Budapest juive et martyre

Le mémorial  « Les chaussures au bord du Danube » sur la rive gauche du Danube budapestois 

Jours sombres sur le Danube hongrois
    En mars 1944, l’armée allemande envahit la Hongrie sur l’ordre de Hitler et prend en otage l’amiral Miklós Horthy (1868-1957), régent du royaume. Un premier gouvernement fantoche aux ordres de l’Allemagne nazie est installé à la tête du pays. Budapest est occupée. La Gestapo avec des hommes des services de sécurité et des commandos spéciaux dont ceux du sinistre Adolph Eichmann s’installent et commencent leur sombre besogne. Ils ont pour mission de s’occuper des populations juives et de leur déportation. L’amiral Horthy tente de s’y opposer. On l’entend une dernière fois à la radio hongroise le 15 octobre 1944 puis il est arrêté. Les occupants nazis le contraignent à nommer Ferenc Szálasi (1897-1946), le chefdu parti fasciste et antisémite des Croix-fléchées fondé par celui-ci en 1935, comme chef du gouvernement. Horthy est conduit en Allemagne avec sa famille pour y être emprisonné.

Arrestation dans la population juive de Budapest en 1944, sources Archives fédérales allemandes

La communauté juive restée à Budapest est en grand danger. Le parti des Croix fléchées instituant un régime de terreur, regroupe avec l’aide des nazis une partie de la communauté dans un ghetto et se livre aux pires exactions. Des Juifs sont pourchassés, trainés au bord du Danube pour y être abattus puis jetés dans le fleuve. Entre décembre 1944 et fin janvier 1945, 20 000 hommes et femmes de la communauté juive subiront le même sort. Les derniers trains à destination des camps de l’horreur partiront de Budapest. D’autres, plus « chanceux », sont enrôlés pour le travail forcé. Quelques organisations internationales, des diplomates courageux dont le Consul de Suède Raoul Wallenberg (1912-1947 ?) et le Consul de Suisse, Karl Lutz (1895-1975), des représentants d’États neutres, se mobilisent en leur faveur et arrivent à en sauver un grand nombre.

Une marche de la mort ou l’horreur jusqu’au bout
Le 8 novembre 1944, les milices des Croix-fléchées raflent avec l’aide des nazis plus de 70 000 Juifs de tous âges, hommes et femmes, et les enferment d’abord dans la briqueterie d’Ujlaki à Obuda. 20 000 d’entre eux sont contraints de partir à pied pour une très longue marche forcée vers l’Autriche et les camps d’extermination. Des milliers d’entre eux ne pouvant suivre le rythme sont sauvagement abattus tout au long du « voyage » par les nazis qui se replient. D’autres meurent de faim ou de froid. Les survivants arrivent en Autriche à la fin du mois de décembre. Ils sont transférés dans divers camps de la mort comme celui de Mauthausen sur la rive gauche du Danube, en aval de Linz, à Dachau en Allemagne méridionale. Les plus valides échappent provisoirement à la mort en étant affecté à la construction de défenses proches de la frontière austro-hongroise et autour de la ville de Vienne.

Le mémorial  « Les chaussures au bord du Danube »
« Les chaussures au bord du Danube » (« Cipők a Duna-parton »), Budapest, Szechenyi Rakpart
Le mémorial se situe sur la rive gauche du Danube, entre le Pont aux chaines et le Pont Marguerite, à proximité du Parlement.
Conçu et réalisé en 2005 par les artistes Can Togay (1955) et Gyula Pauer, (1941-2012) ce monument est dédié aux victimes de la Shoah de Budapest, aux membres de la communauté juive de la capitale hongroise qui ont été amenés puis assassinés par les miliciens des Croix-fléchées au bord du fleuve pendant cette sombre période de l’histoire de la ville. Les miliciens obligeaient comme ultime humiliation leurs victimes à se déchausser avant d’être fusillés et jetés dans le Danube.

Eric Baude, © Danube-culture, mise à jour août 2024

De Komárom à Esztergom sur la rive droite du Danube (Hongrie)

 « Ce paysage magyar, plein de force mais aussi d’indolence, ce serait donc là déjà l’Orient, souvenir encore frais des steppes de l’Asie, des Huns, des Petchénègues, ou du Croissant ; Cioran célèbre le bassin du Danube en ce qu’il amalgame des peuples bien vivants mais obscurs, ignorant de l’Histoire, c’est-à-dire de cette division en périodes définies en fonction d’une idéologie qui est une invention de l’historiographie occidentale, giron et sève de civilisation non encore dévitalisée, à ses yeux par le rationalisme ou le progrès.
Ce pathos viscéral, qui se proclame à l’abri de toute idéologie, n’est qu’un artifice idéologique. Un arrêt dans une pâtisserie ou une librairie à Budapest apporte un démenti à celui qui pense que, à l’est de l’Autriche, on pénètre déjà confusément dans le sein de l’Asie. Dès l’entrée dans la grande plaine de Hongrie, on pénètre, certes dans une Europe en partie différente, dans un creuset où se mêlent des éléments autres que ceux qui constituent la pâte de l’Occident. La poésie d’Endre Ady (1877-1919), le grand poète hongrois du XXe siècle, est marquée par la sombre angoisse de cette charge séculaire qui, comme on l’a dit, pèse sur les Magyars : celle du choix nécessaire et parfois impossible entre orient et occident… »

Claudio Magris, « Aux portes de l’Asie ? », Danube, L’Arpenteur, Éditions Gallimard, Paris, 1988

Komorn (Komárno, rive gauche) et  Komárom (Uj-Szöny, rive droite) et le confluent du Vah avec le Danube. Les deux villes d’aujourd’hui, Komárom (Hongrie) et Komárno (Slovaquie) ne faisaient qu’une seule ville hongroise jusqu’en 1920. La forteresse et son impressionnant réseaux de fortifications, édifiées par les armées impériales autrichiennes contre les envahisseurs ottomans était surnommée « La Gibraltar du Danube ». Sur ce plan de la fin du XIXe-début du XXe siècles.  un pont de bateaux traverse le fleuve. On voit aussi 9 bateaux-moulins à proximité de l’île sur le bras gauche ainsi qu’un autre pont de bateaux au-dessus de île sur le Vah en amont de sa confluence avec le Danube.  

Sur la rive droite, de la frontière hongroise à Esztergom 
À l’exception de Komárom (PK  1770), cité portuaire, industrielle et thermale hongroise que le Danube partageait déjà mais qui fut coupée en deux après la première guerre mondiale par le contreversé Traité de Trianon (1920), la partie située sur la rive gauche, bien que majoritairement peuplée d’habitants hongrois devenant tchécoslovaque sous le nom de Komárno puis slovaque lors de la partition récente de la Tchécoslovaquie en 1993, la rive droite demeurant en Hongrie, aucune ville ne se tient directement sur les bords du Danube jusqu’à Esztergom et ce, depuis le début de son parcours slovaco-hongrois, en aval de Bratislava.

La forteresse de Komorn au confluent du Vah avec le Danube dans l’ouvrage « Danubius Pannonico-Mysicus » de Ferdinando Luigi Marsigli, 1726

Les cités hongroises de Moson-Magyaróvár et de Győr se tiennent prudemment éloignées du bras principal du fleuve. La première est traversée par la Lajta (Leitha, 180 km), affluent du Danube qui se jette dans le Mosoni-Duna (Danube-Mosoni), un bras secondaire serpentant à travers la campagne depuis le petit village frontière et base sportive slovaque de Čunovo, porte du canal du même nom. Győr a été édifiée au confluent des rivières Rába et Rábca  avec le Mosoni-Duna. Moins connue que Passau ou Ratisbonne (Regensburg), toutes deux en Bavière, Győr est une ville pleine de charme et d’agrément. Le Mosoni-Duna rejoint, quant à lui, le bras principal du Danube au PK 1793, 90.

Le confluent de la Rábca (à gauche) avec le Danube Mosoni à Győr, photo Danube-culture © droits réservés, 2023

   « Le Danube enfile les villes comme des perles. Győr, qui était en 1956 le centre des revendications les plus dures et imposait des ultimatums à Budapest, plus modérée, et même au gouvernement d’Imre Nagy, considéré comme trop favorable aux communistes, est belle et tranquille, avec ses vieilles rues qui mènent comme une promenade dominicale sur les rives du Danube, avec ses quais et l’eau verte de la Raba qui se jette dans un bras du Danube. Au n° 5 de la Dr Kovacs Utca, de nobles et fières moustaches magyares ornent sur un médaillon le visage de Petöfi1 ; dans l’église des Jésuites les feuillages verts, dorés par le soleil, encadrent les fenêtres et les visages qui un instant se dessinent contre la lumière, avec une beauté plus émouvante que celle des vitraux gothiques. Dans l’Alkotmany Utca, où a séjourné Napoléon, les balconnets ont une allure aristocratique empreinte de calme et de mesure, avec des cariatides et des lions brandissant des sabres…. »
Claudio Magris,  « Tristement Magyar », in Danube, L’Arpenteur, Éditions Gallimard, Paris, 1988

Notes :
1 Sándor Petőfi, né Sándor Petrovics le 1ᵉʳ janvier 1823 à Kiskőrös et mort le 31 juillet 1849 à Segesvár, est considéré comme le poète inspirateur du nationalisme hongrois.

Le Danube s’enrichit à hauteur de Komárno/Komárom d’un affluent conséquent sur sa rive gauche slovaque, le Váh ou Vág en hongrois (403 km), poursuit ensuite paisiblement son chemin d’ouest en est à travers la plaine hongroise, longe un peu plus loin sur la rive méridionale les petits vignobles d’Ászár-Neszmély qui donnent en particulier un excellent Olaszrizling puis, avant d’atteindre les versants Nord de ses premiers reliefs hongrois, les Monts Gerecse, se prélasse, formant de nombreuses îles jusqu’à Esztergom. En quittant Esztergom, il trouve plus difficilement son chemin entre les Monts Pilis (rive droite) et Börszöny (rive gauche) pour dessiner ensuite avec le « coude du Danube » (en hongrois Dunakanyar) et la citadelle de Visegrád, l’un des plus beaux paysages de son périple à travers le continent européen.

La forteresse royale de Visegrád, en aval d’Esztergom sur la rive droite, photo © Danube-culture, droits réservés

Même si les premiers villages riverains n’ont malheureusement pas, du côté hongrois beaucoup de charme, il vaut mieux rester sur cette rive pour rejoindre Esztergom plutôt que de prendre l’itinéraire par la Slovaquie et de retraverser le Danube à Štúrovo sur le nouveau pont Mária-Valéria plusieurs fois détruit et reconstruit selon les péripéties de l’histoire de l’humanité. L’itinéraire sur la rive slovaque passe par contre, à quelques kilomètres en aval de Komárno, à proximité du camp romain de Kelemantia (IIe-IVe siècles ap. J.-C.), puis des deux petits lacs d’eau thermale de Patince. 

