Les Lipovènes du delta du Danube

Vilkove ou Vylkovo (Vâlcov en roumain), ancienne carte postale roumaine

« Il ne faudrait pas se figurer que les pêcheurs n’ont qu’à plonger leurs mains dans le Danube pour en retirer des poissons de choix. La pêche de l’esturgeon ne va pas sans péril. On suspend sur la moitié du fleuve, à deux poteaux ou à deux flotteurs, des filets formés de longues lignes qui balancent au mouvement des eaux, leurs gros hameçons. Dès que les esturgeons s’y engagent, ils sont attrapés et accrochés. Ces lignes doivent être assez espacées ; et les inspecteurs exigent entre les filets  un intervalle d’au moins cinquante mètres, afin que les petits, les chanceux ou les malins puissent s’esquiver. Lorsque les pêcheurs arrivent, ils soupèsent chaque ligne l’une après l’autre et, quand ils sentent le poisson se débattre, ils unissent leurs efforts et la soulèvent avec précaution. À peine le museau de la bête émerge-t-il, q’un homme, armé d’un maillet où l’on a coulé du plomb fondu, lui en assène un coup mortel, car l’esturgeon renverserait barque et pêcheurs. L’an dernier, on en a pris un qui pesait deux cents kilos. Ce genre de  pêche à l’assommoir convient aux Lippovans, ces cosaques sauvages ; ils tiennent autant du boucher que du pêcheur… »
André Bellessort (1866-1942), Sur le Danube, article parue dans la Revue française, 6 septembre 1905

Les Lipovènes qui fuirent la Russie et les persécutions du régime du tsar au début du XVIIIe siècle ont du et su s’adapter aux conditions difficiles de leur nouvel environnement, dans le delta du Danube. Autrefois majoritaires dans celui-ci, devenus presque exclusivement pêcheurs (pour les hommes) et agricultrices pour les femmes, ces « Vieux-Croyants » d’un autre temps ont réussi à préserver jusqu’à aujourd’hui leur langue, leurs pratiques religieuses et une grande partie de leurs traditions tout en diversifiant récemment, pour des raisons économiques et de survie, leurs activités. Certains villages s’ouvrent comme ceux de Mila 23 ou de Jurilovca, à un tourisme durable. Mais la population lipovène est désormais vieillissante à l’image des autres communautés du delta du Danube, déserté peu à peu par ses habitants, les nouvelles générations préférant gagner les grandes villes voisines voire Bucarest et au-delà en Europe pour y travailler.

Vylkove (Vylkovo, Valcov) dans les années cinquante (photo Kurt Hilscher), la petite ville aujourd’hui sur le territoire ukrainien était alors soviétique après avoir été roumaine 

La communauté lipovène des « Vieux Croyants » est dispersée de façon hétérogène sur les territoires ukrainiens (Boudjak, oblast d’Odessa) et roumains (Dobrodgée, départements de Tulcea et de Constanţa, Munténie, département de Brǎila). Elle est fortement implantée, côté ukrainien, notamment à Vilkove (Вилкове en ukrainien, Valcov en roumain), petite ville du Boudjak de Bessarabie, sur la rive gauche du bras danubien septentrional de Chilia, et dans des villages aux alentours. Fondée par des réfugiés lipovènes en 1746 sur un territoire ottoman aux confins de la Russie, Vilkove devient russe en 1812, moldave en 1856, roumaine en 1859, suite à l’union de la Moldavie avec la Valachie, de nouveau russe en 1878, retourne à la Moldavie en 1917 et redevient roumaine en 1918 jusqu’en 1940 ou elle passera sous le giron soviétique. La petite ville fait partie de l’Ukraine depuis 1991. 

Le nom de Lipovène proviendrait du moine Filip, faisant d’eux les Filipovcy, c’est à dire les adeptes de Filip, en roumain Filipoveni, devenus avec le temps Lipoveni.1 Selon d’autres sources, ce nom viendrait du mot lipa (tilleul), un arbre dont le bois servait pour la fabrication des icônes.   

« De nos jours le delta, où vivent environ vingt-cinq à trente mille personnes, est surtout le territoire des Lipovènes, ces pêcheurs à longue barbe de patriarche arrivés au XVIIIe siècle de la Russie qu’ils avaient quittée pour des raisons religieuses. Les Vieux-Croyants, adeptes du moine Philippe, avaient abandonné la Moldavie pour se réfugier en Bucovine ; ils refusaient les sacerdoces, les sacrements, le mariage et le service militaire, et ils refusaient surtout de jurer et de prier pour le tsar, tandis qu’ils choisissaient comme suprême pénitence de mourir sur le bûcher ou en jeûnant. Dans la Bucovine autrichienne Joseph II leur accorda la liberté de culte et l’exemption du service militaire ; l’empereur illuministe méprisait probablement les principes qui leur interdisait de prendre aucun médicament, mais il admirait à coup sûr leur douceur laborieuse et respectueuse des lois, et surtout leur ingéniosité industrieuse, qui faisait d’eux des artisans et paysans hautement qualifiés et en avance sur le plan technique. Vers le milieu du XIXe siècle, beaucoup de Lipovènes en revinrent à une acceptation de la hiérarchie et une célébration de la messe selon l’ancienne liturgie, et à la fin du siècle certains rejoignirent l’église grecque d’Orient.

À présent les Lipovènes sont pêcheurs dans le delta, mais exercent aussi ailleurs les métiers les plus divers, dans les fabriques ou les usines de Roumanie. Pourtant, ils restent toujours essentiellement le peuple du fleuve, vivant dans l’eau comme les dauphins ou les autres mammifères marins. Sur les rives, leurs barques noires ressemblent à de grosses bêtes en train de se reposer sur la plage au soleil, à des phoques prêts à plonger et à disparaître dans les eaux au moindre signal. C’est sur l’eau que se trouvent leur maison de bois, de boue et de paille, couvertes de roseau, leurs cimetières avec leurs croix bleu ciel, leurs écoles où les enfants se rendent en canoë. Les couleurs des Lipovènes sont le noir et le bleu ciel, clair et doux comme les yeux de Nikolaï sous ses cheveux blonds. Tandis que notre bateau passe devant leurs maisons, les gens se montrent hospitaliers et joyeux, ils nous saluent et nous font signe de nous arrêter et d’entrer ; l’un d’entre eux, à petits coups de pagaie, nous accoste et nous offre du poisson tout frais en échange de raki.
Il n’y a pas de limite entre la terre et l’eau, les rues qui dans un village conduisent d’une maison à l’autre sont tantôt des sentiers herbeux, tantôt des canaux sur lesquels flottent des joncs et des nénuphars ; la terre et les fleuve s’interpénètrent et se perdent l’un dans l’autre, les « plaurs » recouverts de roseaux flottent comme des arbres à la dérive où sont fixés au fond comme des îles. Ce n’est pas pour rien qu’il existe une Venise du delta, Valcov, avec son église à coupoles.

