Ada Kaleh (I)

« Les femmes de l’île chantent des chansons traditionnelles. Elles essaient de chanter dans des tonalités plus élevées en faisant vibrer leurs voix cristallines […]. Les pêcheurs fredonnent des airs de récitatifs qu’ils terminent par des fins de phrases aiguës. […]. Puis le soir vient et Ada kaleh s’élève doucement à travers la phosphorescence de l’eau. »
Tout comme l’ancienne et proche cité roumaine d’Orşova et les îles Poreci, érigée à l’emplacement de la colonie romaine de Tierna et qui marquait la fin de la voie trajane, prouesse technique et humaine taillée dans les rochers le long du fleuve par les armées romaines, la minuscule mais singulière île danubienne d’Ada Kaleh (1,7 km de long sur 500 m de large) fut recouverte en 1970 par les eaux d’un lac artificiel, conséquence de la construction du premier des deux imposants barrages/centrales hydroélectriques roumano-serbe des Portes-de-Fer, Djerdap I.

Cette île en forme de croissant au milieu du grand fleuve, formée par les sédiments d’un affluent de la rive gauche roumaine, la rivière Cerna, fut submergée par la volonté des dictateurs roumains Gheorghe Gheorghiu-Dej (1901-1965) et Nicolae Ceauşescu ( 1918-1989) qui ne voyaient dans cette île « exotique » qu’un désuet et encombrant souvenir de la longue domination ottomane sur les principautés danubiennes de Moldavie et de Valachie. L’histoire de cette île remonte jusqu’à l’antiquité et à la mythologie grecque. Elle portait avant l’arrivée des turcs sur l’île au XIVe siècle encore, semble-t-il, son nom grec d’origine, Erythia. Hérodote la mentionne sous le nom de Cyraunis. Les chevaliers teutoniques la baptisèrent Saan. L’île répondit aussi aux noms de Ducepratum, l’île ville Ata / Ada, l’Ile forteresse, Ada-Kale, Ada-i-Kebir, l’île d’Orsova, la Nouvelle Orsova, Karolina, Neu Orsova… Les Serbes la mentionnent sous le nom d’Oršovostrvo, les Hongrois la nomment Uj-Orsova sziget et les Roumains continuent à l’appeler de son nom turc Ada Kaleh (l’île fortifiée).

La vieille Orsova, la Nouvelle Orsova et les récifs en aval, dessin du XVIIIe siècle

Certains archéologues supposent que l’empereur Trajan lors de la guerre daco-romaine de 101-102, aurait traverser le Danube avec ses légions juste à l’endroit où se trouvait l’île, après avoir fait construire un pont de bateaux qui s’appuyait sur celle-ci. L’existence d’un canal de navigation pourrait confirmer qu’Ada Kaleh, de par sa position stratégique pour la défense de l’accès au canal, devait être déjà peuplée durant les Ier et IIe siècles après J.-C.1
Pour l’archéologue serbe Vladimir Kondic, la forteresse romaine de Ducepratum ou Ducis pratum, utilisée du IVe au VIe siècle, aurait été construite sur l’île-même.2
   « Une légende populaire de la région des Portes-de-Fer raconte qu’Hercule a séparé des rochers au lieu dit « Babakaï » ouvrant de ce fait les gorges du fleuve qui s’écoule vers la mer Noire. Les Valaques croient à un être surnaturel qu’ils appellent Dzuna, terme ressemblant beaucoup au mot Danube. Dzuna habite dans les profondeurs des eaux, sort de l’eau pour se laisser porter par le vent quand il souffle et on entend alors la musique de flûtes. Vue de la falaise, l’île d’Ada Kaleh ressemblait énormément par sa forme à un dragon dont la tête plongeait dans les profondeurs de Danube. Et selon de nombreuses croyances populaires de la région des Portes-de-Fer, on croit que la carpe, à partir d’un certain âge acquiert des ailes et sort de l’eau pour se transformer en dragon, d’où probablement la légende d’un combat mystique entre le héros populaire serbe Baba Novak et un terrible dragon de la région des Portes-de-Fer. Baba Novak coupa la tête du dragon qui dégringola de la colline et laissa des traces de sang  formant la rivière Cerna sur  la rive gauche confluant avec le grand fleuve près de l’île Saan-Ada Kale. L’origine du mot Saan renvoie au mot sang en latin et roumain, d’où une légende racontant que  l’île aurait été créée soit à partir de la tête en sang du dragon, soit à partir de gouttes de ce sang versé à l’endroit où la rivière Cerna se jette dans le Danube. »5
L’île est mentionnée sur une carte autrichienne de 1716 sous le nom de Carolaina.

