Ybbs/Donau (Ybbs-sur-le-Danube)

Petite chronique d’Ybbs-sur-le-Danube

Matthäus Merian (1593-1650), Ybbs, Topographia Provinciarum Austriacarum, 1649

La ville d’Ybbs, importante cité commerciale par le passé, se trouve historiquement à la sortie de la région de la Strudengau, au nord-ouest du confluent de l’affluent du Danube du même nom. Cette cité était autrefois au croisement des routes du sel de Gmunden, du fer d’Erzberg, des routes impériale et postale, cette dernière successeure de l’ancienne route romaine frontalière du Limes, devenue aujourd’hui une importante artère routière autrichienne. La possibilité de traverser du Danube à cette hauteur permettait d’accéder en plus à la route commerciale vers la Bohême et Prague. Cette situation privilégiée est à l’origine du développement d’Ybbs, à la fois comme lieu de passage du fleuve, octroi et poste de douane et place commerciale et de transbordement des marchandises d’une rive à l’autre.
L’histoire de la ville remonte à l’époque celte et à l’époque romaine comme en témoignent des vestiges découverts sur une colline à proximité. Le village d’origine s’est d’abord développé autour d’un château-fort construit sur la rive du fleuve sont l’emplacement se trouvait devant l’église paroissiale saint-Laurent. D’après le règlement douanier de Raffelstett (903 – 906) dans lequel on trouve le nom d’ »Eperaespurch » (Ybbsburg ?) un poste de douane pourrait avoir déjà été actif à cette époque. La première mention certifiée du nom d’Ybbs, (Ibese), date de l’année 1058. En 1073, la forteresse et le village contigu sont appelés « Ybbsburg » puis, par la suite, « Yps ». Le domaine appartenait alors à la famille des comtes de Bavière de Sempt-Ebersberg jusqu’à leur disparition en 1045. Ybbs devient ensuite la propriété d’un négociant en sel. Elle est rattachée à la puissante principauté régnante des Babenberg. au XIIe siècle. En 1274, la cité est pour la première fois mentionnée comme poste de péage de la principauté puis, en 1280 comme ville (civitas). Le roi Frédéric Ier de Habsbourg lui offre le statut de ville en 1317.

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Quartier historique d’Ybbs avant sa rénovation, sources Gemeinde Ybbs/Donau

Jusqu’à la fin du XIIIe siècle, ’Ybbs se développe selon un plan de trois quartiers urbains entre le Danube et la forteresse en forme de demi-cercle. La concession de privilèges, dès le début du XIVe siècle, comme celui des droits sur la traversée du Danube, des droits de péage pour le vin et des droits de libre circulation des objets en métaux ainsi que la possession d’une haute juridiction, conférent à Ybbs un rôle important de place commerciale danubienne, gouvernée par un seigneur féodal. Dès 1637, la cité devient également un débarcadère pour la navigation fluviale entre Vienne et Ratisbonne. Elle ne peut toutefois retrouver, après la guerre de 30 ans, un essor identique à celui de la fin du Moyen-Âge. Au XVIIIe siècle, sa vigueur économique s’affaiblit du fait du relèvement des tarifs douaniers. L’importance croissante des chemins de fer et du contournement d’Ybbs de la Westbahn que celle-ci choisit de ne pas desservir, entraine le déclin économique de la ville au siècle suivant. Cette tendance s’inversera toutefois au XXe siècle avec l’implantation sur la commune du Centre de Thérapie de Vienne (1922) dans les locaux réaménagés d’une ancienne caserne et d’un cloître à l’origine cistercien puis franciscain, d’usines et de la construction du barrage d’Ybbs-Persenbeug (1954-1959), première des neufs usines hydroélectriques autrichiennes du Danube.

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Dans le centre historique d’Ybbs après sa rénovation, sources Gemeinde Ybbs/Donau

Le centre historique d’Ybbs a été entièrement rénové pendant les années 1980 et 1990 et témoigne de la richesse de son histoire, de son passé de haut-lieu commercial et de la navigation sur le fleuve.

Promenade urbaine à travers Ybbs
   Une visite de la vieille ville s’impose. Elle peut commencer par la rue de Vienne (Wiener Strasse) sur les vestiges de l’ancien bâtiment des Babenberg (Babenbergerhof) qui fut malheureusement détruit en grande partie en 1835 et reconverti en auberge. Le deuxième quartier de la ville a été construit au XIIIe siècle sur la place du château fort, devenu la résidence du mandataire du seigneur féodal à laquelle la ville appartenait. La résidence fut offerte en 1494 à la ville par l’empereur Maximilien Ier d’Autriche. Le château édifié au XVIIe siècle abrite aujourd’hui l’école de soins du Centre de thérapie d’Ybbs. Joseph II de Habsbourg en fut l’hôte en 1779. La fontaine contemporaine d’Arlequin qui se dresse devant l’école a été érigée en référence aux « Ybbsiades », un des plus grands festivals de cabaret et de petites formes de l’espace germanophone, organisé chaque année depuis 1989.

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Vue ancienne des quais sur le Danube et de l’église saint-Laurent, sources Gemeinde Ybbs/Donau

La construction de l’église paroissiale saint-Laurent, à l’origine de style gothique tardif, date des années 1466-1485. Des incendies successifs, en 1716 et 1868 entrainent la modification de son aspect intérieur et extérieur, avec l’ajout d’éléments baroques et néogothiques se substituant au style d’origine. L’église se trouve sur l’emplacement de l’ancienne forteresse (Ybbsburg). La tour-porte de la forteresse a été utilisée pour la construction du chœur de l’église. Il reste sous cette église un passage qui conduit au Danube. Les orgues sur lesquelles Wolfgang Amadeus Mozart, lors de son deuxième voyage à Vienne en 1767, a vraisemblablement joué, compte parmi les trésors baroques de ce monument historique.
Il est recommandé de s’arrêter au Musée de la bicyclette et de son histoire ainsi qu’au Musée municipal situés dans la Herrengasse. C’est dans la partie reculée de la ruelle de l’église (Kirchengasse), où sont nés les frères Bernhard et Hieronymus Pez, bénédictins de l’abbaye voisine de Melk et historiens majeurs de l’époque baroque, que se trouvait à l’origine le troisième quartier urbain de la ville. Quelques vestiges demeurent au sein d’un bâtiment médiéval, la maison des péages du vin (Weinmauthaus). On peut encore reconnaître à l’angle nord-ouest de la ruelle, les restes d’un bastion et de ce que l’on appelait alors les « Schwallecks », à travers lesquels le Danube coulait pour inonder les fossés de la ville.
Depuis les quais, on jouit d’une vue magnifique sur les paysages de la rive nord du fleuve, le château de Persenbeug, le village de Gottsdorf, l’église de Säusenstein et la célèbre basilique de Maria-Taferl. Sur la façade de l’Office du sel (Salzamt), en activité jusqu’en 1827, sont indiqués les niveaux atteints par les crues des 500 dernières années. Il ne reste plus aujourd’hui de l’ancienne Ybbsburg que le remarquable château-fort (Burg-Palas) construit entre 1220-30.

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Vue partielle de la maison du maître batelier Matthias Feldmüller. A droite la « Passauerkasten »,  le plus ancien monument d’Ybbs/Danube et derrière le clocher de l’église saint-Laurent, sources Gemeinde Ybbs

La maison du maître-batelier (Schiffmeisterhaus) Matthias Feldmüller, rappelle une activité économique majeure d’Ybbs, la navigation sur le Danube. Les emblèmes de la corporation des bateliers d’Ybbs, une des plus grosses corporations du Danube autrichien, sont visibles sur les façades du bâtiment.

Matthias Feldmüller, surnommé « l’amiral du Danube » peint par Ferdinand Georg Waldmüller (1793-1865)

Cette maison a été acquise en 1840  par Matthias Feldmüller (1770-1850) qui possédait, au cours de la première moitié du XIXe siècle, une flotte de plus de 1000 bateaux et autres embarcations naviguant entre Budapest et Ratisbonne et qui s’illustra dans la lutte contre les armées napoléoniennes. Au nord-ouest de la vieille ville, au bord du Danube se trouve le Centre de thérapie. Son installation dans un vaste espace, une ancienne caserne de cavalerie et un ancien cloître de franciscains, date de 1922.

