Johann Strauss Fils
Johann Strauss Junior (1825-1899), le « Roi de la valse » : une brève biographie
« Ce démon de la musique populaire viennoise tremble au début d’une nouvelle valse comme s’il entrait en transe. Le véritable hennissement que pousse l’auditoire, enivré par la musique plutôt que par la boisson, porte cette passion du virtuose Strauss à un degré angoissant. »
Richard Wagner
« Johann Strauss et la valse, la valse et le monde onirique de l’opérette viennoise, le fameux « Glücklich ist wer vergisst » (« Heureux celui qui oublie ») sont devenus des leitmotiv de cet éloignement de la réalité, de ce retrait dans les apparences accompagné d’une grande exubérance des formes, d’un contenu profondément sentimental qui composaient cet univers de l’époque dite de la « Ringstrasse » (Grand Boulevard) où, derrière une façade tout en lumière, se cachait un monde en voie de disparition… »
Günter Düriegl, Johann Strauss, Musée historique de la ville de Vienne, salles commémoratives de Johann Strauss Vienne 2, Praterstrasse 54
Fils ainé du violoniste et compositeur Johann Strauss père (1804-1849), violoniste et compositeur lui-même, frère de Josef Strauss (1827-1870) et d’Eduard (1835-1916), tous deux également excellent musiciens, oncle de Johann Strauss (petit-fils) (1866-1939), admiré par Franz Liszt, Johannes Brahms, Richard Wagner, Jacques Offenbach, Arnold Schönberg, Johann Strauss Junior, « Der Königwalzer », « Le roi de la valse » (il ne pouvait y avoir évidemment qu’un seul titre d’empereur dans l’Empire austro-hongrois, c’est pourquoi J. Strauss Junior ne fut jamais surnommé l’empereur mais le roi de la valse !). Il nait dans le quartier viennois de Sankt Ulrich (aujourd’hui Neubau, VIIe arrondissement de Vienne) le mardi 25 octobre 1825.

Plaque commémorative apposée en 1825 sur la maison natale de Johann Strauss junior, Lerchenfelderstrasse 15 dans le quartier de Sankt Ulrich (Neubau).
Il se mariera à trois reprises, tout d’abord en 1862 avec Henriette Treffz-Chalupetzky (1818-1878)1, appelée familièrement Jetty puis après sa mort avec une autre cantatrice, Angelika (Lili) Dittrich (1850-1919)2 dont il se divorce en 1882 pour épouser en 1887 la veuve du banquier Anton Strauß, de plus de trente années sa cadette, Adèle Strauß, née Deutsch (1856-1930)3, après que tous deux aient du se convertir au protestantisme et soient devenus citoyens du royaume de Saxe, Cobourg et Gotha. Le processus de création musicale de Johann Strauss a sans aucun doute été influencé par ses relations avec les femmes.

L’actrice Ernestine Henriette Angelika Dittrich (1850-1919), seconde épouse de Johann Strauss Junior
Johann Strauss Junior prend ses premières leçons de musique (piano, orgue) auprès de Václav Plachý (1785-1858), un musicien et pédagogue d’origine morave, admirateur de Beethoven, organiste chez les Piaristes et pédagogue qui s’est installé à Vienne en 1811. Le jeune artiste fait dès cette époque, ses premières tentatives de composition. De 1837 à 1841, J. Strauss Junior est élève au lycée écossais de Vienne, chante comme enfant de choeur à la paroisse de saint-Léopold dans le quartier de Leopoldstadt. Il étudie (en secret) avec Franz Amon (1803-64), violon solo de l’orchestre de son père puis avec Anton Kohlmann, un violoniste de l’orchestre de l’Opéra de la Cour. Inscrit initialement à la section commerciale de l’Institut polytechnique (1841), J. Strauss Junior quitte l’institution et décide de suivre l’exemple du compositeur et directeur musical Joseph Lanner (1801-1843) qui vient de décéder.

