Krems-Stein

« Urbs Chremisa », vieille de plus de mille ans, autrefois coeur du commerce du sel et du vin, est également classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2001. Krems-Stein offre, outre ses églises comme la Frauenbergkirche, l’église des Frères Mineurs, l’Hôtel de ville, ses maisons du XVIIe et du XVIIIe, des lieux d’exposition d’art contemporain, un musée du vin (nous sommes en Wachau, le plus extraordinaire vignoble du cours du Danube !) et un remarquable musée de la caricature qui organise de nombreuses expositions temporaires. Différents évènements culturels  dont le réputé Donaufestival et d’autres manifestations artistiques ont lieu à Krems-Stein tout au long de l’année.

Une cité plus que millénaire
La ville double de de Krems-Stein, l’une des plus anciennes villes d’Autriche, a fêté le millénaire de sa fondation en 1995. Le relief en terrasses régulières descendant vers le fleuve, le climat favorable et la situation au carrefour de la route commerciale du Danube avec les liaisons nord-sud en provenance du Waldviertel et du Weinviertel ont favorisé très tôt le peuplement de la région et ont largement contribué à son développement en tant que point central centre de cette région du Danube.
Les découvertes du paléolithique (Hundssteig, Wachtberg, 30 000-25 000 av. J.-C.), du néolithique (cultures céramiques), mais aussi le rôle particulier de la région dans la culture d’Aunjetitz du début de l’âge du bronze (1800-1500 av. J.-C.) ainsi que les traces de la culture des champs d’urnes de la fin de l’âge du bronze et de la culture de Hallstatt (800-400 av. J.-C.) témoignent d’une présence humaine qui remonte loin dans le temps. Des populations nomades, probablement d’origine celtes, s’y installent à l’époque de La Tène. À la période romaine, la région fait partie de la zone d’influence des Marcomans, une tribut germanique occidentale installée au nord du Danube qui entrera souvent en conflit avec Rome avant d’être chassée par les Huns à la fin du IVe siècle après avoir été christianisée. D’après la description de la vie de saint-Séverin, le centre des Rugiens germaniques se trouvait probablement dans la région de Krems-Stein dans la deuxième moitié du Ve siècle. Le cimetière d’Unter-Rohrendorf il atteste de la présence des Lombards (VIe siècle).
Le nom de Krems est mentionné pour la première fois dans un document de l’empereur Otto III (980-1002) du 9 août 995 comme une place fortifiée à l’est, appelée « Chremisa ». L’agglomération se trouve alors à la frontière orientale de la petite marche d’Ostarrîchi, à proximité immédiate de la Moravie. Elle s’tend rapidement au-delà de la forteresse et se développe au XIe siècle pour former une agglomération de marché autour du « Hoher Markt ». Krems devient en 1014, suite à une donation royale une paroisse.
Quant à Stein, elle est mentionnée plus tard, à partir de la seconde moitié du XIe siècle (1072). Son centre est l’église saint-Michel, qui appartenait à la paroisse de Krems. Elle est à cette époque d’abord un lieu de péage, de chargement et de déchargement des bateaux pour le transport du sel, du vin et des céréales. La présence de bateliers engendre la naissance d’un marché puis au XIIe siècle puis d’une colonie urbaine (1144).
La situation sur le Danube des deux cités leur permet de jouer un rôle complémentaire : Stein se trouve directement au bord du fleuve et devient un lieu de douane et d’accostage pour les bateaux, mais n’a en fait que peu de place pour de grands espaces de commerce, de foire et pour des activités de construction en raison de la proximités des collines. Krems, en revanche, séparé du fleuve par de petits affluents de la rive gauche (comme la Krems d’où le nom de la ville) et des plaines alluviales, offre suffisamment de surface pour la construction d’habitations et l’organisation de foire sous la protection d’une puissante forteresse.
Krems devient dans les années 1150 le principal centre commercial de la région. Entre 1130 et 1190, la première monnaie de la dynastie des Babenberg, le « Pfennig de Krems », est frappée dans la tour de la forteresse au-dessus du « Hohen Markt » (haut marché). La ville est mentionnée avant Vienne, qui ne dépassera Krems en taille qu’ultérieurement, sur la carte du monde du savant, géographe et voyageur arabe géographe arabe, Al-Idrîsî (1100-vers 1165). Sa croissance rapide a probablement rendu nécessaire, dès la première moitié du XIIe siècle, le transfert de la paroisse de l’église saint-Étienne du Frauenberg (aujourd’hui l’église des Piaristes) au pied de la colline, où la nouvelle église saint-Guy devient l’église paroissiale. À la fin de ce même siècle un mur d’enceinte entoure la ville. Un premier juge de la cité est attesté en 1196. La ville s’agrandie à plusieurs reprises et s’étend à la fin du Moyen Âge de la Steiner Tor (Porte de Stein) à l’ouest jusqu’à la Krems, à l’est. Le couvent des dominicains, fondé en 1236, se trouve en dehors de l’enceinte.