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Le centre de thérapie, sources Gemeinde Ybbs/Donau

Quelques informations :

La ville d’Ybbs est une collectivité locale autrichienne située administrativement dans le Land de Basse-Autriche (Niederösterreich). Elle dépend de l’arrondissement de Melk et se tient sur la rive droite du Danube (PK 2058), à l’altitude de 220 m.
Cette commune a la particularité d’être la seule collectivité du Land de Basse-Autriche à être située directement au bord du Danube, sans en être séparée par un axe de circulation.
Historiquement Ybbs appartient à la région du Nibelungengau où se déroule une partie de la célèbre épopée allemande du Moyen-âge du même nom, La Chanson des Nibelungen.
La ville doit son nom, comme de nombreuses autres cité des bords du fleuve, y compris Vienne, à la rivière qui la traverse, l’Ybbs, petit affluent du Danube qui nait au pied du grand Zellerhut, près de Mariazell et de la frontière avec le Land de Styrie. Elle se jette, après un parcours de 123 km dans le fleuve à proximité de la commune d’Ybbs/Donau (PK 2057).

Confluent de l’Ybbs avec le Danube, photo droits réservés

Au recensement de l’année 2012, Ybbs comptait 5 638 habitants et son territoire communal s’étend sur une surface de 23,78 km2.
Ybbs est jumelée avec la jolie ville italienne de Bobbio en Italie du Nord-Ouest dans la province de Plaisance et la Région d’Émilie-Romagne.
En 2017 Ybbs a célébré en 2017, le 700e anniversaire de l’acquisition de son statut de ville libre, statut accordé par Frédéric le Beau (Friedrich der Schöne) de Habsbourg (1286-1330).

www.ybbs.gv.at › ybbs-die-stadt › tourismuskultur (en allemand)

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour novembre 2023

Centrale hydroélectrique d’Ybbs-Persenbeug, photo droits réservés

De Linz à Vienne par le Danube en 1860 avec le guide Joanne

Beda Weinmann (1818-1888), panorama de Linz, vers 1860

25 milles (40, 234 km !)
Bateaux à vapeur tous les jours ; départ à 7 heures du matin ; voyage en 9 à 10 h. pour 8 fl. et 5 fl. 20 kr. — De Vienne à Linz remontée en 24 ou 30 heures pour 6 .fl et 4 fl.

Kaspar (Kasparus) Karsten (1810-1896), vue de Linz avec le Danube, huile sur toile

   En aval de Linz, le Danube se divise en un grand nombres de bras formant des îles verdoyantes. On voit sur la rive g. le château ruiné de Steyreregg, pris en 1626 par les paysans ; le village possède une belle église dans l’ancien style allemand. — En face sur la rive droite, la Traun se jette dans le Danube, près de San Peter in der Au et Zizelau.
   Gauche, Pulgarn, village de 200 habitants, situé sur le Reichenbach et dominé par un vieux château.
   Droite, Asten. À une heure au Sud, se trouve le monastère de Saint Florian. Le château de Spielberg s’élève sur une île près de la rive droite.
   Gauche, San Georgen, sur la Gusen, à 30 mn du fleuve ; Frankenberg et Gusen ; puis Mauttausen, bourg de 1160 habitants, presque en face de l’embouchure de l’Enns. On y remarque le château de Pragstein, l’église de Saint-Nicolas ; Niedersebing, village au-dessous duquel l’Augst ou Aigst se jette dans le Danube. Naarn, avec une chapelle byzantine, un château et une église de vieux style allemand. 
  
Droite, Erla, ancien couvent devenu propriété particulière ; Niederwallsee, un des plus beaux châteaux du Danube, bâti sur un rocher escarpé et entouré d’un beau jardin ; on y jouit d’une belle vue sur le fleuve et sur la chaîne des Alpes ; Ardacker, village de 400 habitants au-dessous duquel le Danube entre dans un étroit défilé.
   Gauche, Clam, village de 200 habitants, dont le château fût vainement assiégé en 1626 par les Hussites, en 1487 par Matthias Corvin ; il renferme une collection de vieilles armures ;  — Grein, qu’on voit sur la rive gauche, après un détour vers le Nord, est une des plus pauvres villes de l’Autriche. Son château de Greinburg, bâti en 1493, appartient actuellement au duc de Saxe-Coburg.
    Le lit du fleuve se rétrécit, et on franchit le premier rapide, nommé Greiner Schwall ; on passe le Strudel ou tourbillon, jadis redoutable aux bateaux, avant qu’on eut fait sauter les rochers qui traversaient le fleuve d’une rive à l’autre. On remarque la vielle tour de Woerthschloss, sur l’île de Woerth, et sur la rive gauche les ruines du château de Werfenstein, dont les seigneurs exerçaient la profession de voleurs de grand chemin. On voit se dresser au milieu du fleuve le Haustein, bloc de rochers couronné d’une vieille tour et près duquel se trouvait jadis le Wirbel, autre tourbillon redouté des bateliers du Danube.
   Gauche, Sarblingstein ou Sarminstein, village bâti en amphithéâtre et dominé par une tour circulaire. Près de là, le Sarming (Sarmingbach, ) descend d’un ravin par de nombreuses cascades et se jette dans le Danube. On voit ensuite l’embouchure de l’Imper qui sert de limite aux provinces de la Haute et de la Basse-Autriche. — Donaudorf, village et petit château de la rive droite.
   Gauche, Boesenbeug (mauvais coude) ou Persenbeug, est un château qui date de plus de huit siècles et qui couronne un rocher de granit. Le bâtiment actuel, qui date de 1617, fut souvent habité par l’empereur François, qui l’acheta en 1800. Le village situé à sa base, possède un vaste chantier pour la construction des bateaux du Danube.
   Droite, Ips, pons Isidis ou Gessodunum, est une ville ancienne de 1000 habitants, près de l’embouchure de l’Ips ou Isis. — Sausenstein a gardé les ruines d’une abbaye de l’ordre de Cîteaux, fondée en 1336, et incendiée en 1809 par les Français. — Sur la rive gauche, Marbach, village de 200 habitants, au pied du Taferlberg, que couronne l’église de Maria Taferl (Marie de la petite table), bâtie en 1661 et visitée par des pèlerins dont le nombre annuel est de 50 000 à 120 000. — Plus loin L’Erlaf se jette dans le Danube ; en face de Klein Pechlarn, rive gauche, Gross Pechlarn, l’Arelape des Romains.
Moelk ou Melk ; (hôtels Lamm, Ochs), bourg de 1200 habitants, sur la rive droite du Danube, près de l’embouchure du Moelk, possède une église paroissiale de 1481, et une abbaye de Bénédictins, située sur un rocher haut de 60 mètres, fondée en 984, rebâtie en 1707 ; c’est l’une des plus belles et des plus riches de l’Autriche. — L’église à l’intérieur est décorée de statues colossales , à l’extérieur de fresques de Rottmayr. Les caveaux renferment les tombeaux des princes de la famille de Babenberg et ceux de saint Coloman et saint Gotthalm. — On remarque dans l’abbaye : la maison de l’abbé et sa chapelle particulière : l’appartement de l’empereur ; la bibliothèque de 30 000 vol. et 2000 incunables ou manusc. ; les collections de médailles et d’histoire naturelle, la galerie ; enfin les caves assez vastes pour qu’on puisse y circuler en voiture. — On aperçoit ensuite (riv. gauche) Emmersdorf , village de 400 hab., dominé par un château en ruines et situé en face de l’embouchure de la Bielach (Pielach) : Schoenhubel (Schoenbuhel) (rive dr.), château du comte Beroldingen, puis Aggstein (rive dr.), château en ruines, perché sur un rocher conique qui domine Klein Aggsbach et qui fut habité par un seigneur chef de brigands, Schreckenwald, la terreur des bateliers au XIIIe siècle. Pour visiter ce château, il faut prendre un guide et se munir de la clef à l’auberge située au-dessous.
G[auche]. Au-delà de Schwallenbach on remarque la Teufelsmauer, muraille du diable, arrête rocheuse semblable à un mur en ruine et qui renvoie un très bel écho. — Spitz, bourg de  1000 habitants : — San Michäel, village dont la vieille église fut un jour enfouie dans la neige jusque’à la toiture ; — Weissenkirchen, bourg de 1000 habitants près duquel furent les premières vignes des rives du Danube ; — Dürrenstein ou Tyrnstein, village de 450 habitants qui n’a d’intéressant que le beau tabernacle de son église, et les ruines d’un couvent. Le château, démantelé en 1645 par les Suédois, probablement celui où Richard-Coeur-de-Lion fut retenu prisonnier pendant 15 mois, de 1192 à 1193, est un des plus anciens de l’Autriche. — Stein (hot. Elephant), ville de 2000 habitants située sur la rive g., a été réunie en 1463 par un pont  de bois à Mautern, ville de 700 hab., sur la rive dr. On remarque à Stein la vieille église paroissiale, l’hôtel de ville orné de fresques ainsi que certaines maisons particulières, les ruines du château détruit en 1486 par Mathias Corvin, et les vestiges d’une ancienne forteresse : un monument y a été élevé à la mémoire du feld-maréchal lieutenant Schmidt. — Mautern, (le Mutinum des Romains, la Mutara des Nibelungen), où Mathias Corvin défit en 1484 l’empereur Frédéric III, est également dominé par un château. Une promenade de 15 à 20 mn relie Stein à
Krems (hôt. Rose, Goldene Hirsch), ville de 7000 hab., une des plus anciennes de la Basse-Autriche, situé à l’embouchure de la Krems.