Le pont Mária-Valéria (PK 1718,8), inauguré en 1895, fut détruit en 1919 et 1944. Rares sont les ponts qui enjambent aussi élégamment le fleuve. Pour des raisons politiques il ne sera reconstruit que 53 ans plus tard et remis en service le 11 octobre 2011. Il relie la rive gauche slovaque à la Hongrie (rive droite) et symbolise la réconciliation slovaco-hongroise, photo © Danube-culture, droits réservés

Comme pour Komárno et Komárom, la cité slovaque de Štúrovo (rive gauche) qui s’appelait jusqu’en 1948 Parkan (Párkáný en hongrois) et Esztergom, ne formaient de part et d’autre du fleuve autrefois qu’une seule ville.

Esztergom1, cité royale et archiépiscopale, la « Rome hongroise »    

« Esztergom apparut, silhouette étrange : un cube et une coupole portée sur beaucoup de colonnes. De loin, chacun devine une merveille. Cube où se meut un rythme admirable et que les monts naissants présentent comme une offrande sur cet autel qu’ils lui font… »
Le Corbusier, le voyage d’Orient, 1910-1911, Les Éditions Forces Vives, Paris, 1966

Esztergom en 1911, sources Fortepan

 « Esztergom. C’est ici que Geza, prince des Hongrois venus un siècle plus tôt des steppes russes sous la conduite d’Arpad, établit sa résidence et sa cour en 973 et que naquit son fils, Étienne le Saint, premier roi de Hongrie. Avec ce premier roi chrétien qui christianisera la Hongrie et vainquit les Petchénègues païens, s’acheva le règne des chamans et des divinités errantes des steppes ; à présent la ville est la résidence officielle du Primat de Hongrie. L’énorme cathédrale néoclassique qui trône au-dessus du Danube a la froide et morte monumentalité d’un cénotaphe, et manifeste la glaciale présence d’un pouvoir temporel orgueilleux. À Esztergom, on s’est beaucoup battu : invasions mongoles, sièges et conquêtes des Turcs. C’est ici, en 1594, qu’est tombé Bálint Balassi, un des premiers poètes de la littérature hongroise… »
Claudio Magris, « Un buste impérial dans un dessous d’escalier », in Danube, L’Arpenteur, Éditions Gallimard, Paris, 1988

Esztergom avec ses minarets en 1664. La ville est alors sous domination turque. Important point de traversée du fleuve par bac dès l’Antiquité, le passage est doté d’un pont de bateaux (1762-1842) puis d’un pont-volant comme il en exista un à Presbourg (Bratislava) et de nouveau d’un pont de bateaux démontable. Détruit en 1848, reconstruit en 1862, il est remplacé par le premier pont Maria Valeria en 1895.  

Ce sont d’abord des tributs celtes qui s’installèrent à cet endroit suivies des romains, très présents un peu partout sur les rives de ce fleuve stratégique pour les frontières de l’empire. Le camp et la colonie romaine de Solva Mansio accueillit l’empereur Marc-Aurèle qui y aurait écrit, en grec, pendant la campagne du Danube (172-173), vers la fin de sa vie, quelques-une de ses célèbres Pensées.

Marc-Aurèle (121-180 après J.-C.), empereur romain et philosophe, photo © Danube-culture, droits réservés

La ville devient au Xe siècle la résidence du Grand-Prince de Hongrie Geza Árpád (vers 945-997) et capitale du royaume pendant son règne (972-997). Son fils, Vajk, se fait baptiser sous le nom d’István Ier (Étienne, vers 975-1038) puis, soutenu par le pape Sylvestre, couronner roi en l’an mille ou mille et un. Il règne jusqu’en 1038 et fait de son royaume l’un des piliers de la civilisation et de la chrétienté occidentales. Esztergom est alors à son apogée. Elle reçoit, sous le règne de Bela III (vers 1148-1196) de nombreux visiteurs prestigieux mais pas toujours bien intentionnés sur le chemin des croisades. À la suite du départ du roi Béla IV (1206-1270) et de sa cour d’Esztergom en raison des premières invasions mongoles du XIIIe siècle. Ils trouvent refuge d’abord en Autriche puis en Damaltie. l’archevêque prend possession du palais royal et maintient le pouvoir ecclésiastique dans la ville avec un haut niveau de  culture. Esztergom n’échappera pas toutefois pas aux invasions mongoles puis devra subir, comme une grande partie de la Hongrie, l’occupation turque pendant de longues années.

Esztergom, miniature ottomane, 1543

Esztergom se tient sur deux collines et au pied de celles-ci : la colline du château (Vár-hegy) et la colline de saint-Thomas (Szent Tamás-hegy). Une île verdoyante, Primás-sziget (île du Primat), formée par le kis Duna (petit Danube) et ses promenades ombragées (quartier de Viziváros, la ville d’eau) jouxte le centre historique, la magnifique place Széchenyi, l’hôtel de ville, de nombreux bâtiments d’époques successives à l’architecture remarquable et les nouveaux et anciens établissements thermaux.

La place Széchenyi, la fontaine baroque et l’Hôtel de ville d’Esztergom, photo © Danube-culture, droits réservés

Au pied de l’imposante basilique saint-Adalbert et du palais royal, construits sur Vár-hegy, se tient, tout proche du fleuve, le palais archiépiscopal (Prímasí palota) abritant un magnifique musée de peinture (Keresztény Múzeum) fondé par le cardinal archevêque János Simor (1813-1891) et enrichi de donations successives.

La basilique saint Adalbert du Danube, photo droits réservés

 « Très loin là-bas, sur l’autre rive, j’apercevais ma destination ; elle n’avait cessé de grandir à ma vue depuis le premier regard du matin. Une falaise se détachait au-dessus d’un long coude du fleuve, couronnée par une temple blanc qui ressemblait à Saint-Pierre de Rome. Un cercle de piliers aériens soulevait un dôme scintillant dans le ciel. C’était dramatique, mystérieux, aussi inattendu qu’un mirage et un point de repère sans équivalent dans ce désert liquide et solide. La basilique d’Esztergom, je le savais, était la cathédrale métropolite de toute la Hongrie, le plus grand édifice religieux du royaume et le siège de l’archevêché du cardinal-prince-archevêque : en d’autres termes, l’équivalent hongrois de Reims, Canterbury, Tolède, Armagh et la vieille Cracovie. Cette basilique, si spectaculaire et splendide qu’elle soit, n’est pas ancienne : rare sont les endroits de cette région qui n’aient pas subi les ravages des Tartares et des Turcs ; après la reconquête, tout fut à recommencer. Mais la ville — la Strigonium latine ou la Gran allemande — est l’une des plus ancienne du pays. Depuis la naissance et le couronnement du premier roi apostolique de la Hongrie chrétienne — le descendant des conquérants Arpád, saint Étienne lui-même — à Esztergom, l’histoire n’avait cessé de s’y accumuler et de s’y entrelacer au mythe. La basilique était la seule bâtisse visible depuis mon sentier. Les monastères, les églises, les palais et les bibliothèques qui sertissent la petite ville escarpée gisaient dans un repli de terrain. La grande masse, avec ses deux clochers symétriques à coupoles, son cercle de piliers et son vaste dôme nacré, planait au-dessus de l’eau, des bois et des fougères comme soutenue, telle la cité céleste dans un tableau, par un battement d’ailes infatigables. »

Patrick Leigh Fermor, Dans la nuit et le vent, à pied de Londres à Constantinople, « Le temps des offrandes, Les marches de Hongrie », traduction de Guillaume Villeneuve, Éditions Nevicata, Bruxelles, 2016

   Il ne subsiste de la toute première basilique construite par le roi Étienne Ier et détruite pendant les guerres contre l’empire ottoman que la chapelle Renaissance en marbre rouge (Bakócz-kápolna) édifiée à la demande du cardinal Thomas Bakóz (1442-1521) et décorée par des sculpteurs toscans. Celle-ci fut démontée pierre par pierre au début du XIXe siècle puis réinsérée dans le nouveau bâtiment. La basilique néo-classique dont l’édification commença en 1822, peu de temps après le rétablissement d’Estzergom comme archevêché, dura cinquante ans. Elle impose désormais sa présence depuis le haut de sa colline à la ville et aux environs. Elle semble même vouloir défier le Danube qui coule à ses pieds. Beethoven proposa en 1823 d’y donner sa propre Missa Solemnis pour sa consécration mais celle-ci n’eut lieu qu’en 1856 et c’est Franz Liszt qui dirigera sa Graner Messe (Messe de Gran) lors de cette cérémonie.
La crypte abrite les tombeaux des cardinaux hongrois depuis le cardinal archiduc Ambrus Károly (1785-1809). Le trésor constitue la plus riche collection d’objets religieux de toute la Hongrie. Il comprend une croix de cristal du IXe siècle provenant de Metz, le calice baroque de l’impératrice Marie-Thérèse et la croix du calvaire du roi Mathias en or incrusté d’émail datant du XVe siècle ainsi que de nombreuses autres pièces hongroises, byzantines et italiennes.

Le palais royal, photo © Danube-culture, droits réservés

Voisin de la basilique sur la même colline, le palais royal médiéval date du règne de Bela III (fin XIIe siècle). Recouvert de terre par les turcs, ce n’est qu’à partir des année trente que le site fut redécouvert par des fouilles archéologiques et en partie restauré. La salle des (quatre) Vertus (XVe siècle) est décorée de fresques attribuées à un artiste florentin et sa voûte ornée des signes du zodiaque. La chapelle royale, plus ancienne remonte au XIe-XIIe siècles et serait l’oeuvre de maîtres et d’artistes normands et bourguignons.

Bálint Balassi (1554-1594) militaire et l’un des premiers poètes hongrois

Bálint Balassi (1554-1594) militaire et l’un des premiers poètes hongrois

Esztergom est la ville d’adoption de Bálint Balassi (1554-1594), poète hongrois de langues hongroise, slovaque et turque, considéré comme étant à l’origine de la poésie lyrique hongroise moderne. Elle est également la ville natale du peintre et sculpteur Béla Vörös (1899-1983), disciple de Rodin dont la devise était « La base de mon art est l’expression plastique du sentiment de l’humain ». Bela Vörös qui s’installa à Paris après avoir étudié à Budapest a exposé tout au long de sa vie aux côtés de peintres tels que Léger, Matisse, Picasso. Ses œuvres se trouvent au Musée Bálint Balassi d’Esztergom, au Musée des Beaux-Arts de Budapest, à la Galerie Nationale de Budapest, au Musée de Pécs et au Musée Poulain à Vernon.