Johann Strauss senior (1804-1849) en 1835 par Josef Kriehuber (1800-1876), collection du Wien Museum
Sans l’accord de son père Johann Strauss Senior, très contrarié de voir son fils se diriger vers une carrière de musicien, mais avec le soutien de sa mère que son mari a quitté, le jeune homme de 19 ans obtient en juillet 1844 de la municipalité de Vienne l’autorisation de reprendre l’orchestre de J. Lanner, décédé brutalement.
Il fait ses débuts avec un immense succès en même temps qu’à la grande fureur de son père, lors d’une « Soirée dansante » le 15 octobre au casino Dommayer dans le quartier de Hietzing à proximité du château de Schönbrunn, avec entre autres pièces, son opus 1, la valse « Sinngedichte » qui sera interprétée pas moins de dix-neuf fois à cette occasion, les opus 2, 3, 4 et la magnifique valse « Loreley-Rheinklänge » composé par son père.

Le casino (café-restaurant) Dommayer dans le quartier de Hietzing, à proximité du château de Schönbrunn. Avec sa salle de danse, l’établissement comptait parmi les plus populaires lieux de divertissement de la ville avec ses soirées de bal endiablées. Après la mort de Ferdinand Dommayer en 1854, Franz Dommayer prend la relève de son père Ferdinand Dommayer en 1854. Le casino existera à cet endroit jusqu’en 1908, date à laquelle il est démoli laussant la place à un nouvelle établissement le Parkhotel Schönbrunn.
Josef Drechsler (1782-1852), organiste, compositeur prolifique, pédagogue et chef d’orchestre de différents théâtres et qui terminera sa carrière comme maître de chapelle à la cathédrale saint-Étienne, lui donne à cette époque des leçons d’écriture et de basse-continue.
Le jeune musicien, malgré ses premiers succès, ne réussit pas à trouver pas le même large auditoire que celui qui assiste aux concerts de son père, et il doit chercher en 1847-1848 à gagner sa vie et doit effectuer un voyage dans les Balkans. De retour à Vienne, la révolution fait rage. J. Strauss Junior prend le parti des insurgés, à l’inverse de son père avec lequel in n’est pas réconcilié. Il continuera à composer et à interpréter des morceaux « libertaires » après la Restauration ce qui lui vaudra d’être mis à l’index par la cour impériale. Après la mort de son père en 1849, J. Strauss va réunir son orchestre et celui de son père et dirige, à l’exception des services de la cour, dans tous les lieux de représentation qui lui avaient été interdits jusqu’alors. En 1850, il est invité à jouer pour la première fois devant l’empereur François-Joseph Ier lors d’une rencontre impériale à Varsovie et se voit confié deux années plus tard, l’organisation de la musique des nombreux bals de la cour qu’il partage toutefois avec Philipp Fahrbach (1815-85).
La même année, il connait son premier grand succès en tant que compositeur avec son « Annen-Polka », op. 117, et part diriger des concerts en Prusse. La surcharge permanente due aux tournées supplémentaires ainsi qu’aux obligations de composition envers son éditeur Carl Haslinger (1816-1868), l’expose cependant à de graves ennuis de santé et en 1853.

Johann Strauss Junior dirige l’orchestre des concerts du Volksgarten en 1853, dessin de Franz Kaliwoda, Matthias Bäcker, graveur et Carl Haslinger, éditeur, collection du Wien Museum
Il doit demander à son frère Josef de le remplacer pendant son congé en juillet. En raison des programmes musicaux conclus pour plusieurs étés avec la direction de la ligne de chemin de fer Saint-Pétersbourg-Pavlovsk, les deux frères, qui se trouvent souvent dans une situation de concurrence difficile, doivent se mettre d’accord sur la répartition des différentes obligations à Vienne.
