Aschach (Haute-Autriche) et le Danube

« ASCHAW, (Géog. anc. & mod.), ville d’Allemagne dans la haute Autriche, sur le Danube, à l’embouchure de l’Ascha ; quelques-uns prétendent que c’est l’ancienne Joviacum de la Norique, que d’autres placent à Starnberg, & d’autres à Frankennemarck. »
ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES, PARIS,  1751-1772 

En raison des conditions climatiques favorables pour la culture de la vigne et de droits qui lui sont accordés, l’ancien village de pêcheurs devient au cours du temps une importante place de négoce du vin. Le droit de passage sur le Danube (péage) et la construction de bateaux pour le transport des marchandises (vin, sel, pierre, matériaux divers…) viennent compléter les autres activités locales et enrichir la commune.

Aschach, gravure de Salomon Kleiner, 1738

La première source écrite concernant Aschach se trouve dans un document mentionnant la fondation de l’abbaye bénédictine de Kremsmünster (Haute-Autriche) en 777. Son fondateur, le Duc Tassilo de Bavière ( 741 ?-794) avait offert à l’abbaye deux vignobles d’Aschach, alors situé sur son territoire. Aschach est de nouveau cité dans les années 791 et 802 à l’époque de Charlemagne et figure dans le « Schaunberger Urbarbuch » de 1371 (cadastre de Schaunberg) dans  lequel il est écrit que le village compte environ 60 maisons et possède un droit de justice et de cité, deux églises, les chapelles de saint-Laurent et de saint-Jean ainsi qu’un octroi de péage sur le Danube. le village est élevé au rang de bourgade en 1512 par l’Empereur Maximilien Ier (1449-1519) et obtient son blason sur lequel figure des grappes de raisin et qui inclue. la bourgade obtient « galement le droit d’y tenir marchés et foires. Les façades élégantes et colorées des maisons de la « rangée d’or » qui s’alignent depuis l’église, sur la place Kurzwernhardt et le long de la rue Ritzberger, témoignent de la richesse d’Aschach et de ses habitants à cette époque.Quand les dynasties des comtes d’Aschach et de Schaunberger (1559) s’éteignent, le château d’Aschach passe aux mains de la familles des Liechtenstein. En 1622, l’Empereur Ferdinand II ( ) offre les terres et le château d’Aschach au comte Harrach. Celui-ci fait agrandir le château en 1709-1710 avec le concours du célèbre architecte baroque Lukas von Hildebrandt (1668-1745). Aschach devient une paroisse indépendante sous le règne de Joseph II de Habsbourg.
Les activités du village furent largement favorisé par son emplacement favorable au bord du Danube. Le nombre d’habitants parmi lesquels les bateliers, les ouvriers, les bourgeois les négociants, étaient les plus nombreux, a malgré tout beaucoup fluctué.

 Aschach en 1781, gravure de Gignoux 

   Aschach fut également un lieu fréquenté au cours du temps par de nombreux artistes parmi lesquels le musicien et compositeur Leonhard Paminger (1495-1567), né dans le village. Le peintre Josef Abel (1764-1818) en est également originaire. Citons encore Albert Ritzberger (1853-1915), Karl Schade (1862-1954), Franz Koberl (1889-1967), Fritz Cernaysek (1910-1996) et Christian Ludwig Attersee (1940-).

Portrait supposé du jeune Franz Schubert, peint par Josef Abel, collection du Kunsthistorisches Museum, Vienne

   La commune ne fut pas épargnée par les guerres au long de son histoire. Elle est occupée par les troupes bavaroises en en 1620 et en 1809 par les armées napoléoniennes. Par miracle, aucune destruction ne fut à déplorer pendant la première ni lors la deuxième guerre mondiale.

Aschach, gravure d’après une peinture de Jakob Alt, vers 1820

Des catastrophes naturelles l’endeuillent à toutes les époques parmi lesquelles des crues importantes, en 1789 et plus récemment en 1954 et en 2002 avec un incendie et des débâcles de glaces catastrophiques.
Quand le péage fut supprimé, la commune dut chercher d’autres sources de revenus. En dehors des activités de calfatage des bateaux, des radeaux et autres embarcations, on eut l’idée de construire une briqueterie. Des entrepreneurs fondèrent une usine fabriquant des cadres de tableaux. Une usine de fabrication d’amidon démarra ses activités en 1936.
Le pont sur le Danube a été érigé 1962 et remplace le bac à fil. Dès l’année suivante, la plus grande centrale hydroélectrique d’Europe centrale à cette époque est construite en amont de la cité.

L’inondation du siècle à Aschach en 1954
Des conditions météorologiques défavorables convergentes entrainant des précipitations particulièrement intenses les 7 et 8 juillet 1954, ont provoqué une montée rapide du niveau des cours d’eau sur le Haut Danube bavarois et autrichien. Il en a résulté de graves inondations qui ont constitué la plus grande catastrophe du XXe siècle dans ces régions. Dans le bassin d’Eferding, une superficie équivalente à trois fois celle du lac Traunsee, a été inondée. Dans la zone urbaine de Linz, plus de 2 000 hectares ont été inondés et 5 500 personnes ont dû être évacuées.
Les opérations de sauvetage ont été compliquées par le fait qu’après 1945, les autorités russes d’occupation de cette partie de l’Autriche, avaient exigé que toutes les embarcations soient retirées ou détruites dans les zones riveraines du Danube afin d’empêcher toute fuite par le fleuve…

L’inondation de juillet 1954 à Aschach, photos archives collection privée

Le Danube gelé à Aschach pendant l’hiver 1928-1930, photo archives collection privées

Aschach et la viticulture
   La vigne est cultivé à Aschach ainsi que dans 13 autres lieux de Haute-Autriche depuis l’époque romaine. Les vignobles des seigneuries de Schaumberg, Stauf et de St. Nikolas (évêque de Passau) rapportaient chaque année sous forme d’impôts, plus de 1000 seaux d’un volume de 56,6 l chacun. Entre 1445 et 1447 est expédié depuis Aschach plus d’un million de litres de vin. Dans les années 1664/1665, la superficie de vignobles atteint plus de 120 ha, Des changements climatiques et de mauvaises vendanges contribuèrent à la disparition de la vigne. Ces dernières années, des tentatives courageuses de redonner vie aux anciennes cultures viticoles ont été entreprises.

Aschach et son péage
      De tous temps, le Danube fut une voie de transit et de commerce. Il était donc compréhensible qu’on y installe des postes de douane. Celui d’Aschach est mentionné pour la première fois dès 905. C’était surtout le sel du Salzkammergut qu’on transportait sur le Danube vers la Bavière c’est-à-dire vers l’amont.
On parle pour la première fois du péage de Aschach en 1190 qui était entres les mains des comtes de Formbach et fut plus tard transféré aux Seigneurs de Schaunberg. Par la suite le péage fut donné en bail, néanmoins les entrées et les consignes du péage étaient strictement surveillées par les seigneurs. Avec les juges, les responsables du péage avaient également un statut particulier. En 1775 le péage fut transféré en amont, à Engelhartszell, ce qui a entrainé de grandes pertes sur le plan économique pour le bourg d’Aschach. À l’exception de la batellerie il ne resta alors plus pendant un certain temps que la pêche comme activité locale directement liée au fleuve.

Karl Martin Schade (1862-1954), Île sur le Danube, huile sur toile, 1891

La confrérie des bateliers d’Aschach
   On rencontrait d’autres corporations à Aschach comme celles des bateliers, des calfateurs, des pêcheurs, des commerçants et des aubergistes. Tant qu’il y eut un poste de péage, les bateaux étaient obligés d’accoster à Aschach et de s’acquitter de droits de douane. Pour traverser le passage délicat de Kachlett, en aval, où se trouvaient des rochers, les bateliers qui ne connaissaient pas bien les endroits devaient s’assurer les services d’un pilote. Il en résulta la création d’une corporation. Pour les convois qui remontaient le Danube, les bateaux étaient souvent halés par des équipages de 30 à 40 chevaux appelés Hohenauer.

Corporation des bateliers et des calfateurs d’Aschach et des environs pour la procession de 1951

Aschach et la construction navale
   La construction navale en bois est une tradition locale très ancienne. Elle fut favorisée non seulement par l’emplacement de la commune le long des voies de communication et de commerce, mais aussi par les forêts environnantes. On y construisait de grandes « Zille » qui pouvaient transporter sur le Danube des cargaisons de pierre et d’autres marchandises jusqu’à 100 tonnes. Ces pierres ont été utilisées comme enrochement lors de la régulation du fleuve. On construisait également des « Trauner » de 20, 30 et 50 tonnes et d’autres types d’embarcations.
Un  remarquable petit musée de la construction de bateaux (Zille) et de la pêche (https://museum.aschach.at) met en valeur l’histoire de ces deux importantes activités locales.

Ernst Neweklowsky : Aschach et la navigation sur le Danube

   Sur le tronçon du Danube entre Rationne et Krems le fleuve coupe à plusieurs endroits les parties du massif granitique de Bohême qui s’avancent vers le sud tout en conservant son orientation générale est-sud-est. Entre ces parties de son cours montagneuses dans lequel lequel il évacue toutes ses eaux dans un lit uniforme, souvent sinueux et dont seul son histoire permet de comprendre le tracé, se rencontrent des plaines où le fleuve se divise en de nombreux bras qui, suivant la loi de Baer, s’étendent souvent loin vers le sud et changent constamment de place, jusqu’à ce que des travaux de construction et d’endiguement les aient contraint à suivre un lit régulier.
Aux endroits où le Danube pénètre dans les montagnes et en ressort, des agglomérations se sont développées. Elle doivent leur importance autant au trafic fluvial qu’à celui qui traverse le fleuve. Leur création étant souvent due aux passages d’une rive à l’autre et leur développement ultérieur au transport d’amont en aval.
À cette hauteur, le haut-Danube présente, aujourd’hui encore, une pente nettement moins forte que celle qui caractérise le reste de son cours, en raison des « Kachlet d’Aschach » et de « Brandstätt », dont nous parlerons plus loin. Il convient toutefois de mentionner ici ce que les bateliers entendaient par « Kachlet »  ou, plus exactement, « G’hachlet », un amoncellement de rochers dans le lit du fleuve soit des roches naturelles ou de galets. L’eau s’écoulant entre eux comme le lin passé au peigne. L’accumulation causée par le « Kachlet » réduisait la pente en amont et facilitait la traversée du courant à cet endroit.
La colonie qui s’est développée ici a reçu le nom d’Aschach, dérivé du mot moyen haut-allemand « asch », qui signifie « frêne », et du suffixe collectif ajouté, en raison de la présence abondante de frênes dans la région. La population de frênes a également donné le même nom à la rivière qui se jette dans le Danube près de Brandstatt, dont la syllabe finale est toutefois le mot moyen haut-allemand « ahe », qui signifie « eau courante ». Il n’y a aucune raison de considérer le mot « Aschach » comme celtique, ni de croire que la rivière Aschach se jetait autrefois dans le Danube près du lieu du même nom, comme l’affirme Martin Kurz.
Tout comme aux limites d’autres passages étroits du Danube, un poste de douane fut rapidement établi à l’extrémité de la vallée de Passau. Rosdorf, le premier poste de douane de la Marche bavaroise de l’est, mentionné dans le document douanier de Raffelstetten datant de 903 à 905, a été recherché dans la localité de Landshaag, mais il se trouvait certainement au sud du Danube, en tout cas dans les environs de l’ancien château de Schaunburg, et ne fut en fait rien d’autre que le précurseur du péage d’Aschach, même s’il était probablement situé à un autre endroit. L’acte douanier de Raffelstetten fait explicitement référence à la situation telle qu’elle s’est développée depuis 826 et mentionne Linz, Eparesburg et Mautern (Basse-Autriche) comme autres postes de douane. Il est question de bateaux appartenant à des marchands et à des hommes libres, de bateaux avec des cargaisons de sel qui traversaient la forêt de Passau, transportant donc du sel de Reichenhall, ainsi que de bateaux provenant de Bavière qui y retournaient avec l’aide du halage. Il est également question de bateaux à part entière, c’est-à-dire de bateaux dont l’équipage était composé de trois personnes. Il est remarquable que les informations relatives à la navigation dans ce règlement douanier l’emportent largement sur celles concernant le transport terrestre, ce qui prouve l’importance du commerce fluviale au début du Xe siècle.
Ernst Neweklowsky

