Galaţi (Roumanie)
Le Danube et la Falaise sur le Danube (rive droite) de Galaţi sur laquelle se tient une grande partie de la ville
« Là-bas dans le port de Galaţi,
Les marchands croulent sous le poids
Des étoffes persanes,
Des fourrures lipovènes.
Rouleaux de soie
Douce comme laine,
Fils de soie brillante,
Drap légers comme un souffle ;
Marchandise féminine
Et toile de Turquie,
Pantoufles légères
Rapportées d’Inde,
Fourrure longue et molle
Bordée de Zibeline. »
Ancienne ballade populaire roumaine, citée dans Galatzi, Petit guide touristique, Éditions Méridiane, Bucarest, 1964
GALACZ, Axiopolis, (Géog.) ville de la Turquie européenne, dans la Bulgarie près du Danube, entre les embouchures du Pruth & du Séret ou Moldawa. M. de Lisle écrit Galasi. (D. J.)
L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, éditée de 1751 à 1772 sous la direction de Denis Diderot et de Jean Le Rond d’Alembert, vol. VII, p. 427, (1757)
« Galatz est une petite ville assez florissante, fréquentée principalement par des vaisseaux grecs qui viennent du Bosphore, et retournent chargés des différentes productions de la Moldavie. On construit ici des vaisseaux d’une grandeur considérable ; mais comme le bois qu’on emploie à leur construction est mis en oeuvre avant qu’il soit sec, il se retire ; les jointures s’ouvrent, et le vaisseau coule bas. C’est une des nombreuses causes auxquelles on doit attribuer la grande quantité de débris de vaisseaux qui couvrent continuellement les rives du Pont-Euxin1. Du haut d’un rocher qui domine la ville, nous voyons le Danube se déployer devant nous ; plus loin nous découvrions le mont Hémus2, et nous allions même jusqu’à nous imaginer que nous apercevions les murailles blanches de Tomy3, où Ovide fut envoyé en exil, et dont le nom moderne est Baba-Dagh (la capitale des montagnes). Cette ville est située à environ quarante-cinq milles sud-est de Galatz, et fut prise en 1771 par un détachement de l’armée russe de Catherine II, commandée par Romanzoff4. »
Adam Neale (1778-1832), physicien, chroniqueur et écrivain écossais,Voyage en Allemagne, en Pologne, en Moldavie et en Turquie, tome second, Paris, 1818
Notes :
1Ancien nom pour la mer Noire, du grec Pontos Euxeinos, la mer hospitalière
2 Nom donné dans l’Antiquité à un sommet ou à la chaine des Balkans bulgares
3 Tomis ou Tomes est l’ancien nom de Constanţa. Le poète Publius Ovidius Naso (43 av. J.-C.-17 ap. J.-C.), connu sous le nom d’Ovide fut envoyé en exil à Tomes par l’empereur Auguste (63 av. J.-C.-14 ap. J.-C.) pour une raison inconnue. Il mourut dans cette ville.
4 Le général russe Pierre Alexandre Romanzoff (1730-1800) dit « le Transdanubien », fut la « bête noire » de la « Sublime porte ». C’est l’instigateur du Traité de Küçük Kaynarca (Koutchouk-Kaïnardji) du 21 juillet 1774 entre la Russie et l’Empire Ottoman qui met fin au conflit des années 1768-1774. Ce traité très avantageux à l’impératrice Catherine II de Russie permet notamment à son pays de prendre pied sur les rives du Dniestr et d’avancer vers le delta du Danube que la Russie atteindra quelques années plus tard.
« Heureusement qu’à côté du vieux Galatz des Turcs, il commence à se bâtir une ville nouvelle, qui datera, comme Braïlof [Brǎila], de la régénération des Principautés. C’est sur la colline qui domine le Danube que s’élèvent déjà quelques maisons qui sentent l’Europe et qui témoignent de ce que pourra devenir Galatz. Cette colline a une belle vue sur la dernière branche des Balkans, qui sépare le Danube de la mer Noire et qui le rejette au Nord ; elle a, à sa gauche, le lac Bratiz [Brateş] et le Pruth, qui sépare la Moldavie de la Bessarabie ; à droite la ligne du Danube et la plaine de Valachie ; à ses pieds le port, et elle ressemble, en petit, à la côte d’Ingouville au Havre. Je souhaite à Galatz d’avoir avec le Havre d’autres ressemblances. »
Saint-Marc Girardin (1801-1873)
Écrivain, homme politique et historien, professeur d’histoire puis de littérature à la Sorbonne, membre de l’Académie française à partir de 1844
Pour Patrick O’Brien, un voyageur irlandais qui l’a visitée en 1853, Galați était une ville prospère, avec des routes en bon état et assez bien pavées : « dans les rues principales, on trouve de belles boutiques », ajoutait-il, « et il y a partout une agréable apparence d’agitation et de prospérité ».
Patrick O’Brien, Journal of a Residence in the Danubian Principalities in the Autumn and Winter of 1853 (London 1854), 23–24, cité par Constantin Ardeleanu dans son livre « O croazieră de la Viena la Constantinopol, călători, spaţii, imagini, 1830-1860, Humanitas, Bucarest, 2021
Karl Hermann Bitter (1813-1885), le premier commissaire prussien de la Commission, a remarqué « ses toits gris, ses maisons blanches, ses églises avec leurs tours étincelantes au soleil, ses nuages de poussière tourbillonnants, la forêt de mâts le long de son port »ainsi que ses nombreux vauriens et criminels de toutes les nations.De tous les points de vue, Galați était un centre commercial levantin très actif, où l’Orient rencontrait l’Occident.
Karl Hermann Bitter, « Skizzen und Bilder aus den Ländern an den unteren Donau und aus dem europäischen Orient aus den Jahren 1856 bis 1858 », in : Heinz-Peter Mielke, Karl Hermann Bitter. Stationen eines Staatsmannes (Minden 1981) pp. 40, 48, cité par Constantin Ardeleanu dans son livre « O croazieră de la Viena la Constantinopol, călători, spaţii, imagini, 1830-1860, Humanitas, Bucarest, 2021
« Galatz est la seconde ville de la Roumanie. Elle renferme, nous a-t-on assuré, 180 000 habitants. Bucharest, capitale de la principauté, n’en compterait pas moins de 250 000. Les ouvrages spéciaux, et notamment Bouillet [Marie-Nicolas Bouillet,1798-1864], n’assignent à Galatz qu’une population de 10 000 âmes. La seule explication qui se puisse donner de cette contradiction, c’est que ces ouvrages ont été écrit avant que ne ce soient réalisés les rapides développements que Galatz doit à sa situation géographique moins encore qu’aux travaux accomplis depuis 1856 par la Commission européenne instituée par le traité de Paris pour l’amélioration des passes du Danube.
On sait que ce fleuve verse ses eaux dans la mer Noire par trois bouches principales : Kilia, Saint Georges et Soulina.