Jusqu’en 1861, ils organisent ensemble les programmes musicaux des carnavals, Johann séjournant en été en Russie (1856-1865 et 1869) où un véritable culte nait pour sa musique, tandis que Josef dirige les concerts à Vienne. Par la suite, au grand dam de Josef, peut-être jaloux, Johann choisit d’associer associe également son plus jeune frère, Eduard, à l’entreprise familiale. Lors de ses voyages e Russie, Johann Strauss Junior a fait la connaissance en 1858 à Pawlosk de la jeune musicienne et compositrice russe Olga Wassiljewna Smirnitskaja (1837-1920), âgée de 21 ans et dont le compositeur tombe aussitôt éperdument amoureux et qu’il demandera en mariage. Mais la famille de la jeune femme, de la haute aristocratie russe, refusera catégoriquement. Olga lui a demandé d’interpréter ses romances, basées sur des vers de célèbres poètes russes, lors des concerts. « Olga, je suis dans tes mains, fais de moi ce que tu veux! » lui écrit-il dans une lettre datée du 31 août 1859. Plusieurs de ses compositions dont la valse « Wiener bonbons » opus 307 seront inspirées par cette idylle tragique pour le musicien viennois.
J. Strauss Junior est nommé officiellement « Directeur de la musique de bal de la cour impériale » en 1863, ce qui va l’obliger à abandonner ses autres activités à l’exception des concerts au pavillon de musique du restaurant du Volksgarten de Vienne. Les autres services de l’orchestre Strauss étant confiés à ses deux frères Eduard et Josef, Johann Strauss Junior n’apparait plus que sporadiquement comme chef d’orchestre de ses propres oeuvres. En 1864, les « Morgenblätter », op. 279, inaugurent la série des grandes valses, dont le point culminant sera atteint en 1867 avec la suite de valses du Beau Danube Bleu. Cette oeuvre sera donnée pour la première fois le 15 février 1867 à la salle de Diane de Leopoldstadt devant un parterre enthousiaste de 1200 spectateurs. Sur la scène se tiennent plus de 150 chanteurs du « Wiener Männergesang Verein » et derrière le choeur imposant a pris place l’orchestre à cordes militaire du régiment d’infanterie « Roi de Hanovre ». Johann Strauss Junior, pris ce jour-là par un autre engagement, a laissé la direction musicale à Rudolf Weinwurm (1835-1911). Malgré la médiocrité du texte original qui sera remplacé en 1890 par des paroles du juriste, compositeur et écrivain Franz von Gerneth (1821-1900), membre du « Wiener Männergesang Verein », l’oeuvre est plébiscitée par le public et par les journalistes présents et rejouée une seconde fois.
La même année, le musicien désormais célèbre, est invité à diriger à Paris (Exposition Universelle) et à Londres où le public anglais l’acclame mais à l’instigation de sa première épouse Henriette Chalupetzky (1818-1878), il se prépare à passer du statut de directeur musical à celui de compositeur d’opérettes et se fait relever de ses fonctions à la cour en 1871 pour écrire cette même année sa première opérette, « Indigo et les 40 voleurs » une oeuvre créée au « Theater an der Wien ». La collaboration avec Richard Genée (1823-1895), par la suite son collaborateur musical et librettiste avec Friedrich Zell (1814-1881), sera déterminante. En 1872, J. Strauss Junior se rend en tournée aux États-Unis, dirige ses propres œuvres pendant l’Exposition universelle de Vienne (1873) et donne en 1874 des concerts en Italie puis présente à Vienne son opérette la plus populaire à ce jour, « La Chauve-souris ». En 1875 et 1877, le compositeur est de retour à Paris où son opérette est donnée en français dans une version remaniée et sous le titre « La Tzigane » à l’automne 1877.

La partition originale de la Chauve-souris, précieusement conservée à la bibliothèque de l’Hôtel de Ville de Vienne
Son oeuvre lyrique suivante, « Une nuit à Venise » connait un échec lors de sa création à Berlin (1883) mais est par contre fort bien accueillie en Autriche, notamment grâce à la participation du comédien et excellent ténor Alexander Girardi. (1850-1918). « Le baron tsigane »(« Der Zigeunerbaron ») créé en 1885, lui offrira le plus grand succès de toute sa carrière de compositeur.