Krems en 1860, gravure d’après un dessin de  J. Alt

   Elle produit une moutarde renommée, de la poudre excellente, et fait le commerce des vins. L’église paroissiale de Saint-Vit et celle de l’Hôpital mérite une visite. — La vallée de Krems renferme la  belle et riche abbaye de Bénédictins de Goettweih (Göttweig), à 230 mèt. d’altitude. On y voit de belles collections d’antiques, de gravures, d’objets d’histoire naturelle et une bibliothèque de 40 000 vol., de 1200 incunables et de 700 man. À partir de Krems, les bords du Danube sont presque plats et insignifiants.
Dr[oite]. Tulln, Comagena, jadis station d’une des trois flottilles romaines, ville de 1850 hab., possède une chapelle romane des Trois-Rois, aujourd’hui’hui transformée en magasin à sel : c’est dans la plaine voisine que se réunit l’armée polonaise (commandée par Jean Sobieski), qui alla délivrer Vienne de l’invasion turque. En face de Zeiselmauer, patrie de Saint-Florian, on aperçoit les Tours de Stockerau. — Greifenstein, ancien château, appartient actuellement au prince Liechtenstein. — Klosterneuburg, ville de 3700 hab., possède une riche abbaye de bénédictins. Le bâtiment actuel date de 1730. À g. on laisse Kornneuburg, station du chemin de Stockerau.
   Nussdorf, petit v. situé à 1h de Vienne. On y débarque ordinairement et on y donne son passe-port pour le recevoir seulement au bureau de la compagnie des bateaux à vapeur de Vienne (la compagnie  transporte gratuitement à Vienne les bagages que le voyageur ne prend pas avec lui.) Des omnibus, des stellwagen et des fiacres attendent au débarcadère. On fait son prix d’avance pour les fiacres ;  on paie de fl. 6 kr. à 2 fl. 30 kr.
96 à 100 h de Donauwoerth, Vienne.

Notes :
1 les concurrents les plus redoutables pour les Guides-Joanne furent ceux de l’Allemand Karl Baedeker (1801-1859) qui aura pour politique de publier la plupart de ses guides en trois langues : allemand, français (dès 1846) et anglais (à partir de 1861). La bibliographie d’Alex Hinrichsen ne recense, pour la période 1832-1944, pas moins de 477 éditions en allemand, 226 éditions en français, et 266 éditions en anglais.

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, août 2023

Le voyage danubien prénuptial de Sissi vers Vienne au printemps 1854

   Le départ de la princesse et de la délégation bavaroise de Munich à huit heures du matin a lieu dans une grande confusion. La délégation arrive à Straubing au bord du Danube dans la soirée après avoir fait une étape à Landshut pour le déjeuner.

Straubing en 1854, gravure d’après J. Alt (1789-1872)

   « Sissi » monte tout d’abord sur le vapeur « Stadt Regenburg » de la Compagnie Royale de Navigation Bavaroise jusqu’à Passau, ville frontière avec l’Autriche où ont lieu une cérémonie et les adieux officiels de la Bavière avec sa duchesse et où l’accueille une délégation autrichienne. Le « Stadt Regensburg » entre alors en Autriche et poursuit sa navigation vers Linz en traversant les paysages impressionnants et sauvages de la Strudengau. Son fiancé l’attend à l’embarcadère de la compagnie bavaroise, en amont du pont de la ville de Linz, entouré d’officiels et de nombreux habitants enthousiastes qui saluent et applaudissent la future impératrice. Le jeune couple impérial est convié le soir même à un diner officiel et à une soirée théâtrale.

François-Joseph accueille Sissi au débarcadère de Linz, sources Sisi Museum, Hofburg Wien

   Le lendemain matin Sissi embarque pour Vienne à huit heures devant une foule toujours aussi nombreuse et enthousiaste sur le « Franz-Josef », un vapeur autrichien entièrement décoré de roses et pavoisé pour les circonstances. L’Empereur s’est de son côté levé dès l’aube et est déjà parti vers la capitale de l’empire sur un autre bateau, « l’Österreich » afin d’arriver à Vienne avant sa fiancée et de pouvoir renouveler en plus grandiose la cérémonie de réception de Linz au débarcadère de Nußdorf. Une partie de l’importante délégation autrichienne est monté à bord du deuxième vapeur autrichien « l’Hermine » qui accompagne le Franz-Josef dans sa croisière vers la capitale impériale.

Le départ du Franz-Josef de Linz, sources Sisi Museum, Hofburg, Wien

   Le voyage entre Linz ressemble à une véritable procession triomphale. Les cités des bord du fleuve sont pavoisées et regorgent de couleurs pour saluer le passage de la future impératrice. Les habitants en liesse se sont massés tout au long des rives et interpellent joyeusement le convoi. Sissi et les passagers qui se tiennent sur le pont grâce aux conditions météo favorables y répondent inlassablement. Enfin, vers quatre heures de l’après-midi, les deux vapeurs abordent à l’embarcadère de Nußdorf. Le mariage sera célébré dans l’église des Augustins le 24 avril. 

L’arrivée au débarcadère de Nußdorf

    101 ans plus tard, en 1955, eut lieu la répétition de ce même incroyable voyage danubien et quasiment du même spectacle lors du tournage de la première partie du film du réalisateur autrichien Ernst Marischka (1893-1963) « Sissi Trilogie » (1955-1957). Ce fut évidemment l’inoubliable Romy Schneider (1938-1982), alors à peine plus âgée que Sissi (17 ans), qui salua depuis le pont du « MS Hebe » de la prestigieuse D.D.S.G. la foule des riverains qui s’étaient réunis sur les bords du fleuve pour cette reconstitution historique du voyage de la duchesse Élisabeth vers son destin impérial autrichien.

Le film « Sissi » (1955) d’Ernst Marischka avec Romy Schneider ou le triomphe du mélo kitsch

   Ce fut une nouvelle fois l’occasion d’une fête extraordinaire à laquelle participèrent comme par le passé toutes les cités riveraines autrichiennes entre Linz et Vienne avec leurs habitants qui avaient pour l’occasion revêtu leurs plus beaux costumes traditionnels. Villes et village autrichiens des bords du fleuve étaient plus que jamais pavoisés. C’est l’acteur l’acteur autrichien Karl-Heinz Böhm (1928-2014), fils du chef d’orchestre Karl Böhm (1894-1981), qui joue le rôle de François-Joseph dans le film d’Ernst Marischka.        

Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, mis à jour août 2023

Le bac à fil (Rollfähre) Klosterneuburg-Korneuburg

    Ici, entre Klosterneuburg (rive droite) et Korneuburg (rive gauche) le «voyage» d’un bord à l’autre du beau Danube vert est bref : trois à cinq minutes selon le niveau d’eau qui détermine la vitesse du fleuve et par conséquence la durée de la traversée. Le capitaine peut rater de temps en temps par inadvertance ou parce qu’il dans un mauvais jour, sa manœuvre d’accostage à la surprise teintée d’une éphémère inquiétude de quelques passagers. Le bac revient alors en arrière, glisse dans le lit du fleuve puis se rapproche à nouveau lentement de la berge. Cette fois, l’amarrage est réussi. Piétons, cyclistes et automobilistes ont bénéficié de deux minutes de répit ou de grâce supplémentaires de traversée.

Inauguration du bac à fil Klosterneuburg-Korneuburg le 12 septembre 1935, photo d’archives

Il y a aussi des riverains qui prennent goût à traverser le Danube avec le bac. C’est  presque comme une drogue. Ceux-là ont envie d’osciller quotidiennement d’une rive à l’autre depuis l’aube jusqu’au dernier passage en soirée. La pause de fin d’automne et d’hiver (le bac ne circule pas également pendant les périodes de hautes eaux et d’épais brouillard1) qui dure de début novembre jusqu’en mars leur semble une éternité insupportable. Pas d’autre choix que d’emprunter un pont puisqu’il n’existe plus d’autre bac à la hauteur de Vienne. Il faut même aller loin, très loin en aval jusqu’au canal de Gabčikovo pour retrouver un bac. Mais la traversée d’un canal n’a rien de commun avec celle d’un fleuve, surtout le Danube. Et en amont on doit remonter désormais jusqu’aux bacs à fil de Weissenkirchen en Wachau et de Spitz/Danube qui ont été sans doute préservés grâce en partie aux touristes et aux cyclistes qui l’empruntent tout au long de la saison. Construire un pont tout comme un barrage (programmé dans les années glorieuses) en Wachau eût été aussi un geste architectural absurde au sein ce paysage préservé. Certains doivent encore en rêver. La Wachau et Dürnstein ont évité le pire sauf à Melk. Et puis que dire des murs anti-inondations qui défigurent les rives aux alentours des villages !