Collectivité locale d’Esztergom : www.esztergom.hu
Basilique saint Adalbert : www.bazilika-esztergom.hu
Palais royal (Varmuzeum) : www.varmuzeum.ini.hu
Musée chrétien ou palais épiscopal (Keresztény Múzeum) : www.keresztenymuzeum.hu
Musée Bálint Balassi : www.balassimuzeum.hu
Musée du Danube : www.dunamuzeum.hu
   Un espace didactique, interactif et accueillant dans un bâtiment de caractère qui mérite une visite attentive d’autant que ce musée a ouvert une nouvelle salle au public présentant de remarquables documents illustrant la relation des hommes avec le fleuve et plus généralement l’eau (cartes, gravures maquettes, outils, ustensiles variés de pêcheurs, de chercheurs d’or…).
Avec le Danube mais peut-être plus encore avec la Tisza et son bassin, principal cours d’eau de l’Alföld qui prend sa source dans les Carpates orientales, traverse le pays du nord-est au sud et forme de nombreux méandres en raison du peu de relief avant de se jeter dans le Danube en Serbie aux environs de Belgrade, les Hongrois ont du faire face à la menace permanente de redoutables inondations. Leurs ingénieurs ont su développé au cours des siècles un savoir-faire dans le domaine de l’hydrologie, de la prévention et de la gestion des risques que ce musée illustre par des maquettes et une remarquable documentation iconographique complémentaire. Où l’on découvre aussi que les loisirs aquatiques sont l’une des plus anciennes traditions hongroises. Esztergom est ainsi doublement une ville d’eau grâce à ses sources d’eau chaude, ses établissements thermaux et au Danube.

Notes :
« Il existe plusieurs hypothèses sur l’étymologie d’Esztergom, dont la première occurrence remonte à 1079. Une première piste renvoie au mot «Isztergam» comme association de deux toponymes : Iszter ou Ister, Danube chez les anciens grecs) et Gam, la rivière Garam). D’autres rattachent le gom (gomb, gömb, gumó : « courbe ») au site d’Esztergom, sur le Coude diu Danube (Dunakanyar en hongrois). Une deuxième piste renvoie au mot « Iszterograd », qui renverrait également à la confluence avec la rivière Garam (üsztürü signifiant ici « rameau », « confluent »). Une troisième hypothèse tire les origines du toponyme de deux mots turco-bulgares : estrogin kupe (« armure en cuir ») et strgun (« tanneur »), ce qui s’expliquerait par la présence d’une corporation de tanneurs durant le Moyen-Âge. Il existe enfin une hypothèse slave : sztregomj (« ce sur quoi l’on fait attention »), sources Wikipedia, https://fr.wikipedia.org › wiki › Esztergom  

Hébergement :
Szent Kristóf Panzió : www.szentkristofpanzio.com
Agréable, bien tenue proche de la basilique mais un peu en dehors du centre ville et à proximité de la route principale qui peut être bruyante.
Chalet Vaskapu (Porte-de-Fer) : www.vaskapuesztergom.hu
Gastronomie :
Szalma Csárda : www.szalmacsarda.hu
Auberge traditionnelle proche du Danube, joli cadre, bonne gastronomie

Eric Baude, Danube-culture, © droits réservés, mise à jour octobre 2023

Mohács (Hongrie)

« Le Danube se divise en deux bras juste au-dessus de Bátaszék : le plus grand bras divise la Trans-Hongrie, un champ plat, le plus petit baigne Bátaszék et Mohács, et les deux se rejoignent en dessous de Mohács, formant une île. »
Écrit en 1528 par István Brodarics, Récit véridique de la bataille des Hongrois contre les Turcs à Mohács, Magvető Kiadó, Budapest, 1983

« Immédiatement au-dessous de Baja le fleuve se sépare de nouveau, et forme la Nagymargitsziget (grande île Marguerite), c’est-à-dire l’île nommée : île de Mohács ; ensuite vient à droite Bátta avec les restes d’une ancienne abbaye ; derrière il y a d’assez hautes montagnes plantées de vignes, et après, à droite est Dunaszekcső, bourg avec un bon restaurant communal et une place d’embarquement pour les vins pour Báttaszék.
Alors le peu de coteaux plantés de vigne disparaît et sur le rivage plat à droite suit le bourg de Mohács, d’à peu près 15 000 habitants, station principale du chemin de fer de Mohács à Fünfkirchen (Pecs) et Bude et par cela en communication avec le chemin de fer de Alföld-Fiume, Fünfkirchen-Barcs et Fünfkirchen-Budapest et avec le chemin de fer du sud. C’est la place la plus importante pour l’embarquement des charbons de pierre…
Dans les environs de Mohács on cultive beaucoup de blé et surtout le maïs, comme la vigne… »

Alexandre François Heksch, Guide illustré sur le Danube de Ratisonne à Souline et indicateur de Constantinople, A. Hartleben, Éditeur, Vienne. Pest. Leisic., 1883

Le nom tire son origine du slave Mъchačь, Mocháč : mъchъ (mousse, le mot hongrois moha est un emprunt au slave + le suffixe slave -ačь, comme le slovaque Mochnáč ou le tchèque Macháč).
Les premiers habitants de cette région connue dans l’histoire furent les Pannonii (Pannoniens d’où le terme de Pannonie pour la plaine pannonienne), un groupe de tribus indo-européennes apparentées aux Illyriens. À partir du IVe siècle avant J.C., elle est envahie par diverses tribus celtiques nomades. On sait peu de choses sur la Pannonie jusqu’en 35 av. J.-.C., lorsque ses habitants, alliés des Dalmatiens, sont attaqués par les armées de l’empereur Auguste (63 av.-14 ap. J.-C.). La Pannonie n’est définitivement soumise par les Romains qu’en 9 avant J.-C., date à laquelle elle est incorporée à l’Illyricum dont le territoire s’étendait jusqu’au Danube. L’Illyricum est scindée ultérieurement en deux provinces, la Pannonie au nord et la Damaltie au sud. La Pannonie est divisée en deux provinces sous l’empereur Trajan, la Pannonie supérieur avec sa capitale sur la rive droite du Danube Carnuntum et la Pannonie inférieure (capitales Aquincum et Sirmium) puis en quatre entité sous l’empereur Marc-Aurèle. Au sud de Mohács, sur le site du village Kölkeden avait été construite une importante forteresse du limes du nom d’Altinum. Les Avars prendront possession de la région à la chute de l’Empire romain et se heurteront à Byzance tout en établissant un empire qui disparaîtra à la fin du VIIIe siècle à cause des conquêtes de Charlemagne et de son fils Pépin d’Italie.
Mohacs avec le comté de Baranya appartiennent dès le Moyen-âge au royaume de Hongrie.

Mohács, détail de la « Tabula Hungariae » du diacre Lazare, 1528

   La forteresse de Mohács et le Danube pendant la période ottomane, peinture de Maximilian Brandstetter, 1608. Cette forteresse, connue sous le nom de « Párkán(y) » en turc (nom hongrois de Šturovo, commune aujourd’hui sur la rive gauche désormais slovaque), était l’une des plus petites construction défensive érigées par les Ottomans le long du Danube, de la région de Serem à Esztergom. Les journaux de voyageurs et d’émissaires des XVIe et XVIIe siècles contiennent de nombreuses informations sur cette petite garnison militaire. Les bateaux sur le Danube sont à la fois des embarcations civiles de type et militaires (tschaïques, embarcations légères et profilées avec leurs rangées de rameurs pour manoeuvrer rapidement et pouvoir remonter sans difficulté le fleuve).   

Pendant l’occupation turque la ville est la préfecture du Sandjak de Mohács. Selon le récit publié dans le « Livre des voyages » (Seyâhatnâme) d’Evliya Çelebi (1611-1682) qui visite Mohács en 1663, la forteresse se dresse au bord du Danube, avec quatre bastions et des canons aux angles. Outre la cinquantaine de logements pour les soldats, la construction se compose également d’une salle de guerre, de deux greniers et d’une mosquée décorée de mosaïques. La Porte de l’eau donne sur le Danube sur lequel flottent des bateaux-moulins, tandis que la Porte de la ville est gardée par une tour forteresse armée de canons. Les douves sont alimentées par les eaux du Danube. Les 300 maisons de « Miháds » (Mohács) possèdent des toits de chaume , seuls le palais du pacha, une auberge et la mosquée sont recouverts couverts de tuiles. Il y a également une médersa, un monastère et deux écoles primaires. Le village à deux portes était entouré d’un mur d’enceinte rempli de terre et les douves ont également été inondées par les eaux du Danube.1
   Après avoir été reconquise sur la Grande Porte par les Habsbourg-Lorraine en 1687 et être retournée dans le Royaume de Hongrie au sein du Saint Empire Romain germanique, Mohács et la Baranya voient arriver, la plupart du temps par bateau, des colons appelés « Souabes du Danube » (Donauschwaben) bien qu’ils ne soient pas obligatoirement originaires de la Souabe qui s’installent après avoir reçu des autorités des terres à défricher et à cultiver.

Mohács en 1778

Neu-Mohács et le Vieux  Mohács intérieur, délimités par le fossé de Büdös, sur le premier relevé militaire (1783)

Ces colons invités à repeupler et à mettre en valeur ces territoires reconquis auront à coeur de préserver leur langue et leur culture jusqu’au milieu du XXe siècle et la seconde guerre mondiale dont les conséquences seront dramatiques pour eux. Ils seront expulsés de leurs terres vers l’Autriche et l’Allemagne par les gouvernements communistes qui les accusent d’avoir collaborer avec les nazis et en profitent également pour confisquer leurs biens.
Entre 1918 et 1921, la ville est occupée par les Serbes et, en 1921, elle fait partie de l’éphémère République serbo-hongroise de Baranya-Baja. La frontière hongroise est redessinée par le Traité (controversé) de Trianon, désastreux pour la Hongrie et les géographes la feront passer désormais un peu au sud de Mohács.
En raison de la culture des céréales dans les environs, on trouvait autrefois, tout comme dans la cité voisine en amont de Baja sur la rive gauche, devant la ville, un nombre impressionnant de bateaux-moulins en activité. Puis vint le temps de la navigation à vapeur et de l’exploitation des mines de charbon voisines de Fünfkirchen (Pecs) par la D.D.S.G., charbon que les bateaux chargeaient au port après qu’il ait été transporté par train jusqu’à Mohács. Les navires remontaient leur précieuse marchandise vers Budapest et Vienne.