Église lipovène de Vylkovo, photo © Danube-culture droits réservés

Zaharia Haralambie, près du mille 23 [Mila 23], sur l’ancien cours du Danube, à double méandre, du côté du canal qui mène à Sulina, est le gardien de la réserve des pélicans ; toute sa vie se passe à écouter leurs cris et le battement de leurs ailes. Comme les autres Lipovènes, il a un visage franc et ouvert, une innocence dénuée de crainte. Les enfants, qui en bande ont fait cercle autour de nous dès que nous sommes descendus, se plongent dans le fleuve et le boivent, se courent après sans faire de distinction entre la terre et l’eau. Les femmes sont bavardes, aimables, elles ont des façons libres et familières, ce qui induit Cisek, dans son roman, à imaginer de plaisantes aventures amoureuses. Le delta, c’est l’abandon total à l’écoulement ; dans cet univers liquide qui libère et dénoue, les feuilles se laissent aller et emporter par le courant. »
Claudio Magris, « Sur le delta » in Danube, Collection l’Arpenteur, Éditions Gallimard, Paris 1986

« Pour définir la population que l’on qualifie de lipovène en Roumanie, en Moldavie et dans l’ouest et le sud de l’Ukraine, on peut dire qu’il s’agit d’une population ethniquement russe ; installée principalement en Moldavieet en Dobroudja depuis près de 300 ans, et qui a conservé la langue, les croyances religieuses et les coutumes ancestrales de sa patrie d’origine la Russie. Ces Russes-Lipovènes, nom que prirent les Vieux-croyants russes en s’installant sur les terres de l’Empire ottoman et de ses principautés vassales de Moldavie et Valachie dès le début du XVIIIe siècle sont, aujourd’hui encore, massivement présents dans le delta du Danube, dont ils constituaient jusque dans les années 1890 la majorité de la population. Ces nouveaux arrivants fuyaient les persécutions de l’administration tsariste qui cherchait à leur imposer de force une réforme de l’Église orthodoxe russe qu’ils refusaient avec obstination depuis la fin du XVIIe siècle. Leur peuplement actuel, situé pour l’essentiel dans le delta du Danube, semble remonter, quant à lui, à la guerre russo-turque de 1768-1774 dans laquelle les Vieux-croyants furent impliqués. On distingue dès cette époque deux types de peuplement russes vieux-croyants dans la région du delta du Danube, deux peuplements bien distincts à l’origine mais qui progressivement, pour des raisons culturelles et religieuses, se sont homogénéisés pour aboutir à l’émergence du peuplement russe-lipovène que l’on connaît aujourd’hui… »

Notes :
1Frédéric Beaumont, « Les Lipovènes du delta du Danube », Balkanologie [En ligne], Vol. X, n° 1-2 | mai 2008, mis en ligne le 02 avril 2008, URL : http://balkanologie.revues.org/394
2 Moldavie au sens large. Les Lipovènes sont également présents en Bucovine, région partagée aujourd’hui entre la Roumanie et l’Ukraine.

350px-LipovènesCarteBibliographie :
BEAUMONT, Frédéric, « Les Lipovènes du delta du Danube », Balkanologie [En ligne], Vol. X, n° 1-2 | mai 2008, mis en ligne le 02 avril 2008
PRYGARINE, Olexandre, « LES « VIEUX-CROYANTS » (LIPOVANE) DU DELTA DU DANUBE », Presses Universitaires de France | « Ethnologie française » 2004/2 Vol. 34 | pages 259 à 266
https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2004-2-page-259.htm
POLIAKOV, Leon, L’épopée des vieux-croyants : Une histoire de la Russie authentique, Librairie académique Perrin, 1991
CISEK, Oskar Walter (1897-1966), Strom ohne Ende, Rütten & Loening, Berlin, 1967, 
Interview de Frédéric Beaumont sur les populations lipovènes du delta :
www.youtube.com/watch?v=2-8_Gbi6j58

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés mis à jour novembre 2023

Kurt Hielscher (1881-1948  Vâlcov, photo extraite du recueil « Landschaft, Bauten, Volksleben. F.A. Brockhaus, Leipzig 1933/Roumanie. Son paysage, ses monuments, son peuple. F.A. Brockhaus, Leipzig 1933.

Élisée Reclus : le Bas-Danube, le pays des Bulgares et la Roumanie danubienne

Le texte cité appartient à sa Nouvelle Géographie Universelle, deuxième géographie universelle en langue française après celle de Conrad Malte Brun (1775-1826), intitulée Précis de la géographie universelle ou Description de toutes les parties du monde sur un plan nouveau d’après les grandes divisions naturelles du globe, publiée entre 1810 et 1829. L’oeuvre monumentale d’Élysée Reclus, qui comprend 19 volumes, est éditée entre 1875 et 1894. Le projet remonte en fait aux années 1860 et est en partie motivé parce que le géographe a remarqué que le travail de son prédécesseur est dépassé et que les  révisions  lui paraissent manquer d’ampleur et de méthode. D’où le choix de son titre pour l’ensemble de ce cycle : « Nouvelle Géographie universelle : la terre et les hommes« soit l’inscription dans une forme de tradition qu’il s’agit d’actualiser et une attention toute particuliè1re à la dimension humaine. » Le géographe rédige la plus grande partie du texte dans son style inimitable et savoureux. S’il a pour cela, en éminent géographe de terrain au savoir universel, effectué de multiples voyages et observé attentivement de nombreuses régions avec leurs habitants, Élysée Reclus a aussi bénéficié de l’aide d’autres géographes, de cartographes de nationalités russe, suisse, hongroise… dont on retrouve les noms au long des volumes, scientifiques dont un certain nombre proviennent du réseau anarchiste international.1

Élysée Reclus par Nadar, domaine public

Les Balkans, le Despoto-Dagh et le pays des Bulgares (IV)

   « Au nord de la Dobroudja bulgare, le Danube poursuit une oeuvre géologique en comparaison de laquelle les travaux de la Maritsa [fleuve bulgaro-turco-grec qui débouche dans la mer Égée], du Strymon [fleuve gréco-turc qui se dans la mer d’Égée], du Vardar [fleuve gréco-macédonien qui se jette dans la mer Égée], sont presque insignifiants. Chaque année ce fleuve puissant, qui verse dans la mer près de deux fois autant d’eau que toutes les rivières de la France, entraîne aussi des troubles en quantités telles, qu’il pourrait s’en former annuellement un territoire d’au moins six kilomètres carrés de surface sur dix mètres de profondeur. Cette masse énorme de sables et d’argiles se dépose dans les marais et sur les rivages du delta, et quoiqu’elle se répartisse sur un espace très considérable, cependant le progrès annuel des bouches fluviales est facile à constater. Les anciens, qui avaient observé ce phénomène, craignaient que le Pont-Euxin et la Propontide ne se transformassent graduellement en mers basses, semées de bancs de sable, comme les Palus-Moeotides1.

Le Palus-Méotide et le Pont-Euxin pour le voyage du jeune Anacharsis, juin 1781, gravé par P. F. Tardieu

Les marins peuvent être rassurés, du moins pour la période que par J. D. Barbié du  traverse actuellement notre globe, car si l’empiétement des alluvions continue dans la même proportion, c’est après un laps de six millions d’années seulement que la mer Noire sera comblée ; mais dans une centaine de siècles peut-être l’îlot des Serpents, perdu maintenant au milieu des flots marins, fera partie de la terre ferme.