Le bac sur la rive droite, photo © Danube-culture, droits réservés

Avec les travaux de régularisation du Danube à la fin du XIXe siècle, les gués qui permettaient aux périodes de basses-eaux de traverser le fleuve à pied disparaissent définitivement. La géographie du fleuve est bouleversée, redessinée par des mains humaines conquérantes. La merveilleuse abbaye de Klosterneuburg se voit privée de « son » Danube qui  doit reculer plus au nord. Le bras du fleuve principal sépare désormais les deux villes de Klosterneuburg et de Korneuburg. Une liaison fluviale est établie en 1884 d’abord sous la forme d’une embarcation branlante composée de deux coques de bateaux surmontés d’une plateforme sur laquelle se tiennent les passagers, les charriots et les charrettes. Le pont volant, ainsi dénommé, est attaché à la rive avec un câble qui se tend dangereusement sous l’eau en travers du fleuve. Un projet de tunnel sous le fleuve est envisagé dans les années 1899/1900.  L’embâcle du rigoureux hiver de 1928/1929 fige le Danube de la Hongrie jusqu’à la Wachau, détruisant le fragile pont volant. Ne voulant pas se priver d’un lien essentiel avec l’autre rive, les municipalités de Klosterneuburg et de Korneuburg sont à l’origine de la mise en service du nouveau bac à fil à cette hauteur. Son inauguration officielle a lieu le 12 septembre 1935. L’abbaye de Klosterneuburg participa au coût de construction à la hauteur d’un tiers des dépenses. Le câble en travers du fleuve mesure 380 m de long, pèse 6 500 kilos et son diamètre est de 47, 5 mm.

Le bac à l’occasion du jubilé de ses 85 ans d’existence en septembre 2020, photo droits réservés

Le bac de Klosterneuburg-Korneuburg (PK 1941, 7)
   Il s’agit d’un bac à câble n’utilisant que le courant du Danube pour se déplacer de la  manière la plus écologique possible. Les deux moteurs hors-bord sont là uniquement que pour des raisons de sécurité et afin de pouvoir manœuvrer indépendamment du courant en cas d’urgence.
Pour qu’un bac à câble soit propulsé à travers un fleuve ou une rivière, deux forces distinctes doivent être combinées :
-la première force est exercée par la tension du câble en acier auquel le bac est suspendu de manière mobile. Le câble empêche le bac d’être emporté par le courant.
-le courant du fleuve est l’autre force qui agit sur le déplacement du bac. Pour que les deux forces puissent mettre le en mouvement, celui -ci doit être incliné par rapport au courant à l’aide  d’un gouvernail. La pression du courant pousse alors le bac à travers le fleuve grâce à la force qui en résulte.
La vitesse du bac à fil dépend ainsi de la force du courant et peut être influencée par l’angle avec lequel le capitaine place son bac par rapport au courant. La vitesse du courant du fleuve ne doit pas être inférieure à une certaine vitesse minimale comme c’est le cas par exemple dans la zone des lacs de retenue en amont des centrales électriques et également sur le Bas-Danube où la vitesse du fleuve ne permet pas à un bac à fil de fonctionner. Il n’existe pas d’autre bac de ce type en aval de celui reliant Klosteneuburg à Korneuburg. Les bacs de Weissenkirchen et de Spitz/Danube en Wachau sont du même type.
Le bac qui a été privatisé en 1994, peut transporter outre piétons, cyclistes et motos 4 voitures et accepte les véhicules jusqu’à une longueur maximale de 10,50 m. Le poids total ne doit pas dépasser 25 tonnes et le nombre de passagers 40 personnes.

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, novembre 2022

Notes : 
1 Le brouillard qui parfois efface la réalité du fleuve a joué un mauvais tour au bac qui est entré en collision le matin du 17 octobre 2017 avec un convoi qui descendait le Danube. Les autorités compétentes ont attribué l’origine de l’accident à une erreur d’appréciation du capitaine du bac.

Photo Danube-culture © droits réservés

Le Regentag (Jour de pluie) : bateau-maison-atelier nomade du peintre Friedenreich Hundertwasser

   « Je voudrais peut-être qu’on me considère comme un mage de la végétation, ou quelque chose de semblable, disons magique, que je remplisse un tableau jusqu’à ce qu’il soit plein de magie, comme on remplit un verre avec de l’eau. »
Friedenreich Hundertwasser

Le navire, un vieux mais solide cotre méditerranéen en bois, à voile et à moteur porte le nom de San Giuseppe T et de petit « freighter » (cargo) pour le transport de marchandises quand le peintre l’achète en Sicile, à Palerme, en 1967. Il le rebaptise du nom Regentag (Rainy Day ou Jour de pluie).
Après l’avoir fait convoyer de Palerme à Venise par le capitaine Mimmo, Hundertwasser navigue en compagnie du capitaine Antonio pendant sept années consécutives (1968-1974), cabotant de ports en ports méditerranéens (Palerme, Pellestrina, Portegrandi, Malcontenta, Portoferraio, La Goulette, Malte…). Puis le peintre décide ensuite de l’agrandir, faisant passer sa longueur de douze à quinze mètres. Il fait avec celui-ci ses premiers expériences d’architecture, en redessine la proue, modifie la coque, installe un deuxième mat, donnant à son bateau une silhouette et une ligne originales et asymétriques. Pendant dix ans le Regentag servira de maison et d’atelier nomade au peintre.
La bonne adaptation du « nouveau » Regentag à la haute mer est d’abord éprouvée lors de croisières qui le mènent en Dalmatie, en Sicile, en Corse, à Malte, à Tunis, en Crète, à Rhodes, à Chypre et en Israël puis Hundertwasser et son capitaine Horst Wächter partent pour une grande traversée de 18 mois (1975/1976), de Venise jusqu’en Nouvelle-Zélande en passant par Malte, Gibraltar, les Antilles, Panama, l’archipel des Galapagos et Tahiti.

Regentag IV

Le Regentag immobile au port de plaisance de Tulln, photo Danube-culture © droits réservés

Hundertwasser fut souvent à la barre du Regentag en Méditerranée, dans la mer des Caraïbes, au large de Tahiti, de Rarotonga, des îles Kermadec, d’Auckland et de la Baie des îles (Nouvelle-Zélande).Le bateau fait naufrage en 1995. Aussi est-il ramené à Opua, dans la Baie des îles et y reste en 1999/2000. Le chantier naval Ashby’s Boat Yard installe, à la demande du peintre, un nouveau poste de pilotage, pose un revêtement en béton armé et réalise une fresque en céramique dessinée par Hundertwasser au dessus de la la ligne de flottaison. Ces réaménagements, nécessaires à la suite du naufrage, répondaient également à un souhait de longue date de l’artiste.
Le Regentag continuera à naviguer sur l’Atlantique. Après la mort subite du peintre sur le Queen Elisabeth II, le 19 février 2000, il sera rapatrié en 2004 vers l’Europe par cargo et convoyé en Autriche par le Danube jusqu’au port de Tulln (Basse-Autriche), son port d’attache actuel. Ce bateau que le peintre a emmené au bout du du monde n’a navigué depuis sur le fleuve que pour de courtes escapades et son entretien semble avoir été négligé pendant plusieurs années ce qui est incompréhensible car il s’agit d’un patrimoine exceptionnel !

Le Regentag au printemps 2022, photo © Danube-culture, droits réservés

Le bateau, qui a été de plus endommagé par un autre navire dans le port de plaisance de Tulln en 2015, a été sorti de l’eau pour des travaux de réparation et de rénovation puis remis à flot. Fin des travaux de restauration au printemps 2023.

Le peintre au nom prédestiné qui entretint un rapport intime avec l’eau sous toutes ses formes et ses couleurs durant son existence, ne pouvait être que fasciné par les bateaux. Ses dessins d’enfant comme les Bateaux à vapeur chantant avec leurs cheminées, les Bateaux bouche en témoignent. Des proues de navires, des hublots ou autre allusion à l’univers maritime apparaissent également régulièrement dans ses autres oeuvres.

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Friedensreich Hundertwasser en 1998, photo source Wikipedia

Le peintre qui s’appelait à l’origine Friedrich Stowasser a pris comme troisième prénom Regentag, celui-ci venant s’ajouter à Friedensreich et Dunkelbunt soit un nom complet d’artiste de Friedensreich Dunkelbunt Regentag LiebeFrau Hundertwasser.
Rappelons encore que l’artiste, aux très fortes convictions écologistes, a également participé activement, aux côtés d’autres artistes et scientifiques renommés comme Konrad Lorenz, à la préservation des prairies alluviales danubiennes menacées de destruction par la construction du barrage de Hainburg (1984), projet heureusement abandonné par la suite.

Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, mis à jour novembre 2022

www.hundertwasser.at
https://www.kunsthauswien.com/en/museum

 Photo © Danube-culture, droits réservés

La forteresse millénaire de Greifenstein, entre Danube et Forêt-Viennoise

   « Des croisées du château, on a une des plus belles vues d’Allemagne. Elle attire en été, une foule d’étrangers et d’oisifs citadins de Vienne. Les soins du prince de Liechtenstein ont arraché cet antique édifice à la main dévastatrice du temps. Propriétaire éclairé, archéologue instruit, homme de goût, seigneur magnifique, il n’a rien épargné pour garder à Griffenstein [sic], dont la position est d’ailleurs tout à fait romantique, son caractère original. La chronique veut qu’un griffon ait jadis établi son séjour en ce lieu, et de là le nom de Griffenstein qu’il porte aujourd’hui.1 Nous aimons trop les vieilles traditions populaires pour essayer de contester celle-ci. Nous sommes d’autant plus disposés à l’accueillir avec confiance, qu’on montre à ceux qui, comme nous, ont une foi peu ferme, les empreintes des serres du dragon formidable sur le rocher granitique dont il avait fait son trône. La discussion est impossible devant de si éloquents témoignages. »
William Beattie, Le Danube illustré, édition française revue (et traduite ?) par H-L Sazerac, H. Mandeville Libraire-Éditeur, Paris, 1849

Notes :
1Créature légendaire à tête de faucon et munie de griffes et présente dans plusieurs cultures de l’Antiquité et qui se rencontre encore au Moyen-âge et à la Renaissance. Le nom de Greifenstein viendrait non pas de la présence d’un griffon dans ces lieux mais d’un certain M. Griffo ou Greif qui pourrait avoir été à l’origine ou avoir surveillé la construction de la forteresse initiée probablement à la demande des puissants évêques de Passau qui était alors en possession de nombreux territoires dans les parties allemandes et autrichiennes du Saint Empire Romain Germanique. Une autre version de cette même légende populaire donne pour origine du nom de Greifenstein le verbe « greifen », saisir, en lien avec le dernier geste de Reinhard sire de Greifenstein qui fut précisément de saisir l’énorme pierre qui bloquait l’entrée du cachot où il avait enfermé son chapelain. Voir légende ci-dessous.    

La forteresse de Greifenstein se trouve au point le plus septentrional des Alpes. Il n’est pas impossible que les Romains aient déjà édifié une tour de guet sur ce promontoire idéalement placé au-dessus du Danube qui faisait alors office de frontière (Limes) de l’Empire.
Greifenstein a vraisemblablement été construit soit à la fin du Xe (985/991) ou au début du XIe siècle à la demande des évêques de Passau qui avaient reçu ce domaine du duc de Bavière en 955 et étaient en possession d’autres domaines sur le territoire autrichien. Cette construction initiale marquait sans doute également la frontière orientale du domaine auquel appartenait également le village de Greifenstein. Elle s’inscrivait aussi, avec la forteresse de Kreuzenstein (rive gauche), les postes de garde des collines du Leopoldsberg, du Bisamberg et du Kahlenberg avec lesquels elle pouvait communiquer en cas de nécessité par l’intermédiaire de feux, dans l’important réseau de surveillance et de défense de la « Porte de Vienne »(« Wiener Pforte »).

La « Porte de Vienne » (« Wiener Pforte ») avec les collines du Leopoldsberg, du Kalenberg (rive droite) et du Bisemberg (rive gauche) que le fleuve franchit avant de rejoindre la capitale autrichienne, gravure de 1679, auteur ?

La présence de la forteresse est mentionnée pour la première fois dans un document officiel en 1135. Dietrich von Greifenstein était probablement un noble au service des évêques de Passau. Rüdiger von Bergheim (vers 1175-1258), évêque de Passau (1233 à 1250), la fait agrandir en 1247. Une chapelle est construite au XIVe siècle. Une troupe de citoyens de Klosterneuburg assiègent Greifenstein en 1365 pour des raisons inconnues. Le burgrave doit remettre les clefs de la place-forte au chef des assaillants, un certain Herr von Wehingen. Konrad Vetterl, vicaire de l’église paroissiale de Passau y est emprisonné en 1388 et torturé jusqu’à sa mort. Conquise en 1477 par les armées de Matthias Corvin (1443-1490) Greifenstein tombe brièvement dans la sphère d’influence hongroise. Les armées ottomanes de Soliman le Magnifique (1494-1566) venus assiéger Vienne s’en emparent en 1529 sans rencontrer de véritable résistance et la détruise partiellement. La forteresse est reconstruite à la suite de leur repli mais elle ne jouera désormais plus aucun rôle militaire ou stratégique. Elle fait à nouveau office de prison de la cour ecclésiastique à partir du XVIIe siècle. Le clergé et les laïcs devant purger des peines de prison sont enfermés dans le donjon de la tour. Encore habitée dans les années 1770, Greifenstein est ensuite, du fait des réformes fiscales mises en place sous l’impulsion de l’empereur Joseph II de Habsbourg (1741-1790), délaissée et n’est plus entretenue. Elle reste toutefois encore en possession des évêques de Passau jusqu’en 1803 où elle est mise aux enchères publiques.

La forteresse et le village de Greifenstein, gravure de Johann Mansfeld, vers 1800, collection privée. Cette gravure du début du XIXe siècle montre le fleuve en amont de Vienne avant sa canalisation avec ses îles inondables et ses berges non aménagées.

Le Prince Johann Ier Joseph von Liechtenstein (1760-1836) l’acquiert en 1807 et la fera restaurer et agrandir en 1818, améliorant son confort et y rajoutant éléments architecturaux de style romantique tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des bâtiments. Son fils, le prince Alois II Joseph von Lichtenstein (1796-1858) en hérite en 1829 et y transfère des œuvres d’art et des armes des collections familiales.

Greifenstein à l’époque Biedermeier, gravure colorée de Johann Adam Klein (1792-1875), vers 1812, extraite du cycle « Merkwündige Ansichten der verschiedenen Provinzen der Österreich. Monarchie und der benachbaren Länder », Artaria, Wien, 1812

La forteresse est laissée à l’abandon à la fin du XIXe siècle. Vendue en 1918 à l’industriel Hugo Kostenitz, Greifenstein change à nouveau de propriétaire en 1931 devenant la possession du banquier Maximilian Mautner qui la rénove. Réquisitionnée quelques temps par l’armée russe à la fin de la deuxième guerre mondiale elle revendue par les descendants de M. Mautner en 1960 à une société hôtelière, propriété du Dr. Johannes Hübner. Celui-ci la lègue à sa fille Ingeborg en 2003 non sans l’avoir restauré dans son caractère romantique historique. Greifenstein et sa forêt environnantes de 16 hectares sont acquises en 2017 par un homme d’affaires viennois, Ernst C. Strobl qui poursuit les travaux de rénovation et souhaite ouvrir les lieux pour un public restreint à l’occasion d’activités culturelles et autres manifestations.

Salle des chevaliers, photo droits réservés

   La pierre mystérieuse qui se trouve au milieu de la cour intérieure s’appelle « La pierre du serment » (« Schwurstein« ). Une des nombreuses légendes touchant à sa présence à cet endroit raconte que chaque visiteur devait (et doit encore de nos jours…) la toucher. C’est de là vient son nom de « pierre de préhension ». Dans les temps sombres du XVe siècle, quand de nombreux voleurs et brigands semaient la terreur sur la région, tous ceux qui pénétraient dans la forteresse devaient poser la main droite dans le creux de la pierre et prononcer le serment suivant : « Autant je saisis la pierre, autant j’honorerai l’hospitalité de ces lieux. » Celui qui l’ignorait était considéré comme un ennemi et immédiatement enfermé dans le donjon.

La « pierre du serment » de Greifenstein, photo droits réservés

Voici une autre légende parmi les plus populaires au sujet de la forteresse de Greifenstein :
Rheinhard, sire de Greifenstein, était au XIe siècle le propriétaire de la forteresse. C’était un seigneur au caractère ombrageux, dur pour ses proches, les paysans des environs et cruel envers les étrangers qu’ils détestaient. Sa jeune épouse, comme il arrivait si souvent à cette époque, mourut en accouchant d’une petite fille qui fut prénommée Ételina (Eveline). La petite fille grandit en passant ses jours entre une vieille nourrisse et le chapelain de Greifenstein. Elle ne voyait guère son père, tout occupé par la chasse et les guerres ce qui l’amenait à s’absenter souvent du château. Ételina était d’une grande beauté et dès son adolescence de nombreux prétendants se manifestèrent pour l’épouser. Elle tomba amoureuse du plus pauvre d’entre eux, un chevalier du nom de Rodolphe. Mais son père, contrarié par son choix, refusa de la laisser se marier avec ce chevalier. Au même moment le sire de Greifenstein dut se rendre auprès de l’empereur qui le réclamait. Il confia Ételina au chapelain et partit. Peu de temps après, le bruit de sa mort parvint jusqu’à la forteresse. Aussi la jeune fille décida de se marier avec Rodolphe avec le consentement du chapelain. Mais la nouvelle de la mort de son père était fausse. Rheinhart n’avait été que blessé. Il annonça au bout de huit mois son retour et prévint sa fille qu’un époux digne d’elle et de lui l’accompagnait. Sa fille, prise d’une grande angoisse, alla se jeter dans les bras du chapelain car elle redoutait comme la mort le retour et la colère de son père à l’annonce de son mariage. Le prêtre décida de la cacher et la fit descendre ainsi que Rodolphe dans un des souterrains du château-fort. Les jeunes époux devaient y attendre que la colère de Rheinhart s’apaise. On déposa près d’eux des provisions, un panier rempli de pain, du vin et une cruche d’huile pour entretenir une lampe. Leurs provisions devaient être renouvelées tous les trois jours.Le sire de Greifenstein arriva avec le prétendant qu’il destinait à sa fille et demanda à la voir. On lui répondit qu’elle était souffrante et si faible qu’il fallait la laisser se reposer. Le lendemain, il courut jusqu’à sa chambre et, ne la trouvant, il entra dans une violente colère. Le chapelain lui raconta ce qui était arrivé et chercha vainement à l’adoucir. Rheinhart jura de tuer Rodolphe s’il le retrouvait et comme le chapelain refusait de lui dire où il s’était caché avec sa fille, il le fit descendre par une corde dans une prison souterraine de la forteresse et sceller une pierre sur sa tête. Le chapelain ne recevait de l’air et ne voyait la lumière que par une étroite ouverture qui permettait également de lui descendre régulièrement un peu de nourriture. Chaque jour Rheinhart venait lui renouveler sa demande avec d’horribles imprécations mais son prisonnier refusait de lui donner le lieu où Ételina et Rodolphe se cachaient.
Une année passa, la colère du sire de Greifenstein ne faiblissait pas tout comme la détermination du chapelain à se taire. La forteresse était devenue déserte. Rheinhart, quand il n’était pas à la chasse, errait dans les cours toujours en fureur. Un jour d’hiver, se trouvant dans une forêt au bord du Danube, une tempête de neige le surprit. les chemins recouverts étaient devenus méconnaissables. Croyant revenir vers le château, il s’égara au milieu du site le plus sauvage de la contrée. La nuit descendit. Il appela à l’aide à plusieurs reprises sans succès, recommença à marcher à tâtons et brusquement aperçut une petite lueur à travers les branches recouvertes. Guidé par elle, Rheinhart arriva près d’une caverne creusée dans le roc. Un grand feu y brûlait sur le seuil. L’éclat de la flamme lui permit d’apercevoir deux êtres humains endormis sur un épais tapis de feuilles sèches, couverts de peau de bêtes. Entre eux se tenait un petit enfant que sa mère pressait doucement contre son sein. Le sire de Greifenstein les réveilla et un grand cri s’échappa des lèvres de la jeune femme à la vue de son père. C’était Ételina. Elle était parvenue à s’échapper du souterrain avec Rodolphe et tous deux avaient survécu dans cette horrible solitude, se nourrissant de la chair d’animaux que Rodolphe attrapait et leurs peaux avaient remplacé leurs habits tombés peu à peu en lambeaux.
Rheinhart, ému aux larmes et pris de pitié, revint avec eux à la forteresse. Il courut aussitôt délivrer le chapelain dans sa prison souterraine. Mais au moment où il se saisit de la pierre qui recouvrait le cachot et se penchait, il glissa et tomba, se brisant le crâne contre un rocher. Ce caveau où il avait enfermé le chapelain, lui servit de sépulture. Son âme, dit la légende, y demeure toujours enfermée et sa captivité durera jusqu’à ce que la pierre qui le recouvre soit usée par le temps.

Anton Fikulka (1888-1957), Greifenstein et le Danube au printemps, huile sur canevas, 1942

Eric Baude, Danube-culture © droits réservés, mis à jour novembre 2022

Sources :
www.burggreifenstein.at
BEATTIE,William, Le Danube illustré, édition française revue (et traduite ?) par H-L Sazerac, H. Mandeville Libraire-Éditeur, Paris, 1849
BÜTTNER, Richard, Burgen und Schlösser zwischen Greifenstein und St. Pölten, 1969
BÜTTNER, Richard, Burgen und Schlösser an der Donau, 1964
CLAM MARTINIC, Georg, Österreichisches Burgenlexikon, 1992
DURAND, Hippolyte, Le Danube allemand, et l’Allemagne du sud, Voyage dans la Forêt-Noire, la Bavière, l’Autriche, la Bohême, La Hongrie, L’Istrie, La Vénétie et le Tyrol, Tours, Mame et Cie, Imprimeurs-Libraires, 1863
FEUCHTMÜLLER, Rupert, Dr, Greifenstein und seine Schausammlungen, ein Führer, Verlag Hubmann, Wien, ?
GERSTINGER, Heinz, Ausflugsziele Burgen, 1998
HALMER, Felix, Niederösterreichs Burgen, 1956
KRAHE, Friedrich Wilhelm, Burgen des deutschen Mittelalters – Grundrisslexikon, Frankfurt/Main 1994
KRATZER, Hertha, Donausagen, Vom Ursprung bis zur Mündung, Ueberrreuter, Wien, 2003

PERGER, Richard, « Beiträge zur Geschichte der Burg Greifenstein »,  in Jahrbuch für Landeskunde von NÖ, 1996/I
SCHICHT, Patrick, Buckelquader in Österreich – Mittelalterliches Mauerwerk als Bedeutungsträger,  Petersberg, 2011
STENZEL, Gerhard, Österreichs Burgen, 1989
STENZEL, Gerhard, Von Burg zu Burg in Österreich, 1973

La forteresse de Greifenstein depuis le Danube, photo © Danube-culture, droits réservés 

La basilique de Maria Taferl (Basse-Autriche)

Photo © Danube-culture, droits réservés

Un emplacement idéal !
Le sommet de la colline avait été déjà choisi, comme si souvent au long des rives danubiennes, par des tributs celtes pour en faire un lieu de culte. On trouve d’ailleurs encore devant la basilique une pierre posé sur un socle et entouré d’une rampe qui pourrait avoir vraisemblablement servi comme autel pour des sacrifices.

L’autel de sacrifice celte, photo Danube-culture © droits réservés

Le culte et les superstitions du paganisme celtique sur les hauteurs de Marbach ont perduré suffisamment longtemps pour que les populations aient considéré ces lieux comme inhospitaliers. Pour effacer ces souvenirs païens, on aurait par la suite suspendu une petite croix de bois dans le chêne situé devant le dolmen. Cette croix était fixée à un tableau protégé par un petit auvent sur les côtés duquel était accroché les images de la Vierge Marie et de Saint Jean. C’est depuis cette époque que cet endroit s’appelle « Beim Taferl », en français « Près du petit tableau » d’où provient le nom de Maria Taferl.

Maria Taferl, photo © Bwag/Commons

Les origines du pèlerinage de Maria Taferl remonte au XVIIe siècle. Une légende raconte que le 14 janvier 1633, un berger du nom de Thomas Pachmann, décida d’abattre le vieux chêne, presque déjà mort. Mais sa hache glissa et retomba sur ses deux jambes. C’est à ce moment là qu’il aperçut la croix sur l’arbre. Pensant avoir involontairement commis un sacrilège, il s’agenouilla et demanda pardon à Dieu. Selon le berger, le sang qui coulait de ses blessures aux jambes, s’arrêta aussitôt. Il pût retourner seul chez lui et guérir rapidement. En 1641 ou 1642, un juge du village de Kleinkrummnußbaum atteint d’une grave dépression, fit remplacer la petite croix en bois qui s’abimait par une statuette de la Vierge des Douleurs. Il en fût guéri. La première apparition miraculeuse d’une lumière à cet endroit eut lieu un peu plus tard, en 1658. Elle fut suivie de nombreuses autres apparitions, sur la terre ou dans le ciel, une trentaine en tout, entre 1659 et 1661. De mystérieux pèlerins vêtus de blanc, seuls en petit groupe ou au sein d’une procession surgissaient lors de ses miracles. Au même moment où se produisaient ces apparitions se réalisaient des guérisons et des épisodes miraculeux. Les évêques de Passau et de Ratisbonne menèrent à la fin de 1659 une enquête minutieuse qui confirma, après l’audition de nombreux témoignages, la véracité des faits. Il fut alors décidé, dès 1660, qu’une église serait bâtie à cet endroit.