Stein se développe à partir de la haute terrasse en direction de l’église saint-Nicolas, élevée au rang d’église paroissiale en 1283. À la fin du Moyen Âge, les surfaces situées entre la Landstrasse et les rives du Danube sont également construites et la ville s’étend dans le secteur du couvent des Minorites fondé en 1223/1224 (la consécration de l’église aura lieu en 1264) ainsi qu’entre la vallée du Reisperbach et la Linzertor (Porte de Linz).
Les deux villes font partie de la souveraineté du Land depuis le début du XIIe siècle et se complètent mutuellement en tant que lieux de commerce à terre et au bord du Danube. Leurs liens étroits engendrent une unité de construction. Chacune des deux villes dispose d’un titre de commune bourgeoise avec sa propre souveraineté en matière de défense et de finances. Par contre elles possèdent un droit de cité commun (1305), un même juge municipal et, à partie de 1416 un seul maire. En 1463, l’empereur du Saint Empire Romain germanique Frédéric III de Habsbourg (1415-1493) accorde aux deux villes un blason commun, l’aigle impérial double d’or sur fond noir. Outre Krems-Stein, seules Wiener Neustadt et Vienne ont alors le privilège de pouvoir arborer sur leurs armoiries l’aigle bicéphale. L’union des deux villes durera jusqu’en 1849. De cette date à 1939,  année où les deux villes décident de se réunifier à nouveau, les deux cités ont une gestion séparée.
La prospérité économique de la fin du Moyen Âge repose sur la viticulture, le commerce et le transport du vin, du sel et du fer. La navigation sur le fleuve est un facteur économique essentiel pour Stein. En 1463, la ville obtint du même empereur Frédéric III le privilège d’établir un pont fixe, le deuxième pont le plus ancien après celui de Vienne sur le Danube autrichien. La richesse et la confiance en soi de la bourgeoisie locale sont attestées par le « Gozzoburg » construit vers 1265 par le puissant juge de la ville Gozzo von Krems (?-vers 1291), une maison de ville aux allures de château fort avec loggia. L’aspect des deux cités est marqué par les nombreuses maisons bourgeoises des XVe et XVIe siècles, richement décorées d’encorbellements, de sgrafites et de peintures tout en possédant des cours à arcades à l’intérieur. Une caractéristique des deux villes est l’existence, depuis le haut Moyen Âge, de « cours de vendanges » des monastères et des évêchés, qui servaient à stocker le vin et à gérer leurs biens , comme les cours de Passau (« Passauer Höfe »), la cour de Kremsmünster (« Kremsmünstererhof ») ou la cour de Göttweig (« Göttweigerhof »). La chapelle de la cour de Göttweig est ornée de fresques datant du début du XIVe siècle. Krems est, au début du siècle suivant, un centre de l’École du Danube grâce à la présence du peintre bavarois originaire d’Augsburg, Jörg Breu dit l’Ancien (1475-1537), auteur du retable de l’abbaye de Melk (1502).
Krems devient majoritairement protestante pendant la seconde moitié du XVIe siècle. La résistance de ses citoyens à la contre-réforme, entraine la perte de tous les privilèges en 1593. Ce n’est qu’en 1615 que l’empereur Matthias (1557-1619) annule cette décision et rétablit l’indépendance de la ville. Les jésuites, installés en 1616, jouent évidemment un grand rôle dans la reconquête catholique. Ils dirigent le collège et deviennent célèbres pour leurs représentations théâtrales. Outre ce collège jésuite, le couvent des capucins d’Und (1614) et la nouvelle église paroissiale de Krems, de style baroque précoce, sont édifiées  à cette époque, avec l’intervention d’artistes italiens renommés.
Le XVIIe siècle est marqué par un déclin économique dû au déplacement des routes commerciales internationales et à la diminution de l’importance du commerce sur le Danube. La ville de Krems est en partie détruite lorsque les Suédois l’assiègent  (1645). Après l’avoir prise, ils en font leur principale place forte, la perdent puis la reprennent un an plus tard. Ce n’est qu’après 1700 que Krems connaitra un nouveau développement. Il s’accompagne d’une baroquisation de son architecture sous l’impulsion des grands monastères des environs (Melk, Göttweig, Dürnstein). L’un des peintres baroques les plus importants, Martin Johann Schmidt, dit Schmidt de Krems (1718-1801), tiendra un atelier de peinture à Stein jusqu’à sa mort en 1801.

