Adah Kaleh

Tout comme l’ancienne et proche cité roumaine d’Orşova, érigée à l’emplacement de la colonie romaine de Tierna et qui marquait la fin de la voie trajane, prouesse technique et humaine taillée dans les rochers le long du fleuve par les armées romaines, la minuscule mais singulière île danubienne d’Adah Kaleh (1,7 km de long sur 500 m de large) fut recouverte en 1970 par les eaux d’un lac artificiel, conséquence de la construction du premier des deux imposants barrages/centrales hydroélectriques roumano-serbe des Portes-de-Fer, Djerdap I.

Cette île minuscule en forme de croissant au milieu du grand fleuve, formée par les sédiments d’un affluent de la rive gauche roumaine, la rivière Cerna, fut submergée par la volonté du dictateur roumain N. Ceauşescu qui ne voyait sans doute dans cette île « exotique » qu’un désuet et encombrant souvenir de la longue domination ottomane sur les principautés danubiennes de Moldavie et de Valachie. L’histoire de cette île remonte jusqu’à l’antiquité et à la mythologie grecque. Elle portait avant l’arrivée des turcs sur l’île au XIVe siècle encore, semble-t-il, son nom grec d’origine, Erythia. Hérodote la mentionne sous le nom de Cyraunis. Les chevaliers teutoniques la baptisèrent Saan. L’île répondit aussi aux noms de Ducepratum, l’île ville Ata / Ada, l’Ile forteresse, Ada Kale, Ada-i-Kebir, l’île d’Orsova, la Nouvelle Orsova, Karolina. Les Serbes la mentionnent sous le nom d’Oršovostrvo, les Hongrois la nomment Uj-Orsova sziget et les Roumains continuent à l’appeler de son nom turc Adah Kaleh (l’île fortifiée).

La vieille Orsova, la Nouvelle Orsova et les récifs en aval, dessin du XVIIIe siècle

Certains archéologues supposent que l’empereur Trajan lors de la guerre daco-romaine de 101-102, aurait traverser le Danube avec ses légions juste à l’endroit où se trouvait l’île, après avoir fait construire un pont de bateaux qui s’appuyait sur celle-ci. L’existence d’un canal de navigation pourrait confirmer qu’Adah Kaleh, de par sa position stratégique pour la défense de l’accès au canal, devait être déjà peuplée durant les Ier et IIe siècles après J.-C.1
Pour l’archéologue serbe Vladimir Kondic, la forteresse romaine de Ducepratum ou Ducis pratum, utilisée du IVe au VIe siècle, aurait été construite sur l’île.2
   Une légende populaire de la région des Portes de Fer raconte qu’Hercule a séparé des rochers au lieu dit « Baba Kaj » ouvrant de ce fait les gorges du fleuve qui s’écoule vers la mer Noire. Les Valaques croient à un être surnaturel qu’ils appellent Dzuna, terme ressemblant beaucoup au mot Danube. Dzuna habite dans les profondeurs des eaux, sort de l’eau pour se laisser porter par le vent quand il souffle et on entend alors la musique des flûtes. Vue de la falaise, l’île Ada Kaleh ressemblait énormément par sa forme à un dragon dont la tête plongeait dans les profondeurs de Danube. Et selon de nombreuses croyances populaires de la région des Portes de Fer, on croit que la carpe, à partir d’un certain âge acquiert des ailes et sort de l’eau pour se transformer en dragon, d’où probablement la légende d’un combat mystique entre le héros populaire serbe Novac et un terrible dragon de la région des Portes de Fer. Novac coupa la tête du dragon qui dégringola de la colline et abandonna une trace de sang de serpent formant la rivière Tcharna du côté de la rive gauche confluant avec le grand fleuve près de l’île Saan-Ada Kale. L’origine du mot Saan renvoie au sang en latin et roumain, d’où la légende que l’île a été créée soit à partir de la tête en sang du dragon, soit à partir de gouttes de ce sang versé à l’endroit où la rivière Tcharna [Cerna] se jette dans le Danube. »3
L’île est mentionnée sur une carte autrichienne de 1716 sous le nom de Carolaina.4 

