungarica et le Braunsberg

   Le sommet du Braunsberg avec sa vue dégagée, ultime avancé du massif alpin sur les rives du fleuve, déjà habité à l’ère de la Tène, avait été choisi par les celtes pour y établir un oppidum que s’empressèrent de détruire les Romains mais qui est aujourd’hui en partie reconstitué et qui a fait l’objet de fouilles archéologiques.

Oppidum celte au sommet du Braunsberg, photo © Danube-culture, droits réservés

Le Danube au pied du Braunsberg et les forêts alluviales de la rives gauche avec leurs bras morts, à gauche le petit port de Hainburg photo © Danube-culture, droits réservés

   Ce relief oblige le fleuve à effectuer un joli méandre pour le contourner vers le nord (il est probable qu’initialement le fleuve l’ait contourné par le sud) avant de recevoir les eaux de la Morava (March) qui déterminent sur une partie de son cours la frontière entre l’Autriche et la Slovaquie et de passer devant l’ancienne forteresse de Devín, détruite par les troupes napoléoniennes et dont les ruines avec son cortège de légendes dominent le confluent.

Les ruines de la forteresse de Devín (Slovaquie) depuis la rive droite du Danube, photo © Danube-culture, droits réservés

   L’exposition du Braunsberg, sa position de « Porta Hungarica » avec les petites Carpates de la rive septentrionale, aux lisières de la plaine pannonienne, sa géologie calcaire et la présence à ses pieds du Danube qui l’arrose tout en le contournant, génèrent un microclimat spécifique favorable tout à fait favorable à de nombreuses espèces animales et végétales de type méditerranéen, adeptes du soleil et sa chaleur comme le lézard vert, la couleuvre d’Esculape, l’Onosma austriaca (famille des Boroginacées), l’orpin royal de Phénicie (Verbascum phoeniceum) ou l’iris nain (Iris pumila). Plusieurs espèce végétales, faisant la joie des botanistes, sont en particulier endémiques au Braunsberg et à ses environs tel l’œillet à plumes de Hainbourg (Dianthus lumnitzerii).

Oeillets à plumes en fleur (Dianthus lumnitzeri), photo © droits réservés

Le Braunsberg, classé zone Natura 2000, se trouve aux limites du Parc National des Prairies Alluviales Danubiennes.

https://www.donauauen.at

Le Danube au pied du Braunsberg avec les ruines de la forteresse de Röthelsheim, photo © Danube-culture, droits réservés

T. W. Adorno : « Au Danube-Auen », un jour de semaine…

Dans un texte  court tiré d’Amorbach, le philosophe évoque l’atmosphère du fleuve, de ses rives et de la plaine du Marchfeld sur la rive gauche en aval de Vienne. 

« Au Danube-Auen1, un jour de semaine. Curieuse, cette profonde solitude au bord du fleuve, à quelques kilomètres seulement de Vienne. Un sortilège puztalien2 tient les hommes éloignés du paysage et de la flore déjà orientalisants, comme si cet espace ouvert sur l’infini souhaitait n’être pas dérangé. Un homme d’État autrichien du XIXe s’exprimait en ces termes : l’Asie commence à l’Est du Rennweg3. Ici, même l’industrie paraît hésitante. La sauvagerie du paysage serait restée archaïque si les Romains n’y avaient laissé des traces et si les derniers villages allemands ne s’étaient aventurés jusqu’aux frontières slovaque ou hongroise.

Bernardo Belloto (1721 ?-1780), vue du château de Hof ( vers 1758-1761)

De beaux châteaux comme ceux de Niederweiden et de Hof, tous deux en rénovation, bravent l’abandon des lieux par l’Histoire. Le jardin de l’un deux est séparé de la rue, des morceaux de statues et de décorations en pierre gisent épars : le XVIIIe se fait Antiquité. On aperçoit depuis de nombreux endroits la forteresse de Pressburg4 que la grande route esquive en un virage serré, comme dans Le château de Kafka. Aspern5 est l’un de ces lieux.

Vue sur le Danube et les Donau Auen depuis le Brausnberg (rive droite) sur le sommet duquel se tient un oppidum celte, photo © Danube-culture, droits réservés

Un regard depuis le sommet du Braunsberg6 au-delà du fleuve suffit pour qu’on ait, même entièrement dépouvu d’aptitude militaire, l’impression d’être un général , tant le terrain qui s’étend à perte de vue semble inévitablement destiné à toutes les batailles qui y furent livrées. On associe au nom du village Petronell celui de Pétrone7, mais aussi un aromate qui n’existe pas. Là où la Fischa8 se jette dans leDanube se trouve Fischamend9, avec son célèbre restaurant de poisson, où l’on se sent à la maison comme nulle part ailleurs qu’au bout du monde. »

Theodor W. Adorno, Amorbach et autres fragments biographiques, traduit de l’allemand par Marion Maurin et Antonin Wiser, Éditions Allia, Paris, 2016 

Le confluent de la Fischa avec le Danube, photo © Danube-culture, droits réservés

Notes :
1
Prairies alluviales danubiennes, en Basse-Autriche, sur la rive gauche, à l’Est de Vienne jusqu’à la frontière slovaque, aujourd’hui territoire du Parc National des Prairies Alluviales Danubiennes, seul parcours du fleuve, avec la Wachau, à avoir été préservé en Autriche.
2 Le Marchfeld, plaine fertile orientale autrichienne de la rive gauche du Danube ressemble à la vaste puzta hongroise.
3 Klemens Wenzel Nepomuk Lothar, comte, puis prince de Metternich (1773-1859)
4 Ancien nom allemand pour Bratislava dans l’Empire Autrichien et Austro-hongrois. La ville portait aussi le nom de Pozsony en hongrois.
5 Également sur la rive gauche, lieu d’une défaite napoléonienne au printemps 1809, aujourd’hui quartier périphérique de Vienne.
6 Le Braunsberg domine le Danube et la jolie petite ville moyenâgeuse de Hainburg, sur la rive droite autrichienne, à la frontière slovaque. Hainburg fut prise, détruite et sa population massacrée par les Ottomans à plusieurs reprises. J. Haydn est né dans le village de Rohrau, tout proche.
7 Petrone (Caius Petronius Arbiter, 27- 66 après J.-C.), écrivain romain est célèbre pour son Satyricon, considéré comme le premier roman de l’histoire de la littérature. Les Romains avaient établi tout d’abord à cette hauteur de la rive droite un camp militaire important pour protéger la frontière de l’Empire (Limes) et s’assurer la navigation sur le Danube puis une ville à la hauteur de Petronell-Carnuntum (rive droite).
8 Petit affluent de la rive droite du Danube dont le nom évoque un cours d’eau poissonneux.
9
Village de la rive droite, en aval de Vienne.

« La barbarie perdure aussi longtemps que les conditions qui ont permis cette régression persistent. C’est cela l’horreur totale. »
T.W. Adorno

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