Georges Boulanger, musicien du delta

La famille de Georges Boulanger se consacre à la musique depuis plusieurs générations, ses membres jouant du violon, de la guitare et de la contrebasse à chaque occasion et dans toutes les fêtes et manifestations auxquelles ils se joignent.
Le jeune musicien reçoit une bourse dès l’âge de douze ans et doit partir étudier au Conservatoire de Bucarest. Trois années plus tard, alors qu’il interprète une pièce de Paganini, Leopold Auer (1845-1930), grand violoniste virtuose hongrois (il sera le dédicataire du Concerto pour violon de Tchaïkovsky qu’il refusera toutefois d’interpréter jusque peu de temps avant la mort du compositeur, l’estimant injouable…) et découvreur de jeunes virtuoses, l’écoute avec un grand intérêt. G. Boulanger l’impressionne par sa musicalité et son talent artistique. Aussi L. Auer l’emmène-t-il à Dresde pour qu’il poursuive ses études sous son autorité. Deux années plus tard (1910) son professeur estime que la formation musicale de son protégé est accomplie. G. Boulanger n’est pourtant âgé que de 17 ans. Il reçoit en cadeau de son professeur un violon avec lequel le musicien roumain jouera jusqu’à la fin de ses jours. Auer obtient aussi pour son jeune protégé un contrat de violoniste principal au  “Café Chantant”, le plus huppé des établissements de ce genre à Saint Pétersbourg, un lieu fréquenté par toute l’aristocratie de la ville. Le public russe, féru de musique légère, l’acclame et lui témoigne son admiration.
C’est sur les bords de la Neva que le musicien roumain va trouver son style original, une “musique légère” d’influences diverses, mélange subtil à la fois de musique tzigane, de musique traditionnelle des Balkans et de valses viennoises. Pendant son séjour en Russie il rencontre Ellinorr Paulson, une jeune intellectuelle estonienne, avocate et étudiante en médecine dont il tombe éperdument amoureux.

Georges Boulanger

Georges Boulanger (1893-1958)

Les grands bouleversements politiques de 1917 en Russie l’incitent à rentrer en Roumanie où il accomplit son service militaire et se consacre en parallèle à l’enseignement de la musique et à la composition. Georges Boulanger entretient pendant cette période une riche correspondance avec sa fiancée, restée chez  ses parents en Estonie. Leur passion réciproque est si forte qu’ils décident de se retrouver à Berlin vers 1922/23 et de vivre ensemble. Ellinorr Paullson devient sa femme puis la mère de ses deux enfants, Nora et Georgette. Sa fille Nora perpétuera la tradition familiale et deviendra à son tour une musicienne et compositrice reconnue.
Berlin connaît, au moment où le musicien roumain la rejoint, l’effervescence de l' »Unterhaltungsmusik » (Musique légère) et la ville foisonne de nombreux salons de danse, de cafés, d’hôtels, de cabarets où se produisent de petits orchestres avec un « Stehgeiger », violoniste qui fait la sérénade à toutes les tables de la salle. C’est encore à Berlin qu’il retrouve cette aristocratie russe en exil qui l’avait tant acclamée autrefois à Saint Pétersbourg, une aristocratie qui fréquente assidûment le restaurant Förster.
Après avoir joué pour la première fois  devant  le micro d’une radio (1926), la maison d’édition berlinoise Bote & Bock lui propose un contrat pour publier sept pièces, dont Avant de Mourir (1926), composition qui connaîtra un immense succès avec les paroles de Jimmy Kennedy sous le nom de My Prayer. Fait exceptionnel, cette oeuvre restera à partir de 1958 pendant vingt et une semaines au palmarès des radios américaines. Elle fait partie des musiques des films Les Yeux noirs, Malcom X, La grande escroquerie 2 et October Sky.
G. Boulanger est désormais inscrit sur le bottin berlinois du téléphone en tant que chef d’orchestre. Les journaux, les annonces des hôtels et les salons de musique ne cessent d’afficher “Aujourd’hui concert de G. Boulanger”. Des musiciens juifs, russes, roumains, hongrois et tziganes font partie de ses orchestres. Il est invité en Angleterre et se produit au prestigieux Savoy et au Claridge (1928). Trois ans plus tard, il effectue une tournée dans les grandes villes européennes avec son orchestre de onze musiciens. G. Boulanger enregistre pour différentes maisons de disques et arrive au sommet de sa gloire en Europe. Il restera pendant toute la seconde guerre mondiale en Allemagne et refuse partir aux États-Unis.
Il se retrouve dans le Mecklembourg en 1945, une zone occupée par l’armée Rouge. Les  Américains ayant découvert qu’il était le compositeur de My Prayer, le soustraient du secteur russe.
Ses parents et  beaux parents décédés, G. Boulanger prend la décision de partir en Amérique du Sud (1948), ayant obtenu un contrat pour jouer au Copacabana Palace Hôtel de Rio de Janeiro. Il parcourt triomphalement tout le Brésil puis accepte un premier contrat en Argentine pour Radio Belgrano. Il s’y installe et y demeure jusqu’à sa mort en 1958.
Georges Boulanger a écrit environ 250 compositions. Elles appartiennent pour  la plupart au genre de musique de salon. Leur durée n’excède pas 5/6 minutes, parfois un peu moins. Il s’agit de fox-trots, marches, tangos, one-steps et de toutes sortes de pièces pour danser. La plupart de ces oeuvres sont facilement facilement identifiables à leur titre : Au bord du lac, Le joueur de cornemuse, Fête à Budapest, Idées d’automne… Le musicien s’inspirait de tout ce qu’il entendait autour de lui comme musiques, puisant aussi dans ses humeurs du moment ou dans la musique traditionnelle des Balkans comme pour Légende roumaine, Czardas Roumaines, Rapsodie Hongroise, Danse Hongroise, Chanson et Czardas Hongroises, Intermezzo Russe.
On trouve parmi ses oeuvres les plus célèbres Avant de mourir (My prayer), Afrique, Da Capo, Vision Américaine…

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour avril 2022

Un enregistrement :
Comme -ci, comme-ça, Hommage à Georges Boulanger
Original Salon-Ensemble Prima Carezza
Musique oblige 766, Tudor (1991)

https://youtu.be/jmW2AwUqDSI
https://youtu.be/5gJrCxctIac
https://youtu.be/eDlcqhlzDqQ

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