Maison du peintre Kremser Schmidt à Stein

Les structures ecclésiastiques de la ville vont évoluer dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. L’église Frauenberg, appartenant à l’ordre des jésuites depuis 1616, ordre qui sera dissous en 1773 sur ordre de l’empereur Joseph II, est reprise en main par les piaristes en 1776. Le couvent des dominicains est fermé en 1783, les couvents des frères mineurs et des capucins en 1796.
La plus grande modification de la physionomie de la ville depuis les transformations du Moyen-Âge, aura lieu au XIXe siècle, suite à la démolition des remparts et des portes de la ville. Seule la Steinertor, devenue l’emblème de la ville va subsister ainsi que des vestiges des remparts. Parmi les fabriques créées dans le cadre de l’industrialisation, celles de Rehberg (cuir), de fabrication de nattes et de tapis en fibres de coco et la première fabrique de meules en quartz d’Autriche jouent un rôle important. Les facteurs d’orgues Zachistal, Capek et Hradetzky ainsi que les fondeurs de cloches de Krems (Matthias Prininger, Ferdinand Vötterlechner et Johann Gottlieb Jenichen) jouissent également d’une grande renommée. Le dernier tiers du siècle voit le raccordement de la ville au réseau ferroviaire et à Vienne. En 1909, la ligne le long du Danube (chemin de fer de la Wachau). est inaugurée.
Malgré le bombardement intense du 2 avril 1945, on parvient à sauver une grande partie du patrimoine architectural dans son état d’origine et à y joindre de nouveaux éléments architecturaux. Cette revitalisation réussie et reconnue au niveau international permet à Krems-Stein d’être lauréate du prix Europa Nostra en 1975, 1979 et 2009.
La ville est considérée aujourd’hui comme l’un des centres culturels les plus dynamiques de Basse-Autriche grâce à son « Kunstmeile » (Stein), sa Kunsthalle, son musée de la caricature, son artothèque, sa galerie régionale de Basse-Autriche, ses ateliers d’artistes, son festival du Danube et ses nombreuses autres manifestations qui ont instauré un dialogue permanent entre l’art contemporain et le patrimoine architectural. Le Musée de Krems-Stein, logé dans l’ancienne église des dominicains, permet de découvrir les trésors artistiques de la ville ainsi que les traditions et l’histoire de la viticulture, traditions sans laquelle Krems-Stein ne serait pas devenue ce qu’elle est aujourd’hui, une petite cité séduisante et colorée, classée avec la région de la Wachau au patrimoine mondial de l’Unesco.
Krems-Stein possède également son université (privée) et son campus, ouvert en 2005, dont une partie est hébergée dans l’ancienne manufacture de tabac restaurée.
Idéalement situé à l’entrée de la Wachau, bien dotée en infrastructures hôtelières, sportives et culturelles, universitaires, desservie rapidement par le train depuis Vienne (environ une heure), un réseau de bus et les compagnies de navigation sur le Danube, cette cité de caractère est un lieu de villégiature très agréable à partir de laquelle on peut rayonner vers l’amont comme vers l’aval. Le port de plaisance de Krems est parfaitement équipé pour les plaisanciers.
De Krems partent en saison plusieurs compagnies de bateaux pour des croisières à travers la Wachau (voir croisières fluviales ci-dessous).