L’île des serpents et son phare, gravure allemande de 1898

Lorsqu’on aura mesuré l’épaisseur des terrains d’alluvions que le Danube a déjà portés dans son delta, on pourra, par un calcul rigoureux, évaluer la période qui s’est écoulée depuis que le fleuve, abandonnant une bouche précédente, a commencé le comblement de ces parages de la mer Noire.
D’ailleurs la grande plaine triangulaire dont le Danube a fait présent au continent n’est encore qu’à demi émergée ; des lacs, restes d’anciens golfes dont les eaux salées se sont peu à peu changées en eaux douces, des nappes en croissant, méandres oblitérés du Danube, des ruisseaux errants qui changent à chaque crue du fleuve, font de ce territoire une sorte de domaine indivis entre le continent et la mer ; seulement quelques terres plus hautes, anciennes plages consolidées par l’assaut des vagues marines, se redressent ça et là au-dessus de la morne étendue des boues et des roseaux et portent des bois épais de chênes, d’ormes et de hêtres. Des bouquets de saules bordent de distance en distance les divers bras de fleuve qui parcourent le delta en longues sinuosités, déplaçant fréquemment leur cours. Il y a dix-huit cents ans, les bouches étaient au nombre de six ; il n’en existe plus que trois aujourd’hui.

Bras de Kilia en 1771 d'après une carte russe anonyme

Bras septentrional de Kilia en 1771, document réalisé par un cartographe anonyme russe

Après la guerre de Crimée, les puissances victorieuses donnèrent pour limite commune à la Roumanie et à la Turquie le cours du bras septentrional, celui de Kilia, qui porte à la mer plus de la moitié des eaux danubiennes. Le sultan est ainsi devenu maître de tout le delta, dont la superficie est d’environ 2,700 kilomètres carrés ; en outre, il possède celle des embouchures qui, de nos jours, donne seule de la valeur à ce vaste territoire. En effet, la Kilia est barrée à son entrée par un seuil de sables trop élevé pour que les navires, même ceux d’un faible tirant d’eau, osent s’y hasarder. La bouche méridionale, celle de Saint-George ou Chidrillis, est également inabordable. C’est la bouche intermédiaire, connue sous le nom de Soulina, qui offre la passe la plus facile, celle que depuis un temps immémorial pratiquaient tous les navires. Cependant le canal de la Soulina serait également interdit aux gros bâtiments de commerce, si l’art de l’ingénieur n’en avait singulièrement amélioré les conditions d’accès. Naguère la profondeur de l’eau ne dépassait guère deux mètres sur la barre pendant les mois d’avril, de juin et de juillet, et lors des crues elle était seulement de trois et quatre mètres. Au moyen de jetées convergentes, qui conduisent l’eau fluviale jusqu’à la mer profonde, on a pu abaisser de trois mètres le seuil de la barre, et des bâtiments calant près de six mètres peuvent en toute saison passer sans danger. Nulle part, si ce n’est en Écosse, à l’embouchure de la Clyde, l’homme n’a mieux réussi à discipliner à son profit les eaux d’une rivière.

M. Bergue, Sulina, port turc sur un bras du Danube à son embouchure, Le Monde illustré, 1877, domaine public

La Soulina est devenue un des ports de commerce les plus importants de l’Europe et en même temps un havre de refuge des plus précieux dans la mer Noire, si redoutée des matelots à cause de ses bourrasques soudaines. Il est vrai que ce grand travail d’utilité publique n’est point dû à la Turquie, mais à une commission européenne exerçant à la Soulina et sur toute la partie du Danube située en aval d’Isaktcha une sorte de souveraineté2. C’est un syndicat international ayant son existence politique autonome, sa flotte, son pavillon, son budget, et, cela va sans dire, ses emprunts et sa dette. Le delta danubien se trouve ainsi pratiquement neutralisé au profit de toutes les nations d’Europe.

Galatz (rive gauche), siège de la Commission Européenne du Danube, gravure de 1877

D’autres fugitifs, que la destinée n’a point traités aussi cruellement que les Circassiens, ont trouvé un asile dans cet étrange massif péninsulaire de la Dobroudja. Ce sont des Cosaques russes, des Ruthènes, des Moscovites  » Vieux-Croyants », qui, vers la fin du siècle dernier, ont dû quitter leurs steppes afin de conserver leur foi religieuse. Plus tolérant que la chrétienne Catherine II, le padichah [sultan] les recueillit généreusement et leur distribua des terres en diverses contrées de la Turquie d’Europe et d’Asie. Les colonies cosaques de la Dobroudja et du delta danubien ont prospéré : un de leurs établissements, qui borde les rives du Danube de Saint-Georges, est connu sous le nom de « Paradis de Cosaques ». Leur principale industrie est celle de la pêche de l’esturgeon et de la préparation du caviar. Reconnaissants de l’hospitalité qui leur a été donnée, ces Russes ont vaillamment défendu leur patrie adoptive dans toutes les guerres qui ont éclaté entre le tsar et le sultan, mais ils ont eu d’autant plus à souffrir de la vengeance de leurs compatriotes, restés au service de la Russie. D’ailleurs ils ont conservé leur costume national, leur langage et leur culte, et ne se sont point mélangés avec les populations environnantes.

Groupe de Vieux Croyants (ou Lipovènes), initialement, des fidèles de Filip Pustosviat (1672-1742), photo prise en 1895

Une colonie de Polonais, quelques villages d’Allemands, situés sur la branche méridionale du delta danubien, un groupe de quelques milliers d’Arabes, enfin, les hommes de toute race accourus de l’Europe et de l’Asie vers le port de la Soulina, complètent cette espèce de congrès ethnologique de la Dobroudja. Mais la différence est grande entre les tribus diverses qui vivent isolées dans l’intérieur de la presqu’île et la population cosmopolite qui grouille dans la cité commerçante et dont tous les caractères de races finissent par se confondre en un même type.
Ce mélange qui se fait aux bouches du Danube entre Grecs et Francs, Anglais et Arméniens, Maltais et Russes, Valaques et Bulgares, ne peut manquer de se faire tôt ou tard dans le reste du pays, car il est peu de contrées en Europe où les grandes voies internationales soient mieux indiquées qu’en Bulgarie. Le premier de ces chemins des nations est le Danube lui-même, dont les villes turques riveraines, Viddin [Vidin], Sistova [Svichtov], Roustchouk [Ruse], Silistrie [Silistra], acquièrent de jour en jour une importance plus considérable dans le mouvement européen et qui se continue dans la mer Noire par des escales diverses, dont la principale est le beau port de Bourgas, très-important pour l’expédition des céréales.