Les avantages de l’emplacement stratégique de l’île permettant de contrôler la navigation sur le fleuve à un endroit où la largeur de celui-ci est restreinte en raison du relief traversé, sont remarqués par les armées de l’empire des Habsbourg qui, après avoir repoussé les Turcs au XVIIsiècle, la dote d’un dispositif de fortifications afin de se prémunir contre de nouvelles menaces ottomanes, transformant peu à peu l’île à chacune de leurs occupations, en une sorte de  « Gibraltar » de l’occident en Europe orientale.
Mais en 1739, suite au Traité de Belgrade entre l’Autriche et l’Empire ottoman, négocié avec l’aide de la France, l’île est rendue à la Sublime Porte ainsi que la Serbie et Belgrade. Elle sera difficilement reconquise par l’Empire autrichien en 1790 lors d’une nouvelle guerre austro-turque et demeurera par la suite ottomane jusqu’en 1918.

Ada Kaleh (Neu Orsova) sur la carte de Pasetti

Elle fut étonnement (volontairement ?) un des « oublis » des négociations du Congrès de Berlin (1878). Occupée de force par les armées austro-hongroises au moment de la Première guerre mondiale, Adah Kaleh devient officiellement un territoire roumain suite au Traité de Lausanne (1923). Les autorités roumaines d’alors en laissent la jouissance de l’île à la population turque insulaire tout en lui donnant un statut fiscal avantageux, statut qui encourage la contrebande. Elles la dotent en même temps de nouvelles infrastructures, construisent une école officiant en roumain et en turc, une église orthodoxe, une mosquée, une mairie, un bureau de poste, une bibliothèque, un cinéma, des fabriques de cigarettes, de loukoums, de nougats, des ateliers de couture et y installent même une station de radio !

Intérieur de la mosquée

La réputation grandissante de l’île lui permet d’attirer alors de nombreux visiteurs au nombre desquels le roi Carol II de Roumanie, des dignitaires du régime communiste et des curistes de la station thermale proche de Băile Herculane (Herkulesbad, les bains d’Hercule). On raconte aussi que des tunnels auraient également été creusés par des trafiquants de marchandises sous le fleuve depuis l’île vers la rive droite yougoslave. Les habitants y vivent de la fabrication de tapis, de la transformation du tabac, de la fabrication du sucre oriental rakat, d’autres produits non imposés, du tourisme et profitent sans doute aussi de divers trafics de marchandises.

Boite de lokoums « La favorite du sultan » d’Adah-Kaleh

Il ne reste qu’un peu moins d’un demi-siècle avant sa disparition définitive, rayée de la carte par la dictature communiste. Mais qui sait si Adah Kaleh dont le minaret de la mosquée réapparaît parfois en période de basses-eaux du Danube, comme pour rappeler sa présence silencieuse sous les eaux assagies par la construction du barrage, ne redeviendra pas un jour ce qu’elle fut autrefois.

Ada Kaleh, photo Rudolf Koller, 1931, collection Bibliothèque Nationale d’Autriche, Vienne

Informés du projet mégalomane les habitants turcs commencent à déserter « l’île sublime » bien avant le début des travaux du barrage. Certains choisissent de repartir en Turquie, d’autres s’installent dans la région de la Dobroudja, à Constanţa qui a conservé un quartier  turc ou à Bucarest, attendant vainement la réalisation de la promesse du gouvernement roumain d’être rapatriés avec le patrimoine d’Adah Kaleh sur l’île toute proche en aval de Şimian (PK 927). Mais le projet de second barrage en aval sur le Danube, près de Gogoşu, (PK 877) qui commence dès 1973 et dont le lac de retenu aurait du à son tour noyer cette terre d’accueil, décourage les habitants de s’y installer. Il reste encore aujourd’hui sur cette petite île abandonnée, au milieu d’une végétation abondante, des ruines de ce nouveau paradis turc perdu. D’autres îles des environs d’Adah Kaleh ont subi le même sort.