Plan de l’île d’Orsova, Nicolas de Sparr : Atlas du Cours du Danube avec les plans, vues et perspectives des villes, châteaux et abbayes qui se trouvent le long du cours de ce fleuve depuis Ulm jusqu’à Widdin dessiné sur les lieux, fait en MDCCLI.TM (1751), collection de la Bibliothèque Nationale d’Autriche de Vienne

Les avantages de l’emplacement stratégique de l’île permettant de contrôler la navigation sur le fleuve à un endroit où la largeur de celui-ci est restreinte en raison du relief traversé, sont remarqués par les armées de l’empire des Habsbourg qui, après avoir repoussé les Turcs au XVIIsiècle, la dote d’un solide dispositif de fortifications afin de se prémunir contre de nouvelles menaces ottomanes, transformant peu à peu l’île à chacune de leurs occupations, en une sorte de  « Gibraltar » de l’occident en Europe orientale. Mais en 1739, suite au Traité de Belgrade entre l’Autriche et l’Empire ottoman, négocié avec l’aide de la France, l’île est rendue à la Sublime Porte ainsi que la Serbie et Belgrade. Elle sera difficilement reconquise par l’Empire autrichien en 1790 lors d’une nouvelle guerre austro-turque et demeurera par la suite ottomane jusqu’en 1918.

Ada Kaleh (Neu Orsova) sur la carte de Pasetti

Elle fut étonnement (volontairement ?) un des « oublis » des négociations du Congrès de Berlin (1878). Occupée de force par les armées austro-hongroises au moment de la Première guerre mondiale, Ada Kaleh devient officiellement un territoire roumain suite au Traité de Lausanne (1923). Les autorités du royaume de Roumanie laissent la jouissance de l’île à la population turque insulaire tout en lui donnant un statut fiscal avantageux, statut qui encourage la contrebande de diverses marchandises.

Elles la dotent en même temps de nouvelles infrastructures, construisent une école officiant en roumain et en turc, une église orthodoxe, une mosquée, une mairie, un bureau de poste, une bibliothèque, un cinéma, des fabriques de cigarettes, de loukoums, de nougats, des ateliers de couture et y installent même une station de radio !

Intérieur de la mosquée

La réputation grandissante de l’île lui permet d’attirer alors de nombreux visiteurs6 au nombre desquels le roi Carol II de Roumanie, des dignitaires du régime communiste et des curistes de la station thermale proche de Băile Herculane (Herkulesbad, les Bains d’Hercule). On raconte aussi que des tunnels auraient été creusés et remis en service par des trafiquants de marchandises sous le fleuve depuis l’île vers la rive droite yougoslave7. Les habitants y vivent de la fabrication de tapis, de la transformation du tabac, de la fabrication du sucre oriental rakat, d’autres produits non imposés, du tourisme et profitent sans doute aussi de diverses contrebandes.

Boite de lokoums « La favorite du sultan » d’Ada Kaleh

Il ne reste qu’un peu moins d’un demi-siècle avant sa disparition définitive, rayée de la carte par la dictature communiste. Mais qui sait si Ada Kaleh dont le minaret de la mosquée réapparaît parfois en période de basses-eaux du Danube, comme pour rappeler sa présence silencieuse sous les eaux assagies par la construction du barrage, ne redeviendra pas un jour ce qu’elle fut autrefois ?

Ada Kaleh, photo Rudolf Koller, 1931, collection Bibliothèque Nationale d’Autriche, Vienne

Informés du projet mégalomane les habitants turcs commencent à déserter « l’île sublime » bien avant le début des travaux du barrage. Certains choisissent de repartir en Turquie, d’autres s’installent dans la région de la Dobroudja, à Constanţa qui a conservé un quartier  turc ou à Bucarest, attendant vainement la réalisation de la promesse du gouvernement roumain d’être rapatriés avec le patrimoine d’Ada Kaleh sur l’île toute proche en aval de Şimian (PK 927). Mais le projet de second barrage en aval, près de Gogoşu, (PK 877) qui commence dès 1973 et dont le lac de retenu aurait du à son tour noyé cette terre d’accueil, décourage les habitants de s’y installer. Il reste encore aujourd’hui sur cette petite île abandonnée, au milieu d’une végétation abondante, des ruines de ce nouveau paradis turc perdu. Des villages voisins serbes et roumains des bords du fleuve, Berchorova, Eșelnița, Jupalnic, Dubova, Tufari, Opradena, l’ancienne Orşova, d’autres îles des environs d’Ada Kaleh, des sites archéologiques remarquables, subissent le même sort.

L’île de Şimian (PK 927) avec ses quelques vestiges mais sans le charme de sa soeur Ada Kaleh, photo © Danube-culture, droits réservés

Quelques monuments et maisons furent malgré tout reconstruits sur l’île de Simian mais l’architecture et l’ambiance insulaire ottomane unique des petits cafés, des ruelles pittoresques, de la mosquée à la décoration élégante, des bazars turcs d’Ada Kaleh, de ses ruelles pittoresques et de ses jardins parfumés, disparurent dans les flots de la nouvelle retenue.

