Les bacs du Danube ou l’expérience de la transversalité fluviale…

Le bac entre Visegrád et Nagymaros (Hongrie) : une des plus belles traversées du fleuve en Hongrie, photo © Danube-culture, droits réservés
Certains bacs font partie du paysage, ont une longue histoire ponctuée d’évènements parfois tragiques, parfois comiques. Ils appartiennent à une mémoire vivante et animé du patrimoine collectif et individuel.
Le bac relie, en suspendant quelque peu le temps, d’abord les habitants d’une rive à ceux de l’autre bord mais aussi le fleuve à ses riverains. En principe à heure fixe, en service tout au long de l’année ou saisonnier, il peut aussi s’improviser en cas de nécessité dans un arrangement entre passeurs et passagers à toute heure du jour et de la nuit.

Le bac de la compagnie Navrom entre Galaţi et I.C. Brǎţianu bientôt remplacé par un tunnel ou un pont ? photo © Danube-culture, droits réservés
Prendre le bac c’est choisir une autre forme de navigation au rythme du fleuve et de ses paysages, singulière, transversale, indispensable, synonyme d’une certaine lenteur, d’attente, de légère inquiétude, de dérive contrariée vers l’aval par un câble comme pour les bacs à fil, d’encombrements de voitures, de marchandises à certaines heures et de manoeuvres improbables ponctuées par des ordres sonores venus de l’équipage pour y monter ou pour en descendre, mais aussi de liens, de séparations ou de retrouvailles et de multiples échanges. Marchandises et animaux sont aussi invités régulièrement à faire partie du « voyage ».
Puis la nécessité de la présence d’un pont peut surgir brusquement dans l’imagination de responsables politiques en mal d’aménagement ou de corridors panneuropéens. On « aménage » pour cela, les rives sans les ménager. Un immense chantier surgit sur la terre et sur l’eau. Pendant la construction du pont, le bac voisin est déjà un condamné en sursis. Les habitants du voisinage surveillent d’un oeil soit admiratif soit dubitatif l’avancée des travaux, les piles qui surgissent peu à peu au milieu du fleuve, l’avancée de la construction. Puis vient le temps de l’inauguration. Un moment fêté comme il se doit en présence de nombreux officiels. Après une dernière traversée peut-être teintée d’une légère mélancolie, le ferry et son équipage a été mis d’office « hors service » et va rejoindre la nombreuse flotte danubienne réformée immobilisée, démodée qui rouille pour l’éternité un peu plus loin. Il semblerait que, dans ce grand jeu de génie civil audacieux, petits et moyens bacs aient aujourd’hui une espérance de vie supérieure à ceux des grands axes de circulation. Mais pour combien de temps ?
Suite à la construction du nouveau pont entre Calafat (Roumanie) et Vidin (Bulgarie), le vénérable ferry local a pris sa retraite le 14 juin 2013. Le nouveau pont est bien sûr à péage. Comme hier on paie pour se rendre « ailleurs », pour prendre un éphémère petit large. La traversée du fleuve n’est plus une parenthèse dans le voyage. Du nouveau pont la vue est extraordinaire, elle serait encore plus belle si l’on pouvait s’y arrêter mais aucun espace n’est prévu pour ceux qui aiment s’attarder à s’émerveiller. Les piétons sont rares, presque incongrus. On dirait que le pont s’adresse à une autre population plus lointaine, celle qui voyage pour le transport, les affaires et quelquefois les loisirs prêts à la consommation. Le pont attire les camions comme un aimant, le bac les incommodait par sa lenteur, son étroitesse, sa vétusté et ses nombreuses manoeuvres. D’autres bacs s’apprêtent à disparaître dans les années (mois) qui viennent sur le Bas-Danube, donnant au paysage du fleuve ce visage aux traits durs façonné par la main de l’homme. Quelques bacs irréductibles poursuivent ça et là quand même leur mission accueillant piétons, cyclistes et amoureux égarés du fleuve. La bicyclette fait quand à elle bon ménage avec les rives aménagées du Haut et Moyen-Danube allemand et autrichien. C’est parfois une foule colorée et joyeuse que le bac transfère sur l’autre rive. Celle-ci sait bien qu’on ne traverse jamais le Danube impunément et que l’instant de la traversée par le pont n’a plus saveur ni la même légère incertitude que celle du bac.
Quand le dernier bac sur le fleuve aura disparu le Danube ne sera plus le Danube…
Eric Baude, © Danube-culture, août 2020, droits réservés
Bacs et ferries sur le Danube :
Une cinquantaine de bacs y compris ceux improvisés ou non (barques) du delta, naviguent sur le fleuve, certains permanents et accessibles aux voitures, d’autres saisonniers ou réservés aux cyclistes et piétons.
Bac Eining-Hienheim (Allemagne)
Bac Weltenburg-Kelheim (Allemagne)
Bac Mariaposching-Stephansposching (Allemagne)
Bac Niederaltaich-Thundorf (Allemagne)
Bac Sandbach (Vilshofen, Allemagne)