En 1886, il entreprend une tournée en Russie, accompagné de sa femme Adèle. Sa réputation de compositeur de musique de danse est à son apogée grâce à sa « Valse impériale » (« Kaiser-Walzer », RV 437), écrite en 1889. Sa prédilection pour les longues suites de scènes composées, déjà évoquée dans « Le Baron tzigane », culmine dans ses opéras comiques comme « Le chevalier Pásmán » (1892).
Le succès n’est toutefois pas vraiment au rendez-vous, incitant J. Strauss Junior à revenir à contrecœur à l’opérette. Les festivités organisées à l’occasion de son cinquantième anniversaire en tant qu’artiste (1895) deviennent par contre un grand événement viennois. Le musicien a commencé à séjourner dès l’été à (Bad) Ischl (Tirol), où il achètera l’élégante villa Erdödy en 1897 après avoir vendu sa résidence d’été de Schönau.
Il fait cette même année dans la station thermale fréquentée par la haute société, une rencontre particulière, celle du roi Chulalongkorn (Rama V) du Siam lors de la visite d’État du Siam en Autriche. La rencontre eut lieu après que le compositeur ait lui-même dirigé l’ouverture de l’opérette Die Fledermaus au théâtre d’Ischl en l’honneur du roi. Sa veuve continuera à fréquenter Bas Ischl après la mort de son mari en 1899. La belle villa, riche du souvenir des séjours de Johann Strauss Junior sera démolie à la fin des années mille neuf cents soixante !

Johann Strauss Junior à son pupitre dans sa villa de Bad Ischl en 1897, photo Bibliothèque Nationale d’Autriche
Johann Strauss Junior dirige à l’opéra « La Chauve-Souris » le 22 mai 1899 puis, obligé de renoncer de diriger d’autres représentations à cause d’un refroidissement, il contracte une pneumonie et meurt le 3 juin 1899. Vienne lui offrira des funérailles dignes du plus haut dignitaire de l’Empire austro-hongrois. L’opérette pasticcio « Wiener Blut » (« Sang viennois »), composée par Adolf Müller junior5 (1839-1901), prétendument avec l’approbation de J. Strauss, est accueillie cette année là avec enthousiasme et entraînera la création de nombreuses autres oeuvres posthumes.
La tombe de Johann Strauss Junior tout comme celles de son père, de ses frères, de Christoph Willibald Gluck, Ludwig van Beethoven, Franz Schubert, Johannes Brahms et de nombreux autres compositeurs, se trouve au Zentralfriedhof de Vienne dans le carré d’honneur 32 A.
Johann Strauss Junior compte parmi les musiciens les plus populaires et les plus joués de tous les temps dans le monde entier. En tant que compositeur de musique de danse, il réussit, avec son frère Josef, à émanciper la valse de sa fonction première de musique de danse pour en faire un morceau de récital à part entière, destiné aux grandes salles de concert. Le compositeur a d’ailleurs rendu hommage à son père et ses prédécesseurs lors d’un banquet donné en son honneur en 1884 : « Les honneurs dont vous me gratifiez aujourd’hui, je les dois à mes prédécesseurs et notamment à mon père. Ce sont eux qui m’ont indiqué le chemin où quelques progrès pouvaient être encore faits : l’enrichissement de la forme musicale. Ceci est mon mérite, mon faible mérite. »
J. Strauss est également l’un des principaux représentants de l’âge d’or de l’opérette qui, dans une époque politiquement délicate pour l’Empire austro-hongrois, avec « La Chauve-Souris » et « Le Baron Tzigane », a su créer une atmosphère de fête incomparable.