Femmes de Mohács lavant du linge au bord du Danube, photo Lőrincze Judit, Fortepan, 1958

Une importante minorité juive vécut à Mohács au cours de l’histoire. Persécutée par l’administration hongroise au nom de vieilles rancunes aussi injustes que tenaces pendant la Seconde Guerre mondiale, elle fut internée dans deux ghettos puis déportée à Pecs et Auschwitz.
Des colons et croates s’installèrent également à Mohács au cours des siècles précédents.

Monuments historiques, musées, évènements, environnement…
Hôtel-de-ville de Mohács

L’imposant Hôtel-de-ville de Mohács aux influences architecturales ottomanes, sans doute pour mieux s’émanciper du passé, photo © Danube-culture, droits réservés

Le Mercure de Mohács, photo © Danube-culture, droits réservés

Cinéma Kossuth (expositions…)
Patrimoines religieux et industriel

Patrimoine religieux, photo © Danube-culture, droits réservés

Un patrimoine industriel restauré avec soin, photo © Danube-culture, droits réservés

   Mohács est aussi la ville ville natale du peintre surréaliste et ami d’André Breton, Endre Roszda (1913-1999)
https://www.rozsda.com

Endre Rozdan

Endre Roszda, autoportrait

Atelier du sculpteur de masques en bois d’Antal Eglert (Kigyá utca 7)
Le Mémorial de (des) la bataille(s) de (Emlékpark) se trouve à 6 km environ au sud de Mohács près de Sátorhely. Le monument au roi hongrois Lajos (Louis II) a été érigé à l’occasion de la célébration du 450e anniversaire de la bataille de 1526 à l’endroit où le souverain s’est noyé.
Les bateliers, pêcheurs et meuniers de Mohács organisaient autrefois une fête, la « Wassergehenden » en lien avec le Danube qui tomba peu à peu dans l’oubli au fil du temps. Le Centre culturel remit cette coutume au goût du jour en 1989. Évènement populaire, la « Wassergehenden » a lieu désormais le 1er mai avec une procession de bateaux, un concours de soupe de poisson, tradition perpétuée également à Baja et ailleurs le long du fleuve, des concerts et un feux d’artifice.
   De Mohács  il est très facile (et recommandé !) de se rendre dans le Parc National Duna-Drava ou encore dans celui de Gemenc qui abrite entre autres oiseaux une population de cigognes noires, de réaliser des excursions en bateau, de louer des bicyclettes ou de profiter des thermes locaux.

L’élégant bac de Mohács-Ujmohács se fait discret dans le paysage, photo © Danube-culture, droits réservés

Au port de Mohács, photo © Danube-culture, droits réservés

Un peu plus au sud (PK 1425, 5), sur la rive gauche et en Serbie dont le territoire commence au PK 1433, se trouve l’entrée du canal Danube-Tisza, une réalisation longue de 123 km et achevée en 1801 sous le nom de « canal François » qui permit de drainer des territoires marécageux et de faciliter les communications et le transport des marchandises.
La ville n’est malheureusement plus accessible par la ligne de chemin de fer Villány-Mohács, qui a été achevée en 1857 entre Mohács et Pécs et qui en faisait la deuxième ligne de chemin de fer de Hongrie.
Le port frontalier de Mohács, le seul port frontalier fluvial de l’Union européenne, a été inauguré en octobre 2007. Il possède un littoral de 340 mètres de long et une voie d’évitement.
Un plan routier  prévoit la construction d’un pont ce qui à la vue du traffic qui franchit le Danube par le bac, n’apparaît pas comme une priorité. Longue vie au bac de Mohács !

 L’évènement culturel majeur de la ville : le carnaval des Busó 
   Ce carnaval a lieu chaque année au mois de février et accueille de nombreux touristes. Il a été classé en 2009 au Patrimoine mondial immatériel de l’Unesco.

Carnaval des Busó : quand les esprits naviguent sur le Danube,  photo droits réservés, 

   Le carnaval des Busó est une manifestation traditionnelle populaire de six jours qui célèbre la proche fin de l’hiver. Les Busó sont des personnages (selon la tradition des hommes déguisés) portant des manteaux de laine grossiers et le visage recouvert de masques en bois aux grimaces effrayantes et ornés de cornes. Un concours de costumes pour les enfants, une exposition de masques et d’autres objets artisanaux, la venue de plus de 500 Busó dans des barques sur le Danube pour un défilé dans la ville accompagné de chars fantastiques tirés par des chevaux ou motorisés, la mise à feu d’un cercueil symbolisant l’hiver, un feu de joie sur la place principale ainsi que des festins et de la musique à travers la ville sont au programme.

Des Busó jusque dans le hall de l’Hôtel-de-ville, photo © Danube-culture, droits réservés

   L’origine de cette tradition populaire qui appartenait initialement à la minorité croate de Mohács, est devenue au fil du temps une marque de la ville tout entière. Elle symbolise une commémoration des grands événements de son histoire. Bien plus qu’une manifestation à caractère uniquement  social, le carnaval des Busó est une expression à la fois d’un groupe social, de la ville et de la nation hongroise toute entière qui aime ainsi exorciser ses vieux démons et les évènements tragiques de l’histoire de  la nation hongroise.

Monument  du centre ville en hommage aux  dont on se demande s’ils ne sont pas présents dans la ville toute l’année, photo © Danube-culture, droits réservés

   Il permet à chacun de s’exprimer au sein de la communauté. Les créations artistiques qui appartiennent à cette manifestation sont préservées par des groupes autonomes de Busó provenant de tout milieu culturel qui  transmettent les techniques de sculpture de masques et les célébrations rituelles aux générations suivantes afin qu’elles se perpétuent.

Notes :
1 Evlia Çselebi, Turkish world travels in Hungary 1660-1664. Turkish historians III, 1904, Académie hongroise des sciences, Budapest

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, août 2023

   Endre Roszdan, Plein poids dans le rêve, 1960, Musée d’art moderne André Malraux — MuMa Le Havre. « J’éclaire des objets et des hommes, réveille des dormeurs, éveille les morts, je les fais parler d’événements qu’ils n’avaient peut-être jamais vécus, je capte des sons, je tisse des fils multicolores pour les attraper et j’écoute leurs appels, je saute ici et là, pinceau en main, occupé à vite fixer le passé. »

Le Voyage de Jean-Baptiste Tavernier sur le Danube (1630)

   « Nous arrivâmes à Sighet après-midi, & aussitôt je pris un petit bateau, & fus en diligence à Raab1 nommé autrement Javarin2, qui n’en est éloigné que de deux heures. Je rendis au Vice-roi [de Hongrie] la lettre que son frère m’avait donné, & lui fis savoir l’arrivée de Messieurs de Chapes & de Saint Liebau. Comme j’avais eu l’honneur d’être quelques années à son service, il me témoigna qu’il était bien aise de me revoir, & qu’il ferait toutes choses pour la satisfaction des personnes que son frère lui recommandait.

Raab (Javarin), gravure anonyme, 1624

   Dès le lendemain il commanda trois cents Cavaliers & deux carrosses pour les aller prendre et les amener à Javarin. Il les reçut fort civilement, et pendant les séjour qu’ils y firent, les principaux Officiers tachèrent de leur faire passer agréablement le temps. Il fallut s’y arrêter huit ou dix jours pour avoir réponse du Bacha de Bude3, & l’on avait mandé au Gouverneur de Comorre4 de lui envoyer un exprès pour savoir s’il accorderait le passage à deux Gentilshommes Français et à leur suite.

Forteresse de Kormorn (Comorre),  gravure de L. F.  Marsigli, 1626

   Pour faciliter la chose on les fit passer pour parents de Monsieur de Cecy Ambassadeur de France à la Porte5, & la réponse du Bacha étant venue telle qu’on la souhaitait, nous descendîmes à Comorre, où le Gouverneur nous donna d’autres bateaux. Ils nous menèrent jusqu’à moitié chemin de Bude où nous en trouvâmes d’autres, qui sur l’avis qu’on avait eu de nôtre départ, étaient partis de Bude pour nous venir prendre. Ces bateaux sont comme une manière de Brigantins6 bien armés & fort commodes, & l’on fait dessus à force de rames beaucoup de chemin en peu de temps parce qu’ils sont fort légers.

Galériote ou tschaïque armée avec une voile latine. C’est probablement sur ce type de bateau que J.-B. Tavernier descend le Danube vers Buda.

   C’est entre Comorre et Bude aux frontières des deux Empires où se font les échanges des Ambassadeurs, qui vont d’ordinaire de part et d’autre tous les six ans, & en même temps renouveler l’alliance, & il faut que des deux côtés le nombre soit égal. De Vienne à Javarin, nous demeurâmes trois jours sur l’eau parce que le Danube fait un grand détour, & on peut faire en deux heures le chemin par terre. De Javarin, on va coucher à Comorre, & de Comorre nous descendîmes à Bude en moins de deux jours. Le chemin sa fait rarement par terre de Raab à Bude parce que le pays étant frontière il y a des coureurs7 de part et d’autres qu’il serait dangereux de rencontrer. Dans la belle saison on peut se rendre de Bude à Belgrade en moins de huit jours ; mais nous en mîmes huit, le froid & les neiges nous empêchant d’avancer. Nous eûmes un pareil temps jusqu’à Constantinople où nous ne pûmes arriver que le vingt-neuvième jour de notre départ, parce que les jours étaient fort courts et les chemin très mauvais.
   C’est la coutume en Hongrie surtout dans les lieux de traverse & peu fréquentés des étrangers, de ne prendre point d’argent des voyageurs ; un Bourgeois les loge & les traite bien & le Bourg-mestre du lieu le rembourse au bout de l’an des deniers publics, de la dépense qu’il peut avoir faite. Mais il faut considérer qu’ils ne sont pas chargés d’un grand nombre de passants & qu’en Hongrie, qui est un des meilleurs pays de l’Europe, les vivres se donnent à si grand marché, que nous ne dépensions pas à Belgrade pour quatorze bouches deux écus par jour.