Assise au sommet de ce triangle qui constitue le delta du Danube, la ville de Galatz se trouve être le point de jonction entre la navigation exclusivement fluviale et la navigation maritime. Elle est ainsi l’entrepôt forcé de tous les produits qui empruntent la voie du Danube pour s’échanger entre les provinces les plus reculées de l’Allemagne, depuis le grand-duché de Bade, et le marché asiatique, en arrière de Constantinople.
On a bien essayé de faire échec à ce monopole par l’établissement de deux chemins de fer : l’un qui, partant de Tchernavoda [Cernavoda], sur le Danube, aboutit à Kustendjié, sur la mer Noire ; le second, qui part de Routschouk et se termine au port de Varna. L’une et l’autre de ces voies ont pour but de racheter la courbe accentuée que décrit le Danube en remontant vers Galatz et la Bessarabie, avant de jeter ses eaux dans le Pont-Euxin ; mais cette tentative ne paraît pas devoir réussir. Même dans l’hypothèse, dont la réalisation doit être considérée comme prochaine où ces deux tronçons se trouveront rattachés au réseau général des voies ferrées européennes, les embarras, les retards, les frais de transbordement et la différence du prix du fret entre la voie de fer et la voie d’eau compenseront et au-delà l’avantage qu’on peut se promettre d’une abréviation de parcours relativement insignifiante si l’on considère la distance immense qu’ont à parcourir l’un point extrême à l’autre les marchandises échangées.
Le port de Galatz a, par suite de cette situation privilégiée, presque exclusivement profité de l’accroissement considérable survenu depuis la guerre de 1856 dans les échanges entre l’Orient et l’Occident. Ce progrès a été singulièrement favorisé, comme je le disais tout à l’heure, par les travaux accomplis depuis la même époque pour l’approfondissement des passes du Danube.
En effet, avant 1856, la branche la plus accessible du fleuve pouvait à peine recevoir des petits navires ayant moins de quatre mètres de tirant d’eau ; elle peut être aujourd’hui fréquentée par d’énormes bâtiments de six mètres. Alors que jadis les marchandises provenant du cours supérieur du Danube devaient être chargées sur des chalands pour être ultérieurement transbordées sur les navires de mer, on voit aujourd’hui, ancrés devant les quais de Galatz, des vapeurs de commerce du tonnage le plus élevé, battant en général pavillon anglais qui recueillent sans intermédiaire le fret à Galatz même, pour le transporter non plus seulement à Constantinople, mais directement et sans rompre charge dans les ports de la Méditerranée, voire même jusqu’en Angleterre.
Cette modification survenue dans les habitudes du commerce est tout à l’avantage du port de Galatz, dont l’activité ne pourra que se développer à l’avenir sous l’influence des travaux entrepris par la Russie en Bessarabie, le long de la branche de Kilia.
La ville de Galatz occupe d’ailleurs une situation magnifique, que contribuent à embellir les grandes perspectives offertes à cet endroit par le cours majestueux du Danube. Elle ne manque ni de constructions privées assez élégantes, ni de promenades, ni d’églises ou de mosquées relativement riches. L’ensemble toutefois en est sauvage et l’aspect pour ainsi dire inculte. Si la civilisation s’y révèle dans quelques détails, c’est une civilisation à son début et à peine ébauchée. Pas plus que dans une autre ville de l’Orient, il n’y a ici ni édilité ni police organisée, par conséquent ni éclairage ni propreté. Si quelques-unes des rues principales sont empierrées, elles le sont de façon à rendre la marche à pied pénible et la circulation en voiture sinon impraticable, tout au moins très fatigante.
C’est à Galatz que nous avons dû abandonner la navigation exclusivement fluviale, pénétrés de gratitude pour les attentions dont nous avions été l’objet pendant notre séjour prolongé à bord des magnifiques steamers de la Compagnie impériale et royale1. Pour poursuivre jusqu’à Constantinople, nous transbordâmes sur l’Aunis2, appartenant à la Compagnie des Messageries maritimes3. À bord de ce joli paquebot, dont la seule infériorité consiste dans l’insuffisance de son échantillon pour répondre aux exigences d’un trafic toujours croissant, je me trouvais chez moi et pour ainsi dire en pleine famille. Il va de soi que nous n’avons manqué, sur l’Aunis, d’aucun des conforts qu’il soit possible d’obtenir dans le cours d’une traversée maritime.
La descente de Galatz à la mer par la branche de Sulina n’exige pas moins de huit heures. Dans le cours de ce trajet , que nous avons accompli en compagnie de l’excellent agent des Messageries maritimes M. Malavassi, nous avons passé en revue plusieurs escales d’importance inégale, mais toutes intéressantes, notamment Toulscha et Soulina.
Cette dernière, l’un des bourgs les plus peuplés de la Dobroutscha, est assise à l’issue même de la branche du Danube à laquelle elle donne son nom. L’aspect en est agréable ; son port, quoique étroit et incommode, n’est pas dénué d’animation. Soulina est, de plus, le siège de l’administration instituée par la Commission internationale pour l’amélioration des passes du Danube, et son principal dépôt.
Pendant la durée des opérations nécessitées par le débarquement et la mise à bord des marchandises, nous avons pu mettre pied à terre et examiner en détail, sous la conduite d’un médecin français attaché à la Commission [Européenne] du Danube, les formidables travaux de défense élevés par les Russes pour protéger l’entrée de la passe.
Jusqu’ici nous n’avions vu les Russes qu’à distance ; à partir de Galatz, le contact avec eux est devenu plus direct. Non seulement ils occupent militairement tout le pays qui s’étend sur l’une ou l’autre rive du Danube, en aval de Galatz, mais ils en ont complètement assumé l’administration. Leur police s’exerçait jusque sur notre bord. Il faut dire, pour être juste, que les procédés des agents moscovites, depuis les gouverneurs investis de la plénitude des pouvoirs publics jusqu’au employés d’un ordre inférieur, ne se ressentaient pas trop, nous fut-il assuré, des habitudes, de l’esprit et de l’omnipotence militaires. Si, en Roumanie, simple lieu de passage pour leurs troupes, les Russes gardent l’attitude et la mobilité d’une armée en campagne, en Bulgarie, au contraire, où ils se considèrent comme chez eux, leur prise de possession est complète. Ils s’y conduisent toutefois en gouvernants et en administrateurs plutôt qu’en vainqueurs et en conquérants. L’occupation russe présente d’ailleurs tous les caractères de la permanence. Il n’y avait pas jusqu’aux femmes qu’on apercevait aux bras d’officiers de tous grades, assistant sur le quai à l’arrivée du paquebot, dont les toilettes élégantes et printanières ne témoignassent qu’en quittant les bords glacés de la Néva pour rejoindre leurs maris ou leurs frères sous le ciel de l’Orient, ces dames n’avaient pas conservé l’esprit de retour. En Bulgarie, on se sent aujourd’hui en pleine Russie. Or ce n’est pas la moindre des attractions du voyage que de voir le courant moscovite traverser, sans s’y mêler, le courant ottoman, comme les eaux limoneuses du Rhône traversent, sans se confondre avec eux, les flots azurés du lac de Genève.