Eric Baude pour Danube-culture, droits réservés, mis à jour octobre 2025
houseofstrauss.at
www.johannstraussmuseum.at
Un bateau de croisière nommé « MS Johann Strauss »
www.kreuzfahrtzentrum.at
Références littéraires :
Il n’existe pas de biographie approfondie du compositeur en français ce qui d’ailleurs en dit long sur le peu d’intérêt que suscite réellement Johann Strauss Junior en France et le malentendu sur sa musique. Peut-être est-ce lié en partie au fait que ses oeuvres ont envouté de nombreux dignitaires nazis (parmi lesquels Adolf Hitler en personne) et qu’ils ont tenté stupidement d’effacer les origines juives de la famille du musicien !
On lira (en allemand) : Thomas Aigner, Stefan Engl, Kyra Waldner, Johann Strauss, ein Leben für die Musik, Wienbibliothek im Rathaus, Theater Museum, Residenz Verlag, Salzburg-Wien 2024
En français : Bénédicte Palaux Simonnet, Johann Strauss et sa famille, bleu nuit éditeur, Paris, 2025

Le « Schrammel quartett » des violonistes et frères Johann et Joseph Schrammel (sur la photo avec le guitariste (contra-guitare) Anton Strohmayer et le clarinettiste Georg Danze), initiateurs de la musique populaire du même nom et grands amis de Johann Strauss qui adorait leur musique, photo collection du Wien Museum, vers 1885
Notes :
1 J. Strauss Junior avait la connaissance de sa future femme chez le banquier Moritz Ritter von Todesco. Le palais qu’il avait fait construire se trouve encore aujourd’hui à proximité de l’Opéra d’État de Vienne (Vienne I. Kärtnerstraße 51). Henriette était alors la maîtresse du baron, d’où son surnom de « baronne Todesco ». Avant de devenir l’épouse de Strauss, elle donna naissance à sept enfants illégitimes. Fille de Joseph Chalupetzky, un ouvrier du quartier viennois de Josefstadt, elle avait une belle voix de soprano et chantait à l’opéra de Dresde avec Wilhemine Schröder-Devrient et au Theater a. d. Wien avec Jenny Lind. J. Strauss la connaissait déjà depuis 15 ans lorsqu’ils se marièrent le 27 août 1862 à la cathédrale Saint-Étienne. Les époux établirent leur résidence principale dans l’actuelle Praterstraße 54, là où la suite de valses « Sur le Beau Danube Bleu » fut composée. Cet appartement a été transformé en un musée dédié au compositeur et à sa musique. L’ancienne cantatrice et ex-maîtresse du baron Todesco se transforma après le mariage en une secrétaire parfaite, une charmante épouse maternelle et une formidable manager qui déchargea son mari de tous les soucis quotidiens, comme par exemple la préparation des tournées de concerts ou la copie des partitions. Henriette meurt le 8 avril 1878 après une attaque cérébrale. Cinquante jours plus tard, Strauss était déjà remarié. C’est à elle que revient le mérite historique d’avoir encouragé son mari à composer des opérettes.
2 Angelica Dittrich, cantatrice allemande est née le 30 mars 1850 à Breslau (Prusse). Elle fut l’élève du chef d’orchestre de la cour Heinrich Proch qui dirigea la représentation inaugurale de « Don Giovanni » dans la nouvelle salle de l’Opéra royal et impérial de Breslau le 25 mai 1850. La cantatrice chercha à être engagée à Vienne au Theater an der Wien avec le soutien du compositeur. Il n’y eut pas d’engagement, mais un mariage ! J. Strauss Junior, de 25 ans plus âgé que Lily, la connaissait déjà d’une époque antérieure sans que sa première femme, Jetty, ne soit au courant de cette relation. Il l’épousa le 28 mai 1878 à l’église Saint-Charles de Vienne (Karlskirche), exactement 50 jours après le décès de Jetty. Le couple s’installe, peu après le mariage, dans le nouveau palais construit selon les idées et les goûts de sa première épouse, au numéro 4 de la Igelgasse (IVe arrondissement) Johann-Strauss-Gasse 4.