Le bazar d’Ada Kaleh en 1912

« Je me souviens encore de l’odeur du tableau Ada Kaleh quand je sautais de mon lit. L’île verte avec son minaret jaune pâle […] et la femme turque peinte au premier plan lévitait sur les profondeurs vert Nil du Danube […] Ma chambre était pleine jusqu’au plafond de cette odeur d’huile de lin et quand j’ouvrais la fenêtre, je le voyais littérairement se déverser et couler en cascades le long des cinq étages de façade rugueuse de notre immeuble en préfabriqué… »
Mircea. Cărtărescu, « Ada-Kaleh, Ada-Kaleh », Fata de la marginea vieţii, povestiri alese, Humanitas, Bucarest, 2014

Notes : 
1 Srdjan Adamovicz, « Ada Kaleh histoire et légende d’une Atlantide danubienne »
https://doi.org/10.4000/cher.13140
2 idem

3 idem
4 idem
5 Cartarescu Mircea « Ada Kaleh, Ada Kaleh (Vallée du Danube/Roumanie) », dans Last andLost, Atlas d’une Europe fantôme, sous la direction de Katharina Raabe et Monika Sznajderman. Traduit du roumain par Laure Hinckel, Éditions Noir sur Blanc 2007, p. 155-173, cité par Srdjan Adamovicz, dans « Ada Kaleh histoire et légende d’une Atlantide danubienne », opus citatum.
6 Voir l’article
L’expérience de l’Orient : le tourisme sur l’île danubienne submergée d’Ada Kaleh (1878-1918, 1ère partie)
7 Tunnels sous le Danube : un secret non résolu. L’infatigable voyageur M.T. Romano raconte que, dans l’entre-deux-guerres, on pouvait encore voir des traces des tunnels depuis les rives du Danube du côté serbe. Il affirmait que, selon les habitants, une autre galerie communiquait avec la rive roumaine et concluait que de tels travaux avaient dû soulever de nombreuses difficultés. Les murs de la forteresse, d’une épaisseur maximale de 25 mètres, avaient résisté, en 1737, pendant 69 jours, aux deux sièges turcs. En 1810, les drapeaux russes sont hissés brièvement sur l’île par le bataillon dirigé par Tudor Vladimirescu.

Eric Baude  pour Danube-culture, mis à jour août 2024, © droits réservés

Au revoir Adah-Kaleh, photo de 1964

Adah Kaleh, 1964

Sources :
ADAMOVICZ, Srdjan, « Ada Kaleh histoire et légende d’une Atlantide danubienne »
https://doi.org/10.4000/cher.13140
LORY, Bernard, « Ada Kale », Balkanologie, VI-1/2, décembre 2002, p. 19-22. URL : http://balkanologie.revues.org/437
MARCU, P. « Aspects de la famille musulmane dans l’île d’Ada-Kaleh », Revue des Études Sud-Est Européennes, vol. VI, n°4, 1968, pp. 649-669
NORRIS, Harry T., Islam in the Balkan, religion and society between Europe and the Arab world, Columbia (S.C.) University of South Carolina Press, Columbia, 1993

ŢUŢUI, Marian, Ada-Kaleh sau Orientul scufundat (Ada Kaleh ou l’Orient englouti), Noi Media Print, Bucureşti, 2010
VERBEGHT, Pierre, Danube, description, Antwerpen, 2010
https://en.wikipedia.org › wiki › Ada_Kaleh
Ada Kaleh, an Ottoman Atlantis on the Danube
Ada-Kaleh: the Balkan Island Where People Once Lived with no State or Masters, Petar Georgiev Mandzhukov’s memoir Harbingers of Storm (Sofia: FAB, 2013)
Ada Kaleh: the lost island of the Danube – photogallery

Au revoir les enfants, au revoir Adah Kaleh…

 Documentaires :
The Turkish Enclave of Ada Kaleh, documentaire de Franck Hofman, Paul Tutsek et Ingrid Schramme pour la Deutsche Welle (en langue anglaise)
https://youtu.be/pNOLbkE4524
Le dernier printemps d’Adah Kaleh (1968) et Adah Kaleh, le Sérail disparu (en roumain)
npdjerdap.org

 