Buda ottomane, 17e siècle, la légende de l’illustration est en français, sources : Archives Impériales Ottomanes

   Bude est à la droite du Danube éloignée du fleuve d’environ une demi-heure de chemin. Dès que le Bacha eut eu avis de notre arrivée, il envoya son Écuyer avec des chevaux menés en main par des esclaves fort bien couverts pour nous conduire à la ville. Entre ces esclaves il y avait deux Parisiens, & nos Messieurs s’étant informés de leurs familles, offrirent inutilement pour leur liberté jusqu’à huit cents écus.
    Nous demeurâmes douze jours à Bude avant qu’on pût avoir audience du Bacha qui était indisposé. Il nous envoyait tous les matins nos provisions de bouche, un mouton, des poules, du beurre, de ris, du pain avec deux sequins pour les autres menus frais, & le jour qu’il donna audience à Messieurs de Chapes & de Saint-Liebau, ils lui firent présent d’une horloge de poche dont la boîte était couverte de diamants. Ce Bacha était un homme de belle taille & de bonne mine ; il les reçut fort civilement, & à leur départ pour Belgrade qui fut le quatorzième jour de leur arrivée à Bude, il leur envoya six Calèches avec deux Spahis8 pour les conduire, & ordre partout de les défrayer de la dépense de bouche, de quoi ils ne voulurent pas se prévaloir.

Belgrade, gravure de Melchior Hafner Junior, Augsburg, 1684

   À notre arrivée à Belgrade, nous mîmes pied à terre dans un vieux Caravanséra9 : mais quatre des principaux marchands de Raguse10, qui font grand trafic en ce lieu-là, nous tirèrent de ce mauvais poste pour nous mener au logis d’un bon bourgeois. Les Ragusiens portent des draps à Belgrade, & prennent en échange de la cire, & du vif argent qu’on tire de la Haute-Hongrie et de la Transylvanie.
   Si nous avions eu lieu de nous louer du bon accueil du Bacha de Bude, nous eûmes de quoi nous plaindre de la rude manière dont le Sangiac11 de Belgrade en usa avec nous, & et il nous fallut contester quinze ou seize jours, sur la ridicule demande qu’il nous fit d’abord de deux cents ducats16 par tête. Nos marchands de Raguse surent lui parler, & tout ce qu’ils purent obtenir fut que nous lui donnerions chacun cinquante ducats. Enfin le Sangiac continuant de faire le mauvais, je sus le trouver avec notre « truchement »& lui parlais d’abord en terme civil. Mais voyant qu’il n’en faisait point de cas & qu’il fallait lui parler d’une autre sorte, je l’intimidais si bien par les menaces que je lui fis d’envoyer en exprès à la Porte pour me plaindre de son rude procédé envers deux Gentilshommes parents de l’Ambassadeur de France que des deux cents ducats qu’il nous demandait par tête, il se contenta de cinquante pour le tout, qui lui firent aussitôt portés. Pendant ces quinze jours de retardements nous eûmes cette petite consolation de faire très bonne chair. Le pain, le vin, les viandes, tout est  excellent & à bon marché en ce lieu-là, & Belgrade étant bâtie à une pointe de terre où deux grandes rivières le Danube et la Save se viennent joindre, il s’y prend une si grande quantité de grands brochets et de grosses carpes, que nous ne mangions que les foies & les laitances, donnant le poisson aux pauvres gens. Deux pères Jésuites Chapelains des marchands de Raguse contribuèrent beaucoup à dissiper le chagrin que ces Messieurs avaient du retardement que l’injustice du Sangiac apportait à leur voyage. Les marchands mêmes ne se contentèrent pas des bons offices qu’ils leur avaient rendu en plusieurs occasions, ils y ajoutèrent une collation magnifiques où ils les invitèrent la veille de Noël ; après quoi ils furent à la messe de minuit, qui fut accompagnée d’une musique et d’instruments qu’ils trouvèrent assez bonne… »

Jean-Baptiste Tavernier, Les Six voyages de Jean-Baptiste Tavernier, Écuyer Baron d’Aubonne, en Turquie, en Perse, et aux Indes, Suivant la copie, Imprimé à Paris. l’An 1679 (1692). Première édition publié à Paris en 1676 chez GERVAIS CLOUZIER et CLAUDE PERRON. Le livre est dédié à Louis XIV.    

Notes :
1 Nom allemand de la ville hongroise de Györ, située sur un bras du Danube et au confluent de la Rába (Raab) et de la Rábca avec celui-ci.
2 En français ancien
3 Pacha turc de Buda
4Komárno, forteresse danubienne autrefois sur le territoire hongrois (aujourd’hui en Slovaquie), au confluent du Váh avec le Danube, une des pièces maitresse de la défense de Vienne contre les Ottomans. Elle fut âprement disputée et perdue malgré tout à plusieurs reprises puis reconquise. Elle fut également surnommée « la Gibraltar » de l’Empire autrichien.
5 Philippe de Harlay, comte de Césy (1582-1632), ambassadeur de Louis XIII à Constantinople de 1619 à 1640 (1641).
6 Petite galère, galiote ou tschaïque armée naviguant à la rame et/ou à la voile. Cesbateaux étaient adaptés pour remonter le Danube en jouant avec les contre-courants. 
7 Militaires à cheval qui sévissaient le long de la frontière entre les deux empires.
8 Corps de cavalerie turque.
9 Auberge turque en général peu avenante si l’on en croit la description de nombreux voyageurs européens des siècles passés.
10 République de Raguse (Dubrovnik en Croatie). Elle exista de 1358 à 1808 et fut  très active sur le plan commercial . Elle bénéficiait d’accords commerciaux privilégiés avec l’Empire ottoman à cette époque.
11 Sandjak, entité administrative de l’Empire ottoman

Danube-culture, © droits réservés, mis à jour juin 2023

Jean-Baptiste Tavernier, gravure de Tardieu, 1817

Zebegény (Hongrie)

   Des sources historiques permettent d’établir qu’il existait déjà un couvent bénédictin à Zebegény en 1251. Un document juridique du 26 septembre 1295 désigne ce monastère comme le « Monasterium de Zebegény ». Il est abandonné en 1453. Le tout premier site catholique était probablement la grotte au pied du mont du Calvaire, où la tradition veut qu’un ermite ait vécu et créé le relief de l’Assomption de Marie sur la paroi intérieure de la grotte.

La grotte du mont du Calvaire, photo droits réservés

   La population du petit village qui avait commencé à se développer au Moyen-âge, est presque entièrement décimée lors des conquêtes ottomanes de la première moitié du XVIe siècle. « Des années 1520 et surtout 1540 jusqu’aux décennies 1680 et 1690,  les provinces hongroises sont les territoires les plus occidentaux occupés par les Ottomans en Europe »1Zebegény et ses environs ne seront libérés du joug turc que vers 1685 après leur siège désastreux de Vienne. Des colons Allemands, hongrois et slaves (slovaques) ne tardent pas à repeupler les lieux dans la première moitié des années 1700. Ces colons allemands sont pour la plupart catholiques et originaires de la région de Mayence (Rhénanie-Palatinat). Ils s’installent dans les années 1735 et auraient donné au village le nom de Sebegin. Selon l’étymologie populaire, ils se seraient exprimés en découvrant le large cours et les méandres du fleuve à cette hauteur « Die See beginnt ! » (La mer commence !) qui se déformera en Zebegény. Des documents du XIXe siècle font d’ailleurs référence à Zebegény en tant que colonie germano-slovaco-hongroise.
Les travaux de la ligne de chemin de fer Budapest-Pozsony (Bratislava) débutent dès 1846. Le tronçon entre Vác (Waitzen) et Párkány (Šturovo, aujourd’hui en Slovaquie) est ouvert au trafic en 1851. La ligne ferroviaire Budapest-Vác est ensuite prolongée jusqu’à Bratislava. Le viaduc ferroviaire à sept arches, le deuxième plus grand viaduc de ce type en Hongrie, est construit à cette période tout comme la gare dans le style architectural de la monarchie austro-hongroise.

Viaduc de Zebegenyi

Viaduc ferroviaire de Zebegény, photo B. Kekesi, droits réservés

Le cimetière du village, situé à l’origine à proximité de la gare a été transféré; en raison de la construction de la ligne de chemin de fer, au pied de la colline du Calvaire. Sa situation, sa topographie et sa disposition originales en font l’un des plus beaux cimetières de Hongrie. Une chapelle de style à la fois oriental et néoclassique est érigée en 1853 sur la même colline. Neuf stations avec sur chacune d’entre elles une petite niche contenant une image de Jésus sur le chemin de croix ,viennent s’y ajouter. Une autre chapelle dédiée à Saint-Jean Népomucène plus ancienne (début du XIXe siècle) a auparavant été édifiée sur le côté nord-ouest du mont du calvaire.
La « ferme des enfants Ferencz József » fait partie des monuments patrimoniaux les plus remarquables de Zebegény. Cette « ferme à tabac » était l’une des attractions  populaires de la grandiose l’exposition du millénaire de la nation hongroise à Budapest en 1896.
Le village est presque entièrement détruit en 1899 suite à de fortes précipitations et d’une accumulation de l’eau dans un fossé.

Église Sainte-Marie-des-Neige de Zebegény, photo Danube-culture © droits réservés

L’église Notre-Dame-des-Neiges de Zebegény  a été construite entre 1906 et 1910, d’après les plans des jeunes architectes hongrois, Károly Kós (1883-1977), Dénes Györgyi (1886-1961) et Béla Jánszky (1884-1945). Le style architectural Art Nouveau hongrois du bâtiment, caractéristique du début du XXe siècle se remarque non seulement à l’extérieur, mais aussi dans la décoration intérieure achevée en 1914. Les fresques ont été conçues par Aladár Körösfői-Kriesch (1863-1920), élève de Bertalan Székely (1835-1910) et fondateur l’école de peinture de Gödöllő. Elles ont été réalisées par ses élèves avec l’aide de György Leszkovszky (1891-1968).

Intérieur de Notre-Dame-des-Neiges de Zebegény, photo droits réservés

La statue de Sainte-Élisabeth de la Maison d’Árpád, à côté de l’église, est l’œuvre de Géza Maróti (1875-1941), sculpteur, architecte et comte héréditaire de Zebegény qui fut une figure originale assez méconnue mais importante parmi les artistes de l’Art nouveau hongrois. Elle se trouvait auparavant dans le jardin de la villa Maróti. Lorsque la villa Maróti fut confisquée par le régime communiste au milieu du XXe siècle, la statue fut sauvée de la destruction par la paroisse de Zebegény et installée à son emplacement actuel.

Sainte-Élisabeth de la Maison d’Árpád, photo droits réservés

Le village de vacances de Völgy utca (rue de la vallée), construit dans les années 1930, a été doté en 1944 d’une petite chapelle à l’architecture dépouillée, adaptée à son environnement tout en reflétant à la fois la tradition et les caractéristiques de l’époque. L’auvent été ajouté en 1994 par l’architecte hongrois Ferenc Salamin (1958) et construit par les habitants dans le cadre d’un projet social. Zebegény lui doit également le nouvel aménagement de la place de l’église (1993-2006).