Notes :
1 En géologie la loi de Baer, d’après Karl Ernst von Baer (1792-1876), émet l’hypothèse que, à cause de la rotation de la Terre, dans l’hémisphère nord l’érosion est plus active sur la rive droite des rivières et sur la rive gauche dans l’hémisphère sud En 1926, Albert Einstein a écrit un article expliquant les causes de ce phénomène.
   Bien qu’il soit possible qu’une mesure globale de toutes les rivières conduirait à une corrélation, la force de Coriolis en magnitude est bien plus faible que les forces locales dues à l’écoulement de la rivière. Par conséquent, il est peu probable que l’effet de la loi de Baer soit important pour une rivière donnée.

Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, mise à jour octobre 2025

Linz et la chanson des Nibelungen

   Il s’agit du roi Gunther, souverain burgonde et du musicien Volker von Alzey, son ménestrel, « un homme plein de combativité » qui sera comme son roi et tous les autres Burgondes, tués par les Huns.
   Cette colonne reflète le vieux souhait (rêve) de nombreux habitants de Linz d’établir un lien entre leur ville et la Chanson des Nibelungen comme en témoigne le pont des Nibelungen datant de 1940, construit par le régime nazi dans le cadre d’un vaste projet de transformation de la ville et qui conduit depuis la place de la vieille ville à Urfahr (rive gauche) au pied du Pöstlingerberg.  La ville n’est pourtant pas pas mentionnée dans ce récit et il est peu probable que les Nibelungen, aient jamais franchi les portes de la cité.

Richard Diller (1890-1969), construction du pont des Nibelungen à Linz, 1939-1940, encre de chine aquarellée collection Nordico Museum der Stadt Linz

Le pont des Nibelungen avec les têtes de pont adjacentes est en réalité le seul projet de planification nazie réalisé pour Linz. Conformément à son nom, le pont aurait dû être décoré de deux figures de la légende des Nibelungen de chaque côté de la rive. Le sculpteur allemand Bernhard Graf von Plettenberg (1903-1987) fut chargé de la réalisation des sculptures monumentales de Kriemhild, Brunhild, Gunter et Siegfried.

Le modèle en plâtre de la statue de Siegfried, photo droits réservés

À l’occasion d’une visite d’Adolf Hitler à Linz en avril 1943, deux des statues (Kriemhild et Siegried) modelées en argile à dimension réelle furent installées à titre d’essai à leur future place. Aujourd’hui, il n’existe plus que des modèles en plâtre à petite échelle de ces figures. En 1946, le sculpteur demanda à la ville de Linz s’il pouvait compter sur la poursuite de « l’œuvre de sa vie »…
Un autre pont des Nibelungen franchit en amont le Danube à la hauteur de Ratisbonne (Bavière, PK 2378,39).

Sources : 
https://www.ooegeschichte.at

Danube-culture, © droits réservés, mis à jour octobre 2025

Le pont des Nibelungen à Linz, photo © Danube-culture, droits réservés

Ernst Neweklowsky : la navigation et le flottage sur le Haut-Danube

   « L’ingénieur Neweklowsky a passé sa vie à tracer les limites de l’ « Obere Donau », du Danube supérieur, et ― une fois circonscrit ce territoire ― à le passer au crible, à le classifier et à le le cataloguer mètre par mètre dans l’espace et dans le temps, en ce qui concerne la couleur des eaux et les tarifs douaniers, le paysage qu’il offre à la perception immédiate et les siècles qui l’on construit. Comme Flaubert ou Proust, Neweklowsky a consacré toute son existence à son oeuvre, à l’écriture, au livre ; le résultat, c’est un volume en trois tomes de 2 164 pages en tout, y compris les illustrations, qui pèse cinq kilos neuf cents et qui, comme le dit son titre, a, pour sujet non pas le Danube, mais plus modestement La navigation et le flottage sur le Danube supérieur (1952-1964).
Dans la préface, Ernst Neweklowsky précise que son traité concerne les 659 kilomètres compris entre le confluent avec l’Iller1, qui se jette dans le Danube un peu avant Ulm, et Vienne ainsi naturellement que de tous les affluents et sous-affluents de cette zone ; dans l’introduction au tome III, il admet toutefois avec l’impartialité de quelqu’un qui est au service d’une cause suprapersonnelle, que le concept de Danube supérieur — et l’espace correspondant— varie en fonction des points de vue où l’on se place : pour ce qui est de l’aspect strictement géographique cela embrasse les 1100 kilomètres entre la source et la cascade de Gönyü2 ; du point de vie de l’hydrographie les 1010 kilomètres entre la source et le confluent avec le March [Morava] ; et en matière de droit international 2050 kilomètres, jusqu’au Portes-de-Fer, c’est-à-dire jusqu’à l’ancienne frontière avec la Turquie. Les Bavarois, dans une perspective plus étroitement régionale, le font s’arrêter au pont de Ratisbonne (Regensburg), et donnent d’ailleurs ce nom à une des sociétés par actions de leur centrale hydroélectrique — considérant comme « Danube inférieur » la courte section comprise entre Ratisbonne et Passau. Par contre dans la terminologie militaire en vigueur pendant la Première Guerre mondiale, on entendait par « Danube supérieur « , en se référant aux transports de troupes, la partie du cours comprise entre Ratisbonne et Gönyü… »
Claudio Magris, Danube, « Deux mille cent soixante-quatre pages et cinq kilos neuf cents de Danube supérieur »

Vue de Linz depuis la rive gauche, gravure, 1880

Né le 26 juillet 1882 à Linz en Haute-Autriche, Ernst Neweklowsky effectue sa scolarité sur place avant d’aller étudier aux universités techniques de Vienne de Graz. C’est dans cette dernière ville qu’il obtient en 1905 son diplôme d’ingénieur. Il entre peu après au service des travaux publics et des chantiers fluviaux de Haute-Autriche où il travaille pendant 40 ans. Il est nommé Directeur de chantier en construction électrique entre 1908 et 1925, puis Chef de district de la construction de Linz de 1925 à 1939. Deux périodes de service militaire interrompent cette activité à une époque d’importants bouleversements dans ces domaines. Il reçoit à Vienne le titre de Docteur ès sciences en 1950 et, le 26 novembre 1954, la Médaille d’or d’ingénieur à Graz.
Orienté vers la nature dès sa jeunesse, Ernst Neweklowsky fonde en 1912 le groupe de Linz des « Wandervogel » (oiseaux migrateurs). À cette époque il est déjà membre du Cercle des Alpes dont il est décoré de l’insigne doré en 1950. Il est également membre actif de nombreuses autres associations, essentiellement liées à l’étude du patrimoine local et au domaine scientifique. De 1926 à 1945, il est membre du comité de l’Oberösterreichische Musealverein (Association d’étude et de protection du patrimoine de Haute-Autriche). Outre la croix de chevalier de l’ordre de l’empereur François-Joseph, il a reçu au cours de sa carrière un grand nombre de distinctions et d’hommages. Il convient de citer à cet égard sa nomination comme membre d’honneur de l’Université d’Innsbruck (1953). En 1956, le gouvernement du Land de Haute-Autriche le nomme Conseiller d’honneur.

Hans Pollack (1891-1968), Autriche, Linz sur le Danube, dessin à la craie, 1956

   Son amour de la nature et son regard aiguisé sur la technique sont à l’origine de ses premières publications sur les problématiques de la construction hydraulique et de la navigation sur la Traun et le Danube (1910). Ce sont les racines de l’œuvre d’une vie au service de quelque chose d’irremplaçable. Ernst Neweklowsky connait les dernières heures de la navigation traditionnelle sur nos fleuves, navigation qui était condamnée à disparaître peu de temps après. C’est à elle qu’il consacre toute son attention et son amour. En tant que collectionneur émérite, il est à même de réunir de nombreux détails grâce à une activité très intense, après sa journée de travail ; il peut ainsi élaborer une œuvre fondamentale sur la navigation et le flottage dans les régions du Danube supérieur.

Flottage du bois sur le Danube

   Dans la bibliographie de l’encyclopédie biographique de Haute-Autriche datant de 1958, ses travaux scientifiques comprennent près de 130 articles dont près des deux tiers sont écrits pendant sa retraite. Au cours des dernières années, ce chiffre a continué à augmenter car E. Neweklowsky a été de plus en plus consulté en tant que spécialiste reconnu aussi bien dans son pays qu’à l’étranger. C’est ainsi qu’il a pu organisé à Linz et à Passau deux expositions majeures sur la navigation fluviale.
En parallèle à son activité de rédaction scientifique, il a en permanence donné des conférences, effectué avec plaisir des visites guidées, réalisé plusieurs série de photographies contribuant à transmettre ses connaissances à un grand nombre de personnes.
C’est incontestablement l’importante thématique de la navigation, thématique abordée dans ses travaux d’un point de vue historique et technique, mais toujours selon une approche humaine, qui l’a fait connaître. Tout événement dans ce domaine n’aurait pu être organisé au cours des dernières années sur le Danube supérieur, non seulement à Passau, Ratisbonne ou Ulm, mais aussi sur la Salzach ou sur d’autres affluents, sans les conseils d’E. Neweklowsky ou du moins sa présence. Neweklowsky s’intéressait aussi de très près à la généalogie. Il a toujours volontiers mis à disposition ses recherches et collections dans ces domaines. Très étroitement lié à ces thèmes depuis de nombreuses années, il s’est encore consacré à l’étude des folklores, publiant des travaux scientifiques de grande valeur.
Ernst Neweklowsky est resté très actif jusqu’à peu de temps avant sa mort, faisant preuve d’une admirable fraîcheur intellectuelle et physique. Sans relâche, il a travaillé jusqu’au dernier moment à l’écriture du 3ème tome de son « encyclopédie » (inachevée) sur la navigation danubienne, le principal objectif de toute sa vie.
Ses nombreux objets de collections, dans la mesure où ils sont liés à la navigation, au flottage du bois dans les régions du Danube supérieur, ont été léguées aux Archives du Land de Haute-Autriche.