Ada Kaleh, l’île (dés)enchantée

 
La date exacte de l’engloutissement d’Ada Kaleh n’a pas pu être déterminée avec précision. La centrale hydroélectrique de Djerdap I été inaugurée en 1972 mais la submersion de l’île a probablement eu lieu bien plus tôt. Les photos montrent en tous les cas un processus de démolition des bâtiments inexorable et qui permet de se rendre compte qu’il n’y avait presque plus rien d’autre de visible que des ruines avant sa disparition. Il est donc probable que certaines de ces photos aient été prises en 1971, tandis que les dernières datent de 1972.
Des fouilles systématiques ont été réalisées par une équipe d’archéologues avec l’aide de la population locale. Tous les souvenirs de valeur furent évacués sur la petite île proche de Simian, en aval de la centrale électrique. Il n’est resté de tous les trésors d’Ada-Kaleh que des ruines qui, si elles avaient eu des ailes, se seraient sans aucun doute elles-mêmes enfuies.
Des étudiants de l’université d’architecture Ion Mincu de Bucarest ont pu au cours des dernières années d’avant la mise en eau du lac de retenue de la centrale hydroélectrique, dessiner tous les bâtiments qui y existaient. Le petit-fils d’un de ces étudiants a miraculeusement numérisé ces dessins. Ces dessins étaient jusqu’à aujourd’hui, les derniers témoignages iconographiques de l’île. Heureusement, plusieurs clichés de l’album photo de Medji Ibrahim, pris à une époque ultérieure, sont venus les compléter.
On voit sur ces photos surprenantes de nombreux bâtiments réduits en poussières. Certains d’entre eux ont quand même pu être identifiés mais avec difficulté. De nombreuses pierres de l’ancien fort Elisabeth, construit par les Autrichiens, ont aussi été transportés sur l’île de Simian, ainsi que la mosquée, à l’origine un monastère franciscain. Son immense tapis a été installé dans celle de Constanta.

Pendant toute son enfance, Adele Geafer, une ancienne habitante d’Ada-Kaleh, a passé ses étés sur l’île. Elle a bien voulu nous raconter sa dernière visite en 1967.Voici la description de sa dernière visite :

   Je m’appelle Adele Geafer Gülşen. Ma mère était d’origine tchéco-hongroise, mon père turc d’origine allemande. Dans notre famille, nous parlions parfois en hongrois, parfois en allemand. Quant aux hommes ils s’exprimaient en turc. Les religions catholique, luthérienne et musulmane étaient toutes présentes au sein de ma famille.

   J’ai visité l’île une dernière fois en 1967. Cet été-là, je n’ai pu passer qu’un court moment sur Ada-Kaleh. Depuis la gare d’Orşova, ma mère et moi devions parcourir trois kilomètres à pied du fait que le train ne s’arrêtait pas toujours à la station la plus proche de l’île. Lorsque nous sommes arrivés à la hauteur d’Ada-Kaleh, nous avons appelé le batelier Yusuf. Il a ramé jusqu’à la rive pour nous emmener. C’était un homme maigre comme un os, musclé, très bronzé. Je trouvais qu’il faisait toujours le même âge. Lorsque l’embarcation s’est éloignée de la rive, mon cœur s’est mis à battre très fort. Je ne quittais plus l’île des yeux comme si j’y cherchais quelqu’un que je connaissais. De loin, j’ai remarqué que l’île ne ressemblait plus à celle que j’aimais. Elle m’est apparue différente, beaucoup plus dénudée. Où avaient disparu ses arbres ? Lorsque nous avons débarqué, le spectacle m’a beaucoup effrayé. Les grands arbres avaient été coupés jusqu’à la souche. On pouvait voir désormais du débarcadère l’autre côté de l’île à travers le parc. Quel vandalisme ! ai-je pensé en moi-même.


Ma grand-mère maternelle, Lőcsey Gizella, vivait près du port. Sur le chemin vers sa maison, mon estomac s’est noué de colère à la vue des destructions. Je n’arrivais pas à le croire. L’année dernière, l’île était encore très animée. Maintenant, tout me semblait fantomatique. Ma grand-mère tenait une librairie-papeterie sur l’île. Lors de notre dernière visite elle ne s’occupait plus que du déménagement. Elle n’a pu emporter de sa grande maison que très peu de choses. On lui a attribué un petit appartement d’une pièce en ville à Timisoara. Quand mon grand-père et ma grand-mère étaient encore jeunes, ils vivaient à Cluj (Klausenburg). La maison qu’ils avaient achetée sur Adah-Kaleh leur servait de maison de vacances. Ils ne s’y installèrent définitivement qu’après la Seconde Guerre mondiale.

