Dürnstein
Les lieux sont colonisés par les hommes dès la période néolithique et l’âge du bronze ainsi que de nombreuses autres places favorables des rives du Danube. Le domaine de Dürnstein est donné par le Duc de Bavière Henri IV, futur empereur du Saint Empire romain germanique (1014-1024) sous le nom d’Henri II-le-Saint au couvent bénédictin bavarois de Tergernsee au bord du lac du même nom.
How soft on tow’r and wall the summer glow, ⎯
Dear townlet ⎯smiling like a sunlit dream
“Twixt pyramid of crag and swirling stream, ⎯
Deep mirrored in the Danube’s lucid flow,
Such walled and sunny nook of “long ago”
As dwells in golden peace ⎯an artist’s theme,
Though earth with death and desolation teem
Beyond the crags, beyond the flood below.
Warm smile ye welcome home to halcyon days,
O sunshine places treasured of the heart,
Life’s integral, unlost, eternal part
And inmost realm, where, reached by shining ways,
Our golden joys, no wavering image fleet, ⎯
Dwell sunlight citadelled the soul to greet.
Alice Elliot
Une première église paroissiale est édifiée au XIIIe siècle. Elle est consacrée à sainte-Cunégonde (vers 975-1033/1039), femme de Henri II. Cette église sera en grande partie démolie en 1803. Les éléments restant, la tour et un mur de la nef forment avec le petit cimetière du XIVe siècle et les remparts un ensemble de construction médiévale entièrement préservée.
La forteresse, construite dans les années 1150 par Albero III von Kuenring (vers 1115-1182) aurait servi de prison à Richard Coeur-de-Lion. Celui-ci se serait fait surprendre, arrêter en automne 1192 près de Vienne puis enfermer à Dürnstein au retour de la troisième croisade en Palestine par le duc Léopold V d’Autriche dit « Le vertueux » (1157-1194 ) qu’il avait précédemment humilié lors du siège de Jérusalem.
La légende raconte que ce serait son fidèle trouvère Blondel qui aurait retrouvé son souverain après des mois de recherches. Elle est détruite en représailles par le duc d’Autriche et de Styrie, Frédéric II de Babenberg (1211-1246) vers 1730-1731, en conflit avec Hadmar III (vers 1185-1231) et son frère Heinrich (1185-1233), surnommés « les chiens de Kuenring » qui possèdent également les forteresses voisines de Spitz et d’Aggstein sur le Danube depuis laquelle ils commettent de nombreuses exactions et rançonnent les bateaux de commerce sur le Danube en entravant la navigation à l’aide d’une lourde chaine en fer.
Albero V de Kuenring (vers 1215-1260), fils de Hamar III, reste malgré tout en possession de Dürnstein. Tentant de racheter le comportement de son père et de son oncle, il y fonde une paroisse en 1240 et Leutold I (1243-1312), son fils aîné, fait don en 1289 à l’ordre des Clarisses d’un terrain au bord du fleuve pour la construction d’un couvent qui sera achevé en 1294. Celui-ci est fermé en 1575 au temps de la Réforme. Les bâtiments seront rénovés et transformés, à la demande de Hieronymus Übelbacher (1674-1740), abbé du monastère des chanoines augustins de Dürnstein, en grenier à grain par l’architecte Jakob Prandtauer (1660-1726) en 1715-17163. Le bâtiment est ensuite vendu en 1820 et deviendra la propriété de la famille Thierry qui l’aménage en hôtel de luxe (1884). Leurs descendants en sont toujours les propriétaires .
Avec la mort de Leutold III, sans descendant en 1355 s’éteint la dynastie des Kuenring de Dürnstein. Dürnstein devient successivement la propriété des Seigneurs de Maissau, du duc Albrecht IV d’Autriche (1377-1404), d’Ulrich von Eitzing (1395-1460) et revient aux seigneurs de Zelking en 1609. Dürnstein a été pillée à deux reprises par les Hussites (1428 et 1432), assiégée par les armées impériales en 1458, dévastée par les troupes hongroises de Matthias Corvin en 1477 et 1485, détruite par un incendie en 1551 et occupée en 1645 pendant la guerre de trente ans par les Suédois du général Torstenson (1603-1651) qui aménage la forteresse puis la fait sauter au moment de leur repli après avoir échoué à s’emparer de Vienne. C’est à Dürnstein que l’empereur Léopold Ier de Habsbourg apprend en 1683 la fin du siège de Vienne, la défaite des Ottomans et la libération de la ville.
Le clocher bleu et blanc surnommé « le doigt de Dieu » de l’église paroissiale sainte-Marie-de-l’Assomption, oeuvre des architectes Matthias Steinl (1644-1727) et Josef Mungennast (1680-1741) datant des années 1728-1733 tourné vers le Danube comme pour protéger et encourager les bateliers d’autrefois, les nombreux pèlerins ou autres voyageurs qui se risquaient à descendre le fleuve sur des embarcations parfois difficiles à manoeuvrer, est avec l’abbaye de Melk (rive droite) emblématique de la région de Wachau.
L’église sainte-Marie fait partie du monastère des chanoines augustins construit en 1410 par Otto IV von Maissau (?-1440) sur l’emplacement d’une chapelle dédiée à la Sainte Vierge, à saint-Laurent et saint-André (1372). Les bâtiments sont rénovés en style baroque par Jakob Prandtauer assisté de son neveu Josef Mungennast et de Matthias Steinl entre 1715 et 1733.
