Stefan Zweig : un voyage sur le Danube il y a deux cents ans…

  « Le médiateur pacifique de l’Orient et de l’Occident »

   Dans cet article sont perceptibles l’émotion et l’admiration de l’écrivain pour l’un des plus beaux ouvrages jamais publié consacré au Danube et à son patrimoine naturel et culturel, « l’Atlas du cours du Danube avec les plans, vues et perspectives des villes, châteaux et abbayes qui se trouvent le long du cours de ce fleuve, depuis Ulm jusqu’à Widdin ; dessiné sur les lieux, fait en 1751″, et dont l’un des auteurs, du moins pour les illustrations, semble être le peintre paysagiste du nom de Franz Nikolaus von Sparr (François-Nicolas Sparr de Benstorf, 1696-1774), accompagné du cartographe Carl Johan von Redel.

Stefan Zweig (1881-1942)

   Si l’écrivain loue sans réserve « la vision homogène et significative » de l’auteur de cet atlas « intelligent et distrayant », la cohérence harmonieuse du paysage avec le fleuve qui forment ensemble un tout harmonieux et animé d’une seule âme, il s’agit pourtant pour lui d’un paysage désormais étranger même si « le Danube est resté le même » depuis cette période. Le fleuve a pourtant subi de la part des hommes précisément ses plus grandes transformations depuis la deuxième moitié du XIXe siècle mais S. Zweig ne les prend pas en considération. Il semble déconcerté, dérouté par d’autres métamorphoses. Ces propos profondément affecté par la situation douloureuse et la confusion dans laquelle se trouve son pays, les territoires danubiens et tout le vieux continent à cette époque (1917), témoignent déjà de son imprégnation d’une forte nostalgie du passé, d’un monde d’avant, de mélancolie et d’une profonde inquiétude qui le conduiront lentement, inexorablement vers le suicide dans son exil brésilien un 22 février 1942.
Curieusement, à la fin de son article, S. Zweig situe par erreur (?) les sources du Danube en Suisse : « … jusqu’à la Suisse où il prend naissance. » Étonnante « distraction » de la part d’un écrivain considéré comme l’un d’un des auteurs les plus érudits de l’histoire de la littérature européenne.

Premier numéro de l’éphémère revue fondée et publiée par Paul Siebertz et Alois Veltzé Donauland illustrierte Monatschrift