Ma grand-mère m’apprit que mes grands-parents paternels avaient déjà déménagé. Ils ont vu leur maison détruite par l’armée. Ils ont reçu ensuite une maison en face de la plage, dont les propriétaires avaient déjà émigré en Turquie. Mon grand-père paternel, Geafer Iliyas, venait de Turquie et sa femme, ma grand-mère, Novi Anna, de Transylvanie saxonne. Je souhaitais leur rendre visite. Comme ils vivaient auparavant de l’autre côté de l’île, mais qu’ils habitaient désormais en face de la plage, le trajet était beaucoup plus court. Ils étaient déjà couchés quand je suis arrivé. Ils avaient plus de soixante-dix ans et on leur avait retiré la maison de leur vie. Grand-mère disait avec beaucoup de tristesse : «Si je dois quitter Ada-Kaleh, je veux retourner dans mon pays, en Allemagne.» Il n’y avait déjà plus de police, plus de médecin, plus d’épicerie sur l’île. Mon père allait tous les jours leur rendre visite depuis Orșova, leur apportait du pain et tout ce dont ils avaient besoin pour surmonter ces temps difficiles. Entourés de bagages, ils n’attendaient plus que leur passeport pour s’en aller. En les quittant, j’avais l’intention de revoir la demeure où j’avais passé les plus belles années de mon enfance. Après quelques pas dans sa direction je me suis arrêté, je changeais d’avis et m’asseyais sur la plage, toute pensive, fermait les yeux. Mes pensées s’accrochèrent à mes années de jeunesse. J’ai donc franchi en rêve la porte voûtée de la maison comme je l’avais toujours fait et marchais le long du sentier bordé de roses, respirant leur doux parfum puis je continuais vers mes arbres fruitiers préférés avec notre chien toujours collé à mes jambes jusqu’au bord du Danube. J’ai grimpé au noyer qui me servait de poste de vigie. Je revoyais mentalement toute la rive, la rue, les maisons et à ceux qui y avaient habité.

   Autrefois je m’asseyais très souvent sur une branche de ce noyer. C’était ma place favorite. Je pouvais me laisser rêver tranquillement. Mais dès que la sirène du bateau retentissait au loin, je me dépêchais de redescendre. Je voulais voir si le bateau accostait sur l’île. Cela faisait aussi partie de mes tâches d’aider mon grand-père à la vente. L’arrivée de touristes était toujours l’occasion pour mon grand-père de gagner quelque chose. Il proposait des figues au sirop ou des pétales de rose dans de grands paniers, faits chez nous. J’aimais beaucoup le mouvement des touristes et je  les étonnais par mes connaissances linguistiques. À leur grande surprise, je leur proposais des visites guidées, tantôt en hongrois, tantôt en allemand, pour qu’ils ne se perdent pas dans les ruelles. En récompense, j’étais invité au café pour déguster un sorbet ou un «braga», une boisson rafraîchissante fabriquée à partir du maïs.


   Mon grand-père avait eu autrefois un bazar dans lequel il vendait divers souvenirs, notamment des tableaux en verre. Il n’était pas facile de gérer un commerce sur l’île. Cela dépendait beaucoup des touristes. Si ceux-ci ne venaient pas, on se retrouvait rapidement en difficulté financière. Avec Miskin Baba, les habitants de l’île avaient leur propre protecteur. De son vivant, il avait accompli de nombreux miracles. Ceux qui se rendaient sur sa tombe pouvaient aussi lui demander conseil. Mon grand-père voulait obtenir de l’aide pour ses difficultés financières. Il se rendit sur sa tombe, prit un peu de terre, la mit dans un sac en toile et le plaça sous son oreiller. Dans son rêve, Miskin Baba lui est apparu lui disant : «Fais une valise pleine de tableaux en verre et va à Craiova. Là-bas, tu en tireras un bon prix». Grand-père fit ce que Miskin lui avait dit. Arrivé à Craiova, il chercha d’abord un hôtel. Devinez qui se tenait derrière le comptoir d’accueil ? Une de ses bonnes connaissances d’Ada-Kaleh. Dans la joie des retrouvailles, grand-père raconta son histoire. Son ami fit immédiatement poser quelques tableaux en verre sur le comptoir de l’hôtel pour que les clients puissent les voir. À peine grand-père était-il revenu dans sa chambre d’hôtel sans même défaire sa valise, que son ami l’appelait pour lui demander d’autres tableaux car les dames les achetaient comme des petits pains. L’affaire marcha si bien qu’il télégraphia à grand-mère pour qu’elle lui expédie une autre valise pleine de tableaux. Le conseil de Miskin Baba donna beaucoup de travail et apporta de bons revenus sur l’île. Même les femmes se devaient d’y participer.


Mes pensées étaient de nouveau revenues dans le présent. Je me suis levée et je suis repartie sur mes pas. Mais je ne voulais pas voir la scène détruite de mon enfance. J’ai donc changé de direction et traversé l’une des casemates pour me rendre au centre de l’île. Les souvenirs étaient omniprésents. Une ruelle étroite menait à l’école, construite à l’emplacement d’une casemate. Les cours étaient dispensés en roumain, mais le dernier cours du prêtre et de l’enseignant turc se faisait en langue turque. Nous, les enfants, parlions tantôt en turc, tantôt en roumain. En m’approchant du centre, j’ai vu que tout était fermé à l’exception du café, encore ouvert. À l’intérieur, il y avait surtout des inconnus. Je n’ai pu reconnaître que trois anciens habitants. C’était un sentiment vraiment étrange de voir tous ces bâtiments désormais fermés, la librairie, la poste, l’épicerie, la boulangerie, l’usine textile, la petite fabrique de tabac dans laquelle mon père avait travaillé comme comptable. Les odeurs de «Rahat» et de «Suciuk» avait aussi disparu. Tout semblait désert. Il n’y avait presque plus que des étrangers assis dans le café et dont la tâche consistait à faire de notre vie  une histoire du  passé.