La chapelle Sainte-Marguerite de Völgy utca à Zebegény, photo Danube-culture © droits réservés

István Szőnyi (1898-1968)
Le peintre, dessinateur et graveur post-impressionniste István Szőnyi s’établit à Zebegény en 1924 dans une ancienne ferme appartenant initialement à sa belle famille et y demeurera jusqu’à sa mort en 1960. Son oeuvre prolifique rendant hommage aux superbes paysages du « coude Danube » illustrant le profond attachement du peintre à son environnement, sa dévotion envers la nature, à ses atmosphère poétiques, à ses perspectives, à la palette infinie de ses ombres et de ses lumières tout comme le furent d’autres artistes hongrois et les impressionnistes avec la Seine aux environs de Paris.

I. Szőnyi, Lumières sur le Danube après une tempête, après 1920

Une autre figure marquante de la peinture hongroise du XXe siècle, Róbert Berény (1887-1953), ancien élève de l’Académie Julian à Paris, influencé par Cézanne et le fauvisme, pionnier du cubisme et de l’expressionisme hongrois s’installe à Zebegény dix ans plus tard (1934).

Róbert Berény, Hiver à Zebegény, huile sur toile, vers 1940

   C’est également dans la première moitié des années 1930 que les habitants décident d’ériger un mémorial aux accords de Trianon et à la gloire du drapeau hongrois, accords qui amputèrent la Hongrie, du côté des vaincus de la Première Guerre mondiale d’une grande partie de son territoire. Confié à l’architecte, peintre et sculpteur Géza Maróti (1875-1941) qui possédait une maison à Zebegény, ce monument et son parc sont dédiés non seulement au drapeau hongrois mais aussi aux héros locaux morts pendant la Première Guerre mondiale. Quatre piliers de pierre entourent le mât du drapeau sur une terrasse ceint d’un mur octogonal. Le projet initial prévoyait de placer une double croix gigantesque au sommet des quatre piliers. Ces derniers n’ont toutefois pas été achevés.

Le mémorial contreversé des accords de Trianon, monument au drapeau hongrois au sommet du mont du Calvaire, photo droits réservés

En décembre 1944, trois monitors (bateaux de guerre fluviaux) jettent l’ancre à proximité du village qu’il bombarde avec les  environs. Zebegény sera libéré par des troupes soviétiques.

Station de bateaux de Zegenény, sources photo Fortepan.hu

Zebegény abrite, outre un certain nombres de monuments historiques, de villas de style Art Nouveau, de maisons anciennes, de caveaux de vignerons, une académie d’été des Beaux-Arts et un environnement naturel agréable et reposant avec sa plage, le belvédère Kós Károly et ses villas cossues en plus ou moins bon état, une plage avec des loisirs nautiques, de nombreux autres sites d’intérêt culturels et touristiques :

Le château de Dőry
L’église catholique romaine dédiée à la Vierge Marie-des-Neiges
Les chapelles et les stations du mont du Calvaire
Le sanctuaire et la grotte au pied du mont du Calvaire
La chapelle Sainte-Marguerite de Völgy utca
Le Musée du peintre post-impressionniste István Szőnyi

Musée du peintre István Szőnyi à Zebegény

La villa Maróti au-dessus du Danube (villa privée)
Un musée très hétéroclite de l’histoire de la navigation avec les objets et les documents du capitaine Vince Farkas (musée privé).
Le parc du drapeau national et le mémorial des héros au sommet du mont du Calvaire
Le parc du Millenium
Le belvédère Kós Károly
Il existe de nombreuses possibilités d’hébergement dans le village.

Notes :
1 Chaline Olivier, Vajda Marie-Françoise, « La Hongrie ottomane XVIe-XVIIe siècles. Introduction », Histoire, économie & société, 2015/3 (34e année), p. 5-18. DOI : 10.3917/hes.153.0005. URL : https://www.cairn.info/revue-histoire-economie-et-societe-2015-3-page-5.htm

 

Un Fribourgeois sur le Danube hongrois dans les années 1880

   « À l’embouchure de la Raab1, le Danube ralentit encore son cours ; il s’arrondit et présente aux yeux le splendide aspect d’un golfe tranquille. Sur sa rive droite, du côté du mont Pannonien2, des plaines dessinent le damier fertile de leurs champs et de leurs moissons ; de jolis villages entrevus à travers les arbres appliquent avec une finesse de dentelle leurs petites maisons blanches sur le velours des prairies montantes ou le bleu satin du ciel. La ville de Raab3, au pied de sa colline, ressemble à une grande aquarelle qui sèche au soleil ; et le couvent du mont Saint-Martin4 se détache avec une teinte fauve de vieille majolique5 sur son socle de rochers festonné de pampre. Sur l’autre rive, des troupeaux de boeufs passent, conduits par un paysan hongrois au vaste chapeau noir, à la pelisse brodée, aux pantalons blancs qui descendent en franges à la hauteur de la botte. Les îles que forme ici les fleuve se divisent entre elles en plusieurs îlots, que relient des canots naturels ou creusés à main d’homme. Des oiseaux aquatiques, au plumage étincelant comme un écrin de pierreries, se jouent à l’ombre argentée des saules ou autour des roseaux qui se dressent avec une raideur de lance ; des hérons mélancoliques, perchés sur leurs hautes jambes comme sur des échasses, se tiennent au bord de l’eau, dans une immobilité de bête empaillée, attendant le poisson qui ne vient pas ; des hirondelles habituées à nicher sur les berges volent en poussant de joyeux cris d’écoliers en vacances, et s’égrènent dans l’air comme des colliers de perles noires.
    Les vapeurs et les embarcations qui descendent la Raab jusqu’au Danube, les magnifiques steamers de la compagnie de navigation austro-hongroise6 qui  se croisent là comme en pleine mer, les remorqueurs, les grandes barques, les schloppes7, les radeaux8 qui passent, donnent au fleuve une vie et une animation qu’il n’a point dans sa partie supérieure, hérissée d’entraves. Et c’est aussi à partir de Presbourg9 et de l’embouchure de la Raab qu’on rencontre ces pittoresques villages flottants10 échelonnés le long des rives, et composés de moulins fixés sur deux bateaux rattachés l’un à l’autre par des chaînes. La roue, mise en mouvement par le courant, tourne au milieu avec un gai clapotis. L’hiver, les moulins sont ramenés à la rive et démontés jusqu’au retour du printemps.

   Des familles entières vivent ainsi sur l’eau une partie de l’année, ne venant à terre que pour livrer leur mouture ou chercher des provisions et du blé. Pendant que nous étions arrêtés à Gönyö10. Notre vapeur avait repris sa marche ; nous glissions sans bruit et sans secousse, avec une vitesse d’oiseau, comme si nous avions été emporté par des ailes. À droite et à gauche, les rives, vastes plaines qui furent les champs de bataille des éléments avant de servir de champs de bataille à l’humanité, fuyaient dans des perspectives infinies… »

Victor Tissot, « La ville de Raab (XXI) », in Voyage au pays des Tsiganes (La Hongrie inconnue), E. Dentu éditeur, Librairie de la Société des Gens de Lettres, Paris,  Deuxième édition, Paris, 1880, pp. 434-436

Notes :
1 En hongrois Rába, affluent de la rive droite du Danube d’une longueur de 250 km qui prend sa source en Autriche dans le Land de Styrie et qui se jette dans le Danube Mosoni ou Petit Danube à la hauteur de la ville hongroise de Györ qui portait autrefois également le nom de Raab.
2 Massif du Bakony au nord du lac Balaton
3 Győr
4 L’abbaye bénédictine de Pannonhalma, fondée en 996, classée au patrimoine mondial de l’Unesco
5 Faïence italienne de la Renaissance initialement inspirée de la céramique hispano-mauresque. Le terme désigne aussi les faïences européennes primitives exécutées dans la tradition italienne, sources Larousse
6 Les bateaux à vapeur de la D.D.S.G. (Compagnie de Navigation à Vapeur sur le Danube)
7 Schlepper, remorqueurs à vapeur
8 Flösser, en français radeau, assemblage de troncs d’arbres manoeuvrés par un équipage qui descendaient le Haut-Danube et quelques-uns de ses affluents (Isar) vers Linz ou Vienne. 
9 Bratislava
10 Des bateaux-moulins, très nombreux sur le Danube hongrois à cette époque.
11 Gönyű, port de commerce et autrefois de pêche sur le Danube de Győr.

Eric Baude © Danube-culture, novembre 2022

L’ultime voyage danubien de l’empereur Charles Ier de Habsbourg

Le mariage du futur dernier empereur d’Autriche, Charles de Habsbourg avec la princesse Zita de Bourbon-Parme (1911)

« La lumière ocre de ce midi sur le fond mordoré des eaux du fleuve offre — comme la vaste et aristocratique Beke Ter [aujourd’hui la place Szent Háromság tér] avec ses édifices jaunes — un cadre digne de l’épilogue ou plutôt du post-scriptum de l’histoire des Habsbourg, qui s’est déroulé sur ses rives du Danube. Charles, avait tenté, en 1921, de remettre sur sa tête la couronne de saint Étienne ; la tentative ayant échoué, non sans provoquer une petite émeute mais sans aller jusqu’à interrompre une fameuse partie de football en train de se dérouler à Budapest, une canonnière anglaise le transporta, en compagnie de l’impératrice Zita, de Baja à l’île de Madère, le lieu de son exil. C’est sur ces rives que le nonce apostolique lui accorda sa bénédiction. C’est ainsi que le dernier des Habsbourg descendit le Danube, le fleuve de sa couronne, à la rencontre de la mer Noire, de la Méditerranée, des colonnes d’Hercule, de l’exil. »
Claudio Magris, Danube, Gallimard, Paris, 1986

La place de la Sainte-Trinité de Baja en 1938 (FOTO:FORTEPAN / Kölcsey Ferenc Dunakeszi Városi Könyvtár / Petanovics fényképek)

C’est dans la nuit du 11 au 12 novembre 1918 que le dernier empereur d’Autriche-Hongrie, Charles Ier de Habsbourg, petit-neveu et successeur de François-Joseph Ier d’Autriche-Hongrie (1830-1916) doit abandonner avec sa famille la résidence viennoise de Schönbrunn pour se réfugier au château d’Eckartsau qui avait été la propriété de François-Ferdinand de Habsbourg (1863-1914), située en aval de Vienne, sur la rive gauche du Danube tout proche, dans la région orientale du Marchfeld.