L’île de Şimian avec ses quelques vestiges mais sans le charme de sa soeur Adah Kaleh (PK 927), photo © Danube-culture, droits réservés

Quelques monuments et maisons furent malgré tout reconstruits à cet endroit mais l’architecture et l’ambiance insulaire ottomane unique des petits cafés, des ruelles pittoresques, de la mosquée à la décoration élégante, des bazars turcs d’Adah Kaleh, de ses ruelles pittoresques et de ses jardins parfumés disparurent à jamais dans les flots de la nouvelle retenue.

« Je me souviens encore de l’odeur du tableau Ada Kaleh quand je sautais de mon lit. L’île verte avec son minaret jaune pâle […] et la femme turque peinte au premier plan lévitait sur les profondeurs vert Nil du Danube […] Ma chambre était pleine jusqu’au plafond de cette odeur d’huile de lin et quand j’ouvrais la fenêtre, je le voyais littérairement se déverser et couler en cascades le long des cinq étages de façade rugueuse de notre immeuble en préfabriqué… (Cărtărescu, 2007 : 156).

Notes : 
1 Srdjan Adamovicz, « Ada Kaleh histoire et légende d’une Atlantide danubienne »
https://doi.org/10.4000/cher.13140
2 idem

3 idem
4 idem
5 Cartarescu Mircea « Ada Kaleh, Ada Kaleh (Vallée du Danube/Roumanie) », dans Last andLost, Atlas d’une Europe fantôme, sous la direction de Katharina Raabe et Monika Sznajderman. Traduit du roumain par Laure Hinckel, Éditions Noir sur Blanc 2007, p. 155-173, cité par Srdjan Adamovicz, dans « Ada Kaleh histoire et légende d’une Atlantide danubienne », opus citatum.

Eric Baude  pour Danube-culture, mis à jour mai 2023, © droits réservés

Au revoir Adah-Kaleh, photo de 1964

Adah Kaleh, 1964

Sources :
ADAMOVICZ, Srdjan, « Ada Kaleh histoire et légende d’une Atlantide danubienne »
https://doi.org/10.4000/cher.13140
LORY, Bernard, « Ada Kale », Balkanologie, VI-1/2, décembre 2002, p. 19-22. URL : http://balkanologie.revues.org/437
MARCU, P. « Aspects de la famille musulmane dans l’île d’Ada-Kaleh », Revue des Études Sud-Est Européennes, vol. VI, n°4, 1968, pp. 649-669
NORRIS, Harry T., Islam in the Balkan, religion and society between Europe and the Arab world, Columbia (S.C.) University of South Carolina Press, Columbia, 1993

ŢUŢUI, Marian, Ada-Kaleh sau Orientul scufundat (Ada Kaleh ou l’Orient englouti), Noi Media Print, Bucureşti, 2010
VERBEGHT, Pierre, Danube, description, Antwerpen, 2010

Au revoir les enfants, au revoir Adah Kaleh…

 Documentaires :
The Turkish Enclave of Ada Kaleh, documentaire de Franck Hofman, Paul Tutsek et Ingrid Schramme pour la Deutsche Welle (en langue anglaise)
https://youtu.be/pNOLbkE4524
Le dernier printemps d’Adah Kaleh (1968) et Adah Kaleh, le Sérail disparu (en roumain)
npdjerdap.org

 

Adah Kaleh (II) : l’histoire de sa forteresse

   La construction de la toute première forteresse sur l’île d’Adah-Kaleh est à l’initiative de Vienne et remonte à 1691. Elle est édifiée selon le principe mis au point par Vauban par les troupes de Friedrich Ambros Veterani (1643-1695), un général des armées de l’Empire autrichien d’origine italienne.

Friedrich Ambros Veterani (1643-1695)

   Celui-ci a par ailleurs donné son nom aux célèbres grottes de Veterani situées sur la proche rive gauche du Danube (Roumanie).

Plan nouveau et très exact de l’lsle d’Orsova [pendant le siège ottoman de 1738] A. LIsle B. 4. Bastions C. 4. demies lunes D. Fossé marécageux E. L’Éperon avec un mur de parapet, autrement dit la retirade. F. Magasin G. fort pointu ayant un fossé plein d’eau de marais. H. Mur de parapet qui entoure toute l’Isle, au lieu d’un chemin couvert. I. petits ouvrages en forme d’Éperon. K. Casernes pour 4 bataillons. L. Église. M. grande garde. N. fort de St Charles et de Ste Élisabeth O. Pont volant [pour accéder à l’île et revenir sur la rive gauche]. P. Basse cour et Écurie pour les officiers de la garnison. Q. Cimetière des soldats. R. Tribunal de justice du Pays. S. Celui pour les soldats. T. Fournaise (Four à chaux) U. (V) Mine de pierres. W. bois à bâtir et à brûler X. Montagnes remplies de bois. Y. Limites de la Valachie. Sources BNF  

   Cette place forte initiale va subir alternativement, du fait de sa position stratégique qui lui permet de fermer le défilé du Danube et de paralyser la navigation sur le fleuve, de nombreux sièges des armées ottomanes et autrichiennes. Médiocrement protégée à l’origine par de faibles fortifications en terre, elle est prise une première fois par les armées ottomanes lors d’une contre-attaque.

Détail du plan précédent, Sources BNF

   Le traité de paix conclu sur les rives mêmes du Danube à Karlowitz (Sremski Karlovci, Serbie) le 26 janvier 1699 et qui met fin à la «Grande guerre turque» ou cinquième guerre austro-turque, longue de 26 années, donne la propriété de l’île à l’Empire ottoman. Mais les hostilités reprennent bientôt et ce sont cette fois les armées autrichiennes qui assiègent à la forteresse et la reprenne au bout de quelques mois. Quand à la paix de Passarowitz (Požarevac, Serbie) du 21 juillet 1718, elle entérine la prise de la forteresse par les Autrichiens bien décidés cette fois à la conserver.
   Les Autrichiens décident de la construction d’une nouvelle forteresse. Les travaux se prolongent et l’ouvrage ne sera achevé qu’au bout de vingt années. De forme rectangulaire, en pierres et en briques, il est situé au centre de l’île. Ses remparts et ses bastions protègent l’ensemble du site. Sur la rive droite, aujourd’hui serbe, un fort tour de guet complémentaire est érigée. Elle est reliée à l’île par une passerelle en bois qui sera détruite au cours du XIXe siècle. Avec les fortifications élevées sur la rive droite, le dispositif, baptisé du nom de Fort Élisabeth par les Autrichiens, rend presque impossible le passage des flottes ennemies.
   Les hostilités reprennent et la forteresse, à peine terminée, est assiégée et tombe pourtant à nouveau aux mains des Ottomans en 1738. Le Traité de Belgrade du 18 septembre 1739 marque la fin de cette guerre opposant l’Empire ottoman  à l’Autriche (et à la Russie). Gravement endommagée par les bombardements, la forteresse est reconstruite par les nouveaux occupants turcs. Les colons allemands qui s’y étaient installés pendant l’occupation autrichienne sont expulsés et remplacés par une population turque. Après un demi-siècle de paix les deux empires entre à nouveau en conflit en 1788 à l’initiative de Joseph II de Habsbourg (1741-1790 ). Belgrade est reconquise en 1789 par les troupes du Maréchal von Laudon (1717-1790) et Adah-Kaleh retombe pour une courte période aux mains des Autrichiens (1790). Le Traité de Sistova (1791) les contraint toutefois à restituer l’île, tout comme Belgrade, à la Sublime Porte.