Le mariage ne fut pas heureux, oscillant entre disputes et incompréhension mutuelle. Anna Strauß, une sœur de Johann restée célibataire, a affirmé que Lily avait eu une relation avec Franz Steiner, le directeur du Theater a. d. Wien dont elle devint l’assistante. Curieusement l’opérette « Une nuit à Venise » fut la seule oeuvre lyrique du compositeur à être créée non pas à Vienne mais à Berlin, le 3 octobre 1883 ! Le mariage fut dissous par consentement mutuel le 9 décembre 1882.. Dans les dernières années de sa vie, on la voyait parfois se promener autour de la villa aujourd’hui démolie, achetée par J. Strauss à Schönau bei Leobersdorf, près de Baden bei Wien. Lily mourut dans une grande pauvreté en 1919 dans la station thermale de Bad Tatzmannsdorf (Basse-Autriche).
3 Adele Deutsch, surnommée « Cosima à trois quarts de temps » ou encore « la veuve ennuyeuse ». Elle même souhaitait être appelée « Madame Johann Strauss ». Adele Deutsch est née le 1er janvier 1856 à Vienne. Elle épouse en 1874 le fils du banquier Anton Strauß qui meurt en 1877. Alors qu’elle n’était pas encore mariée au compositeur, elle portait donc déjà le nom de Strauss et elle se présenta à Johann Strauss comme portant l’un des noms les plus célèbres du monde. Il ne fut pas question de mariage au début en raison de l’opposition de l’église catholique. Mais pour arriver à ses fins J. Strauss dut renoncer à sa nationalité austro-hongroise, devenir citoyen de Saxe-Coburg-Gotha et se convertir au protestantisme. Le 15 août 1887 il épousait Adèle, de 31 ans sa cadette, dans l’église de la cour ducale de Cobourg. Adele prit entièrement en main la vie de son mari. En tant que manager, elle surpassa de loin les initiatives de Jetty. Après le décès de Strauss en 1899, elle fut une administratrice de succession méticuleuse et veilla à la facturation exacte des droits d’auteur qui lui étaient dus. Adele Strauss est décédée en 1930 et la postérité de la composition lui doit aujourd’hui encore la « Lex Johann Strauss ».
4 Dommayers Casino (Hietzing 13, Hietzinger Hauptstraße 12, plus tard 10-14). En 1787, un serveur du nom de Dick fait construire un café dans le jardin en face du « Kaiserstöckel » de Schönbrunn (aujourd’hui bureau de poste) ou en face de l’église de Hietzing, qui jouissait d’une grande popularité en tant que lieu de loisir pour les Viennois. En 1815, l’établissement est relié à la ville par un tramway, le terminus étant l’auberge communale à côté de l’église, et à partir de 1817, le tramway de la « Hietzinger Gesellschaftswagen » (société des tramways de Hietzing) y circule. L’aubergiste de Hietzing, Reiter, achète le café et, après avoir agrandi le local, y construit également un restaurant. En 1823, Reiter cède la propriété à son gendre de 23 ans, fabricant de peignes, Ferdinand Dommayer. Jusqu’en 1832, F. Dommayer rachète les petites maisons du voisinage, les fait démolir et fait construire son casino (« Dommayers Casino »), magnifique batisse selon les critères de l’époque, avec une grande salle de bal. Il est inauguré le 24 juin 1833 avec la participation de la haute société viennoise. C’est à cet endroit que le public entend pour la première fois les « Loreleyklänge » de Johann Strauss (père) et la valse de Lanner « Die Schönbrunner ». C’est aussi au Casino Dommayer que J. Lanner dirige pour la dernière fois de sa vie un concert le 22 mars 1843. Le 15 octobre 1844, Johann Strauss (fils) y débute avec son orchestre nouvellement constitué, dirigeant sa première grande valse, « Die Gunstwerber » qui connait un succès retentissant. Après la mort de Dommayer (1858) et celle de sa veuve, son fils Franz reprend l’affaire. En 1899, la propriété de Dommayer passe dans les mains du « restaurateur » Paul Hopfner, qui se bat contre la parcellisation prévue des terrains et cherche un moyen d’assurer un aménagement représentatif de la place. