Barrages, écluses, usines hydroélectriques, centrales nucléaires…
Des centrales hydroélectriques contestées…
Certains projets de barrages ont toutefois fait l’objet de vives contestations de la part d’une partie de la communauté scientifique et des habitants en Autriche et en Hongrie. Le projet de barrage de Bös-Nagymaros en Hongrie, à la hauteur des magnifiques paysages du « Coude du Danube », projet qui devait compléter le dispositif hydroélectrique gigantesque construit en Slovaquie (Gabčikovo I et II), fut abandonné, sous la pression de la population et pour de légitimes raisons environnementales ce qui entraîna un conflit avec la Slovaquie.
(https://www.icj-cij.org/fr/affaire/92/resumes)
Un autre projet, en Autriche cette fois, à Hainburg, en aval de Vienne a également été abandonné après une mobilisation de scientifiques comme Konrad Lorenz, prix Nobel, d’écologistes tel Franz Weber et d’une grande partie de la population et dont le retentissement dépassa largement les frontières autrichiennes. La construction du barrage et de l’usine hydroélectrique aurait modifié considérablement l’écosystème des plaines alluviales danubiennes (Donau Auen), un des plus beaux sites naturels de ce type en Europe, site désormais protégé sous la forme d’un Parc National des Prairies Alluviales Danubiennes. Un autre projet de centrale hydroélectrique, en aval de Grein (Strudengau), ne se concrétisa pas non plus.
Barrages et usines hydroélectriques sur le Danube
Allemagne :
Bad Abbach (PK 2399)
Regensburg (PK 2379)
Geisling (PK 2354)
Straubing (PK 2329)
Kachlet (PK 2230)
Jochenstein (PK 2203, Allemagne-Autriche)
Autriche :
Aschach (PK 2162)
Ottensheim-Willering (PK 2146)
Abwinden-Asten (PK 2119)
Wallsee-Mitterkirchen (PK 2094)
Ybbs-Persenbeug (PK 2060)
Melk (PK 2037)
Altenwörth (PK 1979)
Greifenstein (PK 1949)
Freudenau (Vienne, PK 1921)
https://www.verbund.com › en-at
Slovaquie :
Gabčikovo I (Čunovo) et canal de Gabčikovo longueur : 38 45 km (PK 1851, entrée amont)
Gabčikovo II (PK 1821 ou km 8, 30 du canal)
Serbie-Roumanie :
Portes-de-Fer/Djerdap I (PK 943), la plus grande usine hydroélectrique en Europe
Portes-de-Fer/Djerdap II (PK 863)
L’Autriche, avec ses neufs barrages et usines électriques tire +/- 25 % de ses besoins en énergie du Danube, la Slovaquie 10 %, la Serbie 37 % et la Roumanie 27, 6 %.
Pour des informations complémentaires concernant les barrages : www.structurae.info/ouvrages/barrages
Centrales nucléaires :
5 centrales nucléaires bordent le fleuve dont 3 sont en activité :
La seule centrale nucléaire autrichienne a été construite au bord du fleuve à Zwentendorf, en amont de Vienne (PK 1976). Elle n’a jamais été mise en service suite à un référendum dont le résultat a été défavorable au projet. Elle sert aujourd’hui de centre de formation et de recherche en énergie solaire.
Une troisième centrale nucléaire (la deuxième en activité) se trouve désormais en Hongrie à Paks (PK 1526).
La Bulgarie possède une seule centrale nucléaire, tristement célèbre pour ses problèmes de sécurité à Kozloduj (PK 696). Quatre des 6 réacteurs ont déjà été arrêté à la suite de nombreux incidents. Ce pays a abandonné en 2012 le projet de construire une deuxième centrale nucléaire sur le Danube à Belene (PK 576) et semblerait vouloir désormais privilégier l’énergie éolienne.
Quant à la Roumanie elle a fait construire une centrale nucléaire au bord du canal Danube-mer Noire au sud de Cernovodǎ. Deux réacteurs sont en fonctionnement, deux autres en projet. L’origine du projet remonte à la période communiste.
La centrale nucléaire autrichienne de Zwentendorf/Danube : un fantôme pour le présent
« Toute activité dans le domaine du nucléaire fut interdite à l’Autriche jusqu’en 1955. Celle-ci ne retrouva son indépendance que lors de la ratification du Traité d’État entre ce pays et les quatre puissances alliées occupantes (USA, Union soviétique, Royaume-Uni et France) le 26 octobre de cette même année.
La volonté de construire une centrale nucléaire en Autriche au bord du Danube date de l’époque du chancelier socialiste Bruno Kreisky (1911-1990). Celui-ci met en place au début des années soixante-dix avec le soutien presque unanime du monde économique et politique autrichien, un programme qui fait appel à l’atome et doit permettre à son pays de diminuer sa dépendance énergétique. L’emplacement de Zwentendorf (rive droite), en amont de Vienne, est choisi pour être la première des trois centrales sur la liste. Les travaux démarrent en 1972 pour une prévision de mise en marche en 1977. Mais certains évènements font que la centrale nucléaire ne fonctionnera jamais…
Zwentendorf est un village situé légèrement en retrait du Danube ; sur la place il y a un SPAR et quelques devantures fermées dont un café, visage typique et trop connu de ces lieux qui ont une forte activité puis qui l’ont perdu. mais ici nulle tristesse, la journée est belle et douce, le printemps est éclos, les merles chantent leur joie.