Eric Baude, © Danube-culture, droits réservés, janvier 2023

Sources :
https://www.gedaechtnisdeslandes.at

Collectivité locale de Krems/Stein et office de tourisme
www.krems.at (site en anglais et allemand)
www.krems.info

Port de plaisance de Krems
www.motoryachtclubwachau

Hébergement/restauration
Nombreuses possibilités d’hébergement et de restauration de toutes catégories dans la ville et à proximité.

Hotel Steigenberger and Spa
www.krems.steingenberger.at
Grand confort

Arte Hotel
www.arte-hotel.at
Design
contemporain, en retrait du Danube mais proche de l’université et de son campus

Culture
Kunsthalle Krems (Espace d’art moderne et contemporain)
www.kunshalle.at

Forum Frohner
www.forum-frohner.at

Musée de la caricature
www.karikaturmuseum.at
Expositions temporaires intéressantes de caricaturistes d’autrefois et contemporains du monde entier

Artothèque de Basse-Autriche
www.artothek.at

Museumkrems
www.weinstadtmuseum.at
Musée municipal dédié au vin et à ses traditions installé dans l’ancien couvent des dominicains

Nature
Promenades au bord du Danube, nombreux sentiers de randonnées dans les vignes et sur les hauteurs. Ne manquez pas d’aller vous promener dans le superbe jardin d’agrément Kittenberger (www.kittenberger.at)qui met en scène de nombreuses thématiques (50 000m2) et où vous pourrez à la belle saison et si vous le souhaitez) vous baigner dans un  des quatre bassins/piscines naturels. À proximité de Krems, sur la commune de Schiltern, le jardin et conservatoire de semences biologiques de l’Arche de Noë (arche-noah.at) mérite largement une visite.
Piste cyclable Eurovélo 6 (locations de bicyclettes)

Patisserie-Konditorei
Cafe-Konditorei Reimitz
www.raimitz.at
Salon de thé à la décoration un peu kitsch à proximité de la gare de Krems. Strudel aux pommes, au pavot, au fromage blanc et autres spécialités d’anthologie dont les chocolats à la liqueur d’abricot.

Mautern (km 2004, rive droite) la romaine
Mautern fait face à Krems/Stein sur la rive droite et est relié à la rive gauche par un pont métallique. Les romains s’établirent à Mautern dès le premier siècle après Jésus-Christ et nombreux sont les témoignages architecturaux de leur présence. Les dépendances baroques du château abritent un petit musée romain. Le petit musée des « coiffes dorées » et des costumes traditionnels de la Wachau au centre de Mautern est à ne pas manquer. On trouve encore à Mautern l’un des meilleurs restaurants de toute l’Autriche.

Karl Vikas (1875-1934), Vue sur Mautern depuis Krems, 1909

Le pont en bois du XVsiècle (1463, le deuxième plus ancien pont sur le Danube en Autriche après celui de Vienne) qui reliait autrefois les deux rives à cette hauteur a été détruit par les troupes napoléoniennes et remplacé par un pont métallique.

Collectivité locale de Mautern
 www.mautern.at

Hébergement/restauration
Chambres d’hôte Ad Vineas Nikolaihof
www.advineas.at,
Proche du Danube, une maison de vigneron où la cuisine est savoureuse, les chambres agréables. Piscine naturelle. Les vins, une des références en Wachau, sont biologiques et réputés. Superbes caves construites en partie avec des éléments de murs romains.
Chambres d’hôte Severinhof Schwaighofer
www.severinhof.at

Restaurant d’exception :
www.landhaus-bacher.at

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour en avril 2023

Le monastère de Schönbühel (Wachau)

Le monastère servite de Schönbühel vue depuis l’amont, photo © Danube-culture, droits réservés   

   Les Starhemberg, une des plus vieilles familles de la noblesse de l’archiduché d’Autriche, prennent possession du château-fort et du domaine de Schönbühel en 1411. Ils en resteront les propriétaires durant plus de quatre siècles. Ludwig (1564-1620) et Gotthard von Starhemberg (1563-1624) ainsi leur frère Martin (1566-1620) seront des fervents adeptes du protestantisme et participeront à la célèbre bataille de la Montagne Blanche (Bilá Hora) de Prague en novembre 1620. cette bataille capitale bien que n’ayant duré que deux heures, est remportée par les troupes catholiques de l’empereur du Saint-Empire romain germanique Ferdinand II de Habsbourg (1587-1637) sur celles du roi de Bohême Frédéric V (1596-1632). Ce sera le début de la reconquête catholique des Pays de Bohême.

Le château et le monastère de Schönbühel vers 1820, le peintre hollandais (?) a également représenté la forteresse d’Aggstein en arrière-plan

   En raison de leur participation à cette bataille et à d’autres exactions contre des biens catholiques, les trois frères Starhemberg sont sévèrement punis par l’empereur et leurs biens confisqués. Leur frère Paul Jakob (1560-1635), resté prudemment en retrait des affrontements, peut avec beaucoup de difficultés conserver le domaine de Schönbühel. Son fils, Conrad Balthazar comte de Starhemberg (1612-1687)1, qui s’est converti au catholicisme, commence par faire édifier en 1666 à l’endroit où se trouvent des ruines de sinistre réputation, auréolées de légendes et tout autant maudites des bateliers du Danube (rochers dans le lit du fleuve), une chapelle sur le modèle de l’église du Saint Sépulcre de Jérusalem. Sa volonté était d’aider les habitants de la contrée à mieux se représenter les scènes essentielles de la vie du Christ et celles de la passion. La première messe est célébrée dans la chapelle en 1667 pour la nuit de Noël, le calvaire baroque est achevé en 1669.

Jakob Alt (1789-1872), vue sur la vallée du Danube et sur le cloître de Schönbühel, 1847

L’ensemble des travaux de construction du monastère sont dirigés l’architecte originaire de Kufstein, Christoph Schachinger. Dans l’église Sainte-Rosalie du monastère une chapelle funéraire a été placée dans le chœur et la crypte a été conçue comme une grotte de Bethléem. C’est le seul exemple autrichien d’une réplique de la grotte de la Nativité. La chapelle Peregrinus, bâtie ultérieurement (1737), a été décorée de fresques rococo par le peintre Johann Wenzel Bergl (1719-1789), élève talentueux et original de Paul Troger (1698-1762) et un des peintres préférés de l’impératrice Marie-Thérèse qui le mit largement à contribution pour décorer certains des appartements de Schönbrunn et de la Hofburg (Vienne). Berlg a peint également ses fresques « exotiques » pour le pavillon du jardin de l’abbaye de Melk et celles du château de Donaudorf, désormais sous les eaux du Danube depuis la construction de la centrale d’Ybbs-Persenbeug en 1954.

Le calvaire baroque datant de 1669, photo © Danube-culture, droits réservés

    Se conformant à un souhait de la veuve de l’empereur Ferdinand II, Éléonore de Mantoue (1598-1655) auprès de laquelle il avait servi comme maître des écuries de la cour, Conrad Balthazar fait aménager entre 1670 et 1674 (1675?) une réplique adaptée de la grotte de la Nativité dans le rocher même à laquelle on accède par 54 marches. De nombreux se rendaient au monastère de Schönbühel par bateaux. 

La grotte de Bethlehem, photos droits réservés

En 1669 l’église du château, dont les moines servites ont aussi la responsabilité, a acquis le statut de paroisse avec la bénédiction de l’évêque de Passau qui autorise également la création d’un cimetière.

L’église paroissiale sainte Rosalie, photo droits réservés

Les statuts juridiques, établis en 1672, permettent à  cinq moines et deux frères laïcs de résider au monastère. Schönbühel devient rapidement, grâce à sa réplique de l’église du Saint Sépulcre, un lieu de pèlerinage très fréquenté à la période baroque. L’empereur Léopold Ier de Habsbourg s’y rend en 1675. Lors de l’épidémie de peste de 1679, la réputation du pèlerinage de Schönbühel et de son église dédiée à sainte Rosalie est alors à son apogée. Une Fraternité du scapulaire est fondée et un Livre des miracles témoigne de nombreuses voeux de guérison exaucés.