Jacob Prandtauer (1660-1726), maître maçon et architecte tyrolien, collection de l’Abbaye bénédictine de Melk 

La première pierre de la basilique est solennellement posée par un représentant des autorités ecclésiastiques de Passau le 25 avril 1660. Le terrain en relief oblige toutefois à abandonner la direction habituelle est-ouest et à lui préférer une orientation nord-sud. Le maître-autel est de cette façon orienté au nord, le portail principal au sud et la façade avec ses deux tours fait face au Danube. Le vieux chêne et sa Vierge miraculeuse sont volontairement inclus dans l’édifice. La construction de la basilique dure plus de soixante ans. Trois architectes se succèdent ; le viennois Georg Gerstenbrand (1667 ou 1668), architecte de la cour impériale, le lombard Carlo Lurago (1615-1684) de 1671 à 1673 et enfin le plus connu d’entre eux, le tyrolien et maître maçon Jakob Prandtauer (1660-1726), à qui l’on doit également en grande partie les merveilleuses abbayes de Melk, Dürnstein et Saint-Florian et qui acheva l’impressionnante coupole de Maria Taferl.

Martin Johann Schmidt (1718-1801) dit « Le Schmidt de Krems », éminent représentant de l’École dite « du Danube »,  sources Rudolf Lehr , Landeschronik Oberösterreich, Verlag Christian Brandstätter, Wien

La construction de Maria Taferl mobilise de nombreux artistes parmi les plus réputés. Aux trois architectes se joignent les italiens Carlo Consellino (stucs de la sacristie), Antonio Beduzzi (1675-1735) pour les fresques, connu également comme l’auteur du magnifique maître-autel de l’abbaye de Melk, Joseph Matthias Götz (1696-1760) pour le maître-autel, achevé en 1738, Peter Widering (vers 1684-1760) pour les sculptures de la chaire, J. A. Amorth, la Sainte Trinité sur le pilier du transept, J. G. Dorfmeister (1736-1786), auteur des sculptures des grands autels latéraux, le peintre viennois Johann Georg Schmidt (1685-1748) pour les petits autels latéraux ou encore le peintre autrichien Martin Johann Schmidt dit « Kremser Schmidt » (« Le Schmidt de Krems ») (1718-1801) qui réalise les tableaux des grands autels latéraux et enfin l’ébéniste Mattäus Tempe de Sankt-Pölten.

La fresque de la coupole représentant la vie et l’ascension de la Vierge Marie peinte par Antonio Beduzzi, photo Abubiju

L’édifice, consacré comme basilique mineure en 1947, est en forme de croix et mesure, si l’on inclue la sacristie attenante, une longueur totale de 70 m. Ses dimensions intérieurs sont de 53 m de long. La nef centrale atteint 13 m de large et le transept 31, 30 m sur 13.

Le maître-autel (détail), réalisé par Joseph Matthias Götz, photo © Danube-culture, droits réservés

Maria Taferl fit l’objet de nombreuses restaurations. La place devant la basilique fut aménagée en 1960.
Les extraordinaires orgues de l’époque Rococo, réalisées par le facteur viennois Johann Hencke (1698-1766) n’ont malheureusement pas été conservées à l’exception du buffet. Elles ont été transformées en 1910 par Franz Capek, facteur d’orgues de Krems, en un orgue romantique tardif avec 40 registres et 3 manuels. Aujourd’hui les orgues sont équipées de 47 registres, 4 manuels et comptent en tout 2915 tuyaux.

Les orgues de Maria Taferl, photo © Danube-culture, droits réservés

Les nouvelles cloches, d’un poids total de 7 200 kilos qui sonnent le Te Deum (si, ré, mi, sol, la) contribuent également à la grande réputation du lieu de pèlerinage.
On ne manquera pas de visiter l’extraordinaire chambre du trésor et si l’on visite les lieux par temps clair de jouir de la splendide vue sur le Danube et les massifs alpins autrichiens.
Une légende populaire raconte que l’eau de la source de Maria Taferl guérit miraculeusement les maladies des yeux.

Photo © Danube-culture, droits réservés

Eric Baude, révision juillet 2022, droits réservés

Sources :
WEICHSELBAUM, Josef, Maria Taferl, Verlag Schnell und Steiner GMBH CO., 3ème édition française, Munich et Zurich, 1987
www.basilika.at
www.nibelungengau.at

Dans les environs de Maria Taferl se trouve le château d’Artstetten. Une exposition permanente est consacrée à la vie et au destin tragique de l’archiduc François-Ferdinand de Habsbourg (1863-1914), assassiné à Sarajevo, la capitale de la Bosnie-Herzégovine le 28 juin 1914.
www.schloss-artstetten.at 

T. W. Adorno : « Au Danube-Auen », un jour de semaine…

Dans un texte  court tiré d’Amorbach, le philosophe évoque l’atmosphère du fleuve, de ses rives et de la plaine du Marchfeld sur la rive gauche en aval de Vienne. 

« Au Danube-Auen1, un jour de semaine. Curieuse, cette profonde solitude au bord du fleuve, à quelques kilomètres seulement de Vienne. Un sortilège puztalien2 tient les hommes éloignés du paysage et de la flore déjà orientalisants, comme si cet espace ouvert sur l’infini souhaitait n’être pas dérangé. Un homme d’État autrichien du XIXe s’exprimait en ces termes : l’Asie commence à l’Est du Rennweg3. Ici, même l’industrie paraît hésitante. La sauvagerie du paysage serait restée archaïque si les Romains n’y avaient laissé des traces et si les derniers villages allemands ne s’étaient aventurés jusqu’aux frontières slovaque ou hongroise.

Bernardo Belloto (1721 ?-1780), vue du château de Hof ( vers 1758-1761)

De beaux châteaux comme ceux de Niederweiden et de Hof, tous deux en rénovation, bravent l’abandon des lieux par l’Histoire. Le jardin de l’un deux est séparé de la rue, des morceaux de statues et de décorations en pierre gisent épars : le XVIIIe se fait Antiquité. On aperçoit depuis de nombreux endroits la forteresse de Pressburg4 que la grande route esquive en un virage serré, comme dans Le château de Kafka. Aspern5 est l’un de ces lieux.

Vue sur le Danube et les Donau Auen depuis le Brausnberg (rive droite) sur le sommet duquel se tient un oppidum celte, photo © Danube-culture, droits réservés

Un regard depuis le sommet du Braunsberg6 au-delà du fleuve suffit pour qu’on ait, même entièrement dépouvu d’aptitude militaire, l’impression d’être un général , tant le terrain qui s’étend à perte de vue semble inévitablement destiné à toutes les batailles qui y furent livrées. On associe au nom du village Petronell celui de Pétrone7, mais aussi un aromate qui n’existe pas. Là où la Fischa8 se jette dans leDanube se trouve Fischamend9, avec son célèbre restaurant de poisson, où l’on se sent à la maison comme nulle part ailleurs qu’au bout du monde. »

Theodor W. Adorno, Amorbach et autres fragments biographiques, traduit de l’allemand par Marion Maurin et Antonin Wiser, Éditions Allia, Paris, 2016 

Le confluent de la Fischa avec le Danube, photo © Danube-culture, droits réservés

Notes :
1
Prairies alluviales danubiennes, en Basse-Autriche, sur la rive gauche, à l’Est de Vienne jusqu’à la frontière slovaque, aujourd’hui territoire du Parc National des Prairies Alluviales Danubiennes, seul parcours du fleuve, avec la Wachau, à avoir été préservé en Autriche.
2 Le Marchfeld, plaine fertile orientale autrichienne de la rive gauche du Danube ressemble à la vaste puzta hongroise.
3 Klemens Wenzel Nepomuk Lothar, comte, puis prince de Metternich (1773-1859)
4 Ancien nom allemand pour Bratislava dans l’Empire Autrichien et Austro-hongrois. La ville portait aussi le nom de Pozsony en hongrois.
5 Également sur la rive gauche, lieu d’une défaite napoléonienne au printemps 1809, aujourd’hui quartier périphérique de Vienne.
6 Le Braunsberg domine le Danube et la jolie petite ville moyenâgeuse de Hainburg, sur la rive droite autrichienne, à la frontière slovaque. Hainburg fut prise, détruite et sa population massacrée par les Ottomans à plusieurs reprises. J. Haydn est né dans le village de Rohrau, tout proche.
7 Petrone (Caius Petronius Arbiter, 27- 66 après J.-C.), écrivain romain est célèbre pour son Satyricon, considéré comme le premier roman de l’histoire de la littérature. Les Romains avaient établi tout d’abord à cette hauteur de la rive droite un camp militaire important pour protéger la frontière de l’Empire (Limes) et s’assurer la navigation sur le Danube puis une ville à la hauteur de Petronell-Carnuntum (rive droite).
8 Petit affluent de la rive droite du Danube dont le nom évoque un cours d’eau poissonneux.
9
Village de la rive droite, en aval de Vienne.