Sistova (Svichtov, Bulgarie)

Mais cette voie naturelle n’est pas assez courte au gré du commerce ; il a fallu l’abréger par un chemin de fer, qui coupe l’isthme de la Dobroudja, entre Tchernavoda [Cernavoda] et Kustandjé [Constanţa], puis par une voie ferrée plus longue, qui traverse toute la Bulgarie orientale, de Roustchouk [Ruse] au port de Varna, en passant à Rasgrad [Razgrad] et près de Choumla [Choumen]. Un autre chemin de fer suivra le passage direct que la nature a ouvert du bas Danube à la mer Égée par la dépression des Balkhans, au sud de Choumla, et par les plaines où se sont bâties les villes de Jamboly [Yambol] et d’Andrinople [Edirne]4. Plus à l’ouest, Tirnova [Veliko Tărnovo], l’antique cité des tsars de Bulgarie, Kezanlik [Kazanlak] et Eski-Zagra [Stara Zagora], sont les étapes d’un autre chemin de jonction entre le Danube et le littoral de la Thrace… »

Notes :
1 Ferretti, F., Élisée Reclus. Pour une géographie nouvelle, CTHS, 2014

2 PALUS – MEOTIDE, (Géog. anc.) en latin Palus – Moetis, grand golfe ou mer, entre l’Europe & l’Asie, au nord de la mer Noire, avec laquelle le Palus – Méotide communique par le moyen d’une embouchure appelée anciennement le Bosphore Cimmérien. Les anciens lui ont donné tantôt le nom de lac, tantôt celui de marais.
3 Mouvement du port de Soulina, en 1873. 1,870 navires chargés, jaugeant 532,000 tonneaux. Valeur des exportations de céréales. 125,000,000 fr.
4 aujourd’hui en Turquie

La Roumanie et le Danube

   « Comme la Lombardie, à laquelle tant de traits physiques et sa population même la font ressembler, la plaine de Roumanie est un ancien golfe marin comblé par les débris descendus des montagnes. Mais si la mer a disparu, le Danube, qui développe sa vaste courbe de 850 kilomètres au sud de la plaine valaque, est lui-même une autre mer par la masse de ses eaux et par la facilité qu’il offre à la navigation. Précisément à son entrée dans les campagnes basses, au célèbre défilé de la « Porte de Fer », son lit, profond de 50 mètres, se trouve à 20 mètres au-dessous du niveau de la mer Noire, et la portée moyenne de son courant dépasse celle de tous les fleuves réunis de l’Europe occidentale, du Rhône au Rhin. Pourtant les Romains avaient déjà jeté sur le Danube, immédiatement en aval de la Porte de Fer, un pont considéré à bon droit comme l’une des merveilles du monde.
Poussé, dit-on, par un sentiment de basse envie, l’empereur Hadrien fit démolir ce monument qui devait rappeler la gloire de Trajan aux générations futures. On n’en voit plus que les culées des deux rives et, lorsque les eaux sont très-basses, les fondements de seize des vingt piles qui soutenaient l’ouvrage ; sur le territoire valaque, une tour romaine, qui a donné son nom à la petite ville de Turnu-Severin, désigne aussi l’endroit où les légions de Rome posaient le pied sur la terre de Dacie.

Vestiges d’une pile du Pont de Trajan, Turnu Severin, Roumanie, photo droits réservés

Le lieu de passage entre la Serbie et la Roumanie a gardé son importance, mais l’industrie moderne n’a pas encore remplacé le pont de Trajan, et tant qu’on n’aura pas commencé la construction du pont-viaduc de Giurgiu ou Giurgevo à Roustchouk, le Danube continuera de rouler librement ses flots de la Porte de Fer à la mer Noire.

Le Danube entre la Valachie roumaine et la Bulgarie, E. Reclus, Nouvelle Géographie Universelle, 1875

Au sud des plaines de la Roumanie, le Danube, de même que presque tous les fleuves de l’hémisphère septentrional, ne cesse d’appuyer à droite, du côté de la Bulgarie. Il en résulte un contraste remarquable entre les deux rives. Au sud, la berge rongée par le flot s’élève assez brusquement en petites collines et en terrasses; au nord, la plage, égalisée par le fleuve pendant ses crues, s’étend au loin et se confond avec les campagnes basses. Des marécages, des lacs, des coulées, restes des anciens lits du Danube, s’entremêlent de ce côté en un lacis de fausses rivières entourant un grand nombre d’îles et de bancs à demi noyés. Sur cet espace, où les eaux se sont promenées de ci et delà, on voit même, au sud de la Jalomitza, les traces de toute une rivière qui a cessé d’exister en cours indépendant pour emprunter le lit d’un autre fleuve, et dont il ne reste plus que des lagunes et des marais. Tous les terrains bas, que le fleuve a nivelés et délaissés, se trouvent appartenir à la Valachie, dont ils accroissent la zone marécageuse et déserte, tandis que la Bulgarie perd sans cesse du terrain; mais elle a pour elle la salubrité du sol, les beaux emplacements commerciaux, et c’est de ce côté qu’ont dû être bâties presque toutes les cités riveraines. On dit que les castors, exterminés dans presque toutes les autres parties de l’Europe, sont encore assez communs dans les terres à demi noyées de la rive valaque. Arrivé à une soixantaine de kilomètres de la mer en ligne droite, le Danube vient se heurter contre les hauteurs granitiques de la Dobroudja et se rejette vers le nord pour contourner ce massif et s’épanouir en delta dans un ancien golfe conquis sur la mer Noire.

Le Bas-Danube contourne la Dobroudja avant de pouvoir rejoindre la mer Noire

C’est à ce détour du fleuve que ses derniers grands affluents, le Sereth moldave et le Pruth, à demi russe par la rive orientale de son cours supérieur, lui apportent leurs eaux. Mais le Danube, gonflé par ces deux rivières, ne garde tout son volume que sur un espace de 50 kilomètres environ : il se bifurque. Le grand bras du fleuve, connu sous le nom de branche de Kilia, emporte environ les deux tiers de la masse liquide, et continue de former la frontière entre la Roumanie et la Bulgarie turque. La branche méridionale ou de Toultcha, qui se subdivise elle-même, coule en entier sur le territoire ottoman : c’est la grande artère de navigation, par sa bouche turque de la Soulina. La maîtresse branche du fleuve est fort importante dans l’histoire actuelle de la Terre, à cause des changements rapides que ses alluvions accomplissent sur le rivage de la mer Noire. En aval d’Ismaïl, le Danube de Kilia se ramifie en une multitude de branches qui changent incessamment suivant les alternatives des maigres et des inondations, des affouillements et des apports de sable. Deux fois les eaux se réunissent en un seul canal avant de s’étaler en patte d’oie au milieu des flots marins et de former leur delta secondaire en dehors du grand delta. La côte de ces terres nouvelles, dont le développement extérieur est d’environ vingt kilomètres, s’accroît tous les ans d’une quantité de limon égale à 200 mètres de largeur sur des fonds de dix mètres seulement2. Pourtant, en dépit de la marche rapide des alluvions au débouché de la Kilia, la ligne normale du rivage se trouve en cet endroit beaucoup moins avancée à l’est qu’à la partie méridionale du delta. On peut en conclure que le Danube de Kilia est d’origine moderne et que la grande masse des eaux s’épanchait autrefois par les bouches ouvertes plus au sud.

Carte autrichienne du bras de Kilia (Chilia), 1918

En étudiant la carte du delta danubien, on voit que le cordon littoral d’une si parfaite régularité qui forme la ligne de la côte, en travers des golfes salins de la Bessarabie russe et moldave, se continue au sud à travers le delta en s’infléchissant légèrement vers l’est. C’est l’ancien rivage, il se relève au-dessus des plaines à demi noyées comme une espèce de digue, que les diverses bouches du fleuve ont dû traverser pour se jeter dans la mer. Les alluvions portées par les bras de Soulina et de Saint-Georges se sont étalées en une vaste plaine en dehors de cette digue, tandis que le grand bras actuel n’a pu déposer au-devant du rempart qu’un archipel d’îles encore incertaines. Il est donc plus jeune dans l’histoire du Danube.

2 ) Portée moyenne du Danube d’après Ch. Hartley.
9,200 mètres cubes par seconde.
Portée la plus forte……….. 28,000 mètres cubes par seconde.
Portée moyenne de la bouche de Kilia. 5,800 mètres cubes par seconde.
Portée moyenne de la bouche de Saint-Georges 2,600 mètres cubes par seconde.
Portée moyenne de la bouche de Soulina…. 800 mètres cube par seconde.
Alluvions moyennes du Danube…. 60,000,000 mètres cubes par an.

Tout en gagnant peu à peu sur la mer, le fleuve en a aussi graduellement isolé des lacs d’une superficie considérable. Entre la bouche du Dniester et le delta danubien, on remarque sur la côte plusieurs golfes ou « limants » d’une très-faible profondeur, dans lesquels les eaux s’évaporent pendant les chaleurs, en laissant sur le sol une mince couche saline. La forme générale de ces nappes d’eau, la nature des terrains qui les entourent, la disposition parallèle des ruisseaux qui s’y jettent, les font ressembler complètement à d’autres lacs que l’on voit plus à l’ouest jusqu’à l’embouchure du Pruth ; seulement ces derniers sont remplis d’eau douce, et le cordon de sable qui les barre à l’entrée les sépare non des flots de la mer Noire, mais de ceux du Danube. Sans aucun doute tous ces lacs riverains du fleuve étaient autrefois des limans d’eau salée comme les lagunes de la côte; mais à mesure que le Danube a comblé son golfe, ces lacs, graduellement séparés de la mer, se sont vidés de leurs eaux salées et se sont remplis d’eau douce : que le fleuve continue d’empiéter dans la mer, et les nappes salines du littoral, alimentées en amont par des ruisseaux d’eau pure, se transformeront de la même manière.
Immédiatement au nord de ces lacs du littoral maritime et danubien, l’entrée des plaines valaques était défendue par une ligne de fortifications romaines, connues sous le nom de « mur » ou « val de Trajan », comme les fossés, les murailles et les camps retranchés de la Dobroudja méridionale; le peuple les attribue d’ordinaire au césar, quoiqu’elles aient été élevées beaucoup plus tard par le général Trajan contre les Visigoths. Cette barrière de défense, qui coïncide à peu près avec la frontière politique tracée entre la Bessarabie moldave et la Bessarabie russe, est devenue très-difficile à reconnaître sur une partie notable de son parcours. Il est probable qu’à l’ouest du Pruth elle se continuait par un autre rempart traversant la basse Moldavie et la Valachie tout entière ; les traces, encore visibles ça et là, en sont désignées sous le nom de « chemin des Avares ». Entre le Pruth et le Dniester, le mur de Trajan était double ; une deuxième muraille, dont les vestiges se trouvent en entier sur le territoire russe, entre Leova et Bender, couvrait les approches de la vallée danubienne. Ce n’était pas trop, en effet, d’une double ligne de défense pour interdire l’accès d’une plaine si fertile, dont les richesses naturelles devaient allumer la cupidité de tous les conquérants ! »

Élisée Reclus, Nouvelle Géographie Universelle, « Géographie de l’Europe, Tome Ier : l’Europe méridionale, (Grèce, Turquie, Roumanie, Serbie, Italie, Espagne et Portugal) », Paris, Librairie Hachette et Cie, 1875.

Sources :
Brun, Christophe, Feretti, Federico, ELISÉE RECLUS, UNE CHRONOLOGIE FAMILIALE 1796- 2014 : Sa vie, ses voyages, ses écrits, ses ascendants, ses collatéraux, les descendants, leurs écrits, sa postérité. 2014, http://hal.archives-ouvertes.fr/. hal-01018828
Clerc, Pascal, Géographies Universelles, © Hypergéo 2004 – GDR Libergéo
www.hypergeo.eu
Ferretti, F., Élisée Reclus. Pour une géographie nouvelle, CTHS, 2014
Reclus, Élisée, Nouvelle Géographie Universelle, « Géographie de l’Europe, Tome Ier : l’Europe méridionale, (Grèce, Turquie, Roumanie, Serbie, Italie, Espagne et Portugal) », Paris, Librairie Hachette et Cie, 1875

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour novembre 2023

Le canal Danube-mer Noire

Comment ne pas se souvenir que ce canal de 95, 6 km (canal principal Cernavodǎ-Poarta Albă, longueur 64, 4 km, bras nord Poarta Albă-Midia Năvodari, longueur 31, 2 km) qui  permet à certains bateaux de mer et aux convois fluviaux d’économiser une distance d’environ 400 km pour rejoindre la mer Noire et le port de Constanţa depuis le Danube, fut creusé, aux côtés des volontaires des brigades de jeunesse, par des milliers de détenus et déportés politiques, la plupart opposants au régime communiste et représentants de minorités ethniques et religieuses. Un grand nombre d’entre eux y trouvèrent la mort tant le projet était gigantesque, les conditions climatiques extrêmement difficiles et celles du travail et de l’hébergement inhumaines.

Le canal Danube-mer Noire à la hauteur de Cernavoda avant la première écluse, photo Danube-culture, © droits réservés

C’est à l’initiative de Staline, qui suggère cyniquement aux dirigeants communistes roumains de l’époque d’employer des détenus politiques, que les gigantesques travaux commencent en 1949 mobilisant environ 30 000 hommes dont un tiers de détenus. Ils se poursuivent jusqu’au printemps 1984 après avoir été partiellement suspendus entre 1955 et 1976 sous la pression internationale. Le canal, surnommé pompeusement «La magistrale bleue» est inauguré par le dictateur Nicolae Ceaušescu en présence de nombreuses délégations le 26 mai 1984. Le bras nord ne le sera qu’en 1987.

Le monument communiste officiel à la gloire des ouvriers du canal… (photo droits réservés)

Le coût de la construction du canal, le troisième ouvrage le plus long au monde après ceux de Suez et de Panama, est estimée à environ deux milliards de dollars et aura contribué à ruiner la Roumanie socialiste d’alors. Les initiateurs de ce projet espéraient aussi pouvoir dans un bel élan d’optimisme, amortir la réalisation de l’ouvrage en cinquante ans. Au regard du volume du trafic fluvial et des bénéfices annuels que génère la voie d’eau, les autorités qui gèrent le canal Danube-mer Noire calculent actuellement que l’amortissement de la construction de l’ouvrage pourrait demander six cents ans !
Jusqu’en 1990 les bateaux ne purent circuler que dans le sens mer Noire-Danube, restreignant considérablement la rentabilité du canal.
L’ouvrage qui ne comporte que deux écluses, à Cernavodǎ et Agigea, est désormais, depuis l’ouverture de la liaison fluviale Rhin-Main-Danube un maillon complémentaire essentiel du corridor fluvial paneuropéen qui relie la mer du Nord (Rotterdam) à la mer Noire (Constanţa).

Présentation du canal Danube-mer Noire (2004, en roumain sous-titré en langue anglaise)

Eric Baude pour Danube-culture, mis à jour septembre 2023, © droits réservés

 https://youtu.be/2RnEoEf6sgo
Un documentaire de la télévision roumaine (TVR, 2011) avec des séquences d’archives sur l’histoire de la construction du canal

Sources :
http://www.courrierdesbalkans.fr/articles/roumanie-les-forcats-du-canal-du-danube-a-la-mer-noire.html.
Ioan Scurtu, Ionuţ Istoricul construirii canalului Dunăre – Marea Neagră, Carnet de istoric, août 2017
www.ionutcojocaru.ro  (excellent blog)
Adrian Ilie şi Claudia Ilie, Canalul Dunǎre – MareaNeagrǎ. Istoricul dezvoltǎrii, stadiile legate de acesta şi perspectivele valorificǎrii sale, Constanţa, Editura Ex Ponto, 2011

Valentin Ciorbea (coordonator), Canalul Dunǎre – Marea Neagrǎ, între istorie, actualitate şi perspective, Constanţa, Editura Ex Ponto, 2008  
Marian Cojoc, Istoria Dobrogei. Canalul Dunǎre – Marea Neagrǎ (1949-1953), Bucureşti, Editura Mica Valahie, 2001

https://ro.wikipedia.org/wiki/Canalul_Dun%C4%83re-Marea_Neagr%C4%83.

La « Casa Avramide », trésor patrimonial et architectural de Tulcea et de la Dobroudja roumaine

  la villa a été bâtie à la fin du XIXe siècle pour Alexandru (Alexis) Avramide (Avramides, 1855 ou 1857-1941), un entrepreneur prospère de la région d’origine grecque, propriétaire de moulins, d’ateliers, de locaux commerciaux, d’une usine de transformation du bois ainsi que de vastes territoires agricoles.

Alexandru (Alexis) Avramide, 1855 ou 1857-1941), photo sources ICM de Tulcea

   Alexandru (Alexis) Avramide était arrivé à Tulcea dans les années 1850, animé par une ambition et une ténacité qui feront de lui l’un des habitants les plus riches de la Dobrogée du nord. Il invite à Tulcea vers 1890, pour la construction, de sa maison deux artisans-maçons italiens et leur confie la réalisation de sa luxueuse résidence dont il souhaite faire un des symboles de sa réussite économique et de la prospérité de sa famille.

La Cathédrale orthodoxe saint-Nicolas, photo © Danube-culture, droits réservés

Cette villa, idéalement située au centre de la ville, en face de la cathédrale orthodoxe saint-Nicolas, devient le bâtiment le plus élégant de Tulcea. Son escalier monumental en marbre, ses pièces spacieuses aux matériaux nobles, ses plafonds peints, ses portes à deux baldaquins et aux proportions élégantes sont richement décorés, illustrant le talent des artisans sollicités et le goût de son propriétaire.

La casa Avramide avant sa restauration, sources ICM Tulcea

   La « Casa Avramide » est confisquée en 1948 par le régime communiste et devient alors le siège du comité démocrate grec. La création du musée du « Delta du Danube » est signée le 14 novembre 1949 et son inauguration officielle a lieu le 1er mai 1950. Le musée occupe d’abord deux des principales salles de la villa. l’Inspectorat scolaire du judets de Tulcea y installe également ses bureau en 1952-1953. La première réorganisation du musée se fait en 1957. L’entresol est ouvert au public en 1959. Une section archéologique et ethnographique est été inaugurée et travaille dans les locaux jusqu’en 1962.

Photo © Danube-culture, droits réservés

   Au début de 1964, après la construction d’un aquarium au rez-de-chaussée et la constitution d’une collection consacrée à la biologie ainsi que d’un herbier volumineux, la « Casa Avramide » est entièrement réaménagée pour abriter le Musée des Sciences Naturelles.

Façade extérieure avec le blason de la famille Avramide, photo © Danube-culture, droits réservés

   Elle a été récemment réhabilitée dans le cadre du projet intitulé « Rénovation et réhabilitation de deux bâtiments appartenant à la municipalité de Tulcea » et inclus dans des circuits touristiques régionaux grâce à l’aide du Judets de Tulcea et à des fonds européens.

Photo © Danube-culture, droits réservés

   La villa abrite désormais le siège de l’ICEM et accueille également une exposition d’éléments contemporains liés à l’histoire récente de Tulcea, à l’histoire de la famille Avramide et aux collections patrimoniales de l’Institut de recherche- écomuséal « Gavrilă Simion ».

Sources : Institutul de Cercetări Eco-Muzeale „Gavrilă Simionˮ, Tulcea
www.icemtl.ro

Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, mis à jour mai 2023

Détail des boiseries, photo © Danube-culture, droits réservés

Les monts de Mǎcin (Dobroudja danubienne), sanctuaire de biodiversité

   Les paysages contrastés, forestiers ou semi-arides parfois érodés2 ou escarpés mais toujours fascinants, parmi les plus beaux des rives danubiennes, abritent plusieurs types d’écosystème (pontique, forêts sub-méditerranéennes et balkaniques) ainsi que, de part cette variété de milieux, une importante biodiversité, en particulier plus de la moitié des espèces végétales de Roumanie, un millier d’espèces de papillons et quelques espèces peu communes de rapaces (aigle criard, pomarin, circaète Jean-le-Blanc, faucon sacre autrefois utilisé en fauconnerie…) ce qui en fait un paradis particulièrement apprécié des entomologistes, des ornithologues et autres naturalistes. Il s’inscrit également dans le corridor de migration des oiseaux qui suivent les cours du Prut et du Siret, deux affluents du Danube de la rive septentrionale.

Pivoines sauvages dans les monts de Mǎcin au printemps, photo Dorina Moisa, © droits réservés

   La pivoine sauvage, la campanule de Dobroudja, une espèce végétale endémique d’une incroyable frugalité et résistance et qu’on retrouve sur le blason du parc, aiment se faire remarquer par leur floraison printanière aux couleurs intenses. Mais l’espèce emblématique du parc c’est la tortue terrestre de Dobroudja dont la vie dans ce biotope spécifique est un modèle d’adaptation. Quand aux ciels de Dobroudja, l’endroit idéal est au sommet du Dealul Pietrisului sur la commune de Luncaviţa se trouve un observatoire astronomique.

La vue sur le bras du Danube de Măcin et la Balta depuis les ruines de la forteresse de Troesmis, photo © Danube-culture, droits réservés

   Aux pieds des Mont de Mǎcin se trouvent plusieurs anciennes cités et forteresses grecques, daco-byzantines (Ogeţia) et romaines (Troesmis). Des monastères orthodoxes comme celui de Cocoş, proche du village viticole Niculiţei, fondé en 1833 par trois moines roumains ayant séjourné au Mont Athos, ont trouvé refuge dans ces contrées dont le moindre qu’on puisse dire est qu’elles peuvent inciter à une vie monacale et mystique et susciter des vocations religieuses.

Fresque du monastère orthodoxe de Cocoș, photo droits réservés

18 ethnies (russes, grecques, bulgares, ukrainiennes, tatares, turques, roumaines, tsiganes, arméniennes, italiennes…) peuplent cette région et se côtoient pacifiquement sur ce territoire insolite de la Dobroudja à la multiculturalité ancestrale.

Monts de Mǎcin, Dobroudja, photo Dorina Moisa © droits réservés

www.parcmacin.ro
Notes : 
1 « La Dobroudja, peuplée depuis les temps très anciens « c’est cette province que dessine le cours du Danube inférieur du Danube, dans sa grande boucle finale, avant de se jeter dans la mer Noire dans son célèbre delta. C’est un grand rectangle d’environ 200 km dans le sens nord-sud et d’une centaine dans le sens est-ouest, que se partagent la Roumanie, qui en détient les deux tiers septentrionaux et la Bulgarie pour le tiers méridional. C’est l’arrière-pays des stations balnéaires roumaines ; le port bulgare de Varna en marque l’extrême limite. Au nord, les monts de Măcin parmi les plus vieux reliefs d’Europe, dominent le delta du Danube, terre d’alluvions où notre continent est en pleine croissance. Au centre, un paysage de steppe domine dont l’élevage nomade fut longtemps la ressource majeure. Au sud des ondulations douces proposent un environnement plus propice à l’agriculture. La façade maritime, du nord au sud, se compose d’immenses marais, de vastes lagunes, de plages de sable fin, de falaises calcaires. »
Bernard Lory, introduction du livre de Camille Allard, Entre mer Noire et Danube, Dobroudja, 1855, collection Via Balkanica, Éditions Non Lieu, Paris, 2013
2 Le nom de Mǎcin  pourrait avoir pour origine le verbe a măcina, moudre, moulu.
Danube-culture septembre 2022, droits réservés

Dans les monts de Mǎcin, photo © Danube-culture, droits réservés

Cernavodă en Dobroudja (PK 301, rive droite)

« Tchernavoda qui tire son nom de la vallée et du petit village qui y était construit, est la station d’embarquement pour ceux qui veulent prendre la voie du Danube. Le service des bateaux est actif et assez régulier. Sur les bords du fleuve d’immenses bâtiments ont été construits comme grenier et magasin à céréales, qu’une machine à vapeur nettoie et réduit en partie en farine. C’est la propriété de la même compagnie industrielle. Elle aura à trouver le moyen d’assainir ce lieu où règnent, pendant l’été surtout, des fièvres tenaces et redoutables… »
Eugène Boré (1809-1878), « Lettre à Camille Allard, 29 septembre 1863 », in Camille Allard, Entre Danube et mer Noire, Dobroudja 1855, Annexes, p. 231, Non Lieu, Paris, 2013, Texte édité et présenté par Bernard Lory, Postface d’Ivan Roussev

   Cernavodă fait d’abord référence à l’une des plus brillantes cultures de l’âge du néolithique appelée « culture de Cernavoda », un exemple de ces cultures précoces qui se développèrent le long de certains fleuves entre 4000 et 3200 avant J.-C. dans les régions de l’Ukraine occidentale, du Boudjak (Bessarabie du sud), de la Dobroudja et de la Bulgarie, principalement dans les basses vallées fluviales du Dniestr, du Boug méridional, du Dniepr, du Danube et de son delta.

Devant le bâtiment de la mairie de Cernavodǎ une copie des penseurs de Hamangia, civilisation du chalcolithique, période de la préhistoire comprise entre le Néolithique et l’âge du bronze, et correspondant au début de l’utilisation du cuivre, photo Danube-culture © droits réservés

   Cette petite ville, rattachée historiquement à la région de Dobroudja (Dobrogée)1 qui est conquise en 1389 par Mircea cel Brǎtrǎn ou en français Mircea l’Ancien (vers 1355-1418), entreprenant voîvode (prince) de Valachie puis annexée par l’Empire ottoman en 1420 (Cernavodǎ n’est alors qu’un village du nom de Boğazköy) et qui le restera pendant plus de quatre siècles, appartient aujourd’hui administrativement au Judeţ de Constanţa. La ville est occupée (libérée du joug de la Grande Porte) par les armées du Tsar Alexandre II (1818-1881) en 1877 lors de la guerre qui oppose l’Empire ottoman à celui de Russie. Ville portuaire stratégique dès la naissance de la Roumanie en 1878, elle fait office de port à la fois de la rive droite du Bas-Danube et d’entrée du canal Danube-mer Noire,

Le canal Danube-mer Noire et son confluent avec le Danube à la hauteur de Cernavodǎ, photo Danube-culture © droits réservés

   La vallée de Carasu (Karasu signifie eau noire en langue turc, aujourd’hui Megidia) vallée des environs de Cernavodǎ orientée est-ouest qui délimite les plaines septentrionales et méridionales du Judets de Constanţa et le long de laquelle a été creusé le canal Danube-mer Noire, est une dépression synclinale des ères glaciaires aux versants raides et élevés recouverts de loess et qui pourrait avoir été une ancienne vallée du Danube primitif. Plusieurs sites archéologiques dobrogéens importants de l’Antiquité se trouve à proximité de la ville comme Axiopolis, forteresse romaine, puis byzantine, située sur la rive droite du Danube à 3 km au sud du pont de Cernavodǎ et dont l’emplacement correspond au point le plus proche entre le Danube et la mer Noire2, Flaviana, Capidava (PK 279, 5), magnifique site géto-dace, romain et byzantin dont le nom n’a pas changé au cours des siècles et signifie « citadelle sur un méandre du fleuve » en langue géto-dace, un site construit sur un affleurement rocheux de la rive droite dominant le Danube, et qui comme par miracle, renaît, reprend vie, est inlassablement reconstruit après chaque invasion et destruction jusqu’au XIe siècle quand des tributs petchénègues à l’origine nomades l’incendient et obligent la population à abandonner définitivement l’emplacement, Castrum Carcium (Harşova, PK 253) ou encore plus en aval sur le bras de Măcin, Troesmis, édifié par les Romains pour protéger la frontière fluviale et le limes des invasions barbares et investi ultérieurement par les Ottomans.

La mosquée de Cernavodǎ, souvenir de la présence ottomane en Dobrogée, photo Danube-culture, © droits réservés

Tombes dans le cimetière turc de Cernavodǎ, photo Danube-culture © droits réservés

L’église orthodoxe de rite ancien, photo Danube-culture © droits réservés

 Le parc municipal, photo Danube-culture © droits réservés

C’est à Cernavodǎ que se terminait autrefois le voyage fluvial des passagers des vapeurs et « steamer » de la D.D.S.G. qui souhaitaient se rendre à Constantinople et au-delà via Constanţa et la mer Noire avec les navires de compagnies maritimes desservant les lignes mer Noire-mer Méditerranée à l’image de la Lloyd autrichienne.
Le bâtiment du port de passagers, reconstruit à l’époque communiste dont le goût pour l’architecture n’exprimait guère la joie de vivre et désormais tristement abandonné, n’est plus investi que par les choucas.

 Photo Danube-culture, © droits réservés

L’ancien bâtiment du port de passagers de Cernavodǎ, laissé à l’abandon, photo Danube-culture© droits réservés

Photo Danube-culture © droits réservés

Il reste les activités du port industriel et de son bassin mais la tranquillité des grues inactives semble indiquer une pérenne somnolence.

Les grues du port industriel de Cernavodǎ, photo Danube-culture © droits réservés

Cernavoda port 05 2022

Photo Danube-culture © droits réservés

À l’entrée du port industriel de Cernavodǎ, photo Danube-culture, © droits réservés

Les trois ponts de Cernavodă
Le Bas-Danube n’était jusque dans les dernières années du XIXe siècle, franchissable officiellement que par le bac qui circulait entre Vadul oii (Le gué des moutons, PK 239) où autrefois les bergers des Carpates méridionales faisaient traverser leurs troupeaux pour rejoindre les pâturages de la Dobrodgée, et Giurgeni (PK 237, 8). Un pont de chemin de fer sur la ligne Bucarest-Constanţa, première ligne reliant la mer Noire au réseau ferroviaire européen via Bucarest, est construit par l’entreprise française « De Fives-Lille » au-dessus du Danube (PK 300) et inauguré en 1895.