Le 6 juillet (1878 ?), par un temps exceptionnellement splendide, l’Aunis quittait Soulina pour entrer en pleine mer. »
De Paris à Constantinople par le Danube, Esquisses et souvenirs de voyage, Imprimerie D. Jouaust, Paris, 1878
Notes :
1 Il s’agit de la D.D.S.G., Première Compagnie Impériale et Royale autrichienne de Navigation à Vapeur sur le Danube, fondée à Vienne en 1829. L’auteur du récit est à bord du vapeur « Tegethoff ».
2 Paquebot en service de 1861 à 1882
3 Compagnie de navigation française fondée en 1851
« Galatz, grande ville portuaire en plein développement
Hôtels-restaurants : « Hôtel de Paris », service à la française, « Hôtel Müller », « Hôtel du Nord », service à l’allemande. À l’hôtel du nord il y a des bains en baignoire, des bains de vapeur et des douches. Galatz est le siège de la commission européenne du Danube et de la préfecture roumaine. Les habitants de cette ville sont de différentes nationalités, beaucoup de Grecs et 2000 citoyens appartenant à l’Autriche-Hongrie. La ville est plus élevé que la Mehala, nommée faubourg du port, qui s’étend sur la sur la rive inférieure ; on est en train d’y construire les quais. Les curiosités de Galatz ne consistent que dans la circulation animée au port car outre la société de navigation à vapeur du Danube, le Loyd austro-hongrois, les messageries maritimes et la compagnie de la navigation russe y ont aussi leurs agences.
Au nord de la ville le lac Bratich, de plus de deux lieues carrés de surface qui offre de pêches considérables. En face de Galatz, sur la rive de la Dobroudscha Boudjouk-Dag. »
Alexandre François Heksch, Guide illustré sur le Danube de Ratisbonne à Souline et indicateur de Constantinople, A. Hartleben, Éditeur, Vienne, Pest, Leipsic, 1883
« Galatz compte 96 000 habitants, dont de nombreux Allemands et Hongrois, ainsi que des membres de tous les pays naviguant sur le fleuve.
Celui qui arrive en bateau à Galatz distingue d’abord la ville portuaire (Mahala), qui s’étend avec ses quais le long du Danube. La ville proprement dite se trouve derrière Mahala, une trentaine de 30 m au dessus. Galatz possède un magnifique théâtre (Papadopol), un grand palais administratif nouvellement construit, le palais du Métropolite [siège de l’évêché orthodoxe de Galatz], un lycée, un grand nombre d’hôpitaux civils et militaires et des hospices. C’est également le siège de la Commission européenne du Danube, de l’Inspection générale roumaine de la marine marchande et des ports, d’un commando de marine et d’une cour d’appel. La ville possède des consulats généraux et des consulats de toutes les nations commerçantes dans la région.
Des centaines de grands cargos maritimes apportent des produits industriels d’outre-mer vers le Danube et descendent le fleuve emmenant des céréales roumaines et bulgares.
Le Danube jusqu’à la Mer noire, [guide de voyage], ERSTE K. K. PRIV. DONAU-DAMPFSCHIFFFAHRTGESELLSCHAFT, Wien, 1913
Pour Ethel Greening Pantazzi, la femme d’un officier canadien, Galatz a un charme particulier ; elle est très différente de toutes les autres villes roumaines, notamment parce qu’elle est la résidence de la Commission européenne du Danube. Les huit commissaires représentent la Grande-Bretagne, la France, l’Italie, l’Autriche, l’Allemagne, la Turquie, la Russie et la Roumanie et, à l’exception du délégué français, ils ont leurs résidences à Galatz et y restent toute l’année. Ils sont les chefs naturels de leurs colonies, et organisent beaucoup de réceptions, qui ont le charme de l’inattendu, car on y rencontre des gens des quatre coins du monde. En plus de recevoir chez eux, ils donnent, collectivement, des bals et d’autres fêtes chaque printemps et automne dans le palais de la Commission, un grand bâtiment où se tiennent leurs réunions.
Ethel Greening Pantazzi, Roumania in Light & Shadow (Toronto 1921), cité par cité par Constantin Ardeleanu dans son livre O croazieră de la Viena la Constantinopol, călători, spaţii, imagini, 1830-1860, Humanitas, Bucarest, 2021
« Cette ville est plus que le second port marchand de la Roumanie, plus qu’un vaste grenier à blé, plus que l’ancienne capitales des Galates, paraît-il, (ainsi Jacques, sous le sol foulé par nous reposent nos pères aventuriers), plus qu’un ensemble heureux de brasseries, de beuglants, de bains occidentaux ou turcs, de cinémas et de maisons closes. C’est, dit-on, un des boulevards de l’Europe. Vivons donc, sans plus de souci qu’ailleurs, aux parapets de ce bastion. »
Pierre Dominique, Les Danubiennes, « Galatz », Éditions Grasset, Paris, 1926
« Galatz, ville de 73 000 habitants, est située sur la rive gauche du Danube, entre les embouchures du Sireth et du Pruth, à l’endroit où son cours faisant un coude, prend la direction Ouest-Est. La ville, à l’ouest du port, s’étage sur les hauteurs qui longent le fleuve, et s’étend jusqu’au Jardin Public, tout près de la ville et à L’Est se trouve le lac Brates.
À une distance de 150 kilomètres de Soulina, Galatz a une importance particulière au point de vue commercial car c’est là que s’opère la jonction entre la navigation fluviale et la navigation maritime. C’est à Galatz que les céréales descendues du Danube par chalands sont transbordées sur des vapeurs maritimes. »
Roger Ravard, Le Danube maritime et le port de Galatz, « Le port de Galatz », thèse pour le doctorat, Librairie moderne de droit et de jurisprudence Ernest Sagot et Cie, Paris 1929
« Pour reprendre contact avec la vie civilisée, après sa villégiature dans la Balta, il passa deux jours à Galatz, ville plutôt grecque et turque que roumaine.
Il s’étonnait, à chaque rue, de voir ces enseignes qu’on eût pu croire arrachées des magasins d’Athènes et de Constantinople. Les confiseries notamment, étalaient ces gâteaux roses, vernissés, qui font les délices de Péra.
Des souvenirs aussi de Russie, aussi. Il retrouvait les calèches d’un bleu noir qui ont l’air de carrosses de gala ; leurs grands chevaux, de la race de ces trotteurs qui filaient, jadis, à une allure de course, sur la perspective Newski.