   La fabrique de tabac me rappelait notre vie sociale car juste derrière se trouvait le cinéma de l’île. Avant d’ y aller, il était de coutume de flâner dans le parc voisin. Mon grand-père saluait tout le monde avec la formule de politesse traditionnelle turque : «Aksam seriflerimis hayrolsum…» Les films n’étaient projetés qu’en soirée, l’électricité assurée par un générateur électrique qui ne fonctionnait que de la fin de l’après-midi à onze heures du soir. Je souris encore quand je pense au nombre de fois où nous avons dû faire une pause imprévue pour  attendre la réparation de la pellicule. C’était une bonne occasion de bavarder ensemble ou pour certains de fumer une pause cigarette dehors. Cette précieuse vie sociale n’a jamais été négligée. Le retour à la maison se déroulait souvent de manière un peu erratique, sans aucun éclairage public. Chacun sortait sa lampe de poche et de nombreuses petites lumières brillaient dans la nuit profonde sur les casemates. Arrivés à la maison, nous allumions la lampe à pétrole avant d’aller nous coucher.
   J’ai passé mes deux premières années d’école à Ada-Kaleh. Par la suite, j’ai été scolarisée à Timisoara (Temeswar) mais je passais toujours les vacances scolaires chez mes grands-parents sur l’île. Les vacances de printemps étaient passionnantes. Le Danube avait toujours beaucoup d’eau à cette époque de l’année. Le niveau de la nappe phréatique augmentait par conséquent et remplissait de nombreux fossés, comme par exemple le fossé «Hendekek», m’obligeant à faire un détour pour me rendre chez eux. Le Ramadan, les jours de Pâques étaient une occasion de se réjouir et de déguster de nombreuses friandises. Les femmes apportaient leurs plaques de cuisson rondes d’un mètre de diamètre, chez le boulanger pour préparer leurs gâteaux ; Ma pâtisserie préférée, le «Frauenbrust-Küchlein» était appelé ainsi en raison de son apparence et une cerise trônait en plein milieu. Ces délicieux petits gâteaux, imbibés de sirop odorant était l’une de mes friandises préférées et je les attendais avec impatience chaque année.


Mon chemin m’emmena jusqu’au parc. L’endroit où avant poussaient encore des châtaigniers et des caroubiers géants, était devenus un lieu de destruction. Partout, des troncs d’arbres abattus jonchaient le sol et les souches sciées gisaient sur leur ancien emplacement. Je savais désormais qu’il n’y aurait plus jamais de «retour à la maison» possible. J’ai traversé le parc, qui n’en était plus un, et je suis arrivé sur l’autre côté de l’île qui fait face à la rive serbe. Je me suis promené le long de la rive. Là encore, des souvenirs de jeunesse me sont revenus. Ma cousine et mes amies jouaient souvent à cache-cache dans les casemates. Nous grimpions sur les mûriers disparus. Mais nous ne faisions pas que grimper sur les arbres, nous devions aussi récolter de la nourriture pour nos vers à soie. Sur la tombe de Miskin Baba sur laquelle brûlaient auparavant en permanence des cierges, je n’ai  plus trouvé que des traces sur la terre. Cela m’a à la fois peiné et m’a mis en colère. C’était notre protecteur qui avait aidé plus d’un habitant à se sortir de la misère, comme mon grand-père… Je pensais que tout ce qui arrivait était une honte, un déshonneur. Je me tenais devant la maison de la tante d’Aranka. C’était la fille de Bicsérdi, l’un des fondateurs du crudivorisme. Mes grands-parents suivirent ce régime pendant dix ans dans leur jeunesse. Le mari de la tante hongroise d’Aranka était un Turc qui se prénommait Omer. De nombreuses familles d’ethnies, de nationalités et de religions différentes vivaient sur l’île. Cette cohabitation des peuples et religions mélangés sur l’île, était très harmonieuse et fonctionnait parfaitement. Il y avait un mélange de langues qui étaient parlées dès l’enfance. Il n’y avait aucune orientation politique particulière. On était seulement des insulaires !