«Quelque part, au milieu de notre production littéraire récente, on peut trouver un ouvrage intelligent et distrayant au joli titre prometteur : L’art de voyager en restant à la maison. Il y est décrit d’une façon au plus haut point récréative comment, allongé sur son canapé, un cigare aux lèvres, un guide touristique ou une carte à la main, il est possible de faire de superbes excursions, sans autre véhicule que son imagination vagabonde. Bien sûr, cela vous est expliqué dans le détail, le cavalier doit posséder un cheval, et meilleur est ce cheval, plus il ira loin, et par ce cheval l’auteur quelque peu prolixe désigne le livre. Cette manière commode de voyager au moyen de livres et d’images est un art qui, s’il doit être inné, peut pourtant être favorisé avec le plus grand bonheur par une étude assidue, et certains y réussissent si bien qu’un aride Baedeker ou une douzaine de cartes postales coloriées les transportent déjà à des lieux de leur domicile dans un univers étranger qu’ils n’ont jamais vu.
Or, ce charme inhérent à un voyage effectué chez soi devient tout à fait fantastique quand on échange non seulement son propre espace contre un monde étranger mais en outre le présent contre le passé. Car soudain on se met à vivre dans des maisons inconnues, depuis longtemps disparues, on chemine vêtu de costumes fanés, oubliés, on se déplace dans de petites diligences ou de petits bateaux à voile, on respire l’air desséché de siècles écoulés, et c’est un jeu excitant de confronter sans cesse cette époque et soi-même au temps présent. Que l’on accompagne Marco Polo en Chine ou lady Hamilton à travers l’Europe, de ces vieux infolio s’exhale toujours une vie animée et une ivresse face à l’immensité du monde, le parfum enchanteur des horizons lointains et les chimères de l’inaccessible. Et, fait le plus curieux, ce qui dans ces ouvrages nous apparaît encore plus exotique et plus intéressant que l’Inde et les royaumes Mandchous, ce sont les objets appartenant à notre environnement immédiat, au nom familier, enracinés dans le même paysage, et pourtant rendus singuliers et attirants par les siècles. Rien n’est d’une lecture plus délicieuse qu’un voyage dans son propre passé.
Parmi ces guides à travers notre univers personnel, il en est un merveilleusement ancien et néanmoins actuel comme peu le sont, enveloppé par-dessus le marché du secret qui entoure les livres inédits : le bel in-folio à la somptueuse reliure de cuir conservé dans les archives de l’armée impériale et royale1 qui décrit un voyage sur le Danube en 1751 et dont cette revue montre pour la première fois au grand public quelques images. C’est un chef-d’oeuvre de réalisation technique que cet épais volume doré sur tranche comprenant des centaines de cartes dessinées, de perspectives et de vues manifestement commandées par le gouvernement impérial. Le joli titre (peint) en est : Atlas du cours du Danube avec les plans, vues et perspectives des villes, châteaux et abbayes qui se trouvent le long du cours de ce fleuve, depuis Ulm jusqu’à Widdin ; dessiné sur les lieux, fait en 1751. L’auteur n’est pas facile à déterminer. La dédicace magnifiquement écrite, en français, est de la main d’un certain Franz Nikolaus von Sparr ; pourtant, selon toute apparence, plusieurs artiste ont conjugué leurs efforts pour réaliser cet ouvrage parfait : un iconographe remarquable, auquel on doit de toute évidence les superbes rebords et l’ornementation ; un paysagiste qui dessina les sites d’après nature et un géomètre chargé des plans des fortifications et de la cartographie. Quelques indices révèlent bien l’existence de multiples auteurs : une des feuilles, le plan de Presbourg, n’est pas signée par ce Franz Nikolaus von Sparr, mais par un certain Carl Johann von Redel ; en outre, sur le panorama de cette même ville, ce que l’on voit, ce n’est pas l’autoportait d’un artiste unique : ils sont deux, assis paisiblement côte à côte sur un tronc d’arbre commun, face au paysage, avec leur feuille à dessin. L’exécution, elle aussi, témoigne de conceptions différentes. Le cartographe semble d’une exactitude rare, ses plans sont des modèles de netteté et de précision. Le paysagiste au contraire, sur un mode romantique, accorde plus d’attention à l’esthétique qu’à la ressemblance. Pour maints châteaux sur le Danube que nous connaissons aujourd’hui, comme Greiffenstein ou Aggstein, il fait se dresser les rochers, menaçants, jusqu’au bord du fleuve, il transforme un tourbillon, un ancien rapide, en une terrible cataracte — un Charybe et Scylla autrichien —, bref il incarne à la perfection l’esprit du baroque qui, dans sa recherche du Beau, ne craint pas l’exagération. Mais aussi quelle délicatesse, quelle grâce dans nombre de ses dessins d’une douce coloration sépia. Chacun d’eux est en lui-même une oeuvre d’art qui serait digne de figurer au nombre de ces monuments historiques grâce auxquels sont sauvées de l’oubli des choses depuis longtemps disparues et s’enrichit avec tendresse de l’histoire du pays.
Le voyage ne se déroule pas de la source à l’embouchure, mais en sens inverse, de Widdin à Ulm, au rythme des images. La première feuille contient une dédicace dans le goût de l’époque et dont le symbole peut-être encore valable pour la nôtre. Antique vieillard allègre, le Danube, avec des gestes soumis, s’avance vers l’impératrice et reine, vers Marie-Thérèse, et lui présente sa couronne et ses trésors. L’aigle de l’Autriche, les ailes déployées, veille sur cet hommage. Dans le fonds, au loin, on découvre la campagne autrichienne. Manifestement cette image, avec sa symbolique naïve, veut dire que le Danube reconnaît comme seul suzerain l’Autriche et comme unique maître légitime les Habsbourg. Sur la page suivante, une dédicace en français adressée à l’époux-empereur, Charles de Lorraine1, vient compléter avec éloquence ce dessin. Ensuite se déploie la carte du cours du Danube près de Nicopolis2 et de la région des fortifications de Trajan.