Ici, grâce orientale, leurs cochers ventrus, sanglés dans de longues redingotes de velours à ceinture frangée de glands d’or, avaient décoré le harnachement en cuir blanc de leurs bêtes de rubans roses et de fleurs. »
Louis-Charles Royer, Domnica, fille du Danube, « Sur le Danube » Les Éditions de Paris, Paris, 1937
« Brăila — et sa voisine Galaţi, dont l’Antiquaire [Antiquarius] flétrissait la débauche et la foule de prostituées à chaque coin de rue — sont deux lieux qui conviennent à ses intrigues de bazar. Aujourd’hui les deux villes, et surtout la seconde, sorte de Hambourg du Danube, n’offrent plus à la vue des tapis, mais des chantiers, des grues, un enfer de ferraille — ou du moins ce qui semble tel à ceux qui ont la mémoire courte et oublient les tourments que l’homme devait endurer dans le monde bigarre d’hier. Les deux villes, et surtout Galaţi, sont bien plutôt le symbole de l’ambition d’indépendance de la Roumanie par rapport à l’U.R.S.S., grâce entre autres aux investissements industriels — et le symbole aussi, de la crise économique où l’on a précipité ces ambitieux projets. »
Claudio Magris, Danube, « À la frontière », Éditions Gallimard, Paris, 1986
Histoire de Galaţi : le port, les tilleuls et la Commission Européenne du Danube
Galați, aujourd’hui 7e ville de Roumanie, important port fluvial et maritime et grand centre industriel, est une ville de la Moldavie roumaine. Elle se trouve à 250 km au nord-est de Bucarest, sur la rive gauche du Danube, un peu en aval de sa soeur et rivale valaque Brǎila (rive droite), ville natale de l’écrivain Panaït Istrati (1884-1935).
La ville s’étend sur 246, 4 km2.
Préfecture du Judets du même nom, elle compte environ 290 000 habitants dénommés Galatéens (en roumain Gălățeni).
La ville actuelle a été construite sur une colline formée de deux terrasses de type hercynien (quaternaire) contournées par le bas-Danube et par un grand affluent de sa rive gauche, le Siret (624 km) qui se jette dans le fleuve juste en amont de Galați. Elle est délimitée à l’ouest par le lac Cǎtuşa et le lac Brateş1 au nord. Quant au Prut (828 km) deuxième affluent du Danube par la longueur après la Tisza et dernière rivière importante avant le delta, il dessine un peu plus à l’est la frontière avec la Moldavie.
Cette grande confluence d’eaux douces a créé une zone alluvionnaire ponctuellement inondable, zone sur laquelle on a pourtant édifié la partie basse de la ville après l’avoir plus ou moins bien drainé.
La fondation de Galaţi remonte à la fin du Néolithique comme des fouilles archéologiques ont pu le confirmer. Au nord-ouest de la ville, sur les rives marécageuse du lac Mǎlina, des fragments de céramique de type Stoicani-Aldeni, des silex et divers outils ont été découverts. La région, habitée durant le Chalcolithique se retrouve aux confins de l’imposant espace scythique (Petite Scythie) puis dans le périmètre oriental européen de l’expansion celte (IIIe siècle avant J.-C.), expansion qui s’étendra jusqu’en Asie mineure. Entretemps, des peuplades géto-daces conquièrent et s’installent durablement sur ces territoires comme sur l’emplacement de la ville (VI-Ve siècles av. J.-C.). Ces peuplades développent une civilisation agricole et ingénieuse, pêchent, pratiquent le commerce de l’or, de l’argent, du sel, du miel, de la laine et établissent la capitale de leur royaume à Sarmizégétuse jusqu’à ce que l’empereur romain Trajan, lassé des attaques et des incursions régulières de ces redoutables guerriers, y mette fin en faisant construire un pont sur le Danube pour aller conquérir le Sud-Ouest de la Dacie (101-106 ap. J.-C.) sur le territoire de laquelle se trouve l’emplacement fondateur de la future ville, auparavant déjà influencée par la civilisation romaine toute proche. Les trésors des tributs daces soumises passent alors aux mains des Romains qui s’empressent également d’exploiter leurs mines d’or et d’argent.
Dépendante initialement du castrum de Bǎrboşi (forteresse de Tirighina), construite à l’époque de l’empereur Trajan sur un promontoire au-dessus du Siret (rive gauche) d’où les soldats romains avec leur flotte militaire peuvent surveiller les frontière de l’Empire, la nouvelle cité, qui sera habitée en permanence jusqu’au VIe siècle, s’implante, à partir du IIIe siècle, sur la rive gauche du Danube, au sud de l’emplacement actuel de l’église fortifiée Sfanta Precista (Sainte Vierge). Un ensemble de 12 monnaies en argent, éditées entre 613 et 685, découvert dans une tombe byzantine atteste de la présence humaine à cet emplacement. D’autres pièces de monnaie, datant de l’époque ultérieure de l’empereur Michel IV le Paplagonien (1034-1041), y ont été également retrouvées. Dans l’empire byzantin jusqu’au XIVe puis moldave la ville devient un comptoir génois et porte le nom de Caladda. Le Codex Latinus Parisinus de 1395 mentionne Caladda, escale génoise où l’on pouvait mettre les navires en cale sèche. Le quartier de Galați à Constantinople, autre ancienne escale génoise, partage la même origine. Le monde universitaire roumain adhère en majorité à cette origine italienne remontant au XIVe siècle : caladda, mot génois, signifie « cale de mise à l’eau ». Les anciens, Génois, navigateurs et commerçants dans l’âme avaient à l’époque un grand nombre de comptoirs tout autour de la mer Noire et sur le cours du bas-Danube dont, en Roumanie actuelle, San Giorgio (Giurgiu) et Licostomo, ancien port céréalier de l’Empire byzantin, près de Chilia-Vecche, sur la rive sud du bras du même nom.
Un document signé par le voïvode Etienne II (Ștefan II) de Moldavie datant des années 1445 mentionne Galați comme l’un des ports de la Moldavie avec Reni, Chilia et Cetatea Albǎ (Bilhorod-Dnistrovsky, Ukraine) située sur l’estuaire du Dniestr. En 1484, Reni, Chilia et Cetatea Albǎ tombent aux mains des Ottomans. Galați demeurera provisoirement le seul port de la Moldavie, non seulement pour les échanges internes entre les principautés danubiennes mais aussi pour les nombreux échanges commerciaux avec la Turquie et la Pologne. De nombreux bateaux partent à destination de Constantinople chargés de blé, de bois, de moutons et chevaux, de denrées alimentaires diverses mais aussi de graisses et de cire pour l’éclairage du palais du sultan. Du poisson du Danube ou des lacs avoisinants est expédié vers la Pologne pendant que le pays importe via le port de Galaţi, des tissus et des étoffes en provenance de Venise. Une communauté juive s’implante à Galaţi à la fin du XVIe siècle et en 1590, un cimetière juif est construit au nord de la ville.
La ville se développe, prospère mais attire les convoitises de peuples voisins, notamment des Tatars, établis dans la région voisine du Boudjak ottoman (Bessarabie).
En 1710 les Tatars pillent Galați après la bataille de Stǎnileşti. L’église Saint-Georges sera saccagée lors de leurs nombreux raids. La Russie qui affronte à cinq reprises l’Empire ottoman y ouvre un consulat dès 1784 ce qui n’empêchera pas la ville d’être incendiée en 1789, pendant la quatrième guerre russo-turque, par les armées du général Mikhaïl Fedotovitch Kamenski (1738-1809). D’autres consulats ouvriront ultérieurement, en 1798 (Empire autrichien), en 1830 (France ? et Angleterre)2, en 1833 (Italie) et en 1838 (Royaume de Prusse). Outre la France et l’Angleterre, très présentes à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle sur le Bas-Danube, près d’une vingtaine de pays auront des représentants diplomatiques (consulats) à Galaţi (Belgique, Danemark, Grêce, Perse, Prusse/Allemagne, Ligue marchande de la Hanse, Sardaigne/Royaume des deux Sicile/Italie, Russie, Turquie, Suède-Norvège, Pays-Bas, Espagne, Suisse, États-Unis).