Le château d’Eckartsau, ancienne résidence de chasse de l’archiduc François-Ferdinand de Habsbourg, photo Danube-culture, droits réservés

Ils n’y demeurent que pour un bref séjour avant d’êtres contraints par les Alliés à l’exil. Leur départ pour la Suisse a lieu le 23 mars 1919, depuis la petite gare voisine de Kopfstetten.

La petite gare de Kopfstetten-Eckartsau (photo Gemeinde Eckartsau, droits réservés)

C’est le train de la cour (Hofzug) qui emmène l’empereur, sa famille et une suite restreinte vers leur exil helvétique. Ils sont accompagnés par un détachement de soldats britannique placés sous le commandement du lieutenant colonel Edward Lisle Strutt (1874-1948). Charles Ier n’aura de cesse de tenter de revenir en Autriche-Hongrie. La première tentative de retour et de restauration a lieu au printemps 1921. Elle échoue malgré un accueil chaleureux de la population hongroise tout comme échouera la deuxième de l’automne 1921. Lors de celle-ci, l’empereur est parti avec son épouse qui a insisté pour l’accompagner.
Après leur départ incognito en voiture d’Herstentein où ils ont laissés leurs enfants puis en avion de l’aéroport de Dübendorf près de Zürich, leur retour rocambolesque en Hongrie et la deuxième tentative échouée de restauration, l’empereur Charles Ier, est assigné à résidence avec sa femme Zita de Bourbon-Parme (1892-1989) à l’abbaye bénédictine de Tihany au-dessus du lac Balaton, surnommé  « la mer hongroise ». « Les moines nous réservèrent un accueil très amical » raconte l’impératrice dans ses mémoires.  C’est ici que commence, le 31 octobre 1921, l’ultime voyage vers l’exil du dernier empereur d’Autriche-Hongrie, voyage qui l’emmène avec sa femme et sa fidèle petite escorte tout d’abord en train vers Baja sur la rive gauche du Danube en Hongrie méridionale. À Baja, ville natale du grand héros de la guerre d’indépendance de 1849-1849, Itsván Türr (1825-1909) et contraint lui aussi à l’exil, l’attend une canonnière britannique le Glow worm (le Vers luisant !) dont le commandant l’oblige à prêter serment de ne pas tenter de s’évader.

Charles Ier de Habsbourg-Lorraine (1887-1922), dernier empereur d’Autriche et roi de Hongrie.

Le Glow worm appareille avec ses passagers prestigieux et longe les terres méridionales hongroises chargées d’histoire, passe devant la petite ville de Mohács et du lieu de la terrible défaite hongroise en 1526 face aux armées ottomanes de Soliman le Magnifique puis d’une victoire en forme de revanche en 1687, de Belgrade et doivent mettre fin à leur croisière forcée à Moldova (aujourd’hui Moldova Vecche), sur la rive roumaine à cause d’un régime de basses-eaux du Danube. De là, le trajet va se poursuivre en voiture vers la gare d’Orşova où un train emmène le couple impérial et sa petite suite jusqu’à Galatz. Le convoi ferroviaire avance lentement vers l’est, traverse Craoiva, Bucarest, Ploieşti, Brăila et arrive enfin à Galatz en Moldavie (roumaine), port maritime du bas-Danube et siège de la Commission Européenne du Danube. Pathétiques retrouvailles de l’empereur avec le fleuve symbole de l’Empire austro-hongrois et sur les rives duquel il est né, dans le château familial de Persenbeug, en Basse-Autriche aux portes du Nibelungengau, le 17 août 1887.

À Galatz les attend un ancien yacht de luxe, le Princesse Maria. À son bord, ils ont la surprise de se voir proposer un repas à la manière du château de Schönbrunn. Le cuisinier qui officie sur le bateau a travaillé avant la guerre, dans les cuisines impériales  à Vienne.

Le croiseur britannique Cardiff qui emmène en exil Charles Ier et sa femme Zita de Bourbon-Parme sur l’île portugaise de Madère (photo droits réservés)

Le yacht rejoint un navire militaire britannique, le croiseur Cardiff sur lequel l’empereur embarque avec sa femme et le fidèle comte Hunyady et son épouse qui les accompagnent. Il doit à nouveau donner, comme il l’a déjà fait avec le commandant de la canonnière, sa parole au commandant du croiseur de ne pas tenter de s’évader. Mais comment pourrait-il tenter désormais de s’échapper ? Le bateau quittera bientôt les eaux du grand fleuve pour les flots de la mer Noire. Il passera le détroit du Bosphore, au large de Constantinople, puis ceux des Dardanelles et de Gibraltar et rejoindra le 19 novembre Funchal et l’île portugaise de Madère où la Conférence des ambassadeurs qui se tenait à Paris avait décidé que l’empereur déchu serait exilé. Le couple s’installe à la villa Victoria. Charles Ier mourra d’une pneumonie sur cette île très peu de temps après, à 37 ans, le 1er avril 1922.

L’église Nossa Senora do Monte à Funchal (Madère) où repose l’empereur Charles Ier, photo droits réservés

Dans ses mémoires l’impératrice Zita de Habsbourg raconte de façon touchante cette étrange et pathétique dernier voyage d’exil :
« Nous quittâmes Tihany tard dans la soirée et on nous conduisit au Danube, jusqu’au bateau où nos propres soldats formèrent une haie ; puis, on nous confia aux militaires anglais….
Le commandant britannique du bateau  nous traita le mieux du monde, mais nous étions très l’étroit et le manque d’intimité, des jours durant, nous causa quelques difficultés.
Nous éprouvâmes un grand réconfort à l’idée du Danube qui nous portait et de notre vieille patrie qui nous saluait au passage. Nous vîmes défiler les nombreuses localités qui nous avaient reçus si chaleureusement il y avait à peine trois ans (…). Et puis, à notre grande surprise, un doyen vint nous avertir que les pilotes du Danube avaient refusé de guider notre bateau à travers les rapides du fleuve. Les Hongrois, comme les Croates, avaient déclaré qu’ils ne voulaient pas piloter un bâtiment qui servait à expulser leur Roi. Ils avaient, en outre, procédé à toute une série d’actes de sabotage pour l’empêcher d’aller plus loin. La fidélité de ces hommes nous émut beaucoup.
Je me souviens aussi des paroles d’un officier serbe : « Imaginez-vous ce que cela veut dire pour moi ! Certes, je suis Serbe, mais j’ai servi sous le roi Charles. Cela me fend le coeur de devoir, à présent, en tant qu’officier de l’armée serbe, expulser celui qui fut mon Roi. »
Lorsqu’une fois encore, le bateau ne put poursuivre sa course les gens dirent : « C’est évident, le Danube refuse de transporter le Roi hors du pays ! ». C’est ainsi que nous attendîmes deux ou trois jours devant la porte de l’écluse qui nous interdisait le passage : le temps de chercher une solution.
Pour finir, les Anglais décidèrent, d’un commun accord avec les Français qui nous accompagnaient, de nous transporter à terre en canot, puis en voiture jusqu’à la gare la plus proche. Pendant le trajet, nous fîmes un arrêt pour permettre à un anglais de faire des démarches. C’est alors que les dockers regardèrent à l’intérieur de la voiture et dirent en hongrois : « Ne désespérez pas Sire, ça va changer ! » Eux aussi étaient serbes, des sujets hongrois d’autrefois.
À Orşova, on nous installa dans un train. Une nouvelle fois, nous fûmes émus de voir accourir la population : elle vint rendre hommage au Roi et l’assurer de sa fidélité. Cela se passait justement dans une région qui avait été marquée par le nationalisme roumain.
D’Orşova, nous gagnâmes Galatz. Nous y embarquâmes sur le Princesse Marie, un vieux bâtiment autrichien que les Roumains avaient pris et baptisés autrement. Cela nous toucha particulièrement qu’on nous servît à bord un déjeuner composé de spécialités viennoises. Nous voulûmes savoir comment cela était possible. Il s’avéra que le cuisinier était viennois et avait travaillé à la cour, autrefois (…).
Finalement, nous atteignîmes l’endroit où nous devions prendre le train. De nouveau, la population accourut de toute part et les autorités roumaines durent répandre une fausse information sur le lieu de notre départ. Elles devaient empêcher les gens de bloquer voiture et train. C’est ainsi que, par une voie secondaire, mais en train spécial, nous gagnâmes l’embouchure du Danube.
Nous passâmes encore une nuit à terre avant de monter sur le navire où le commandant nous attendait. Le comte et la comtesse Hunyady eurent juste le temps de nous  rejoindre ; déjà nous voguions vers la mer Noire.
À Sulina, nous embarquâmes sur un autre bâtiment où commandant, officiers et équipage nous accueillirent très amicalement. Cette fois, c’était le croiseur anglais « Cardiff « . À son bord, nous traversâmes la mer Noire pour gagner Constantinople. Il est vrai que cette ville n’avait plus le même aspect que trois ans auparavant… Le sultan avait été renversé, les bâtiments étaient à l’abandon et les belles roses de mai fanées. Quelle différence avec ces jours où nous étions à la Corne d’Or et espérions encore parvenir à l’équilibre et à la paix ! Nous parlions encore de la place de l’Autriche dans  la nouvelle Europe à venir, de son rôle au Proche-Orient… »

Eric Baude pour Danube-culture, mis à jour juillet 2023 © droits réservés, 

Notes :
1 Bien qu’il eut été couronné roi de Hongrie à Budapest le 1er décembre 1916, Charles Ier ne sera jamais, durant ses deux années de règne (1916-1918), couronné à Vienne comme empereur d’Autriche ni à Prague comme roi de Bohême.

Feigl, Erich, Zita de Habsbourg, Mémoires d’un empire disparu, préface de François Fetjö, Éditions CRITERION, Paris, 1991, pp. 334-336

Sources :
http://blogpatrickgermain.blogspot.com
Magris, Claudio, «Épilogue à Baja», in Danube, collection «L’Arpenteur», Éditions Gallimard, Paris, 1988

Feigl, Erich, Zita de Habsbourg, Mémoires d’un empire disparu, préface de François Fetjö, Éditions CRITERION, Paris, 1991, pp. 334-336
GERMAIN, Patrick, Charles et Zita, derniers souverains d’Autriche-Hongrie, préface de Mgr l’Archiduc Rodolphe d’Autriche, Éditions France-Europe, Paris, 2002 

Le canal de la Sió ou en bateau du Danube au lac Balaton

Le confluent du canal de la Sió avec le Danube (PK 1497, 15), photo © Danube-culture, droits réservés

   Un premier canal fut creusé dès l’Antiquité pour drainer les marais environnants et son courant se dirigeait vers le lac. Aujourd’hui l’eau circule dans l’autre sens. La rivière sert (servait) ainsi de déversoir du lac en direction du Danube où elle conflue sur la rive droite avec celui-ci à la hauteur du PK 1497, 15.
Dans le cadre des travaux de régulation du XIXe siècle des plans furent élaborés pour maîtriser le niveau d’eau du lac Balaton avec comme objectifs la construction d’une voie navigable reliant le lac au Danube, le drainage des marécages environnants et leur transformation en terres agricoles, la sécurité du port et de la ville de Balatonfüred et la prévention des destructions causées par les inondations et la glace sur les digues de la ligne ferroviaire Budapest-Adria. C’est la construction de cette voie ferrée nécessitant la mise en place d’un système de surveillance du niveau de l’eau du lac qui eut pour conséquence l’inversion du courant de la Sió.