Et, fait curieux, surgissent à présent tous les noms, tous les lieux que notre actualité récente a rendus si célèbres dans le monde entier. Voici Lom Palanka, où les Bulgares traversèrent le fleuve, petite bourgade ceinte de remparts face aux routes menant à Craiova et à Orsova. Widdin scintille dans notre direction : c’est encore une véritable ville turque couronnée du croissant, sans la moindre croix, avec ses nombreux minarets pointus et les coupoles rondes des mosquées. Le voyage continue, et une curiosité, susceptible de revêtir une valeur particulière pour les chercheurs, s’offre à notre regard. Une peinture multicolore montre le pont de Trajan, dont la voûte soutenue par des piles de pierre dominait le Danube à l’époque romaine, près de Turnu-Severin — localité bien connue de tous également aujourd’hui —, l’une des merveilles du monde des siècles passés, désormais disparue. Un premier dessin reproduit ce pont d’après un vieux tableau de Jakob Leuw, tel que celui-ci l’avait vu en 1669. Les arches datant de Trajan se dressaient, solides, robustes, au-dessus du passage étroit du fleuve, praticables pour les chariots et les hommes ; comme au temps où les cohortes romaines partaient en campagne contre les Scythes et les hordes des invasions barbares. Si, sur le tableau réalisé sur place par notre auteur moins de cent ans plus tard, en 1750, on ne découvre plus que les ruines de cette imposante construction, les piles sont toujours plantées, encombrantes, dans l’eau, et plusieurs fragments ont conservé leur cintre avec son épigraphe, un morceau de la Rome antique maintenant réduit en poussière.
Le voyage se poursuit vers l’ouest, des contrées actuellement en guerre jusqu’à la vieille ville-frontière hongroise d’Orsova, dont l’île fortifiée est représentée par de ravissantes aquarelles. Semendria3, dessinée en 1738, est comme en ce moment un bivouac. Des tentes sont montées, des cavaliers en armes avancent au trot et le château pointe ses canons menaçants. Mais la principale forteresse à l’est semble bien avoir été, déjà à l’époque, Belgrade, car ce livre ne nous offre pas moins de six tableaux et deux cartes splendidement dessinées et travaillées jusque dans le plus infime détail. Une partie des illustrations a été réalisée en pleine guerre pendant le siège de la ville par les Turcs, et la silhouette de maint édifice bien connu aujourd’hui du grand public grâce à la reproduction de photographies récentes se découpe déjà sur un paysage étrange, mi-oriental, mi-européen.
Les images du Danube affluent toujours plus près de nous, les noms nous sont de plus en plus familiers. Voici Peterweiden, la forteresse avec ses redoutes et ses murailles, Budapest, ou plutôt Ofen4, qui alors n’était pas encore la capitale et le coeur de la Grande Hongrie, puis Waitzen5, Visegrad, avec les ruines du vieux château, Gran6, Komorn7 et Raab8, et finalement Presbourg9, la «capitale, résidence et ville du couronnement en Haute-Hongrie». Ensuite, on s’approche rapidement de Vienne. Wiener-Neustadt, Ebenfurt, Altenburg, Hainburg, tous ces noms font partie de notre univers ; enfin nous arrivons.
La feuille somptueusement ornée où est représentée Vienne a déjà (c’est la seule de cet ouvrage) été publiée dans la revue autrichienne d’archéologie et elle a été dotée d’une description très détaillée. Même si, ici aussi, l’artiste s’est laissé porter par une imagination quelque peu romantique pour ce qui est des volumes et des proportions, d’un point de vue purement graphique cette feuille capitale au dessin minutieux est une réalisation hors du commun. Les environs de Vienne sont également présents, de façon remarquable, avec Enzersdorf, le Kalhenberg, Korneuburg et Klosterneuburg, mais combien ils sont encore loin de la ville !
Et maintenant, promenade dans la Wachau deux cents ans plus tôt. Dépassant Tulln, on se dirige vers Spitz, Stein et Krems où un pont de bois enjambe le Danube et où des chalands vieillots, assez semblables à ceux des lacs de la Haute-Autriche, montent et descendent gaiement le fleuve, vers les beaux châteaux de Göttweih10, Wolfsberg, Aggsbach et Aggstein. On peut voir encore ici l’aspect originel de tous ces magnifiques édifices, à l’heure actuelle pour la plupart en ruine ou défigurés par l’ambition d’architectes prétendant les perfectionner en les remettant au goût du jour. Schönbichel et Dürnstein, réduits à présent à l’état de décombres, sont à peine reconnaissables sur cette image. Seule Melk, cette merveille, n’a rien perdu de sa splendeur. On continue, à travers la contrée des Nibelungen, depuis Pöchlarn, Persenbeug, en remontant un Danube de plus en plus étroit jusqu’aux célèbres tourbillons de Grein, où jadis des rapides dangereux menaçaient le marin inexpérimenté. Ici le peintre romantique qu’est Franz Nikolaus von Sparr a réalisé un tableau d’une sauvagerie effroyable. En un parcours sinueux, le Danube se précipite, écumant, autour des rochers, et les petites embarcations se fraient avec peine un passage à travers ce site dominé, en guise d’avertissement, par le symbole funèbre de la croix. Bientôt réapparaissent des domaines plus sereins. C’est un plaisir chaque fois aussi excitant de voir toutes les petites cités, les charmantes bourgades et les villages de la haute Autriche, Freienstein, Mautthausen, et enfin Linz, qui à l’époque sentait encore délicieusement sa province. À Passau, nous quittons le territoire autrichien pour pénétrer en Allemagne, non sans avoir au préalable contemplé quelques beaux paysages et les villes situées sur les affluents, comme Salzbourg, Landau, Landshut, Ingelfingen, Pfaffenhofen, Achau, Straubing. Avec une superbe opiniâtreté, le dessinateur se lance à la poursuite du Danube sur ses chemins toujours plus étroits et montagneux vers Ingolstadt, Neuburg, Donauwörth, Ulm, jusqu’à la Suisse où il prend naissance [sic !] et où l’in-folio s’achève.
Le voyage à travers cette centaine de sites est terminé et, lorsqu’on se détache de ces feuilles pleines de délicatesse afin d’observer notre monde métamorphosé, en proie à la confusion, on pense d’abord, stupéfait, avoir été transporté dans un endroit parfaitement étranger, tant le contraste entre notre temps et le siècle d’alors est curieux. Et pourtant, le Danube est resté le même, le paysage est identique et on ne peut que mieux saisir par le biais de la comparaison leur âme et leur cohérence quand on constate que, il y a deux cents ans déjà, un artiste autrichien a eu une vision homogène de ce fleuve, de sa source à son embouchure, de l’Allemagne à l’Empire ottoman. Son regard n’est plus le nôtre, nous voyons et nous ressentons aujourd’hui le cours du Danube et les régions traversées par lui d’un oeil plus vigilant que ce baroque à l’âme romantique ; néanmoins, sa vision homogène est significative et peut servir d’exemple à une époque dont le premier désir assurément est que ce fleuve cesse d’être divisé par des frontières en empires, et qu’il devienne l’artère principale d’une Europe centrale unie, le médiateur pacifique de l’Orient et de l’Occident.