« La barbarie perdure aussi longtemps que les conditions qui ont permis cette régression persistent. C’est cela l’horreur totale. »
T.W. Adorno

L’église Saint-Jean-Baptiste im Mauerthale (Wachau, Basse-Autriche)

   L’église est mentionnée pour la première fois en 1240 en relation avec un don de l’archevêque Eberhard von Salzbourg (1200-1246) au monastère Saint-Pierre de cette même ville. Avec les villages d’Hofarnsdorf, de Bacharnsdorf et de Mitterarnsdorf, la paroisse de Saint-Jean-Baptiste im Mauerthale forma le domaine d’Arnsdorf propriété de l’archidiocèse de Salzbourg de 860 à 1806. 

Sankt Johann im Mauerthale, pointe sèche coloriée de W. Mossman d’après William Henry Bartlett (1809-1854), en face le village de Schwallenbach

   Si un tout premier édifice religieux a été bâti dès le IXe siècle en partie sur les ruines d’une tour de guet romaine, l’église actuelle date en grande partie de la première moitié du XVe siècle.

Reste d’un mur d’une tour de guet romaine sur laquelle a été bâtie l’église saint-Jean-Baptiste, photo © Danube-culture, droits réservés

   La tour de l’église est à la base quadrangulaire avec un clocher octogonal  surmonté à son sommet d’un coq transpercé d’une flèche qui évoque une des légendes populaires du Mur du diable (Teufelsmauer) situé sur l’autre rive du Danube.

Le coq transpercé d’une flèche veille toujours sur l’église saint Jean-Baptiste im Mauerthale, photo © Danube-culture, droits réservés

   L’intérieur se compose d’une nef avec un toit plat avec sur les côtés de belles fresques murales du début du Gothique, datées d’entre le deuxième quart du XIIIe et le XVe siècle.

photo © Danube-culture, droits réservés

   La chaire en style baroque tardif est accessible de l’extérieur. Le maître-autel également baroque dans un  chœur de style gothique est d’une excellente facture.

Le maître-autel baroque et le choeur gothique, photo © Danube-culture, droits réservés

   Le tombeau présumé de Saint-Aubin (Sankt Albinus) se trouvait jusqu’en 1862 dans une niche murale dans le fonds gauche de l’église. Une statue le représente en pèlerin du début du XVIe siècle.

Saint Albin dans sa niche au fonds de l’église, photo © Danube-culture

   La fresque sur le mur extérieur du côté du Danube montrant Saint-Christophe, protecteur des voyageurs a pu être en partie conservée.

Saint-Christophe, photo © Danube-culture, droits réservés

   Juste derrière l’église se trouve un puits couvert de l’époque Baroque. Les lieux ont été, en particulier pour cette  raison et pour le culte de Saint-Albin dont l’église abritait autrefois la tombe présumée, une importante destination de pèlerinage de la fin du Moyen-Âge jusqu’au Baroque. Les innombrables et souvent superstitieux pèlerins venaient y boire l’eau bénite et prometteuse de guérison miraculeuse et les bateliers y pratiquaient aussi différentes offrandes avec des fers-à-cheval. Un autre lieu de pèlerinage, Maria Langegg, situé sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle, entre l’abbaye de Göttweig et l’abbaye de Melk, voisine avec la modeste église de Saint-Jean-Baptiste im Mauerthale.  

Le puit couvert à l’arrière de l’église, photo © Danube-culture, droits réservés

L’église de Saint-Jean-Baptiste im Mauerthale se trouve désormais sur la commune de Rossatz-Arndorf.

Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, mis à jour avril 2022

Sources :
Die Wachau, Niederösterreichische Kulturwege, NÖ Landesarchiv und NÖ Institut für Landeskunde, St. Pölten
Von Aggstein bis Göttweig, Dunkelsteinerwald, Niederösterreichische Kulturwege, NÖ Landesarchiv und NÖ Institut für Landeskunde, St. Pölten
www.kirchen-am-fluss.at

Austria-forum.at
www.gedaechtnisdeslandes.at

Le clocher octogonal de style gothique tardif, photo © Danube-culture, droits réservés

Le château de Schönbühel (Wachau)

Le château avec sa tour caractéristique tels qu’on les aperçoit aujourd’hui à la sortie de Melk, date du début du XIXe siècle. Au sommet de deux rochers d’une quarantaine de mètres de haut qui plongent directement dans le lit du Danube et qui sont appelés familièrement la vache et le veau, ce monument historique a été remanié à plusieurs reprises.
Comme dans de nombreux endroits stratégiques de la vallée du Danube, il est vraisemblable que les Romains avaient déjà bâti à cet endroit une forteresse ou du moins une tour de guet afin de surveiller le fleuve, le Danube faisant alors à la fois office de frontière et d’artère commerciale. Un premier château-fort médiéval est construit à la fin du XIe-début du XIIe siècle par deux frères, Marchwardus et Friedrich von Schoenbuchele, vassaux de l’évêché de Passau, sur l’emplacement de la tour de guet
. Dans l’enceinte même de ce château-fort se trouve une école et une église dans laquelle les messes et les cérémonies auront lieu jusqu’en 1667.

Le château de Schönbühel, gravure de Georg Matthäus Vischer (1628-1696) extraite de son recueil « Topographia Archiducatus Austriae Inferioris Modernae », 1672

Lorsque leur descendant, Ulrich von Schoenbuchele, meurt au début du XIVe siècle, la dynastie des Schoenbuchele s’éteint. Le château devient alors la propriété de Konrad (IV) von Eisenbeutel dit l’ancien puis en 1323 de l’évêché de Passau1 qui l’administre mais est contraint de le vendre en 1396 à Gundakar von Starhemberg, dernier seigneur féodal de Gallneukirchen vraisemblablement pour des raisons financières. Gundakar von Starhemberg et son frère Kaspar vont soutenir le mouvement de la Réforme au XVIe et feront de Schönbühel un centre du protestantisme. Après s’être converti au catholicisme en 1639, Konrad Balthasar von Starhemberg (1612 -1687) fait édifier à proximitié du château, entre 1666 et 1674, le monastère de l’ordre des Servites sur des ruines surnommées par les habitants du voisinage « le château du diable ». Son fils, le comte Ernst Rüdiger von Starhemberg (1638-1701), gouverneur militaire de Vienne, a marqué l’histoire de l’Autriche par son courage exceptionnel et sa défense héroïque de la capitale autrichienne assiégée pour la deuxième fois de son histoire par les armées ottomanes de Kara Mustafa (1683).

Le comte Ernst Rüdiger von Starhemberg (1638-1701)

Pendant plus de quatre siècles, la seigneurie de Schönbühel demeure la propriété de la famille Starhemberg. Cette famille possédait également dans la Wachau la forteresse d’Aggstein ainsi que les droits de péage pour la navigation sur le fleuve y dont abusèrent sans scrupule certains occupants précédents des lieux comme Hadmar III von Kuenring ou encore Jörg Scheck vom Wald.

Le château de  Schönbühel, peinture de Jakob-Placidus Altmutter (1680-1820), vers 1817

Franz Graf von Beroldingen (1791-1864), membre d’une vieille famille de la noblesse d’origine suisse, acquiert le château de Schönbühel en 1819 et le fait reconstruire sur les anciennes fondations de la forteresse initiale (1819/1821) dont quelques vestiges sont encore visibles dans le clocher de la chapelle du château. Schönbühel est ensuite revendu en 1929 au comte Oswald Seilern und Aspang (1900–1967) dont la famille est expulsée par les armées soviétiques lors de l’occupation de l’Autriche  à la fin de la deuxième guerre mondiale. Le château est ensuite restitué aux Seilern-Aspang qui en sont toujours propriétaires.

Photo © Danube-culture, droits réservés

Une communauté juive vécut du Moyen-Âge jusqu’en 1671 dans le petit village au pied du château et dont le nom est mentionné dans un document officiel de l’année 1538. La synagogue se trouvait sur le site de la maison actuellement n° 147. Le cimetière juif du Kettental, au nord-est du village, n’a pu être localisé avec précision. Entre juin 1944 et avril 1945, des membres de la communauté juive hongrois ont été réquisitionnés par l’administration du domaine de Schönbühel et travaillaient à diverses taches (gestion et forêts).

Notes :
1Selon certaines sources la seigneurie et son château deviennent la possession de l’abbaye voisine de Melk.

Danube-culture, © droits réservés mars 2022

Sources : 
www.schoenbuehel.at
www.gedaechtnisdeslandes.at
www.museumnoe.at
Barbara Staudinger, « Gantze Dörffer voll Juden », Juden in Niederösterreich 1496-1670, Mandelbaum Verlag, Wien 2005

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