La cours intérieur du monastère, photo C. Jansky, droits réservés

Le château qui n’est plus guère habité ni entretenu, commence à tomber en ruine. Il est vrai que Conrad Balthazar Starhemberg s’est fait construire entretemps, de 1661 à 1667, un palais baroque sur la place des Minorites à Vienne et que sa famille possède de nombreux autres domaines en Autriche et dans des pays voisins parmi lesquels la forteresse voisine d’Aggstein (1685).

Le palais Starhemberg sur la place des Minorites à Vienne, gravure du XVIIIe siècle, collection privée

   Le monastère prospérera jusqu’au règne de l’empereur Joseph II de Habsbourg (1765-1790) qui, en tant que fervent partisan des Lumières et par des réformes audacieuses, met fin à de nombreuses activités religieuses, restreint les pèlerinages, ferme des couvents et supprime certains ordres à tel point que le pape s’en inquiète. Dans ce contexte défavorable et en raison du nombre de plus en plus restreint de moines qui y demeurent, il est même envisager de fermer le monastère. Mais les droits paroissiaux reposant sur l’église du monastère depuis 1786 empêchent toutefois sa dissolution. Le monastère se retrouve d’autant plus dans une situation périlleuse qu’il est pillé par les armées françaises pendant les campagnes napoléoniennes d’Autriche en 1805 et 1809. Le manque de moyens empêche d’entretenir correctement les bâtiments et, de nouveau, le monastère qui recevra la visite de la toute jeune princesse Elisabeth d’Autriche (1837-1898) en 18443 est menacé de dissolution à plusieurs reprises. Faute de moine y résidant, il est administré à partir de 1904 par la section tyrolienne de l’ordre des servites qui, après avoir commencé à le restaurer finit par le fermer définitivement en 1980. Les bâtiments sont alors restitués à l’administration du château de Schönbühel. L’église paroissiale du monastère est rattachée au diocèse de Sankt Pölten.

La chapelle du tombeau du Christ surplombe le Danube, photo © Danube-culture, droits réservés

   L’architecture des bâtiments date du début de l’époque baroque et est d’une grande sobriété. Restée pratiquement la même depuis la construction du monastère elle s’intègre harmonieusement dans le paysage escarpé de ces rives danubiennes. Une « Via sacra » (chemin de pèlerinage) relie le monastère à l’église de Maria-Langegg, un autre haut-lieu de pélerinage.  

   En 1887, le philosophe et psychologue Franz Brentano (1838–1917), neveu du poète Clemens Brentano (1778-1842) et qui fût le professeur à l’université de Vienne de Sigmund Freud (1856-1939) et d’Edmund Husserl (1859-1938), découvrit à l’occasion d’une promenade à Melk, la taverne construite par la famille des comtes Starhemberg au XVIIe siècle à proximité du monastère.

Franz Brentano (1838-1917) pendant ses années viennoises vers 1880, photo des Archives Franz Brentano, Université de Würzburg, Allemagne

Séduit par l’emplacement et par le fait que la taverne lui rappelait la maison de ses parents à Aschaffenburg, il l’acheta et l’aménagea pour en faire sa résidence d’été jusqu’en 1914, y recevant ses invités autour de conversations philosophiques. L’ancien prêtre défroqué, le « grand-père de la phénoménologie », opposé à toute forme d’absolutisme, que ce soit dans les communautés politiques, religieuses ou scientifiques, entretint de bons contacts avec ses voisins du monastère servite. Le philosophe autrichien Alfred Kastil (1874-1950) s’installera pendant la seconde guerre mondiale dans la maison jusqu’à sa mort pour travailler à l’édition des oeuvres de F. Brentano.

Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, mis à jour mars 2023 

Le monastère est accessible à la visite à certaines conditions :
www.klosterschoenbuehel.at

Le monastère, les chapelles, le calvaire, l’ancienne auberge transformée en résidence d’été par F. Brentano (à gauche) et le cimetière, photo prise dans les années 1970 

  Notes :
1 Ernst Rüdiger von Starhemberg (1638-1701) s’est en particulier illustré dans la lutte contre l’empire ottoman. Commandant courageux de la garnison qui défendait Vienne pendant le siège de 1683, il refusa de capituler et sauva la ville malgré l’arrivée tardive des troupes catholiques qui mirent en déroutent l’impressionnant armada turc.
2 Les fresques ont été heureusement préservées et transférées au château Laudon à Vienne.
3 La scène est reprise dans le film d’Ernst Marieschka Sissi (1955). 

Sources :
FLOSSMANN, Gerhard, « Der Bezirk Melk », Band 2 einer Bezirkskunde: Ein Kultur- und Reiseführer. 1994, S. 251–256
HÄUSLER, W. Geschichte des Servitenklosters Schönbühel, Dissertation, Wien 1969
HOFFMANN, Thomas, HOFFMANN, Clemens, Die Wachau, Wunderbares, Sagenhaftes, Unbekanntes, Kral Verlag, Berndorf, 2013
PLÖCKINGER, N.N. Wachausagen. N°. 15, p. 24
PERNERSTOFER, Matthias, Errichtung und Neuausstattung des « Gottseligen Hauß Bethlehem » im Kloster Schönbühel an der Donau, Hollitzer, Wien, 2019
OPPEKER, Walpurga, « Das Servitenkloster Schönbühel in Bildern: Ergänzungen zur Baugeschichte ». in Das Waldviertel, Heft 77/3, 2008, pp. 241–255
BAUMGARTNER, Wilhelm, « Le contenu et la méthode des philosophies de Franz Brentano et Carl Stumpf « , Les Études philosophiques, 2003/1 (n° 64), p. 3-22. DOI : 10.3917/leph.031.0003. URL : https://www.cairn.info/revue-les-etudes-philosophiques-2003-1-page-3.htm
À l’école de Brentano, de Würzburg à Vienne, traduction sous la direction de Denis Fisette et Guillaume Fréchette, Vrin, Paris, 2007

www.kloster-schoenbuehel.at
www.schoenbuehel-aggstein.at
www.kirche-am-fluss.at

Vue sur le Danube depuis le monastère de Schönbühel, photo © Danube-culture, droits réservés

La chapelle de Hausstein (Strudengau), les tourbillons et l’empereur François-Joseph Ier de Habsbourg

La chapelle de Hausstein sur la rive gauche du fleuve, entre Struden et Sankt Nikola/Donau, construite lors des travaux d’amélioration ( de la navigation sur le Danube en Strudengau, photo © Danube-culture, droits séparés
   Ce monument a été également édifié à la demande de François-Joseph Ier de Habsbourg (1830-1916) en souvenir de leur voyage de leur croisière mouvementée à destination de Vienne. Le couple impérial avait passé l’été 1854 dans leur résidence de Bad Ischl, une élégante station thermale du Salzkammergut. Lorsqu’il retourna à Vienne avec sa femme, l’impératrice Sissi (1837-1898) et la cour, l’empereur souhaita pouvoir rejoindre la capitale impériale depuis Linz en descendant le Danube sur son nouveau yacht baptisé du nom d’ « Adler »1 (« l’Aigle »). Malgré diverses inquiétudes concernant le niveau des eaux du fleuve, les responsables autorisèrent le comte Karl Ludwig von Grünne (1808-1884), aide de camp de François-Joseph et le baron Anton Mollinary von Monte Pastello (1820-1904), officier responsable du bateau et de la flottille impériale et royale autrichienne sur le Danube, à effectuer cette croisière à haute responsabilité.

Le yacht impérial Adler (L’aigle) à Vienne en 1857, photo collection de la Bibliothèque Nationale Autrichienne de Vienne

   Ce matin du 20 septembre 1854, François-Joseph, d’une grande bonne humeur, après être monté à bord avec sa femme et quelques-uns des membres de la cour, avait examiné attentivement son nouveau yacht, posé toutes sortes de questions sur le fonctionnement de celui et avait montré un vif intérêt pour les nombreux détails liés à sa navigation. Le voyage de Linz jusqu’à Grein/Strudengau se déroula sans incident mais en franchissant le passage étroit et rapide de Hausstein en aval de l’île de Wörth, le navire heurta sur l’arrière un rocher à fleur d’eau qui provoqua une violente poussée.