Stefan Zweig, Auf Reisen, (En Voyage), « Un Voyage sur le Danube », Éditions Belfond, Paris, 2000

Franz Nikolaus von Sparr von Benstorf (1696-1774)
Franz Nikolaus (François-Nicolas) von Sparr naît à Pont-à-Mousson le 16 novembre 1696, alors dans le duché de Bar, sous le nom de François Nicolas Benstorf, fils d’Yves Augustin Benstorf dit l’Allemand, marchand, et de Marie-Anne Florentin. Sa famille séjourne à Lunéville (duché de Lorraine) vers 1705-1707. En 1736, François III (1708-1765), duc de Lorraine et de Bar, épouse Marie-Thérèse de Habsbourg  (1717-1780) et F.-N. von Sparr fait partie des quelques artistes qui accompagnent celui-ci à Vienne où, suite à son anoblissement, il prend le nom de « Benstorf, comte de Sparr » ou « Sparr von Benstorf ». F. N. von Sparr von Benstorf est ensuite envoyé en mission sur les bords du Danube, mission à l’occasion de laquelle il prépare avec l’aide du cartographe Carl Johan von Redel un  « Atlas du cours du Danube avec les plans, vues et perspectives des villes, châteaux et abbayes qui se trouvent le long du cours de ce fleuve, depuis Ulm jusqu’à Widdin ; dessiné sur les lieux, fait en 1751« . On connaît également de lui plusieurs volumes et dessins isolés, constitués de cartes géographiques et représentations de diverses forteresses, datées de 1718 à 1743, et conservées aux Archives de la Guerre de Vienne.
Restant au service des Habsbourg, il accompagne Charles-Alexandre de Lorraine (1712-1780) nommé gouverneur des Pays-Bas en 1741 et devient bibliothécaire à Bruxelles en 1750. Il meurt semble-t-il dans la pauvreté et sans descendance le 14 février 1774.
Son « Atlas du cours du Danube avec les plans, vues et perspectives des villes, châteaux et abbayes qui se trouvent le long du cours de ce fleuve, depuis Ulm jusqu’à Widdin ; dessiné sur les lieux, fait en 1751 » est mentionné dans le catalogue de S. Hohensinner sous le n° 217 et la référence : SPARR, F. N., M:?, 4 Photos, Wiener Stadt u. – Landesarchiv, Sandort 511/75/7, Sign. 472.

Notes :
1 Kriegsarchiv Wien [KA] Kartensammlung [KS] BIXb 113
2 En réalité, Charles était le prénom du père de Marie-Thérèse ; son mari était François de Lorraine. (N.d. T.)
3  Nikopol, petite ville de Bulgarie
4 Semederovo, aujourd’hui en Serbie
5 Buda
6 Vác (Hongrie) 
7 Esztergom (Hongrie)
8 Komárom (Hongrie) et Komárno (Slovaquie), ville identique de part et d’autre du Danube mais qui fut partagée par le traité de Trianon.
9 Györ (Hongrie)
10 Bratislava
11 L’abbaye bénédictine de Göttweig sur la rive droite, à l’entrée sud de la Wachau (Autriche)

Sources :
HOHENSINNER, Severin, Bibliografie historischer Karten und Literatur zu österreichischen Flusslandschaften (Materialien zur Umweltgeschichte Österreichs 3), Wien, 2015,
ZWEIG, Stefan, Auf Reisen, Feuilletons und Berichte, Fischer Klassik, 2009
ZWEIG, Stefan, En Voyage, « Un Voyage sur le Danube » Éditions Belfond, Paris, 2000

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour juin 2023

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