Je me mis à respirer encore une fois l’odeur humide des tuiles de la casemate, devenues les ultimes témoins de l’île d’autrefois, qui furent ensuite à jamais noyées sous l’eau. La maison de mon enfance sur Ada-Kaleh avait disparu. Mais Ada-Kaleh restera éternellement dans ma mémoire. Malgré toute ma tristesse d’aujourd’hui, je suis très heureuse d’avoir pu passer ma jeunesse dans un endroit aussi beau. Personne ne pourra m’enlever ces merveilleux souvenirs !

http://adevarul.ro/locale/turnu-severin/ultimele-fotografii-realizate-insula-ada-kaleh–7_54d7aa4d448e03c0fd6812d4/index.html

Traduction de l’article : Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, août 2024

L’île Marguerite (Margit-sziget)

   « En quittant l’île, au retour, nous voyons l’illumination gagner la ville. C’est un spectacle unique ; l’eau réfléchit toutes les lumières. On se croit dans une Venise immense. Les plus petites choses prennent des proportions magiques, et il semble qu’on entre dans la plus grande des capitales. »
Juliette Adam, La Patrie hongroise, Souvenirs personnels, Nouvelle Revue, Paris, 1884

Gravure de l’île Marguerite, XVIe siècle

Lorsque Béla IV succède à son père André (1176-1235) et monte sur le trône de Hongrie à l’automne 1235, pour un règne qui durera jusqu’au mois de mai de l’année 1270, le jeune souverain de la dynastie des Árpád ne sait pas que son pays est à la veille de l’une des plus terribles invasions de toute son histoire, l’invasion mongole.
Les soldats de la Horde d’or sont aux portes de Pest dès 1239. La défense de la ville et du pays s’organise dans une certaine improvisation mais les renforts autrichiens ne sont pas assez importants. Aussi les Mongols entrent sans grande difficulté dans Pest et la pillent tout en massacrant une grande partie de ses habitants pendant que Béla IV, sa cour et ses armées s’enfuient en Autriche puis en Dalmatie et s’installent à Trau (Trogir). Les troupes mongoles vont passer sur l’autre rive du Danube en janvier 1242 avec la complicité involontaire du fleuve gelé et mettront également à sac Buda et Óbuda puis ils continuent leur chemin en amont du fleuve, en direction d’Esztergom et du nord-ouest du pays. Ayant appris la mort de leur souverain Ögedeï Khan (vers 1189-1241), troisième fils de Gengis Khan et deuxième khagan, ils abandonnent leur projet de conquête plus à l’ouest, vers l’Autriche et Vienne, pour retourner en Asie centrale laissant Buda, Pest et la Hongrie dévastées. Dès son retour, Bela IV fait reconstruire Buda et la dote de fortifications. C’est à ce souverain que l’on doit ce quartier du château protégé alors par de hauts murs d’enceinte.

Nymphe sur l’île Marguerite… Photo droits réservés

Marguerite, pieuse princesse moniale
   Béla IV se préoccupe également d’édifier des monuments religieux. La légende raconte qu’à l’époque où les Mongols dévastent le pays puis la ville, le roi fit un voeu : « Si Notre pays retrouve la liberté, Nous élèverons dans l’île du Danube proche de nôtre château royal, [l’île aux lièvres], un monastère consacré à la mère de Dieu où de pieuses jeunes filles, et parmi elle, Notre fille, la princesse Marguerite, serviront toute leur vie Dieu et sa sainte Mère. » Le couvent des Dominicaines est construit et la Princesse Marguerite (vers 1242-1271) accompagnée de sa mère, Marie Lascaris (vers 1206-1270) s’y installent pour y mener une vie religieuse, ascétique, entourées de dix-sept nonnes de l’évêché hongroise de Veszprem. Le roi et sa cour séjournent également volontiers sur l’île à proximité du couvent, dans un palais érigé par l’archevêque d’Esztergom et prieur de Buda Benedek (Benoît, ?-1055).

Mort de sainte Marguerite par József Molnár (1821-1899), collection privée, source Wikimedia commons

Le couvent des dominicaines a été détruit depuis mais il reste quelque chose du souvenir du séjour de Marguerite au-delà du nom de l’île, dans la paisible atmosphère de détente et de repos qu’offrent ces lieux insulaires, des lieux d’une certaine manière en dehors du temps, plantés d’arbres, préservés du bruit envahissant du centre ville. Les Pestois adorent leur île Marguerite, vont s’y promener, s’y baigner, y pratiquer différentes disciplines sportives, s’y soigner ou y danser.
Les habitants vouent une vraie dévotion à Sainte Marguerite qu’on peut considérer comme la patronne officieuse de la capitale hongroise. En dehors de l’île, un pont, une place, un hôpital, un boulevard et plusieurs rues de différents quartiers de la ville portent son nom.
La princesse Marguerite fut canonisée en 1943.

L’élégant pont Marguerite (Margit híd) dessiné par deux ingénieurs français, photo droits réservés

« L’île aux lièvres m’a raconté son secret :
Par une nuit calme où rode l’insolite,
Son père le roi dans le cloître a jeté
La blanche fleur des légendes : Marguerite.

Ce cri bâillonné, cette fille de rêve,
Un mot trop brutal la faisait défaillir.
À la cour royale on entendait sans trêve
Des reîtres grossiers, hirsutes à plaisir.

Mais elle attendait qu’arrive d’Occident
Un beau chevalier qui s’en viendrait pour elle,
Non point quelque noble au regard impudent,
Mais un troubadour errant, gentil et frêle.