Pont ferroviaire de Cernavodǎ 05 2022

Le premier pont ferroviaire de Cernavodǎ, photo Danube-culture © droits réservés

Son architecture métallique très audacieuse pour l’époque, est l’oeuvre de l’ingénieur roumain Anghel Saligny (1854-1925). Cet ouvrage ferroviaire monumental qui traverse le Danube à deux reprises, tout d’abord à la hauteur de la commune de Fetesti le bras septentrional de Borcea, l’île Balta ou Balta Ialomiţei2 ou encore Balta Borcea, grande île d’une longueur de 94 kilomètres, d’une largeur comprise entre 4 et 12, 5 km, et d’une superficie d’environ 831 km2, ancienne zone de marais et de « grinds » aménagée pour l’agriculture dans les années soixante et le bras méridional du Danube à la hauteur de Cernavodă.

Les soldats roumains du pont Angel Saligny, ex Carol Ier de  Cernavodǎ continuent imperturbablement à monter la garde, photo Danube-culture © droits réservés

L’ouvrage, d’une longueur de 15 km, est inspiré du pont écossais de Forth Bridge inauguré en 1890 et classé désormais au patrimoine mondial de l’Unesco. La nature du sol alluvionnaire instable posa de nombreux problèmes de stabilité pour les fondations des piliers, problèmes qu’on résolue en creusant jusque’à une profondeur de 31 mètres sous le niveau d’eau moyen du fleuve. La plus longues des 68 arches mesure 190 mètres. La hauteur de ce pont permettait à des voiliers d’un tirant d’air jusqu’à 38-40 m de passer sous celui-ci sans difficulté. Ce pont historique, doublé à proximité d’un pont rail-route métallique en 1987, est actuellement en rénovation.

Le pont rail-route sur le Danube de Cernavodǎ au premier plan, inauguré en 1987 et le pont historique, photo Danube-culture © droits réservés

Entre la gare ferroviaire (Cernavodǎ pod) et la ville le canal de la mer Noire qu’on franchit avec ce troisième pont, photo Danube-culture © droits réservés

Notes :
1« Peut-être pourrait-on y trouver l’étymologie du nom de la Dobroudja dans le mot slave dobro, « bon ». La Dobroudja est pour les Turcs, le bon pays, celui où la terre, n’appartenant à personne, peut être occupée et exploité par le premier venu. C’est une immense et fertile prairie presque entièrement déserte, habitée surtout par des Tatars pasteurs et par des Valaques sur les rives danubiennes… »
Camille Allard, « Coup d’oeil géographique » Entre Danube et mer Noire, Dobrouja 1855″, Non Lieu, Paris 2013, p. 32, Texte édité et présenté par Bernard Lory, Postface d’Ivan Roussev
2 Cette situation est probablement à l’origine de son rôle économique et stratégique important. La forteresse est mentionnée dans la Géographie de Ptolémée et sur la  « Tabula Peutingeriana ».
3 Du nom de la rivière Ialomiţa (417 km) qui conflue avec le Danube sur sa rive gauche

Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, juin 2022

Rue piétonnière et arborée du centre ville, photo Danube-culture © droits réservés

Le Musée de Cernavodǎ, mystérieusement fermé… photo © Danube-culture, droits réservés

Toute proche de la ville la centrale nucléaire de Cernavodǎ sur la rive gauche du canal Danube-mer Noire ; deux réacteurs sont actuellement en fonctionnement et deux autres pourraient être mis en service dans les prochaines années, photo Danube-culture © droits réservés

Présence et témoignages d’un médecin français sur le Bas-Danube et en Dobroudja pendant la guerre de Crimée (1853-1856)

« Durant mon séjour à Rassova, je fis de bien fréquentes excursions sur les rives du Danube et dans les gorges voisines. Je gravis souvent les hauteurs pour contempler le magnifique spectacle qu’offre aux yeux le Danube, qui de ses mille bras étreint les plaines de la Valachie. J’aimais à voir, du haut des falaises turques, le grand fleuve autrichien, mécontent de sa facile proie, venir sans cesse user le sol bulgare sans pouvoir l’envahir. J’affectionnais surtout un point, du haut duquel on voit plusieurs vallées converger vers une vallée plus profonde, qui vient s’ouvrir sur le Danube devant Rassova. Au loin, semblable à une mer enveloppant d’innombrables îles, le fleuve se resserre subitement pour diriger sa course vers le point de la rive turque que protège la levée française. Que deviendront ou même que sont déjà devenus ces travaux ? Le fleuve les a peut-être détruit à cette heure, ou les détruira sans doute bientôt si une main conservatrice ne vient pas les protéger. Mais leurs traces resteront, comme pour attester aux populations futures de ces régions qu’il n’est pas impossible de résister aux empiètements du fleuve, et que la France a donné l’exemple et a eu l’initiative de cette grande oeuvre.

Vue du port antique de Kustendjé (Constanţa), des falaises et de la route française, dessin d’après Camille Allard

Nous habitâmes Rassova jusqu’au 25 novembre, et nous pûmes voir, à l’ombre du drapeau français, la ville ruinée se ranimer peu à peu. Les émigrés rentraient de toute part ; des maisons nouvelles s’élevaient partout, et Rassova, au moment de notre départ, était transformé. Plusieurs négociants étaient venus s’y établir ; des fournisseurs de l’armée avaient élevés de grands magasins, autour desquels se groupaient une foule d’arabas1 destinés à transporter à Kustendjé2 les approvisionnements de l’armée. Les bateaux à vapeur du Danube stationnent depuis cette époque devant Rassova, et tout promet à cette ville une certaine importance, si, comme on doit l’espérer, rien ne vient entraver l’impulsion donnée par la France.

Vue générale de Kustendjé (Constanţa), prise de la maison occupée par les membres de la mission, 1855, Camille Allard, Souvenirs d’Orient, la Bulgarie orientale, Adrien Le Clère et Cie, Libraires-Éditeurs et C. Dillet, Libraire-Éditeur, Paris, 1864

Mais le 25 novembre, la première neige commençait à tomber ; les steppes avaient pris un aspect bien triste. Les rives du fleuve et les lacs étaient gelés, et le dernier paquebot autrichien revenait de Galatz, trainant une longue chevelure de glaçons… »

Notes : 
Charriot couvert tirée par des bœufs, utilisée autrefois dans l’Empire ottoman
2 Constanţa

Sources :
ALLARD, Camille (docteur), Souvenirs d’Orient, La Dobroutcha, Charles Dourniol, Libraire-Éditeur, Paris, 1859 
ALLARD, Camille, Souvenirs d’Orient, la Bulgarie orientale, Adrien Le Clère et Cie, Libraires-Éditeurs et C. Dillet, Libraire-Éditeur, Paris, 1864
ALLARD, Camille, Entre mer Noire et Danube, Dobroudja 1855, collection Via Balkanika, introduction de Bernard Lory, Éditions Non Lieu, Paris, 2013

Danube-culture, mise à jour décembre 2021

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