Dr. Kurt Holler, Oberösterreichischer Musealverein (Association muséale de Haute-Autriche), traduction et adaptation en français Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés 

Notes :
1 Affluent de la rive droite du Danube d’une longueur de 147 km  qui  conflue avec celui-ci à la hauteur de la ville de Neu-Ulm (Bavière).
2 Avant-port sur le Danube de Györ (km 1794) . L’histoire de la petite ville qui fut la propriété de la puissante abbaye hongroise bénédictine de Pannonhalma et dont la fondation remonte à 996, est intimement liée à la présence du Danube et à la navigation sur le fleuve.

« L’Obere Donau » est pour Neweklowsky un Danube universel, c’est le monde en même temps que sa représentation, c’est le tout qui se contient lui-même. Puisque pour voyager à travers l’existence en toute sécurité, il vaut mieux emporter tout dans ses poches, l’ingénieur, ayant pensé aux exigences pratiques des voyageurs pressés, s’est par ailleurs également employé à condenser ces trois tomes en un petit volume mince et portatif, mais substantiel, de 59 pages. L’ingénieur ordonne, classifie, schématise, subdivise son encyclopédie en chapitres et en paragraphes, pourvoit son texte d’appendices, d’index, d’illustrations, de tableaux géographiques. Né en 1882, cet ingénieur à la passion de la totalité, l’esprit de système des grands philosophes du XIXe siècle ; c’est un épigone, et non des moins dignes, de Hegel ou de Clausewitz, il sait que le monde existe pour être mis en ordre et pour que ses divers détails éparpillés soient reliés par la pensée. Au moment de confier aux imprimeurs cette « exposition globale », il dit qu’il voit là « l’achèvement d’un devoir qui lui a été assigné par le destin…
La thèse de doctorat, puis les trois tomes, constituent le triomphe de Neweklowsky, son accession à la totalité qui n’est réalisée que lorsque le désordre du monde s’ordonne en un livre et s’articule en catégories. Des catégories, Neweklowsky en établit le plus grand nombre possible, il dompte les phénomènes, les met en rang, mais accorde aussi une attention passionnée aux détails éphémères et sensibles, à ce qui est unique et ne se répétera plus. Son traité embrasse même les changements de temps, le vent, les accidents imprévisibles, la liste des malheurs, mortels ou non, arrivés sur ces bords les suicides et les assassinats, les divinités fluviales, les bustes des 132 capitaines d’Ulm ert les vers dédiés à chacun d’eux ; il décrit les têtes des saints protecteurs des ponts, il fait état de la peine prévue pour le cuisinier de bord qui mettrait trop de sel dans la soupe, il dresse la liste des noms des mariniers qui exerçaient également la profession d’aubergistes, ainsi que des endroits où ils l’exerçaient.
En bon amateur de systèmes, il répertorie les variantes phonétiques et orthographiques du mot Zille, qui désigne une embarcation plate ( Zilln, Cillen, Zielen, Zülln, Züllen, Züln, Zullen, Zull, Czullen, Ziln, Zuin), et d’innombrables autres termes techniques ; en tant qu’ingénieur scrupuleux, il note les dimensions des divers types de barques, leur charge utile et leur jauge. L’homme de science universel se fait aussi historiens minutieux, du fait que son appétit de totalité embrasse le monde et son devenir. Il sait que le passé même est encore présent, parce que dans l’univers voyagent et subsistent quelque part, portées par la lumière, les images de tout ce qui a existé. L’encyclopédiste doit faire un portrait complet ; son Danube rend compte simultanément de tous les évènements, c’est le savoir synchronique du grand Tout. C’est ainsi par exemple qu’il nous rapporte qu’en 1552 onze compagnies de soldats du duc Maurice de Saxe sont descendus de Bavière sur soixante-dix radeaux, et qu’à la fin du soècle dernier il y avait encore 130 à 140 pirogues dans la région de Salzbourg, 60 sur le Wolfgangsee, 25 sur l’Attersee, 5 sur l’Altaussersee, 2 ou 3 sur le Grudlsee et sur le Gmundersee… »
Claudio Magris, »Deux mille cent soixante-quatre pages et cinq kilos neuf cents de Danube supérieur » in Danube, collection « L’Arpenteur », Gallimard, Paris, 1986, pp. 73-74

Sources :
MAGRIS, Claudio, « Deux mille cent soixante-quatre pages et cinq kilos neuf cents de Danube supérieur » in Danube, collection « L’Arpenteur », Gallimard, Paris, 1986
NEWEKLOWSKY, Ernst (1882-1963) Die Schiffahrt und Flösserei im Raume der oberen Donau, Oberösterreichischer Landesverlag OLV-Buchverlag, Linz, volume 1, 1952, volume 2, 1954, volume 3, 1964.

Danube-culture, © droits réservés, mis à jour octobre 2025

Martin Stachl (1914-1997):  hommage à Ernst Neweklowsky, Auenweg, Passau, photo K. Bepple, droits réservés

Linz (Haute-Autriche) et le Danube

   « Les façades décorées, peintes en marron foncé, en vert, en violet, en blanc cassé et bleu s’y dressaient de toutes parts. Des médaillons en relief les ornaient et des volutes de stuc et de pierre les animaient. Des oriels1 sur le pan s’avançaient au premier étage et des échauguettes arrondissaient les angles, les uns et les autres s’élevant jusqu’au toit où ils rétrécissaient puis retrouvaient leur taille première pour s’achever en exubérantes coupoles ou en globes ; des pots à feu2, des pinacles, des obélisques escortaient ces bulbes décoratifs sur la ligne d’horizon de la ville. Au niveau du sol, des colonnes torsadées commémoratives se dressaient sur les dalles des places, couronnées de disques rayonnant des piques d’or, sortes d’ostensoirs post-tridentins suspendus dans l’air. La sévère forteresse exceptée, campée sur son rocher, la cité était toute vouée au plaisir et à la splendeur. On respirait en tout lieu, la beauté, l’espace et la grandeur. »
Patrick Leigh Fermor, Dans la nuit et le vent, À pied de Londres à Constantinople, « Le Danube, ô saisons, ô châteaux », Éditions Nevicata, Bruxelles, 2016

Beda Weinmann (1818-1888), panorama de Linz, vers 1860 

Linz transformée ou ville-métamorphose

   Hier, et encore aujourd’hui, grande et dynamique cité commerciale et industrielle, Linz a trouvé un judicieux compromis qui tente de conjuguer harmonieusement des objectifs souvent contradictoires, dynamisme industriel, protection du patrimoine et de l’environnement et d’accueillir des touristes de plus en plus nombreux.

Le château de Linz Haute-Autriche au-dessus du Danube, photo © Danube-culture, droits réservés

Sans doute cette politique dynamique et consensuelle, alliée à des ambitions culturelles légitimes ont-t-elles des limites mais permis à Linz d’être élue dès 2009 « Capitale européenne de la culture ». Linz ne s’est pas arrêtée à 2009. L’Opéra-théâtre, réalisé par l’architecte britannique Terry Pawson, connu pour son goût du minimalisme, et inauguré en avril 2013, en est une des preuves les plus convaincantes.

Anton Lutz (1894-1992), Pont et château de Linz, huile sur toile, 1913

La capitale de la Haute-Autriche, déjà bien desservie par des infrastructures routières, est désormais grâce aux récents aménagements ferroviaires dans la plaine de Tulln, à 1h 30 de Vienne par le train.
Grande ville culturelle contemporaine danubienne, membre du Réseau des villes créatives de l’UNESCO, elle se situe de plus à la croisée des magnifiques paysages danubiens de la Strudengau et de la Nibelungengau.

L’Opéra de Linz, photo © droits réservés

Linz a toujours su entretenir tout au long de son histoire, des liens étroits avec le fleuve, la construction navale et la navigation sur le Danube. Linz fut dès le début de la navigation à vapeur reliée à Vienne par le « Maria-Anna » un steamer de la D.D.S.G.  dès 1837. Son port est l’un des plus modernes et des plus actifs du Haut-Danube et le plus important d’Autriche en terme de trafic de marchandises. C’est toutefois l’invention du chemin de fer qui entraîna l’impressionnant développement industriel de cette cité. La première ligne d’Autriche, inaugurée dès 1832, reliait la cité à sa soeur slave de Bohême du Sud, České Budějovice (Budweis) par un chemin de fer dont les wagons étaient tirés par des chevaux.

Le Maria-Anna, un des premiers vapeurs de la D.D.S.G. assurent les liaisons régulières entre Vienne et Linz dès 1837

Pour avoir aujourd’hui un panorama général de la ville il faut se rendre sur la rive gauche, au sommet du Pöstlingerberg (rive gauche).
De cet endroit on jouit de la plus belle vue sur Linz, sur son patrimoine architectural et la vallée du Danube en aval avec son impressionnante zone industrielle (rive droite). Un train à crémaillère (Pöstlingerbahn) permet d’y accéder confortablement depuis la place principale (Hauptlatz).

Un peu d’histoire…

Vue de Linz au XVIIe siècle depuis la rive gauche, gravure de Matthäus Merian le jeune (1621-1687), 1650

Linz doit tout d’abord étymologiquement son nom à « son » fleuve, à son changement de direction et à la langue celte. Le mot celte « Lentos » (courbé) a donné son nom à la citadelle romaine de Lentia établie à un carrefour stratégique permettant de contrôler à la fois d’importants territoires danubiens et la Route du sel. Même si elle ne fut que brièvement ville impériale sous le règne de Frédéric III de Habsbourg (1415-1493), la cité n’en continua pas moins à prospérer.

Une vue des deux rives du Danube vers l’amont, de Linz et de Urfahr depuis le pont de la capitale de la Haute-Autriche, d’après Rode chez Haffner

De nombreux lieux et monuments comme la Place principale au centre ville, le château Renaissance, de style maniériste qui abrite désormais le Musée régional de Haute-Autriche, l’ancienne cathédrale Saint-Ignace, les églises gothiques et baroques, l’impressionnante nouvelle cathédrale (1924), l’usine de tabac (1929-1935) et d’autres édifices témoignent de la vitalité de la ville à travers l’histoire.

La nouvelle cathédrale néo-gothique dédiée à l’Immaculée Conception, fut construite entre 1862 et 1924. Sa flèche mesure 134 m de haut, photo © Danube-culture, droits réservés

La guerre civile de 1934 et la sombre période du national-socialisme ont aussi laissé leur empreinte dans la ville tel le pont des Nibelungen. Adolf Hitler, né en Haute-Autriche à Braunau/Inn, passa son adolescence dans les environs de Linz et envisagea de concrétiser dans sa cité préférée, ses rêves paranoïaques.

Projet architectural du régime nazi à Linz avec le pont des Nibelungen et la construction de nouveaux bâtiments sur les deux rives du fleuve

Linz devint ainsi alors la cible privilégiée des mesures nazies de planification urbaine et économique mais seul le pont des Nibelungen vit le jour. En 1945, ce pont séparant la rive droite occupée par les forces américaines et la rive gauche du Danube, tenue par l’armée russe, faisait dire aux habitants, non dépourvus d’humour, que « c’est le pont le plus long du monde de l’après guerre. Il commence à Washington et finit en Sibérie ! »

La Place principale et sa colonne protectrice de la Sainte Trinité érigée en 1723 contre les épidémies de peste et autres calamités, photo © Danube-culture, droits réservés

Au milieu de la place principale trône la haute et blanche colonne de la Sainte-Trinité (1723), flanquée d’un Jupiter et d’un Neptune. Elle rappelle les miracles qui ont permis aux habitants d’échapper au feu, à la peste et aux envahisseurs ottomans. Cette belle place aux dimensions impressionnantes a longtemps servi de champ de foire et de marché. Joseph Fouché (1759-1820) a habité avec sa femme et sa fille  au n° 27, pendant son exil en Autriche (1816-1820). Ministre de la police du Directoire à l’Empire, ayant voté la condamnation à mort de Louis XVI, il avait du quitter la France en 1816. Exilé d’abord à Prague, Fouché demandera au prince de Metternich la permission de s’installer à Linz. Il mourra peu de temps après avoir été autorisé à déménager à Trieste en 1820. Quant à Beethoven il logeait au n° 34 de la même place lors de ses visites à son frère Johann, pharmacien de son état.

Enseigne de la pharmacie de Johann van Beethoven à Linz

Le musicien y composa sa huitième symphonie. Un peu plus loin dans une ruelle longeant l’Hôtel-de-ville (Rathausgasse), se trouve la maison qui abrita le célèbre astronome, mathématicien et théologien allemand Johannes Kepler (1571-1630). Mozart y séjourne en 1783 et écrit, à l’âge de 27 ans, une de ses dernières symphonies, celle dite « de Linz » en ut majeur n°36, KV 425.

Johannes Kepler (1571-1630)

L’ancienne cathédrale, autrefois église des Jésuites, conserve intact l’orgue aménagé par le musicien et compositeur Anton Bruckner (1824-1896) et sur lequel il joua et improvisa de 1856 à 1868.

Anton Bruckner, portrait d’Hermann Kaulbach (1846-1909), huile sur toile, vers 1885

D’autres personnalités telles le peintre Alfred Kubin (1877-1959), le graphiste Herbert Bayer (1900-1985, typographe et affichiste du Bauhaus, le ténor Richard Tauber (1891-1948), le philosophe Ludwig Wittgenstein (1889-1951), le mathématicien et physicien Christian Doppler (1803-1853), se rattachent également à l’histoire de la ville. On ne peut pas non plus évoquer Linz sans évidemment citer le nom de l’écrivain, peintre et pédagogue de l’époque Biedermeier, Adalbert Stifter (1805-1868), fondateur en 1855 de la Landesgalerie, aujourd’hui le Lentos Kunstmuseum de Linz (Musée d’art moderne et contemporain de Haute-Autriche lui aussi au bord du fleuve).

Adalbert Stifter (1805-1868), écrivain, peintre, pédagogue, inspecteur des écoles primaires de Haute-Autriche
   Ces dernières années d’importants projets d’aménagement urbain, culturels et architecturaux ont vu le jour. Difficiles de les citer tous tant ils sont nombreux : le nouveau quartier de la gare (Bahnhofviertel) avec l’Opéra-théâtre (Musiktheater), inauguré en avril 2013, des immeubles à l’architecture innovante, le magnifique Musée d’art moderne au bord du fleuve, (Lentos Kunstmuseum Linz) dont la façade éclairée et multicolore se reflète de nuit dans les eaux du Danube, le passionnant Musée du futur (Ars Electronica Center), l’espace de découverte de l’acier (Voestalpine Stahlwert), la SolarCity, le Parc du Danube et ses sculptures contemporaines grand format, de nouveaux ponts… Linz est une cité qui ne cesse d’innover !

Le pont de la vallée du Danube à Linz (2024), photo droits réservés

 À ne pas manquer…

Culture
Lentos, Kunstmuseum Linz
Musée d’art moderne et contemporain au bord du fleuve dont les façades aiment à se refléter dans les eaux du fleuve. À voir pour ses collections et son architecture réussie !
www.lentos.at

Vue de Linz (et du Danube) en 1955 par le peintre « expressionniste » Oskar Kokoschka (1886-1980), collection du Musée Lentos de Linz. Oskar Kokoschka, né à Pöchlarn, sur les bords du Danube, non seulement peintre mais graveur, décorateur, écrivain, auteur dramatique, est un des artistes les plus complets de sa génération. « Je suis le seul véritable expressionniste : le mot expressionnisme est un mot commode qui veut tout dire de nos jours. Je ne suis pas expressionniste parce que l’expressionnisme est un des mouvements de la peinture moderne. Je n’ai pris part à aucun mouvement. Je suis expressionniste parce que je ne sais pas faire autre chose qu’exprimer la vie … »  

Ars Electronica Center – Bio Lab
Le « Musée de l’avenir » se trouve sur la rive gauche du Danube dans le quartier d’Urfahr. Espace interactif et ludique de découverte dans les domaines des nouvelles technologies et des arts numériques, l’AEC organise un festival chaque année au mois de septembre et de nombreuses autres manifestations.
www.aec.at

Les reflets colorés de la façade éclairée d’Ars Electronica Center se mirent aussi dans le fleuve miroir, photo © Danube-culture, droits réservés

Brucknerhaus
www.brucknerhaus.at
Salle de concert sur la rive droite du fleuve, « port d’attache » du Brucknerorchester Linz
www.bruckner-orchester.at

La Brucknerhaus et le Danube, photo © Danube-culture, droits réservés

Musiktheater Linz
Le « Musiktheater » de Linz est l’une des salles les plus modernes d’Europe. Elle bénéficie d’une acoustique exceptionnelle.
www.landestheater-linz.at

Posthof – Culture
Centre culturel à la programmation contemporaine, ancienne annexe de la poste dans le quartier du port.
www.posthof.at

Schlossmuzeum Linz
Le château de Linz, construit au XIIsiècle (l’aile sud a été restaurée, agrandie et inaugurée en 2009) abrite un musée universel : histoire naturelle, culturelle, artistique et technologique de la Haute-Autriche. Des collections d’art régional magnifique ! Vue exceptionnelle sur la ville et le fleuve et la rive gauche depuis les terrasses.
www.schlossmuseum.at

Le Schloßmuseum possède une magnifique collection d’art populaire de la Haute-Autriche, photo © Danube-culture, droits réservés

Mariendom (nouvelle cathédrale)
Le plus grand bâtiment religieux d’Autriche, achevé en 1924
www.mariendom.at

Tabakfabrik Linz
Ce beau témoignage de l’histoire de l’architecture industrielle européenne moderne se transforme en espace d’innovation pour les industries créatives.
www.tabakfabrik-linz.at

Botanischer Garten (jardin botanique)
Les serres abritent notamment une impressionnante collection de cactus et d’orchidées.
www.linz.at/botanischergarten

Francisco Carolinum Linz, Maison de la photo et des arts contemporains
www.ooelkg.at

Institut Adalbert Stifter
www.stifterhaus.at

La maison de l’écrivain et peintre Adalbert Stifter, toute proche du fleuve.

Voestalpine Stahlwelt
Site dédié aux nouvelles technologies de production de l’acier
www.voestalpine.com/stahlwelt

 Pour les enfants et les adultes 

Linz est aussi une ville très agréable pour séjourner en famille.

Ars Electronica Center – Bio Lab (voir ci-dessus)
Le Drachenexpress (l’express des dragons)
www.grottenbahn.at

Du côté du Danube

   Il est tout à fait possible de prévoir une excursion en bateau sur le Danube. Linz est le port d’attache de l’élégant Schönbrunn, un des plus anciens bateaux à vapeur conservés dans son état d’origine en Europe.
ÖGEG Dampfschiff Schönbrunn : www.oegeg.at

Le Schönbrunn est dernier bateau à vapeur d’une flotte de 300 navires qui, autrefois parcouraient le Danube sous le drapeau de la D.D.S.G. Construit en 1912 dans le chantier naval d’Obuda/Hongrie, il assure un service régulier entre Vienne et Passau jusqu’en 1985. Mis hors service en 1988, il est ancré à Budapest et transformé en casino flottant. En 1994, le Schönbrunn qui n’est plus en état de fonctionnement, échoue à Engelhartszell et sert de bateau d’exposition à la Oberösterreichische Landesausstellung (Exposition Nationale de la Haute-Autriche). Il est alors mis au rebut. La République autrichienne le cède en toute dernière minute à l’association de passionnés Ö.G.E.G. qui l’a remis en état et le fait naviguer régulièrement pour diverses croisières. (sources : www.kaeser.fr

De nombreux autres bateaux descendent et remontent le Danube depuis Passau en amont ou Vienne, Budapest et au-delà et font bien évidemment escale à Linz. Il est aussi possible de visiter le port et d’admirer les nombreuses oeuvres graphiques qui allègent la pesanteur du décor et qui donnent quelque peu aux darses, bassins, aux quais de bétons et aux bâtiments industriels une allure de gigantesque galerie de plein air  d’art contemporain.

Croisières Würm+Köck
www.donauschiffahrt.at

Croisières MS Helene
www.donauschifffahrt.at

Donautouristik
MS Kaiserin Elisabeth
www.donaureisen.at

Hébergement/gastronomie

Hôtel restaurant Pöstlingberg-Schlössl
Vue magnifique sur la ville depuis le Pöstlingberg et cuisine d’excellent niveau
www.poestlingbergschloessl.at

Hôtel Harry’s Home Linz
Hôtel contemporain
www.harrys-home.com/linz

Hôtel Wolfinger
Atmosphère désuète et accueil chaleureux
www.hotelwolfinger.at

Hôtel-restaurant Prielmayer’s
www.prielmayerhof.at

Restaurant Essig’s
Le meilleur restaurant de Linz actuellement : belle atmosphère, service attentif et carte de vins remarquable
www.essigs.at

À noter également la présence de très bons restaurants de cuisine indienne et grecque :
Royal Bombay Palace : www.bombaypalace.at
Zum kleinen Griechen : www.zumkleinengriechen.at

À proximité…

   Après avoir pris le temps de visiter Linz et d’en découvrir quelques-uns de ses trésors, on remontera la rive droite du fleuve jusqu’à l’abbaye cistercienne de Wilhering. On mettra une nouvelle fois ses pas dans ceux du compositeur et organiste romantique autrichien Anton Bruckner en visitant la non moins impressionnante abbaye de Saint-Florian, fondé au XIsiècle par les chanoines de Saint-Augustin, réaménagée aux XVIIe et XVIIIe siècles, autre chef d’oeuvre du Baroque de la vallée du Danube autrichien.

L’abbaye et la basilique augustinienne de Saint-Florian, photo © Danube-culture, droit réservés

Les grandes abbayes autrichiennes de Wilhering, Saint-Florian, Melk, Göttweig et Klosterneuburg sont toutes situées sur la rive droite du Danube.
Au nord de Linz, la région bucolique du Mühlviertel est une chaleureuse invitation aux randonnées et aux promenades en forêt.

Mémorial de Mauthausen (rive gauche)
Dans ce camp de concentration construit par les Nazis, périrent pendant la seconde guerre mondiale plus de 100 000 victimes.
www.mauthausen-memorial.org

Porte d’entrée monumentale du sinistre camp de concentration de Mauthausen, photo © Danube-culture, droits réservés

Linz et le troisième Reich…
« Les fenêtres donnent sur le Danube, elles regardent le grand fleuve et les coteaux qui le surplombent, paysage marqué par les bois et les coupoles en bulbe des églises ; l’hiver, avec le ciel froid et les plaques de neige, les courbes aimables du fleuve et des coteaux semblent perdre leur réalité et leur consistance pour devenir les traits à peine esquissés d’un dessin, un blason d’une élégante mélancolie. Linz, capitale de la Haute-Autriche, était la ville qu’Hitler préférait entre toutes et dont il voulait faire la métropole la plus monumentale du Danube. Speer, l’architecte officiel du Troisième Reich, a mis sur le papier ces projets d’édifices gigantesques, pharaoniques, qui n’ont jamais vu le jour, et à travers lesquels, Hitler, comme l’a écrit Elias Canetti, révélait son besoin fébrile de dépasser les dimensions déjà atteintes par d’autres constructeurs, son obsession de la compétition le poussant à battre tous les records […]Dans les rêves du Führer, la cyclopéenne Linz qu’il voulait édifier devait être le refuge de sa vieillesse, l’endroit où il caressait l’espoir de se retirer, après avoir définitivement consolidé le Troisième Reich millénaire et l’avoir remis entre les mains de quelqu’un qui eût été dingne de lui succéder […] À Linz, confiait-il de temps en temps à ses intimes, il vivrait à l’écart du pouvoir, disposé tout au plus, comme un grand-père indulgent, à donner des conseils à ses successeurs, qui viendraient le trouver ; mais peut-être, disait-il – minaudant avec l’hypothèse de son détrônement, qu’il était bien disposé à ne jamais permettre – personne ne viendrait le trouver. À Linz, où il avait vécu des années paisibles, ce despote sanguinaire rêvait de retrouver une espèce d’enfance, une saison libre de tout projet et de toute échéance. Il pensait probablement avec nostalgie à cet avenir vide dans lequel il jouirait de la sécurité de celui qui a déjà vécu, déjà lutter pour dominer le mode, qui a déjà gagné, déjà réalisé ses rêves, et que personne ne pourra plus frustrer. Quand il imaginait cet avenir, il se sentait peut-être assailli par l’angoisse, l’impatience d’atteindre au plus vite ses objectifs, et rongé par la peur de ne pas pouvoir les atteindre. Il avait envie que le temps passe vite, pour vite avoir la certitude d’avoir gagné ; autrement dit, il désirait la mort, et il rêvait de vivre à Linz dans une aimable sécurité semblable à la mort, à l’abri des surprises et des échecs que réserve la vie… »
Claudio Magris, Danube, collection L’Arpenteur, Gallimard, Paris, 1998

Les jeunes années autrichiennes d’un dictateur
Adolf Hitler (1889-1945) est né en Haute-Autriche, à Braunau sur l’Inn, à la frontière avec l’Allemagne. Sa famille, après avoir déménagé à plusieurs reprises, s’installe à Leonding sur la rive droite du Danube en amont de Linz. Hitler y réside jusqu’à 1905 puis séjourne à Linz, à Steyr, retourne à Linz et sur la rive gauche à Urfahr où il s’imagine devenir compositeur. Il perd sa mère en 1907, âgée de 47 ans. Entretemps il a tenté d’entrer à l’École des Beaux-Arts de Vienne. Il est n’y est pas admis mais se représente en 1908 et s’en voit de nouveau refuser l’accès par manque de travail. Il subsiste dans la capitale autrichienne en vendant ses peintures participant à des débats politiques, fuira en 1914 l’Autriche afin ne pas porter les armes pour les Habsbourg qu’il déteste et rejoint Munich dans l’espoir d’étudier à l’Académie des Beaux-Arts…

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour octobre 2025

Panorama de Linz. Lithographie d’Ignaz Rode d’après Josef Hafner, 1845

La « Zille », embarcation traditionnelle

« En bon amateur de systèmes, Ernst Neweklowsky  répertorie [dans sa trilogie monumentale « Die Schiffahrt und Flösserei im Raume der oberen Donau », « La navigation et le flottage du bois dans la région du Haut-Danube »] les variantes phonétiques et orthographiques du mot Zille, qui désigne une embarcation plate ( Zilln, Cillen, Zielen, Zülln, Züllen, Züln, Zullen, Zull, Czullen, Ziln, Zuin), et d’innombrables autres termes techniques ; en tant qu’ingénieur scrupuleux, il note les dimensions des divers types de barques, leur charge utile et leur jauge. »
Claudio Magris, »Deux mille cent soixante-quatre pages et cinq kilos neuf cents de Danube supérieur » in Danube, collection « L’Arpenteur », Gallimard, Paris, 1986, pp. 73-74

Zille des pompiers de Rührsdorf (Wachau), probablement construite par R. et C. Königsdorfer ou par G. Witti. Chaque corps des pompiers des villages situés au bord du fleuve possède une ou plusieurs Zille.  photo © Danube-culture, droits réservés

La Zille, l’autre barque emblématique du Danube avec la lotcǎ (delta et bas-Danube) qu’on peut trouver traduite en français sous le nom de Zielle, comptait autrefois avec les plates (Plätte) parmi les bateaux les plus populaires du haut-Danube allemand et autrichien et de ses affluents. Construite en bois de résineux des forêts avoisinantes (pin, épicea, mélèze), transportés par radeaux jusqu’au chantiers navals au bord du fleuve, les Zille servait à toutes sortes d’usages  comme celui du transport de marchandises, du sel par exemple, abondant dans la région du Salzkammergut et privilège de la monarchie autrichienne, de pierres (pavé) destinées aux grandes villes, de denrées alimentaires ou de passagers. Les Zille pouvaient également être utilisées pour d’autres usages (support pour des ponts-bateaux civils ou militaires), voire être transformées et servir de transport de soldats en cas de conflits.

« Plan d’un bateau-pont en chêne pour le pont de bateaux impérial royal de Peterwardein (Novi Sad) en 1835

Il existait de nombreux types de Zille. Si les Zille qui naviguaient sur les lacs étaient équipées de voile, celles du haut- Danube et de ses affluents étaient manoeuvrées dans le courant à l’aide de gouvernails, de grands avirons, de rames ou de bourdes parfois ferrées à leur extrémité.

 Une image singulière de l’utilisation d’une Zille utilisée par Napoléon lors de sa traversée des bras du Danube à la hauteur de la Lobau après la bataille perdue (?) d’Aspern, huile sur toile d’Anton von Perger (1809-1876), 1845

Autre image de l’utilisation  des Zille, les  joutes nautiques pendant la « Fischerstechen » d’Ulm, 1960, sources : SARRAZIN, Jenny, PETERSHAGEN, Henning, Schopper, Schiffer, Donaufischer, Ulmer Museum, 1997

Une conception rudimentaire
De construction en sapin ou épicea, cette embarcation était de conception très rudimentaire mais sa forme était toutefois parfaitement adaptée aux spécificités de navigation sur le fleuve avec un fond plat sans quille, des extrémités relevées et des côtés assemblés à angle vif avec le fond. L’assemblage des pièces du fond et des flancs du bateau était maintenu par la pose de petites équerres en bois les Kipfen. On étanchait traditionnellement les joints entre deux planches par un calfatage de mousse et de lichen (Schoppen en allemand) qui pouvait être renforcé en enduisant les coutures de goudron de résine obtenue par distillation lors de la production de charbon de bois.

Stefan Simony (1860-1950), train de bateaux sur le Danube à la hauteur de Spitz/Donau avec une Zille peinte au premier plan, huile sur carton, 1904

D’une dimension comprise entre 5 et 30 m voire au-delà, la Zille était donc à la fois souple et résistante, relativement légère et nécessitait peu de puissance pour se déplacer, glissant admirablement bien sur l’eau. Sa manoeuvre restait toutefois délicate, voire dangereuse du fait de son fond plat dans certaines conditions, des courants, des caprices du vent et du  cours du fleuve qui semble plus assagi aujourd’hui en comparaison de celui d’avant sa canalisation et la construction des usines hydroélectriques. Aussi l’équipage d’une grande Zille qui comprenait au minimum un Nauferg (patron et propriétaire de l’embarcation), un Steurer (pilote), responsable des avirons et des gouvernails de poupe et un ou plusieurs Schiffsmann (marinier) selon la taille de l’embarcation, devait-il avoir une bonne pratique et surtout bien coordonner ses manoeuvres tout en surveillant attentivement les récifs et les rochers afin de les contourner avec habilité dans le sens du courant. Lorsqu’il fallait remonter le courant, la tâche n’était guère plus facile et on faisait appel à un équipage (Hohenhauer) de haleurs avec des chevaux ou à des haleurs professionnels. Des prisonniers ont accompli ce labeur épuisant sur le Danube jusqu’à la fin du XVIIIe en halant les embarcations depuis la rive sur des chemins plus ou moins praticables voire aussi parfois, suivant les conditions météo et le relief des rives, directement dans l’eau !

Prisonniers de guerre (?)  halant un bateau à la hauteur de la forteresse de Belgrade, gravure de A. Kunike d’après J. Alt, 1824

Les Zille étaient parfois équipées avec une voile ou avec des rames en plus des gouvernails de poupe. Elles pouvaient être réunies à contre-courant en train de bateaux avec les grandes Plätten  des villes, autres embarcations typiques de la navigation danubienne d’autrefois. Ces embarcations de transport de marchandises furent aussi réquisitionnées et armées (sans canon), dotées de voiles et d’avirons, accueillant un équipage de trente à quarante soldats-rameurs solidement équipés afin de compléter la flottille impériale autrichienne de tschaïques2 du Danube lors des conflits avec l’Empire ottoman. Sur l’affluent alpin de la rive gauche du Danube, die Traun, des forces de police, chargées de protéger l’important et précieux commerce d’état du sel, utilisèrent des Zille pour leurs missions de surveillance et de répression des vols et de la contrebande. Ces embarcations servirent encore pour la construction de pont de bateaux nécessaire au passage d’un fleuve lors de campagnes militaires comme celles menées contre La Grande Porte (Empire ottoman) au XVIIe siècle.
La Zille pourrait partager une origine commune avec le futreau ligérien et le Weidling du Haut-Rhin.

Weidling sur le Rhin ; de nombreuses similitudes avec la Zille du Danube, photo droits réservés

Aujourd’hui certaines Zille aménagées font office de petits bacs pour le transport des piétons, des  randonneurs et des cyclo-touristes sur le Danube autrichien comme à Schlögen, Grein, Dürnstein…

Bac Grein-Schwallenburg

Le bac Grein-Schwallenburg (Haute-Autriche), une jolie Zille traditionnelle réaménagée pour le transport des piétons et des cyclo-randonneurs, photo © Danube-culture, droits réservés

Noël Buffe dans son livre « Les marines du Danube 1525-1918 »3 décrit les techniques de construction des Zille du Salzkammergut de la manière suivante : 
 « La construction des ziellen (terme générique) dans la région du Salzkammergut relève de techniques très anciennes et remontant pour certaines à la période de la Tène. À l’âge du bronze les barques sont assemblées par « couture », les planches étant liées de la manière suivante ;  des trous obliques débuchant  dans le chant de la planche et non à l’extérieur sont percés au bord de deux planches jointives : les planches sont fixées solidement l’une à l’autre par des liens passant par ces trous. Le système des trous obliques présente plusieurs avantages, ne débouchant pas à l’extérieur ils ne donnent pas de possibilité de voies d’eau, les liens ne sortent pas de la coque et échappent au danger d’usure ou de rupture par frottement sur le sable ou les rochers lors d’échouages accidentels. À l’âge du fer les Celtes introduisent l’usage de clouer ou cheviller le bordage sur les membrures, pourtant le procédé d’assemblage par couture n’est pas totalement abandonné et continuera à être utilisé tant en mer que sur les fleuves jusqu’à l’époque moderne. Les ziellen sont les héritières de cette expérience dans la construction de bateau de lac et de fleuves ; étant réputées n’avoir necessité aucune pièce métallique pour leur construction jusqu’au XVIe siècle, beaucoup pnt du être cousues ou chevillées. » Il ajoute que « les descriptions de ziellen sont extrêmement rares dans les documents d’archives. Pour les reconstituer, il est nécessaire de faire appel aux représentations qui en sont faites dans des gravures ou dessins du début du XVIe siècle et à une étude détaillée faite à partir d’une épave. » C’est d’ailleurs à partir d’une épave d’un bateau ressemblant à une Zille, découverte dans le lit du fleuve à Altenwörth en Basse-Autriche et dont la date de construction a été estimée à 1810 que Kurt Schaefer a pu en réaliser une maquette.

Différents modèles de Zille circulant sur le Danube, ses affluents et certains lacs autrichiens et bavarois :
Mutzenzille (7, 50 x 2, 10 m)
Breitstockzille (9 x 1, 50 m)
Laufenerzille (6, 30 x 1, 22 m)
Stöcklzille (7 x 1, 54 m)
Spitzgransellzille (7, 20 x 1, 50 m)
Waidzille (6 à 8 m de long, largeur variée)
Überfurhzille (7 à 9 m), destinée au transport de 7 à 8 personnes d’une rive à l’autre.
Mühlzillen (18 à 20 m x 4 m)
Kanalzillen (32 m x 4, 50 m)

Martin Zöberl sur le bras mort d’Orth dirige ici une Zille de sa propre fabrication avec une bourde, photo © Danube-culture, droits réservés

Il ne reste que trois constructeurs de Zille en Haute-Autriche, Rudolf Königsdorfer dont la famille produit des Zille depuis 1820, Gerald Witti, constructeur de Zille depuis 1739 et Christopher et Hermann Meyer. Il est courant d’en voir naviguer aujourd’hui pour différents usages (pêche, pompiers, bacs…) la plupart du temps muni d’un moteur. On peut  en louer une pendant la belle saison chez Gerard Witti et faire l’expérience inoubliable d’une excursion à bord de cette embarcation qui appartient intimement à l’histoire des relations entre les homme et le fleuve.
Rudolf Königsbauer (Niederanna, Autriche) : https://www.zille.at
Gerald Witti (Wesenufer, Autriche) :  https://witti-zille.com
Meyer Bootswerft, (Aggsbach Markt, Autriche) : www.bootswerft-meyer.at
Hans Grass (Kelheim, Allemagne) : https://youtu.be/E0Jeij1AdB4?feature=shared

Zille en construction dans l’atelier de Rudolf et Christian et  Königsdorfer à Niederanna (Haute-Autriche), photo Danube-culture © droits réservés

Notes :
1 Le grand gabarit concerne les voies classées de 4 à 6 pour des unités fluviales de 1 000 tonnes et plus. Le moyen gabarit correspond aux classes 2 et 3 pour des tonnages compris entre 400 et 1 000 tonnes. Enfin, le petit gabarit, dit gabarit « Freycinet », représente les unités comprises entre 250 et 400 tonnes (classe 1). En pratique, le gabarit 0 (de 50 à 250 tonnes) n’est plus utilisé pour le transport.
2 « Quelques jours après les Tschaïques vinrent se promener trop près de la Kriegs-Insel. Oh ! il faut les en corriger, dis-je à mon fils, qui travaillait tantôt à l’attaque dirigée par le maréchal Loudon, et tantôt à celle dont j’étais chargé. Aussitôt Charles, avec sa gaieté ordinaire, se jeta dans une de mes barques avec mes aides-de-camp, et s’en alla, suivi de 40 autres petits bâtiments, attaquer les Tschaïques des Turcs. Je dirigeai la bataille de ma fenêtre, malgré un accès de fièvre diabolique ; et après m’être tué de crier à un italien qui commandoit ma frégate la Marie-Thérèse, alla larga ; et des mots que je n’ose pas écrire, j’allai d’impatience gagner et achever ma drôle de bataille navale moi-même : je ne perdis personne. On dit que trois Tschaïques turques, qui offrent plus de surface que les miennes, ont été maltraitées… »
Germaine de Stael  « Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne », Paschoud, 1809

Une Zille convoyant saint-Nicolas en Strudegau, photo droits réservés

Sources :
BUFFE, Noël, Les marines du Danube, 1526-1918, Éditions Lavauzelle, Panazol, 2011

MEIßINGER, Otto, Die historische Donauschiffahrt, Holzschiffe und Flöße, Gugler, Melk, 1990 (deuxième édition)
NEWEKLOWSKY, Ernst (1882-1963) Die Schiffahrt und Flösserei im Raume der oberen Donau, Oberösterreichischer Landesverlag OLV-Buchverlag, Linz, volume 1, 1952, volume 2, 1954, volume 3, 1964

REICHARD, M., Le voyageur en Allemagne et en Suisse…, Manuel à l’usage de tout le monde. Douzième édition, De nouveau rectifiée, corrigée, et complétée par F. A. Herbig., tome premier., A Berlin, Chez Fréd. Aug. Herbig, Libraire. A Paris chez Brockhaus et Avenarius et chez Renouard et Co., 1844.
SARRAZIN, Jenny, PETERSHAGEN, Henning, Schopper, Schiffer, Donaufischer, Ulmer Museum, 1997
SCHAEFER, KURT, Historische Schiffe in Wien, NWV Verlag, Wien, 2002
www.zille.at
https://witti-zille.com

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour juillet 2025

 Zille construite par Gerald Witti au port de Freizell, photo © Danube-culture, droits réservés

Chez les Königsdorfer de Niederrana (Haute-Autriche), constructeurs de Zille depuis plusieurs générations. Quand la tradition se régénère !

Krempelstein (Haute-Autriche)

« Ober Oesterreich, das alte Schloss Grempenstein », Litographie colorée d’Adolph Kunike d’après Jacob Alt, vers 1821 

« Le château appartenait aux évêques de Passau depuis 400 ans. Des chevaliers brigands en avaient fait autrefois leur repaire, pillant depuis le château-fort les bateaux qui naviguaient sur le Danube à proximité. La tour carrée, qui est encore en bon état, comme on peut le voir sur notre gravure, leur servait de repère de surveillance. Elle complète maintenant un tableau romantique que cet ancien nid de brigands offre sur son promontoire.

William Turner (1775-1851), le château-fort de Krempelstein vu depuis le Danube près de Passau, 1840, gouache, graphite et aquarelle sur papier

Les bateliers et les habitants des environs appellent habituellement cette forteresse le « Schneidersschlössl » (le château du tailleur). Ils racontent à son propos une histoire assez triste qui finit malgré tout par faire rire les auditeurs : un pauvre bougre, qui avait établi sa misérable demeure dans ses ruines, élevait une chèvre dont il se nourrissait du lait. La chèvre mourut et, furieux de ce malheur qui le frappait, le malheureux tenta de jeter la dépouille de l’animal dans le Danube. Mais la dépouille s’accrocha à ses vêtements par l’une de ses cornes et l’entraîna avec elle dans les profondeurs du fleuve.
Voilà pourquoi cette histoire peut faire rire maintenant. Les bateliers poursuivant leur récit, racontent que le malheur vient de ce que le pauvre homme était un tailleur auquel la chèvre a voulu jouer sans doute un mauvais tour même après sa mort. La pitié des auditeurs se change en éclats de rire lorsqu’un tailleur se trouve sur le bateau. Il est quand même étrange que l’on associe ensemble un tailleur avec une chèvre et que l’on oublie dans cette histoire les sentiments humains. Les tailleurs qui sont parmi les auditeurs font des efforts pour rire avec les autres passagers tout en essayant de garder leur bonne humeur.
Sur notre gravure, la forêt autour du château-fort est abondante. Un bateau navigue sur le Danube. »

Dr. Geor Carl Borromäus Kump, in Adolph Kunike, Zwei hundert vier und sechzig Donau-Ansichten nach dem Verlauf des Donaustromes von seinem Ursprung bis zum Ausfluss in den Schwarzes Meer, édité par Adolph Kunike, Vienne, 1826
Traduction Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, juillet 2025

Krempelstein Haute-Autricvhe PK 2215

Le château-fort de Krempelstein, photo © Danube-culture, droits réservés

Le château-fort de Haichenbach

 Il est possible que seule la tour ait été au préalable édifiée. C’est du moins ce qu’indique le joint de construction de la maçonnerie adjacente à celle-ci. La forme de ce château, construit à même des rochers en hauteur et étroits, ressemble étrangement à la proue d’un bateau. Son emplacement idéal permettait à la haute tour de surplomber non seulement la vallée fluviale mais aussi l’ensemble des environs sur une grande distance, en amont de la courbe de Schlögen comme en aval, conférant à la construction un caractère défensif. La fonction de la tour de guet était également de protéger en même temps la zone du château-fort située à l’arrière donnant également sur le Danube.

La tour du château-fort de Heichenbach, sur la rive gauche du Danube (Haute-Autriche), photo Danube-culture © droits réservés 

   Les châteaux de Marsbach et de Rannariedl étant devenus des propriétés privées, c’est la seule possibilité actuelle d’avoir un point de vue exceptionnel sur le méandre de Schlögen depuis la rive gauche.

Le château de Marsbach, gravure de Georg Matthäus Vischer, 1674

Rannariedl, Detroit Publishing Company, 1905 ; Forms part of : Views of the Austro-Hungarian Empire in the Photochrom print collection.

   Toutes sortes de légendes entourent l’ancien château-fort de Haichenbach depuis longtemps abandonné, situé au-dessus de ce que l’on peut considérer comme le plus célèbre et peut-être le plus beau des méandres de tout le cours du Danube, la courbe de Schlögen (« Die Schlögener Schlinge »).

 Vue sur le Danube depuis les ruines du château-fort d’Heichenbach, photo © danube-culture, droits réservés

   L’histoire du château ayant été peu à peu oublié au cours du temps, les habitants des environs donnèrent à ses ruines le nom d’une ferme située à proximité : le château du cerisier (« Kerschbaumer Schlössl »), Kerschbaum signifiant cerisier en dialecte haut-autrichien.