Le canal de la Sió et les écluses de Siófok, photo droits réservés

Une écluse à deux branches avec une porte en bois fut aménagée à la hauteur de Siófok et inaugurée le 25 octobre 1863. Celle-ci s’avéra insuffisante et une nouvelle porte la remplaça en 1891. Si le niveau de l’eau du lac dépassait une hauteur de 110 cm, les vannes d’ouverture étaient actionnées. C’est de nos jours toujours le seul canal d’évacuation de l’eau du lac Balaton.
Le canal qui quitte le lac à la hauteur de Siófok a une inclinaison moyenne de 14,5 cm/km, une longueur de 120, 8 km et une largeur de 20 à 30 mètres. La profondeur de l’eau varie entre… 0 et 8,8 m et le courant entre 0,5 et 4 km/h. Il est nécessaire de franchir deux écluses pour rejoindre le lac depuis le Danube. La première se trouve à Siófok à la hauteur du port et la deuxième à 2, 7 km du Danube. Le niveau d’eau du canal de Sio est très irrégulier. Dans la partie supérieure, il n’est significatif que lorsque la porte est ouverte à Siófok pour que face aux menaces d’inondation une partie de l’eau du lac soit drainée vers le Danube. La partie inférieure dépend principalement du niveau d’eau de son affluent le Kapos. Son entretien n’étant plus assuré depuis une trentaine d’années, envasé et envahi par la végétation, il est pour le moment malheureusement fermé à la navigation de plaisance mais représente un territoire fort apprécié par la faune et la flore. Il est toutefois possible que le canal soit remis en état dans les années à venir.
Deux rivières confluent dans le canal, le Kapos (113 km) et le Sárvíz (110 km), un ancien affluent direct du Danube qui serpentait à travers la plaine marécageuse et souvent inondée du Sárköz jusqu’à Báta, lui-même canalisé et dévié vers le canal à la hauteur de Szekszárd.

L’ancien cours du Sárvíz qui confluait autrefois directement avec le Danube sur une carte de F. L. Marsigli (1658-1730)

Sources :
István Deák: Balaton és Sió-csatorna hajózási kézikönyv / Balaton und Sió-Kanal Schifffahrtshandbuch. Budapest 2009

Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, avril 2022

Ports de plaisance, emplacements d’amarrage et d’ancrage et autres informations pour naviguer sur le Danube hongrois, du km 1850, 2 (rive droite) au km 1433

Km 1811, rive droite
Le vieux Danube retrouve le lit principal en aval du canal de Gabčikovo.
☛ Le port de bateaux de plaisance d’Asvanyraro, 5 km en aval dans un ancien bras du fleuve de la rive droite, n’est pas en service actuellement.

Km 1874, rive droite
Danube-Mosoni/Györ
Un large bras secondaire du Danube conduit jusqu’à la jolie ville de Györ. On doit remonter celui-ci toutefois sur 15 km pour trouver un ponton d’amarrrage. Celui-ci se situe devant l’hôtel Amstel, 200 m après le confluent de la Raab avec le Danube-Mosoni.
Sanitaires et restauration à l’hôtel

Ne pas manquer de visiter Györ si l’on choisit d’y faire étape.
Contacts :
Tel : 0036/96 518-423
 info@amstelhattyu.eu
www.amstelhattyu.hu

Km 1758, 8, rive droite
Ponton de la forteresse de Komárom, reconnaissable à son toit herbu, amarrage autorisé.
La forteresse (Monostori Eröd), l’une des trois places fortes de la ville se visite de mars à octobre.
www.fort-monostor.hu 

Km 1767, 8, rive droite
Ancien poste frontière de Komárom

Km 1750, rive droite
Il est possible également de s’amarrer au petit port musée de la navigation de Nezsmely mais il est nécessaire dans ce cas d’aller jusqu’à l’entrée du vieux-bras de Nezsmely, km 1744, 4 et de le remonter jusqu’au ponton du musée.
Musée ouvert périodiquement.

Km 1744, 4, 
rive droite
Entrée du vieux bras de Nezmely. Possibilité d’ancrer en amont du camping.
1500 m après l’entrée du vieux-bras, on trouve le ponton de l’agréable camping «Eden» avec son petit port.
Attention aux éventuels bancs-de-sable à l’entrée, en cas de basses-eaux. Il est prudent de sonder. Possibilité également d’ancrer en amont du camping.
Mouillage : 3 m, eau et électricité au ponton, sanitaires au camping
Chambres et bungalow à louer. Restaurant au camping avec une bonne cuisine, place de jeux pour les enfants, piscine, petit magasin.
Contact :
Tél. : 0036/33 47 41 83

Au fond du vieux bras de Nezsmely se trouve le petit port-musée avec l’ancien bateau à vapeur  « Zoltán Gőzös » où les bateaux de plaisance peuvent également s’amarrer. Il faut compter 6 km de l’entrée du bras jusqu’au port-musée. Le chenal est partiellement indiqué par des bouées qu’il faut laisser à gauche en montant mais il est nécessaire de sonder régulièrement. Eau, électricité et sanitaires. Ouvert du 1er mai au 31 octobre (sous réserve).
Contacts :
Tel : 0036/30 385 10 70
skanzen@zoltanalapitvany.hu
www.hajoskanzen.hu

km 1739, rive droite
Hôtel/restaurant Panorama
Possibilité d’amarrage pour les hôtes de l’établissement (petit ponton sur le fleuve)
Contacts :
Tel. : 0036/33 4625 51

Km 1718, 7
, rive droite, E
Port de plaisance Nautica d’Esztergom, ouvert en 1990. Celui-ci se trouve dans le bras du Vieux-Danube (Kis-Duna). Possibilité d’amarrage sur la rive droite au ponton pour les bateaux de plaisance (jusqu’à 10 m) en amont de la première passerelle pour les piétons.
Mouillage : 1, 50 m minimum, eau et électricité au ponton, douches et wc.
Attila Papp se charge volontiers des demandes en carburant (jerricans).
Le Kis-Duna est étroit mais le courant soutenu permet toutefois d’effectuer des manoeuvres dans un espace restreint.
Contacts :
Attila Papp, capitaine du port
Tel. : 0036/30/227 13 69
www.nautica-yacht.hu

Nombreuses possibilités de restauration dans cette jolie ville à l’atmosphère agréable, ancienne capitale royale, surnommée la Rome hongroise et siège de l’archevêché de Hongrie. Une visite à la célèbre basilique qui domine le fleuve, lieu de pélerinage aux ruines du palais royal et à la vieille ville baroque s’impose. Des établissements thermaux se trouvent à proximité du port de plaisance.

Km 1718 (à partir du), Dunakanyar (Le coude du Danube)
Cette partie du fleuve en amont de Budapest où celui-ci traverse les massifs montagneux des monts Börszöny, des monts Pilis et de Visegrád qui le contraignent à effectuer vers le sud, à la hauteur de la forteresse Visegrád, un impressionnant virage de 90°, est une région particulièrement attrayante, lieu de villégiature très appréciée des habitants de la capitale hongroise. Les paysages riverains du fleuve constitue le territoire du Parc National Duna-Ipoly.
En aval de la remarquable forteresse de Visegrád, le fleuve se partage en deux bras qui se réunissent une trentaine de kilomètres à l’entrée de Budapest. Il est possible de rester cette fois soit sur le bras principal, soit de prendre l’option de naviguer sur le bras de Szentendre (qu’on prononcera à la française « Saint André ») et de s’arrêter pour visiter l’adorable petite ville du même nom. Les premiers habitants furent les Celtes et les Illyriens, que suivirent les Romains puis beaucoup plus tard les Serbes. La petite ville connut son apothéose au XVIIIème siècle. De nombreux peintres, séduits par l’atmosphère et l’environnement fréquentèrent Szentendre à partir de la fin du XIXème.

Km 1708, 2, rive gauche
Confluent de l’Ipoly (Eipel) avec le Danube, frontière entre la Slovaquie et la Hongrie.

Km 1705, rive droite
Port de refuge de Pilismarot.
Possibilité d’ancrer dans l’ancien bras profond de Pilismarot. La partie ouest de l’ancien bras est interdite aux bateaux à moteur.

Km 1704, rive droite
Le ponton du « 5 Billion stars Camping » de Pilismarot sert au bac (passagers et bicyclette) mais on peut s’y amarrer après avoir obtenu l’autorisation du responsable du camping.
Contacts :
00/36/ 20/598 00 34

Km 1703, 5, rive gauche
Il existe une possibilité de mouiller l’ancre bien abritée sur le Danube entre la jolie petite ville de Zebegeny et l’île qui se trouve en face. Musée de la navigation (ouverture saisonnière et aléatoire).

Km 1694, 5, rive gauche.
Port de plaisance du club de bateaux à moteur de Nagymaros. Longueur maximum 12 m.
Eau et électricité au ponton, grue.
Bien sonder en période de basses eaux.
Contacts : 
0036/ 702 09 73 96

Il existe une autre possibilité d’amarrage à proximité sur le ponton de l’hôtel-restaurant « Szent István Fogadó ».
L’hôtel-restaurant peut assurer un service de carburant (prévoir des jerricans).
Contacts :
0036/27/59 40 90
www.szentistvanfogado.hu

Un peu plus loin en aval, toujours sur la rive gauche, derrière l’île Solyom, le club nautique Poséidon et un camping offre une possibilité d’amarrage à la belle saison. Attention le mouillage est souvent faible. Se renseigner au camping au préalable.
Contacts :
Camping : 0036/27/35 55 75 ou 0036/ 27 59 43 20

Restaurants et un supermarché à proximité. On peut rejoindre l’autre par bac.

Les 3 emplacements de Nagymaros ont l’avantage d’une superbe vue sur la citadelle de Visegrád.

A suivre…

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