Galați devient dans les premières années du XIXe l’une des bases de la Filiki Eteria ou Hétairie des amis, une société hellénistique secrète fondée en Russie à Odessa en 1814 et inspirée des idées des révolutions américaine et française tout en luttant contre le joug ottoman. C’est à Galaţi que se rejoignent en 1821 les révolutionnaires grecs d’Alexandre Ypsilanti (1792-1828) et les pandoures moldaves et valaques de Preda Drugănescu. Vassilios Karavias, chef de l’Hétairie du port et ses partisans repoussent dans le Danube la petite garnison locale ottomane et pillent les biens de riches marchands turcs, arméniens, juifs séfarades, romaniotes, phanariotes, avdétis sous divers prétextes. Les Ottomans reprennent la ville quelques semaines plus tard et la saccagent à leur tour en représailles tout en massacrant une partie de la population.
Galaţi, sensible aux idées du « Printemps des peuples » et des révolutionnaires connaît une nouvelle période d’agitation et de revendications dans les années 1848-1856. Les premiers travaux de modernisation la ville, aux ruelles « étroites sales et boueuses », aux maisons basses, insalubres, entassées dans le désordre sur de petits lots de terrain », au bas quartiers souvent inondés, ont enfin commencé. Le développement des activités du port (céréales, bois), du négoce, des importations connaissent un essor considérable grâce notamment au statut avantageux de « Port franc » de Galaţi, (1837- décembre 1882). Son abrogation est vivement contestée par la population locale, soutenue dans sa revendication par Mihaï Kogǎlniceanu. La construction des docks, la naissance d’un tissu industriel (chantiers navals, ateliers de chemin de fer, laminoir, minoterie…) attirent une population et une main d’oeuvre bon marché des environs et font doubler le nombre d’habitants entre 1847 (entre 8000 et 9000) et 1873 (entre 60 000 et 70 000).
La Commission Européenne du Danube
La Commission européenne du Danube, organisme intergouvernemental institué par les articles 15 et 16 du Traité de Paris du 30 mars 1856, traité donnant au fleuve un statut international pour la navigation, a installé entretemps son siège et ses services comptables à Galaţi, ses services techniques à Sulina et les bureaux de l’Inspection de la Navigation à Tulcea.
La Commission possède en outre à Galaţi 2 magasins à bois et à charbon, une maison d’habitation pour deux membres du personnel subalterne et une usine pour la lumière électrique avec l’outillage nécessaire à son fonctionnement.
« Personne morale du droit international », elle comprend initialement des délégués d’Autriche-Hongrie, de Prusse, de France, de Grande-Bretagne, de Russie, d’Italie et de Turquie auxquels viendront se joindre en 1878 des représentants roumains, exerce à titre de mandataire, une véritable souveraineté sans avoir à en référer à l’autorité territoriale des Principautés danubiennes puis de la Roumanie (1877), souveraineté qui ne sembla pas acceptable à ce pays et qui engendrera un conflit de compétence entre celui-ci et la C.E.D., celle-ci s’étant vu attribuer en supplément, suite au Traité de Londres (1883), la gestion du secteur du Bas-Danube situé entre Galaţi et Brǎila. Une partie des missions de C.E.D. seront ainsi rétrocédées au cours du temps à la Roumanie puis cet organisme international cessera définitivement ses activités en 1939, sabordée par les autorités nazies.
Son siège est bombardé durant la première guerre mondiale par l’armée allemande au mépris du statut de neutralité des ouvrages et bâtiments de ladite commission !
Galaţi au XXe siècle
En 1908, l’ingénieur roumain Anghel Saligny (1854-1925), auteur du premier pont ferroviaire sur le Danube roumain situé à Cernavodǎ, reliant la Dobroudja à la Munténie est chargé de dessiner les plans d’un nouveau port et de ses aménagements qui s’achèveront en 1914.
L’année précédente, à la suite d’une sécheresse prolongée, de mauvaises récoltes et à cause d’un système agricole dépassé qui sera aboli en 1921, avait éclaté une révolte de paysans roumains. Les insurgés pénétrèrent dans Galați pour y piller les entrepôts de céréales, mais l’armée s’interpose et tire provoquant des centaines de morts. Ce sombre épisode est interprété différemment selon les historiens : pour les nationalistes, c’est une révolte roumaine contre l’oppression étrangère (le port et les grands domaines étaient administrés par des gestionnaires et des marchands en majorité grecs, arméniens et juifs). Pour d’autres, il s’agit d’une révolte prolétarienne contre les classes dominantes. Pour les Juifs il s’agit évidemment d’un pogrom.
Entre les deux guerres mondiales, pendant la période de démocratie parlementaire, Galați demeure le siège de la Commission Européenne du Danube dont certaines des activités se sont déjà ralenties pour différentes raisons. Les membres y siègent lors de séances plénières deux fois par an. « Dans l’intervalle de celles-ci, ils sont remplacés par des délégués suppléants chargés de l’administration de la Commission et qui réunissent à cet effet en Comité exécutif deux fois par semaine. Ce comité s’assurent en particulier de l’application des tarifs de péages et de l’avancée des travaux d’amélioration fluviale du [Danube maritime.] »3
La ville s’embellit et connait à nouveau un développement rapide. Puis elle est malheureusement soumise de 1938 à 1989, comme le reste de laRoumanie, à 3 régimes dictatoriaux successifs : carliste, fasciste et communiste. Durant la seconde guerre mondiale, elle est occupée et pillée par les troupes allemandes (fin 1940) puis russes (1945-1958).
https://youtu.be/jxSORt3VX3I
(Galaţi en 1944, en allemand, sous-titré en roumain)
La ville sera également bombardée par l’aviation anglo-américaine en juin 1944 et, en août de la même année, par les avions allemands.
Après les désastres des bombardements Galaţi se reconstruit et subit dans les années 70 un nouveau traumatisme. Une grande partie du centre-ville historique, avec ses superbes monuments, est démolie pour permettre d’édifier, sous la direction de l’architecte Cezar Lazarescu (1923-1986), auteur entres autres réalisations de l’aéroport Otopeni et de la Bibliothèque Nationale à Bucarest, une nouvelle cité avec de grandes barres d’immeubles où seront logés les 50 000 ouvriers de l’un des plus grands complexes industriels et sidérurgiques de Roumanie, implanté à l’ouest de la ville.
La construction inachevée et bâclée engendre de gros problèmes techniques d’isolation, de chauffage, d’adduction d’eau, de gaz, de fonctionnement des ascenseurs. La mauvaise gestion des aciéries et des chantiers navals, difficilement rentables, entraine au cours des années l’accumulation de déficits financiers colossaux. Leurs dirigeants laissent péricliter ces sites industriels après la révolution de 1990 pour finir par les brader en 2001.