Bombardement d’Adah Kaleh par les les armées autrichiennes du Maréchal von Laudon

   Ce traité inaugure enfin une longue ère de paix pour l’île qui va perdre de son importance stratégique du fait du déclin de l’Empire ottoman et de l’émancipation des peuples des Balkans. Adah Kaleh perd également sa garnison turque et sa passerelle la reliant à la rive méridionale qui sera laissé à l’abandon puis détruite au cours du XIXe siècle. Occupée pendant la première guerre mondiale, officieusement roumaine dès 1919,  elle reste sous domination ottomane jusqu’en 1923 où elle fut annexée officiellement à la Roumanie par le Traité de Lausanne tout en préservant sa séduisante atmosphère orientale.
   Un gros plan d’une carte de la Valachie datant de 1790 et de la brève occupation autrichienne d’alors, conservée à la Bibliothèque Nationale Autrichienne (ÖNB, Kartensammlung FBK Q.4.1a-i) permet de voir simultanément une passerelle, construite après le Traité de Passarowitz (1718) ou reconstruite entretemps, qui aurait encore relié à cette époque l’île au fort et à la tour de guet sur la rive droite (territoire ottoman) et un pont de bateaux (volant ?) provisoire, construit probablement dès après la reprise de l’île par les Autrichiens en 1790 qui relie la forteresse à la rive gauche (territoire autrichien) et aurait servi à différentes opérations militaires. 

Eric Baude © Danube-culture, mis à jour mai 2023

Adah Kaleh (Nouvelle Orsova) en 1830

Le passage des Portes-de-Fer (PK 951-944) : une navigation autrefois délicate

Pendant longtemps, des pilotes locaux avertis et audacieux, ont été sollicités pour risquer une traversée de ce défilé incertaine. Puis de nombreux travaux d’aménagements (dynamitage des rochers dans le lit du fleuve,  construction du canal de Sip et d’une voie de chemin de fer pour tracter les bateaux vers l’amont…) ont été entrepris au XIXe siècle améliorant en partie la navigation sans toutefois réussir à la sécuriser entièrement. Ce n’est que depuis que le barrage de Djerdap I avec son immense lac de retenue a été construit et mis en eau (1972) que celle-ci peut se faire désormais sans encombre.
Le schéma reproduit ci-dessous indique le chenal étroit qui devait être emprunté après la deuxième guerre mondiale par les bateaux au niveau du défilé des Portes- de Fer entre les PK 951 et 944.

 La navigation sur le Danube dans les Portes-de-Fer : sur la gauche du schéma l’extrémité aval de l’île d’Adah-Kaleh (chenal à babord), noyée désormais dans les eaux de la retenue du barrage de Djerdap I. C’est en aval de cette île que commençait autrefois les difficultés de navigation, le délicat passage de Sip (PK 947-944 env.).

Traduction de la légende du schéma 

Kanalstrecke : chenal navigable

Fahrlinie bei Normalwasser mit Ausweichstellen und Kehren : trajectoire à suivre lors d’un débit moyen avec aire de stationnement et de demi-tour

Befahrbare Zone bei Hochwasser : limite du chenal de navigation par hautes eaux

Bojen (alle bojen rot und weiß) : toutes les balises de navigation rouges et blanches

949 : point kilométrique

Damm : digue

Treidelbahn : chemin de fer de halage (Canal de Sip)

Felsen : rochers dans le lit du fleuve

Sand-u. Schotteruntiefen : bancs de sable et de graviers affleurant.

Sources :
Hans G. Prager, « Die Katarakte » in Was weißt du vom Donaustrom ?, FRANCKH’SCHE VERLAGSHANDLUNG, STUTTGART, 1962

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