L’intérieur de l’église est d’une étonnante luminosité malgré un décor chargé et tout en relief. La voute a été réalisée par l’artiste de la cour Santino Bassi, l’autel par Carl Haringer, le tabernacle en forme de globe en bois, décoré de 44 scènes de la vie de Jésus est vraisemblablement l’oeuvre de Johann Schmidt père de même que les reliefs dorés de la chaire et la plupart des autres sculptures de l’abbaye et de son église. Son fils Martin Johann Schmidt, connu sous le nom de Kremser Schmidt (Schmidt de Krems, 1718-1801) a peint les retables de sainte-Monique et sainte-Catherine des deux chapelles latérales du milieu.
La petite plaine avoisinante fut aussi le lieu en 1805 d’une sévère bataille pendant la campagne d’Autriche entre les troupes russes et une partie des troupes napoléoniennes en nombre largement inférieur. Il semblerait que ce soit le seul affrontement perdu par les armées françaises lors de cette campagne avec la bataille d’Aspern, dans les environs de Vienne sur la rive gauche du Danube.
Le Maréchal Mortier (1768-1835), maréchal d’Empire, duc de Trévise, dont les troupes sont vaillantes mais débordées par les armées de la coalition alliée austro-russe (les troupes russes du Maréchal Kutusov) doit s’enfuir avec quelques-uns de ses soldats à bord d’embarcations jusqu’à Krems en aval.
De manière générale le Danube (souvent en crue) n’a pas été l’allié de Napoléon durant ses campagnes de 1805 et 1809 mais les équipages des ponts de son armée ont toutefois fait preuve d’un savoir-faire exceptionnel et ont largement contribué aux succès des armées françaises.
La Wachau bénéficie d’un microclimat particulièrement favorable et généreux pour certaines cultures ce que ne manque pas de signaler immanquablement tous les guides et les brochures touristiques autrichiennes et étrangères ce qui a pour effet d’attirer une foule de visiteurs de plus en plus nombreux. Les vergers d’abricotiers (Marillen) s’épanouissent particulièrement sur les rives du Danube. Quand aux vignobles vertigineusement pentus mais prodigues en grands crus, les hommes les ont fait grimper les coteaux sur la rive gauche favorablement orientée jusqu’aux lisières de la forêt.
Le « vaisseau de Troie » du Danube
En 1231, les Kuenringer menèrent une révolte ministérielle contre le duc de Babenberg, Frédéric II, dit « le belliqueux », parce que celui-ci exemptait les monastères et les villes d’impôts, mais en contrepartie, il imposait des charges plus lourdes aux nobles. Frédéric II réprima la révolte et détruisit les châteaux de Weitra, Aggstein et Dürnstein. Dürnstein, la forteresse la plus puissante du duché, ne put être conquise que par une ruse de guerre : Comme Hadmar de Kueringe III bloquait régulièrement le Danube avec une lourde chaîne pour arrêter et rançonner les bateaux de commerce, Frédéric le Belliqueux arma en secret à Ratisbonne un bateau de commerce avec de nombreux chevaliers, ce qui permit de capturer Hadmar, qui dut ainsi livrer le château et la ville de Dürnstein au duc de Babenberg. Le donjon, c’est-à-dire la tour de défense la plus haute et la plus solide, fut détruit par les troupes du duc.
La suprématie des Kuenringer dans le duché fut dès lors anéantie. Par la suite, ils furent également appelés « chevaliers pillards », bien que leur révolte fut politique. Leur position de pouvoir était depuis longtemps une épine dans le pied des Babenberg. Avec leurs forteresses modernes et puissantes d’Aggstein et de Dürnstein, ils dominaient le cours du Danube en Wachau et pouvaient contrôler le trafic fluvial. Depuis leur château de Weitra, ils exerçaient en outre leur influence politique dans tout le Waldviertel et jusque loin en Bohême.
Dès la fondation du royaume des Babenberg, la stratégie des nouveaux seigneurs du « Saint Empire romain germanique » avait été de réduire la noblesse locale à l’impuissance et de modifier les structures ecclésiastiques en faisant appel à de nouveaux ordres religieux. Les petites familles de la nobleses, comme les seigneurs de Lengenbach, furent tout d’abord victimes de cette politique, tandis qu’il leur fallut d’abord s’accommoder des Kuenringer en raison de leur puissance, car les princes du pays, comme Léopold V, participèrent aux croisades, ce qui affaiblit tout d’abord leur position politique intérieure. La révolte de la noblesse menée par les Kuenringer fut donc une occasion bienvenue pour les Babenberg de stabiliser son territoire en réprimant la révolte. Comme les Kuenringer étaient en outre des partisans d’Ottokar II de Bohême, ils perdirent leur influence politique dès le début du règne des Habsbourg en Autriche.
Après l’extinction de la lignée de Dürnstein en 1355, le fief revient au duc Albrecht II. À l’époque de la Réforme, la lignée de Weitra se convertit au protestantisme et s’éteignit en 1598. Le château, détruit par les Suédois en 1645, est depuis la propriété de la famille Starhemberg.
Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour septembre 2024