Le complexe sidérurgique est alors racheté par le géant indien Mittal Steel qui l’a depuis cédé. Le nombre d’ouvriers a diminué de manière drastique mais cette aciérie reste encore de nos jours le plus gros site sidérurgique de Roumanie et génère une importante pollution. Elle est souvent appelée par son ancien nom, la Sidex.
Les chantiers navals de Galați, liés aux activités portuaires et qui faisaient autrefois la réputation et la fierté de la ville ont décliné puis ont été rachetés en 1999 par le Consortium hollandais Damen Shipyards, un des plus grands constructeurs navals au monde qui possèdent également des unités à Tulcea et Brăila.
https://youtu.be/EDo3ZsVve6s
Des barges, des chalutiers de haute mer sont toujours amarrés au milieu du fleuve et des milliers de wagons et de locomotives, construits sur ces sites ont été abandonnés, rouillant tristement sur les voies de garage des anciennes gares de triage. Galați connait encore un chômage important mais de nouvelles activités économiques ont vu le jour et contribuent à redynamiser la ville.
Notes :
1 sur les rives duquel on cultivait au XVIIIe siècle de la vigne pour élaborer un vin champagnisé fort apprécié !
2 Présence diplomatique française à Galaţi : Liste des consuls ou agents consulaires en poste à Galaţi de 1838 à 1914, sources : Constantin Ardeleanu, https://cities.blacksea.gr/en/galatz/1-8-2/
Violier, agent consulaire : 1838-1840
Charles Cunningham, vice-consul d’Angleterre (gérant du consulat français…) : 1840-1847
Duclos, agent consulaire : 1847-1852
Gardera, consul : 1852-1855
De Bronsard : 1855-1857
F. Stejert : 1857-1859
E. Bouillot : 1859-1860
L. Vermot : 1860-1863
V. Castaign (gérant) : 1863-1865
D. Grosse (Gorsse) : 1865-1868
H. Boyard : 1868-1873
Alex. Duboul : 1873-1880
Charles d’Haricourt : 1880-1881
Laporte : 1881-1882
Jules Ferndinand Coste : 1882
Gaston Wiet : 1882-1883
Camille Georges de Vaux : 1883-1885
Gaston Wiet : 1885-1900
Joseph Pollio : 1900-1908
Henri André Arnoud : 1908-1914
3 Roger Ravard, Le Danube Maritime et le port de Galaţi, « La Commission Européenne du Danube », Thèse pour le doctorat, Librairie Moderne de Droit et de Jurisprudence, Ernest Sagot et Cie, Paris, 1929
À propos du nom de Galaţi
Les adeptes du protochronisme, courant pseudohistorique très influent en Roumanie (et ailleurs dans le monde sous d’autres régimes totalitaires…) pendant le régime dictatorial de N. Ceauçescu, ont associé le nom de Galați, même s’il n’apparaît pas avant le XIVe siècle, à la racine celtique et indo-européenne [gall-] « étranger » et en ont fait une dérivation de Galates (Gaulois en grec), une des nombreuses tributs celtes, argumentant que cette région habitée dans l’Antiquité par des Thraces septentrionaux, les Daces, a aussi été colonisée par des tribus celtes au début du IIIe siècle av. J.C. Les partisans de cette hypothèse font même remonter le toponyme de Galați à environ 2300 av. J.C. Selon eux, c’est en cheminant d’Anatolie vers les Alpes que des Proto-Celtes auraient alors émigré et développé en Europe la civilisation dite « de Hallstatt ». Ils associent aussi le nom de Galați à la Table de Peutinger (1265), carte sur laquelle, outre la Galatie au centre de l’Anatolie, figure aussi une Tanasie-Galatie au nord de la Mer Noire. Ils affirment enfin que les Celtes de Galatie seraient le peuple évoqué dans la Bible dans l’Épitres aux Galates. Selon eux des études de généalogie avec des outils modernes de génétique moléculaire viendraient confirmer leur hypothèse.
D’autres recherches font référence à des étymologies slaves ou coumanes (polovstiennes). Selon l’une d’entre elles, des habitants de la Galicie, des ukrainiens originaires des Carpates, auraient laissé leur nom à la ville au XIIIe siècle, lorsque la Principauté de Galicie-Volhynie étendit à la Moldavie sa zone d’influence commerciale et politique. C’est une thèse qui a la faveur des milieux historiques russes et ukrainiens. Selon cette hypothèse, le nom de la ville dériverait du mot de la langue coumane galat, racine qui apparaît, également dès le XIIIe siècle, dans d’autres toponymes des environs comme Gălățui, lac dont le suffixe est d’origine coumane, le suffixe ui signifiant dans cette langue « eau ». Quant aux Serbes, ils revendiquent galac comme origine du nom de la ville.
Un patrimoine architectural (en partie) miraculeusement indemne
Le patrimoine architectural de Galaţi qui a pu traverser miraculeusement indemne les conflits mondiaux et les « aménagements » de la dictature communiste, présente un intérêt exceptionnel comme en témoignent la belle cathédrale orthodoxe du XVIIe siècle, dédiée à Saint Georges, l’église grecque et la magnifique église fortifiée et Sfânta Precista, érigée sur la « Falaise », toute proche du Danube.
Édifiée sous le règne d’Étienne le Grand (1457-1704) puis détruite lors des invasions ottomanes, elle est reconstruite sous le règne du prince de Moldavie Vasile Lupu (Basile le Loup, 1634-1653). Une légende raconte qu’un tunnel y aurait été creusé sous le fleuve à partir de l’église pour rejoindre l’autre rive.
On trouve en ville une remarquable bibliothèque départementale, la bibliothèque V. A. Urechia, hébergée dans l’ancien « Palais de la Commission Européenne du Danube ».
Galaţi possède un complexe muséal dédié aux sciences naturelles entouré d’un parc au sein duquel se cache un joli petit jardin japonais très apprécié, plusieurs institutions comme le Musée d’histoire de Galaţi « Paul Pǎltǎnea », ouvert en janvier 1939 dans le cadre du 80e anniversaire de l’Union des Principautés roumaines, doté en particulier d’un fonds archéologique antique remarquable, d’une collection ethnographique, d’une bibliothèque, d’objets ayant appartenu à la Commission Européenne du Danube, la Maison Cuza Vodǎ où a habité Alexandru Ioan Cuza, prince souverain progressiste de Moldavie et de Valachie (1859-1862) puis de Roumanie (1862-1866), le Musée des Arts Visuels témoignant de la vitalité et de l’originalité de la peinture roumaine.
De nombreuses anciennes villas de la fin du XIXe et du premier tiers du XXe siècle sont également à découvrir lors de promenades dans la cité.