La forteresse de Hausstein, les tourbillons (« Strudel « et « Wirbel ») de la Strudengau et l’île de Wörth, plan de la fin du XVIIIe siècle. Des flèches et un pointillé indiquent la route fluviale (Naufahrt) à suivre pour franchir le passage dangereux.

Un examen rapide de la coque permit de constater que celle-ci avait été endommagée et prenait beaucoup d’eau dans sa partie arrière. Il fut donc décidé d’échouer le bateau en face du village de Sankt Nikola/Donau (rive gauche), sur le « Seiler im Sand », un banc de sable encore visible de nos jours. L’accident ne provoqua heureusement que quelques frayeurs au couple impérial et à l’équipage mais il a peut-être été une des raisons pour lesquelles les travaux de régulation et d’amélioration de la navigation sur le fleuve haut-autrichien à cette hauteur du défilé de la Strudengau2, ont été menés plus rapidement par la suite. Franz-Joseph et sa femme poursuivront courageusement leur voyage vers Vienne sur l’ « Hermine », un des bateaux qui suivaient le yacht impérial.

Le gouvernail du yacht impérial, 1857

Sur le yacht impérial en 1857, photo collection de la Bibliothèque Nationale Autrichienne de Vienne 

Dans ses mémoires, le baron Anton Mollinary von Monte Castello décrivit plus tard l’accident de la façon suivante : « Alors que nous approchions des tourbillons de Grein où le fleuve, rétréci par des berges rocheuses escarpées, se précipite à travers et au-dessus des récifs rocheux avec force chutes et remous, un profond silence s’installa sur le bateau. Toute l’attention de l’équipage, réparti entre ses différents postes, était concentrée sur le commandant qui, avec son porte-voix, transmettait ses ordres jusqu’à la salle des machines tout en surveillant alternativement le fleuve et les timoniers. La plupart des passages dangereux avaient déjà été franchis avec succès.

Anton Mollinary von Monte Pastello (1820-1904) en 1843

Il ne restait plus comme dernier obstacle qu’un récif, là où le courant courre à travers un méandre. Soudain, un bruit se fit entendre de l’arrière gauche du bateau, en même temps il y eut une secousse en provenance du même endroit. Le navire se souleva un peu de l’arrière puis retomba immédiatement dans sa position habituelle et glissa doucement, de nouveau dégagé, dans le courant. Tout danger semblait heureusement écarté. Le visage du commandant du navire était cependant devenu blême. Donnant la barre à son adjoint le premier lieutenant, il se précipita sous le pont dans la direction d’où étaient provenus le bruit et la poussée. J’attendais son retour avec impatience. Quelques secondes après il réapparaissait, me regarda avec le plus grand sérieux et hocha la tête. J’en savais assez. »

Coups de canons tirés à bord du yacht impérial, photo collection de la Bibliothèque Nationale Autrichienne de Vienne 

Notes :
1 Le bateau à vapeur fut construit en 1854 par les chantiers navals hongrois d’Althofen (Budapest)

Longueur : 55, 47 m
Largeur : 8, 08 m/14, 58 m
Tirant d’eau : 1, 60 m
Moteur Escher & Wyss de 500 (chevaux) actionnant deux roues à aube.
Port d’attache : Vienne
Il est racheté par la DDSG en 1866 et navigue sous nom d’origine pour cette compagnie. Il est équipé d’un nouveau moteur en 1872 et mis au rebut en 1924.
2 L’impératrice Marie-Thérèse de Habsbourg (1717-1780), arrière grand-mère de François-Joseph avait déjà fait effectué des travaux à cette hauteur du fleuve dans les années 1770-1780. 

La chapelle de Hausstein pendant la crue de de 1857, photo collection particulière

Sources : 
HILLE, Oskar : Burgen und Schlösser in Oberösterreich einst und jetzt,Verlag Ferdinand Berger & Söhne, Horn 1975
www.landesarchiv-ooe.at

Eric Baude, © Danube-culture, septembre 2021, droits réservés
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