Nous empruntons les bords du Danube, nous avions déjà aperçu la centrale d’assez loin, un bloc parallélépipédique flanqué d’une grande cheminée.
Par cette magnifique journée, les cycle-randonneurs sont nombreux, la piste passe entre les berges herbeuses et les grilles peu défensives de la centrale. De toute évidence, tous ces retraités sur leurs vélos à assistance électrique ont pris un jour le dessus sur l’atome, certains s’arrêtent, jettent un oeil sur les panneaux d’information. Nous sommes au pied de cet énorme bloc de béton, flanqué à sa gauche d’un petit bâtiment administratif et centre d’information, où nous attend notre hôte.
Stefan Zach a le titre de « responsable de l’information et de la communication ». Il nous dira qu’il se charge aussi de la tonte des pelouses, on aura tendance à le croire malgré ce petit sourire moqueur qui ne le quittera pas tout au long de la visite.
Celle-ci est comme un hommage à un fantôme célébré par un amant ironique, amateur de cimetières par ailleurs. « Vous allez voir un lieu vraiment étrange » nous dit-il avant de nous raconter cette histoire moderne : l’Autriche a développé au début des années 70 un programme plutôt modeste d’implantation de centrales nucléaires ; la construction de la première d’entre elles à Zwentendorf, avec une réacteur et deux turbines de 700 mégawatts, a été démarrée en 1972 et achevée en 1976 ; il n’y avait plus qu’a tourner le bouton mais les nombreuses protestations, de plus en plus populaires, poussées par le parti « Verts » ont obligé le chancelier Kreisky à proposer un référendum. Parfaitement sûr de sa victoire, il engage son propre avenir politique sur le résultat. Alors qu’il pensait disposer de l’appui de la droite, sa manoeuvre incite celle-ci à l’opportunisme en appelant à voter pour l’arrêt du programme. Avec 30 000 voix d’écart seulement l’Autriche décide d’abandonner son programme de centrales nucléaires qui sera principalement remplacé par des centrales à charbon ou a gaz. La petite histoire retiendra que Kreisky ne quitta pas son poste… Un an plus tard, la population lui accordera à nouveau une large victoire à des élections politiques. Stefan, qui se présente comme un « écologiste romantique de droite », tirera sa conclusion : « une démocratie directe comme la nôtre, construit d’abord et demande après. »
Il fut décidé de garder la centrale comme si elle allait fonctionner le jour d’après. Les politiques trouveraient sans doute une solution pour changer les choses… C’est ainsi que deux cents personnes continuèrent à venir quotidiennement, payés à ne rien faire, de 1978 à 1985. 7ans d’ennui.
A place of permanent failures (Un lieu d’échecs permanents)
Stéphane nous rappelle toutes les tentatives mises en oeuvre pour faire vivre ce lieu : transformation en centrale à gaz, parc d’énergie solaire, parc de découvertes aventure, tournage d’un film d’aventures, projet d’aménagement architectural par Hundertwasser… le projet le plus fou présenté par un certain dUo Proksch fut un cimetière vertical. Toutes ces tentatives échouèrent.
Nous allons découvrir au cours de la visite elle-même à proximité du réacteur, la répétition d’une troupe de théâtre. La metteur en scène tenait préalablement la charcuterie du village avant qu’elle ne ferme. la malédiction évoquée par Stefan va-t-elle se réaliser ?
Nous sommes vite transportés dans un James Bond des années 70, qui ressemble aussi à un jeu de playmobil. Tous les équipements ont été conservés comme au dernier jour ou plutôt au premier jour qui ne fut pas, tout est impeccable.
Pourquoi la société EVN conserve-t-elle ce lieu qui lui coûte un demi-million par an ? « On ne sait jamais, ça peut servir un jour. » Stefan est en train d’éluder, cela coûterait certainement très cher de le démanteler et le foncier est magnifique, là coule un fleuve majestueux.
Il a été confié à Hunderwasser le soin de donner aux installations d’énergie d’EVN une image plus proche des aspirations d’aujourd’hui, ludique, propres, durables.
Antonio Chiriaco, Carnets du Danube (mai et juin 2022), carnet réalisé à l’occasion d’une exposition à Vincennes du 11 au 18 septembre 2023 retraçant un voyage sur les rives du Danube en mai et juin 2022 avec Maurice Botbol.
Il n’y aura donc pas pour le moment du moins, de centrale nucléaire autrichienne, ni au bord du Danube ni ailleurs contrairement à certains autres pays que le fleuve traverse. L’Allemagne a toutefois fermé sa dernière centrale nucléaire en activité au bord du fleuve à Gundremmingen (Bavière) fin 2021. La Hongrie en possède une à Paks (rive droite 4 réacteurs) en aval à 100 km de Budapest (des travaux pour la construction de deux nouveaux réacteurs ont commencé en 2022), la Bulgarie une à Kozlodouï (rive droite, deux réacteurs en activité), la Rouman, e une à Cernavodǎ (rive droite) en Dobrogée, au bord du canal de la mer Noire (deux réacteurs). Deux autres réacteurs sont en projet).
Eric Baude, Danube-culture, mise à jour janvier 2024