Un lieu mystique et chargé d’énergies, photo © danube-culture, droits réservés

   Une légende qui ressemble à bien d’autres légendes liées à des places fortes dominant le Danube, est associée à ce curieux nom. Elle raconte l’histoire d’un châtelain qui, avec une bande de sinistres compagnons, guettait et attaquait les marchands qui descendaient le fleuve avec leurs bateaux et leurs précieuses cargaisons. Les pillards sans scrupule n’hésitaient pas non plus à procéder, si besoin, à des enlèvements pour augmenter leur butin. C’est ainsi que le châtelain aurait un jour capturé un marchand et l’aurait retenu dans son château, attendant la rançon qu’ils exigeaient pour les libérer. Le marchand emprisonné jura de se venger et mit toute sa colère en crachant un noyau de cerise à travers les barreaux de la fenêtre de sa cellule. Des années passèrent. Entretemps ce noyau avait donné naissance à un magnifique cerisier qui avait poussé juste contre le mur d’enceinte du château-fort ce qui permit un jour à des assaillants, exaspérés des agissements malhonnêtes de l’occupant du château, de pénétrer dans la forteresse en grimpant sur le cerisier. Ils tuèrent le châtelain avec ses compagnons brigands concrétisant ainsi, longtemps après, le voeux de de se venger de l’ancien prisonnier.
Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour juillet 2025

Vue sur le Danube depuis les ruines du château-fort d’Heichenbach, photo © Danube-culture, droits réservés

Le château de Hartheim, centre d’euthanasie

« L’eau efface les traces que la mémoire préserve. »
Franz Rieger (1923-2005)
   Le château, un bâtiment édifié sur l’emplacement d’une forteresse du Moyen-âge, a vraisemblablement été construit en style Renaissance à la fin du XVIe-début du XVIIe siècle pour la famille Aspan de Haag, propriétaire des lieux à laquelle succèdent en 1639 les comtes de  Kuefstein puis ceux de Thürheim en 1749.

Le château de Hartheim, gravure de Georg Matthias Vischer (1628-1696), vers 1674

   Hartheim entre ensuite en possession des princes Starhemberg en 1799. En 1898, Camillo Starhemberg donne le château à une oeuvre caritative soutenue par le Land de Haute-Autriche afin qu’elle installe un centre de soin pour des handicapés mentaux. L’association est expulsée du château en 1938 après l’Anschluss plébiscité par le peuple autrichien. Les bâtiments sont confisqués puis réaménagés en mars 1940 dans le cadre du programme « Aktion T4 » par les SS de Heinrich Himmler afin de devenir un centre d’euthanasie. 30 000 personnes, malades, handicapés, inaptes au travail, détenu/es y furent assassinés, gazés, incinérés entre 1940 et 1944. Leurs cendres ont été jetées dans le Danube à l’endroit où se trouve une pierre commémorative.

La pierre commémorative sur la rive droite du Danube, photo © Danube-culture, droits réservés

   « Soixante-dix personnes furent chargées, à Hartheim, de la maintenance, de l’organisation et de la mise en œuvre bureaucratique de l’entreprise de mise à mort : concierges, employés de bureau, ouvriers des crématoires, chauffeurs de bus, photographes, cuisiniers, soignants (infirmiers et infirmières professionnels…), etc. Une bonne partie de ce personnel avait été recruté dans la région ! De nombreux détenu/es en provenance des camps de concentration de Mauthausen, Dachau, Buchenwald, Ravensbrück, Gusen… furent assassinés au château de Hartheim. Les activités du centre furent à plusieurs reprises interrompues pour diverses raisons administratives puis reprirent jusqu’en novembre 1944. « Le 11 décembre 1944, un groupe de vingt détenus du camp voisin de Mauthausen fut détaché pour l’élimination des traces architecturales du centre. Des documents témoignant des sinistres activités du château furent détruits. Les autorités locales tentèrent de dissimuler les faits en créant un foyer pour enfants au début de 1945. Le château servit ensuite pour des réfugiés allemands expulsés des territoires tchèques (Sudètes) et polonais.

Photo Wald1siedel, droits réservés

Un premier monument commémoratif en pierre fut érigé en 1950 à l’extérieur devant la façade nord du château à l’initiative d’une association français d’anciens détenus de Mauthausen et de leurs proches mais rien ne changea à l’intérieur et le le château accueillit en plus des réfugiés allemands, des sinistrés de la crue du Danube de 1954, les anciennes chambres à gaz leur servant comme débarras ! Il fallut de nouvelles interventions et protestations d’associations étrangères de parents de victimes du régime nazi, de Simon Wiesenthal et de médias européens pour faire évoluer la situation qui perdura toutefois jusqu’en 1969. « Pour mettre un terme à l’utilisation, longtemps critiquée, du château de Hartheim comme résidence, on créa pour les locataires, en 1999, un bâtiment de remplacement. En dépit de conditions tout aussi favorables dans les logements de remplacement, certains ne quittèrent le château que de très mauvaise grâce ». En 2003 une exposition permanente intitulée « Wert des Lebens » (« La valeur de la vie ») a été inaugurée dans le château réaménagé.

L’exemple de Hartheim est symptomatique de l’incapacité et de la lenteur dont firent preuve, des décennies durant, la société autrichienne et ses responsables politiques à donner d’eux-mêmes naissance à une culture mémorielle des crimes de la période nazie.

« Dans aucun institut de mise à mort, sans doute, le meurtre de masse n’a été aussi étroitement imbriqué dans la vie quotidienne du personnel qu’à Hartheim. Ne fût-ce qu’en raison des données topographiques, s’esquiver ou ne pas voir ce qui se passait était impossible. » (B. Kepplinger)

Eric Baude pour Danube-culture, mis à jour juillet 2025, © droits réservés

Sources :
SCHWANNINGER, Florian, « Le château de Hartheim et le « Traitement spécial 14f13 « , Revue d’Histoire de la Shoah, 2013/2 (N° 199), p. 313-350. DOI : 10.3917/rhsho.199.0313. URL : https://www.cairn.info/revue-revue-d-histoire-de-la-shoah…
www.schloss-hartheim.at
www.ooemuseumsverband.at
www.institut-hartheim.at

Adalbert Stifter (1805-1868)

Adalbert Stifter, Lever de lune (vers 1855)

   Écrivain, pédagogue, poète réaliste et peintre haut-autrichien né en 1805 à Oberplan (Horní Planá, Bohême méridionale aujourd’hui en République tchèque), petit village au bord de la Vltava non loin de Český Krumlov (Krumau), à la frontière avec la Haute-Autriche et mort à Linz. Grand connaisseur et admirateur de Goethe, Adalbert Stifter est l’une des personnalités culturelles autrichiennes les plus illustres de l’époque post-napoléonienne du Biedermeier (1815-1848). Mais le peintre écrivain ou l’écrivain peintre autrichien, fervent admirateur et observateur de la nature tout comme son aîné allemand, adepte de la lenteur et du voyage intérieur, ne symbolise en aucune façon cette époque superficielle qui représente le grand triomphe du goût bourgeois et du conservatisme dans les pays de la confédération germanique et en Autriche.

Oberplan (Horní Planá) en Šumava (Forêt de Bohême), village natal d’Adalbert Stifter, vers 1823

A. Stifter perd, à l’âge d’à peine douze ans, son père qui se tue accidentellement (1817). Traumatisé, son fils tente d’abord de se laisser mourir de faim. Il entreprend l’année suivante, des études à l’abbaye bénédictine de Kremsmünster.

Adalbert Stifter, L’abbaye de Kremsmünster (Haute-Autriche)

Il est admis en 1826, à la Faculté de droit de l’université de Vienne et tombe amoureux de Fanny Greipl, fille d’un commerçant de la bourgeoisie viennoise. Dans ses lettres à Fanny, l’étudiant se dévalorise lui-même comme amant. Son refus de participer à un concours pour obtenir une chaire de physique à l’université de Prague déconcerte ses futurs beaux-parents qui le perçoivent alors comme un homme plutôt instable, sans ambition ni avenir. En 1832 a lieu la rencontre avec Amalia Mohaupt, une ancienne prostituée qui devient sa femme en 1837. Sans descendance, le couple adopte plus tard les enfants d’un frère d’Amalia. Une de fille se suicidera en se jetant dans le Danube. Après cet accident tragique, l’écrivain s’enfonce dans une grave dépression.

A. Stifter en 1868, portrait de Bertalan Széchely (1835-1910)

« La peinture m’est plus chère que le monde entier ; il n’y a rien sur la terre qui puisse me saisir plus profondément que la peinture…
Quand l’aube se lève rapidement, je me réveille et je me réjouis déjà de pouvoir à nouveau travailler dans les douces couleurs, et quand le soir arrive, je pense à ce que le jour a favorisé ou à ce qui est resté en arrière et je continue à peindre en pensée … »
Adalbert Stifter, « Nachkommenschaften« 

A. Stifter n’arrive toujours pas à choisir entre les vocations de peintre et d’écrivain. Il se décide pourtant en 1840, après de longues hésitations, à devenir écrivain et c’est à travers la littérature et les nouvelles qu’il exprimera son talent d’observateur de la nature et sa passion pour celle-ci. La parution de sa première nouvelle Der Kondor (1840) à Vienne reçoit un accueil enthousiaste et le fait connaître du public. Pendant huit ans, l’écrivain arrive à subvenir à ses besoins grâce à la vente de ses livres et des leçons particulières. Nommé Inspecteur des écoles primaires de Haute-Autriche en 1850, il prendra sa retraite en 1865. Gravement malade, il met brutalement fin à son existence en se tranchant la gorge le 28 juin 1868.

Le mur du diable, près de Hohenfurt, peinture d'A. Stifter

Le mur du diable, près de Hohenfurt, peinture d’A. Stifter, photo droits réservés

Une traversée en bateau de la Strudengau
« Le lendemain, lorsque les premières lueurs de l’aube apparurent dans le ciel, le bateau reprit son chemin vers l’aval. Witiko et Raimund s’étaient à nouveau assis sur le banc au-dessus du toit. Le navire descendit vers les plaines alluviales et poursuivit sa route en cheminant entre elles. Au bout de deux heures, on aperçut sur la rive droite les créneaux et les remparts de la petite ville d’Enns, à l’endroit où l’ancienne cité de Lorch [Lauriacum] avait été édifiée. Le Danube s’était métamorphosé en un grand fleuve car deux rivières la Traun et l’Enns s’y étaient jointes. Et de nouveau deux heures plus tard, on aperçut sur la rive nord le grand château des armées de Wallsee. Le bateau s’engagea alors dans une gorge sombre, comme celle qu’on avait traversée en aval de Passau. Les flots s’étaient rétrécis dans le défilé et s’écoulaient avec une grande rapidité. Après avoir navigué quelque temps dans celui-ci, trois bateliers nous rejoignirent en barque depuis une maison en bois située sur la rive. Ils firent passer le bateau à proximité de Grein. Au-dessous de cette localité, la gorge devint encore plus sauvage. Au-delà de la proue, on vit sur le fleuve une étendue d’eau aussi blanche que de la neige. Les passagers dirent qu’on arrivait aux endroits où le courant et le tourbillon étaient très dangereux pour la navigation. Peu à peu tous se rassemblèrent sur le toit du bateau. Quand on fut à la hauteur de l’étendue d’eau blanche, ils entonnèrent une grande prière. Les bateliers à qui l’on avait confié la conduite du navire s’activaient sans arrêt et le dirigeaient au milieu d’une eau profonde et rapide entre la tour de l’île et l’étendue d’eau blanche et tumultueuse qui écumait sur les écueils.
Le bateau qui descendait rapidement fut guidé vers un rocher derrière lequel on apercevait des tourbillons qui formaient de grands cercles. Les bateliers lui firent longer le bord des cercles. Puis ils se reposèrent, regardèrent vers l’aval et laissèrent le bateau s’avancer dans un fleuve plus large et plus calme. La prière de protection des passagers s’était transformée en louange de remerciements. Quand elle fut terminée, les hommes qui avaient assurés les manoeuvres entre les tourbillons et les récifs reçurent leur salaire puis ils remontèrent sur leur barque et regagnèrent la rive. Une petite embarcation arriva sur laquelle d’autres hommes, tenant un récipient en bois au bout d’une longue perche, demandèrent une offrande pour les pauvres et pour la construction d’une église destinée à la protection des bateaux. Tous les passagers déposèrent une offrande dans le récipient. Puis il vint encore un bateau plus grand qui requit un droit de péage ainsi qu’une redevance sur l’eau. Le péage et la redevance furent acquittés. Le bateau à la proue rouge s’avança ensuite entre les collines boisées vers une contrée ouverte de prairies, de champs, de forêts, d’églises et de châteaux-forts. Le pays était, des deux côtés du fleuve, celui du margraviat d’Autriche : sur la rive droite la ville d’Ybbs. Ensuite et sur la rive gauche une vieille église de couleur marron foncé. Enfin, dressé sur des rochers en saillie, le village de Marbach. C’est là qu’ils amarrèrent le bateau et se reposèrent pendant la nuit… »
Adalbert Stifter, Witiko, roman historique d’un chevalier du XIIe siècle, publié à l’automne 1867 (traduction Eric Baude)

« Si l’on excepte les écrits de Goethe et en particulier les Conversations de Goethe avec Eckermann, le meilleur livre allemand qui existe : que reste-t-il de la littérature en prose allemande qui mérite d’être relu et relu encore ? Les Aphorismes de Lichtenberg, le premier tome de l’Autobiographie de Jung-Stilling, L’été de la Saint-Martin d’Adalbert Stifter et Les Gens de Selwyla de Gottfried Keller, c’est tout pour l’instant. »
Friedrich Nietzsche, « Le Voyageur et son Ombre » in Humain, trop humain. Un livre dédié aux âmes libres », 1879

La maison d’Adalbert Stifter à Linz, à proximité du Danube et du centre ville (rive droite), aujourd’hui siège de l’Institut Adalbert Stifter et d’un musée littéraire consacré à l’écrivain-peintre et à son oeuvre. 

http://www.adalbertstifter.at
http://www.stifterhaus.at

Gerald Stieg, « Stifter (Adalbert) », Dictionnaire du monde germanique, dir. Élisabeth Décultot, Michel Espagne et Jacques Le Rider, Éditions Bayard Paris, 2007

Vienne
« Où bien je choisis une nuit pour monter sur l’une des montagnes à l’ouest de Vienne afin de voir le jour se lever sur la grande ville : d’abord c’est un faible rai de lumière qui s’épanouit tout doucement à l’est, des bancs de nuages blancs scintillent le long du Danube, puis la ville émerge comme une masse des brumes de la nuit, par endroits elle s’embrase, ailleurs elle lutte et roule dans une fumée d’or opaque  ou bien elle passe à des tonalités tout à fait grises ; et tout le panorama est parsemé d’étoiles d’or, des éclairs lancés par les fenêtres, les toits métalliques, les clochers des églises , les girouettes, et au loin la ligne vert pâle de l’horizon envahit délicatement et doucement l’espace du ciel… »
Adalbert Stifter, Fleurs des chants, « Véronique officinale », 27 juin 1834, traduction Sibylle Müller, Circé, Belval, 2008

Bibliographie sélective en langue française :
Le Sentier dans la montagne, Éditions Sillage, Paris, 2017
Le cristal de roche, Paris, Éditions Sillage, Paris, 2016
Dans la forêt de Bavière, Premières pierres, Saint-Maurice, 2010
Fleurs des champs, Éditions Circé, Belval, 2008
Les deux soeurs, Éditions Circé, Belval, 2004
L’arrière-saison, récit, Éditions Gallimard, Paris, 2000
Brigitta, Éditions Farrago, Tours, 2000
Descendances : nouvelle, préface de J. Le Rider, Éditions J. Chambon, Nîmes, 1996
Pierres multicolores. 1, Cristal de roche, nouvelles, Éditions J. Chambon, Nîmes, 1995
L’homme sans postérité, Éditions du Seuil, Paris, 1995
Le condor, Éditions Séquences, Rezé, 1994
Le village de la lande, nouvelle, Éditions J. Chambon, Nîmes, 1994
Tourmaline : pierres multicolores II, nouvelles, Éditions J. Chambon, Nîmes, 1990
Les cartons de mon arrière-grand-père, Éditions J. Chambon, Nîmes, 1989
Le château des fous, Éditions Aubier (édition bilingue), Paris, 1979

« — Qu’est-ce qui m’empêche de louer sur le champ une petite barque de pêcheur et autant de rameur qu’elle pourra en contenir ? La lune s’est levée, il y a du courant— combien de fois ai-je entendu dire que ces gens peuvent aller de Linz à Vienne en une nuit — — je vais le faire, je vais le faire… »
Adalbert Stifter, Fleurs des chants, « Digitale pourpre », Linz, 3 août juin 1834, traduction Sibylle Müller, Circé, Belval, 2008

« Gorgé des rumeurs et des flots de sève montante de leur jeune vie à peine commencée, les jeunes gens escaladaient la pente entre les arbres, parmi les chants des rossignols. Tout autour d’eux se déployait un paysage resplendissant où couraient les nuages. Dans la plaine, en contrebas, on pouvait apercevoir les tours et la masse des demeures d’une grande ville… »
Adalbert Stifter, L’homme sans postérité, traduction de Georges-Arthur Goldschmidt, Éditions du Seuil, Paris, [1995 ?], c. 1978

Adalbert Stifter, le Marais Strasser près de Linz, huile sur toile, vers 1850

« — La nature, la seule chose innocente, est comme toujours amicale — mes fenêtres donnent sur le débarcadère et sur le Danube. le vacarme de la journée a cessé, l’air tiède de la nuit d’août entre à flots par ma fenêtre  et fait pencher la flamme de la lampe près de laquelle j’écris, m’apportant aussi le murmure du fleuve et le clapotis de l’eau contre les bateaux sous le vent. — De l’autre côté, le clair de lune sommeille au-dessus des montagnes boisées du Mühlkreis et les lumières du faubourg d’Urfahr tracent dans l’eau de longues colonnes rouges et frémissantes. dehors tout est si calme et si doux, comme s’il n’y avait partout que du bonheur… »
Adalbert Stifter, Fleurs des chants, « Genêt », 8 août 1834, traduction Sibylle Müller, Circé, Belval, 2008

Eric Baude pour Danube-culture, © mis à jour mai 2025  

Le docteur Faust, le diable et le Danube

   Frédéric III de Habsbourg (1415-1493), empereur du Saint Empire Romain Germanique de 1452 jusqu’à sa mort, père du futur Maximilien Ier (1459-1519) et de la devise en latin A.E.I.O.U. (« Austriae est imperare orbi universo », « Il appartient à l’Autriche régner sur tout l’univers »), avait établi sa cour au château de Linz de 1489 à 14931.

Le château de Linz depuis la rive gauche du Danube, photo © Danube-culture, droits réservés

   Centre du Saint Empire Romain Germanique, celle-ci fut fréquentée, à l’image de celle de Rodolphe II de Habsbourg (1552-1612) qui avait préféré s’établir à Prague sur les bords de la Vltava, par de nombreux artistes et savants parmi lesquels des alchimistes et des astrologues réputés. La légende voudrait que le savant originaire du Bade-Wurtemberg Johannes Georg Faust (vers 1480-1540/1541), se désignant lui-même comme « sourcier des Nécromantes, Astronome et Astrologue, Magicien au second degré, Chiromante, Aéromante, Pyromante, Hydromante au second degré, connu aussi sous le nom de Georg Faustus, philosophe des philosophes, Hémitheos [demi-dieu] de Heidelberg », inspirateur de « The Tragical History of Doctor Faustus » (1589) du poète et dramaturge anglais  Christopher Marlowe (1564-1593) ainsi que du « Faust » (1808-1832) de Johann Wolfgang Goethe (1749-1832), ait fréquenté en personne la cour de l’empereur Frédéric III ce qui paraît dans les faits peu vraisemblable. À moins que ce ne soit celle de son fils Maximilien Ier.

Johannes Georg Faust (vers 1480-1540/1541)

   La légende raconte que, traversant la contrée en allant vers Linz et trouvant les rives du Danube à sa convenance à la hauteur de Landshaag (rive gauche), il requit et obtint l’aide de Méphistopheles pour y construire un château dont il souhaitait faire l’une de ses résidences. Le château qui lui doit son nom est déjà mentionné dans un document datant de 1500 sous le nom de « Fauststöckl ». Par la suite, il abrite le siège du percepteur du péage sur le Danube d’Aschach appartenant aux comtes de Schaunberg qui l’avait reçu de l’empereur Frédéric Barberousse. Un vestige du mur sur lequel était fixé une des extrémités de la lourde chaine qui entravait la navigation sur le fleuve a été conservé. La famille des comtes Schaunburg s’éteignit en 1559 et le comté passa aux mains des puissants Starhemberg qui furent notamment propriétaires du château de Schönbühel puis d’autres familles de la noblesse autrichienne. Les bâtiments furent aménagés et servirent de sanatorium entre 1925 et 1938 puis réquisitionné par le Front du Travail Allemand, un organisme sous la tutelle des Nazis jusqu’en 1945. En 1966, après d’importants travaux de rénovation et d’agrandissement il est transformé en hôtel restaurant.

Aschach en 1854, gravure colorée d’Adolph Kunike d’après Jakob Alt

Il paraîtrait même qu’un pont qui traversait le Danube et conduisait à Aschach depuis la rive gauche serait né d’un caprice du même savant et alchimiste allemand avec l’aide du diable. Des habitants plus hardis que les autres les auraient surpris en pleine nuit en train de jouer aux quilles au beau milieu du fleuve. Le pont disparut aussi mystérieusement qu’il était apparu !

Notes : 
1 Le château de Linz (rive droite) a été construit au Moyen-Âge sur l’emplacement même d’un site celtique et de la forteresse qui protégeait la cité romaine de Lentia. Frédéric III de Habsbourg le fait aménager pour y installer sa résidence impériale. Rodolphe II de Habsbourg ordonne sa démolition et confie au début du XVIIe siècle l’édification d’un nouveau château à l’architecte impérial flamand Anton de Moys (1604-1614).  Le château servira tour à tour de résidence du gouverneur, d’hôpital militaire (guerres napoléoniennes), de pénitencier, de caserne. Rénové   après la deuxième guerre mondiale, agrandi en 2006,  il abrite désormais les collections du Musée de Haute-Autriche. 

Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, mis à jour juillet 2025

 

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