Parfois (souvent) en mauvais état, mal restaurées ou mutilées de diverses façons, témoignages émouvants de la grande époque galatéenne, elles sont malgré tout la plupart du temps classées « Monuments historiques » et concourent à donner à certaines rues arborées de tilleuls un charme nostalgique. Sans doute la ville gagnerait-elle beaucoup à entreprendre elle-même ou à inciter leurs propriétaires actuels à les restaurer. C’est bien de trésors architecturaux qu’il s’agit de préserver car elles témoignent comme d’autres monuments d’une époque « fastueuse » révolue.
Une salle de musique récente (le Théâtre National d’opéra et d’opérette Leonard Nae) accueille des manifestions culturelles, des concerts et des représentations lyriques très fréquentés et d’un excellent niveau.
La bibliothèque française Eugène Ionesco séduit un public francophone et francophile de plus en plus nombreux grâce à un fonds de documents et à des évènements culturels, des rencontres et conférences organisés tout au long de l’année par son entreprenante directrice.
Des parcs municipaux bien entretenus et agrémentés de statues, comme le parc Mihai Eminescu, le jardin public, jalonnent la ville.
Une longue et agréable promenade le long du fleuve avec une collection de sculptures contemporaines imposantes permet aux habitants de flâner, de se restaurer, et aux visiteurs de découvrir « La Falaise ». Une haute tour de télévision datant de l’époque communiste la domine offre une vue imprenable sur la ville et le fleuve. Son restaurant est accessible au public.
La superbe avenue Domneascǎ avec ses villas élégantes est la plus longue rue bordée de tilleuls d’Europe ce qui donne à la ville, au moment de la floraison, un parfum méridional et une ombre salutaire l’été. Ces arbres font intégralement partie du patrimoine galatéen. Les habitants de Galaţi comme ailleurs en Roumanie, vénèrent les tilleuls, considérés comme un arbre sacré pour les orthodoxes pratiquants. Son bois sert à la fabrication des icônes et ses fleurs ornent souvent les autels des églises.
Dans le cimetière principal, le carré militaire de soldats français voisine avec des combattants d’autres nationalités témoignant des affrontements meurtriers dans cette partie de l’Europe.
L’Université du Bas-Danube, fondée en 1948, obtient le rang d’université en 1974. Galati possède aussi son École Normale ainsi que d’autres institutions éducatives et culturelles, parmi lesquelles les Collèges nationaux Vasile Alecsandri (1821-1890), Costache Negri (1812-1876) et un Lycée de musique Dimitri Cuclin (1885-1978), compositeur, philosophe et poète réputé né à Galaţi.
Un potentiel de développement touristique au delà des frontières de la Roumanie existe et peut être mis en valeur s’il est accompagné d’une offre d’hébergement et de restauration adaptée ainsi que d’un accueil touristique digne de ce nom. Peut-être serait-il judicieux d’ouvrir enfin un office de tourisme…
En attendant une association de passionnés permet de découvrir d’une façon originale la ville, son patrimoine connu et méconnu, la diversité de ses paysages, les sites du bord du Danube et bien d’autres lieux intéressants des environs.
www.facebook.com/ciprianvciocan
Avec mes grands et chaleureux remerciements à toutes celles et ceux qui m’aide à découvrir et à aimer Galaţi, qui ont pris et prennent de leur précieux temps pour m’aider à m’orienter et à me documenter sur l’histoire de la ville et de ses habitants, que ce soit L. Buriana et ses collègues de la Bibliothèque départementale V.A. Urechia, Dorina Moisa, directrice de la Bibliothèque française E. Ionesco, Adina Susnea, professeure de piano du Lycée de musique, Victor Cilincǎ, écrivain dramaturge et journaliste érudit qui me fait l’honneur de son amitié.
Personnalités nées ou liées à Galati
Eugen Bogdan Aburel (1899-1975), médecin, obstétricien et chirurgien
Max Auschnitt (1888-1959), industriel
Remus Azoitei, violoniste, professeur de violon à la Royal Academy of Music de Londres. Remus Azoitei a enregistré avec Eduard Stan pour le label Hänssler l’oeuvre complète pour violon et piano du compositeur roumain George Enescu.
Jean Bart (1874-1933), commandant de marine, écrivain
Hristo Botev, poète révolutionnaire bulgare, habitant de Galaţi en 1871-1872
Hortensia Papadat Bengescu (1876-1955), romancière
Ioan Brezeanu (1916-2010), écrivain, philologue, folkloriste, académicien roumain
Paul Bujor (1852-1952), scientifique, chercheur en physiologie animale
Tudor Caranfil (1931), critique de film, réalisateur et historien du cinéma
Alexandru Cernat (1828-1893), militaire, général de l’armée roumaine mort à Nice
Iordan Chimet (1924-2006), écrivain
Victor Cilincǎ (1958), écrivain, historien, journaliste, dramaturge
Costel Constantin (1942), acteur
Ileana Cotrubaș (1939), cantatrice qui fit carrière dans le monde. Elle était particulièrement appréciée pour sa musicalité et sa sensibilité.
Dimitru Cuclin (1885-1978), compositeur, violoniste, musicologue, pédagogue, écrivain, traducteur et philosophe (métaphysique) est une personnalité singulière du monde de la musique roumaine. Il fut l’élève de Vincent d’Indy à la Schola Cantorum de Paris mais faute d’obtenir une bourse d’études, il doit rentrer précocement en Roumanie. Il enseignera au Conservatoire de Bucarest (premier titulaire de la Chaire d’esthétique et brièvement directeur), est invité aux États-Unis. Considéré comme réactionnaire et idéaliste il est condamné par le régime communiste à deux années de travail forcé dans un camp de prisonniers sur le chantier du Canal de la mer Noire (1950-1952) mais il a la chance d’en réchapper.
Alexandru Ioan Cuza (1820-1873), homme politique, réformateur, diplomate, francophone, gouverneur de Galaţi, colonel de l’armée moldave, souverain des Principautés Unies de Moldavie et de Valachie de 1859 à 1866. Un des pères de la Roumanie moderne.
Laurențiu Darie (1977), musicien
Ion Dongorozzi, écrivain
Nicolae Dunareanu (1881-1973), écrivain, romancier, traducteur
Ludovic Feldman (1893-1987), compositeur
Georges Georgescu (1887-1964), violoncelliste, chef d’orchestre, né à Sulina. Un des plus grands chefs d’orchestre de l’histoire de la musique.
Ştefan Gheorghiu (1926-2010), violoniste et pédagogue. G. Enescu le recommande avec son frère Valentin avec qui il joue en duo pour obtenir une bourse d’étude pour le Conservatoire de Paris où il suit les classes de violon et de contrepoint. Il termine ensuite ses études à Moscou auprès de David Oïstrak. Violon solo de la Philharmonie d’État de Bucarest à partir de 1946. En 1958, il est lauréat avec son frère du premier concours Georg Enesco et enseigne au Conservatoire de Bucarest (1960).
Valentin Gheorghiu (1928), pianiste, compositeur, frère de Ştefan Gheorghiu.