Ancien bac de Spitz/Donau- Rossatz, collection du musée de la navigation de Spitz/Donau, photo © Danube-culture, droits réservés
Bac Obernzell (Allemagne)-Hütt (commune de Kasten, Autriche)
Bac Engelhartzell-Ufernaüsl (Autriche)
Bac Au-Schlögen (Autriche)
Bac Au-Inzell (Autriche)
Bac « Santa Maria » de la courbe de Schlögen (Autriche)
Bac Obermühl-Kobling (Autriche)
Bac Untermühl-Kaiserau (Autriche)
Bac Untermühl-Felsentsteig (Autriche)
Bac Ottensheim-Wilhering (Autriche)
Bac Mauthausen-Enns-St. Pantaleon (Autriche)
Bac Grein-Wiesen (Autriche)
Bac Spitz/Donau-Arnsbach (Autriche)
Bac Weissenkirchen-Rührsdorf (Autriche)
Bac Dürnstein-Rossatz (Autriche)

Entre Dürnstein et Rossatz,une Zille bachée pour les randonneurs et les cyclistes photo © Danube-culture, droits réservés
Bac de Greifenstein (Autriche)
Bac Korneuburg-Klosterneuburg (Autriche)
Bac Freudenau-Donauinsel (Wien, Autriche)
Bac Orth/Donau-Haslau (Autriche)
Bac Vojka-Kyselica (Slovaquie)
Bac Pillismarót- Zsob (Hongrie)
Bac Visegrád-Nagymaros (Hongrie)
Bac Vac-île de Szentendre (Hongrie)
Bac Paks-Géderlak (Hongrie)
Bac Gerjen-Meszesidunapart (Hongrie)
Bac Dunaszeckcsö-Dunafalva (Hongrie)
Bac Mohács-Ujmohács (Hongrie)
Bac (Banoštor-Begeč (Serbie)
Bac Ram-Stara Palanka (Serbie)
Bac Oryahovo (Bulgarie)-Bechet (Roumanie)
Bac Svištov (Bulgarie)-Zimnicea (Roumanie)
Bac Silistra (Bulgarie)-Calǎraşi (Roumanie)
Bac Nufǎru-Ilganii de Jos (Roumanie)
Bac Smǎrdan-Brǎila (Roumanie)
Bac Galaţi-I.C. Brǎtianu (Roumanie)
Bac Issacea (Roumanie)- Orlivka (Ukraine)

Le petit dernier : le bac Issacea (Roumanie)- Orlivka (Ukraine) sur le Bas-Danube inauguré, symbolise l’apaisement et le renouveau des relations entre la Roumanie et l’Ukraine, photo droits réservés
Plus loin, dans tout le delta, la traversée des bras en barque et autres bâtiments flottants s’improvise au quotidien.

Embarquement dans les bras d’Isa, nymphe du Danube, bac (Zille) pour piétons et vélos d’Engelhartszell à Ufernaüsl (Haute-Autriche), photo © Danube-culture, droits réservés

Schwallenburg, bac (Zille) entre Grein et Wiesen, tout en bois pour piétons et vélos (Haute-Autriche), photo © Danube-culture, droits réservés

Mais quel est ce drôle d’insecte sur l’eau ? Le bac entre Ottensheim et Wilhering (Haute-Autriche) Au fonds l’imposant barrage d’Ottensheim-Wilhering, photo © Danube-culture, droits réservés

Le bac fleuri entre Spitz/Donau et Arnsdorf en Wachau : ici les forêts, l’eau et les vignes en terrasses font bonne alliance, photo © Danube-culture, droits réservés

Le bac Klosterneuburg-Korneuburg en amont de Vienne, très prisé des randonneurs et des cyclistes qui longent le Danube sur l’Eurovélo 6, photo © Danube-culture, droits réservés

Sous bonne garde de la forteresse, Zala le bac entre Visegrád et Nagymaros, Hongrie, à la tombée du jour, photo © Danube-culture, droits réservés