Son coeur se crispait dans une attente vaine,
Le château bruissait et les fringuants Hongrois
Des petits chevaux coumans1 tiraient les rênes.
Son doux cavalier de rêve ne vint pas.

Au bord du Danube il n’a jamais paru,
Le tendre chanteur aux caressantes lèvres,
Marguerite enfin fut donnée à Jésus
Et mourut là-bas, dans l’île aux lièvres. »

Endre Ady (1877-1919)

Notes :
peuple turcophone semi-nomade de la région du fleuve Kouban  puis qui se déplace par la suite vers la steppe eurasienne puis pontique et au XIe siècle envahissent des territoires occupés par des Valaques et des Magyars.

Sources :
BOLDENYI, J., pseud. [i.e. Pál Szabó.], La Hongrie pittoresque, artistique et monumentale, H. Lebrun, Paris, 1851
FOUGEROUSSE, Monique, Hongrie, L’Atlas des voyages, Édition Rencontre, Lausanne, 1962

HOREL, Catherine, « Capitale de la Hongrie médiévale (900-1541) », Histoire de Budapest, Fayard, Paris, 1999
HUREL, Juliette, La Patrie hongroise, Souvenirs personnels, Nouvelle Revue, Paris, 1884

Eric Baude, © Danube-culture, droits réservés, mise à jour, 15 novembre 2022

L’île de Simian (Roumanie)

Un projet du Conseil du Judet de Mehedinți envisageait en 2010 de construire sur l’île un port, des hôtels, des cinémas, des restaurants, des campings, une plage, un centre international ouvert à tous les pays riverains du Danube y compris la Turquie (souvenir de la présence ottomane sur le Bas-Danube), un théâtre de plein air ainsi qu’un centre de recherche sur le Danube…
L’objectif de l’étude de faisabilité de ce projet et de la demande de financement adressée à l’UE était de soutenir le développement d’infrastructures et d’équipements touristiques sur l’île, de mettre en valeur son patrimoine (sic!) et de promouvoir son potentiel en tant que destination touristique avec l’obtention de fonds européens de développement régional.       Ce projet n’a heureusement pas été mis en oeuvre pour diverses raisons.
Certains vieux habitants du village de Șimian (rive gauche) se souviennent encore de l’époque où une partie des vestiges historiques ont été déplacés d’Ada Kaleh sur l’île de Simian et du moment où les habitations de l’île turque furent détruites à l’explosif par l’armée roumaine avant qu’Ada Kaleh ne disparaisse, engloutie dans les eaux de la retenue de la centrale hydroélectrique comme en témoignent des documentaires de l’’époque.

Île de Simian, inscription turque

Une piscine fut même construite sur l’île de Simian par le régime communiste pour inciter les anciens habitants d’Ada Kaleh à s’y installer et encourager les touristes à la visiter mais sans succès. Comment oublier Ada Kaleh et son atmosphère idyllique d’un temps révolu ? De son côté, le pêcheur et batelier du village de Simian, Daniel Claudiu Ciolănescu, familier du fleuve, n’hésitait pas dans sa jeunesse à traverser le fleuve à la nage pour rejoindre l’île.
Ne serait-il pas judicieux de protéger enfin intégralement ces sublimes îles danubiennes dont certaines, comme Simian, sont en permanence sous la menace d’aménagements touristiques, de projets incongrus divers (on pense aux îles des environs du Parc National croate de Kopacki Rit et au projet plus libéral que libertaire de Liberland…) au nom de la protection de la biodiversité du fleuve, elle-même déjà menacée par de nombreuses réalisations sur ses rives ? Peut-être aussi, comme pour d’autres cours d’eau dans le monde, donner enfin au Danube un statut juridique.
La commune de Șimian (Olténie) d’où l’île tire son nom, malheureusement traversée par l’horrible route E 70 encombrée de camions quand il y a si peu de bateaux sur le fleuve, possède de remarquables trésors patrimoniaux parmi lesquels le monastère de la sainte Trinité de Cerneţi, la « cula » (habitation fortifiée) du héros révolutionnaire roumain Tudor Vladimirescu (1780-1821), la « cula » du pandoure Nistor, toutes deux en cours de restauration et un musée du village. Cerneți fut fondé après que le sultan ottoman Soliman le Magnifique (1494-1566), qui avait écrasé les armées hongroises à la bataille de  Mohács, ait ordonné que toutes les pierres de la place forte de Turnu-Severin, construite en grande partie avec les matériaux de l’ancien Castrum romain, soient transportées sur la rive droite afin qu’une forteresse ottomane y soit édifiée. Les habitants de Turnu-Severin, pour se protéger des inondations déménagèrent en retrait du fleuve et fondèrent la cité de Cerneți, (« Cerniți », signifiant les gens endeuillés).

Eric Baude pour Danube-culture, août 2023 © droits réservés 

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