Theodor Grigoriu (1926-2014), un des plus grands compositeurs européens du XXe siècle. Compositeur de musique de films (Codin, Valurile Dunării…)
Grigore Hagiu (1933-1985), écrivain
Dan Hulubei (1899-1964), mathématicien
Iosif Ivanovici (1845-1902), chef de l’harmonie militaire de Galaţi, auteur de la célèbre valse « Les vagues du Danube » et de nombreuses marches
Alexandru Jula (1934-2018), chanteur pop, nommé citoyen d’honneur de la ville de Galaţi en 2002. Il fut aussi le chanteur préféré de l’ancien dictateur Nicolae Ceaucescu.
Leonard Nae (1886-1928), ténor, surnommé « Le prince de l’opérette roumaine ». Le théâtre musical de Galati porte son nom.
Gheorghe Leonida (1893-1942), sculpteur, auteur de la tête du Christ rédempteur de Rio de Janeiro (1926-1931) qui domine la ville depuis le sommet du mont Corcovado.
Constantin Levaditi (1874-1954), savant biologiste
Radu Lupu (1945), pianiste-concertiste roumain d’exception, ancien élève du Conservatoire Tchaïkovsky de Moscou.
Virgil Madgearu (1887-1940), économiste, sociologue, homme politique, ancien ministre des finances
Nicolae Mantu (1871-1957), peintre, reporter de guerre
Mihai Mihail (1977), acteur
Angela Baciu Moise (1970), poète, publiciste, journaliste
Leonard Nae (1886-1928), ténor, surnommé « Le prince de l’opérette roumaine ». Le théâtre musical de Galaţi porte son nom.
Costache Negri (1812-1876), écrivain, politicien et révolutionnaire d’origine moldave
Ioan Nenițescu (1854-1901), poète, académicien roumain
Paul Păltânea (1924-2008), historien, membre de l’Académie Internationale de Généalogie
Tudor Pamfile (1883-1921), folkloriste
Paul et Ecaterina Paşa, premiers fondateurs d’une collection muséale à Galaţi
Samuel Pineles (1843-1928), philanthrope de la communauté juive
Temistocle Popa (1921), compositeur
Ana Porgras (1993), gymnaste
Camil Ressu (1880-1963), peintre, professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Bucarest, président de l’Union des artistes de Roumanie, ancien élève de l’Académie Julian
Anghel Saligny (1854-1925), ingénieur en construction, pédagogue, ministre, académicien
Eugen Sârbu (1950), violoniste
Nicolae Spirescu (1921-2009), peintre
Fani Tardini (1823-1908), actrice, le théâtre de Galaţi porte son nom.
Eugen Trancu-Iași (1912-1988), homme politique, avocat, musicologue, collaborateur de Sergiu Celibidache
Vasile Alexandrescu Urechia (1834-1901), historien, homme politique, ministre, écrivain membre fondateur de l’Académie roumaine. La Bibliothèque départementale, ancien siège de la Commission Européenne du Danube, porte son nom.
Victor Vâlcovici, mathématicien
Ion și Alexandru Vladicescu, acteurs
En savoir plus sur Galaţi…
Viaţa Libera
Pour des informations fiables et une actualité complète dans tous les domaines. Un excellent journal animé par des journalistes érudits et passionnés…
https://www.viata-libera.ro
Théâtre Fani Tardini
www.fanitardini.ro
Théâtre musical Léonard Nae
Saison de concerts et d’opéras
Théâtre de marionnettes Gulliver
www.teatrul-gulliver.ro
Centre culturel du Bas-Danube (Centrul cultural Dunǎrea de Jos)
www.ccdj.ro
Université du Bas-Danube
www.en.ugal.ro
Bibliothèque V.A. Urechia
Remarquable bibliothèque, fondée dès 1889 avec un remarquable fonds de livres, d’incunables, de manuscrits anciens et d’iconographie, une politique d’acquisition avisée, une riche documentation sur l’histoire de la ville. Salles de lecture dans un bâtiment historique, ancien siège de la Commission du Danube.
www.bvau.ro
Bibliothèque française E. Ionesco : une institution francophone unique en Roumanie !
Cette structure associative, crée il y a une vingtaine d’année par l’éditeur français Jacques Hesse et Anca Rusescu tient une place active et unique dans le paysage culturel de la ville et possède un des plus beaux fonds de livres et de documents en langue française (et aussi dans d’autres langues étrangères !) de Roumanie (+ de 16 000 documents, un fonds en augmentation permanente). Les lieux sont fréquentés par de nombreux étudiants de diverses facultés, lycéens et publics variés qui trouvent dans le fonds de la bibliothèque des sources indispensables à leurs recherches. Sa directrice se dévoue inlassablement et efficacement pour la faire connaître au-delà des cercles francophones et francophiles, élargir et renouveler les fréquentations (manifestations pour les enfants), diversifier les activités et organise inlassablement de nombreux évènements culturels (expositions, concerts…) tout au long de l’année.
www.bfei.ro
Musée d’histoire de Galaţi
Musée « Cuzǎ Voda », Maison des collections, Mémorial « Costache Negri », Mémorial « Hortensia Papadat Bengescu », Mémorial de la commune d’Iveşti, Maison rurale « Ion Avram Dunǎreanu »
www.migl.ro
Musée des Arts Visuels
www.mavgl.ro
Musée des Sciences Naturelles
planétarium, jardin botanique, jardin zoologique
www.cmsngl.ro
Site de la ville de Galaţi
www.primariagalati.ro
Bibliographie (sélection)
COMŞA, Pompiliu, ZANFIR, Ilie, GALAŢI, Travel Guide, Axis Livri, Galaţi, 2012
PĂLTĂNEA, Paul, Galaţi, Oraşul teilor, Galatz, City of Linden trees, PAPERPRINTS S.R.L., Galatz, 2004
XENOPOL, Alexandru Dimitrie, Histoire des Roumains de la Dacie trajane : depuis les origines jusqu’à l’union des Principautés, Ernest Leroux, Paris, 1896
NOUZILLE, Jean, La Moldavie, Histoire tragique d’une région européenne, Ed. Bieler, Huningue, 2004
BREZEANU, Ioan, Galaţi, Biografie spiritualǎ, Personalitǎţi ale culturii, ştiinţei şi artei, Editura Centrului Cultural, « Dunǎrea de Jos », Galaţi, 2008
NEDELCU, Oprea et collectif, Cultura, ştiinţa, şi arta în judeţul Galaţi, Dicţionar bibliografic, Galaţi, 1973
NICA, George, IULAN, Panait, Galatz in vechi carti postal ilustrate, 2018
RAVARD, Roger, Le Danube maritime et le port de Galatz, thèse de doctorat, Librairie moderne de droit et de jurisprudence, Ernest Sagot & Cie, Paris, 1929
STANCIU, Ştefan, STROIA Marian, Oraşu Galaţi, în relatǎrile cǎlǎtorilor strǎini, Editura Biblioteca Bucureştilor, Galaţi, 2004
STOICA, Corneliu, Monumente de for public din Municipiul Galaţi, Axis Libri, Galaţi, 2015
Pour rejoindre l’autre rive (rive droite) et Tulcea
Bac Galati-I.C. Brǎţianu (Navrom), bus depuis le bac pour Tulcea via Issacea.
www.navrom.ro
Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour mai 2023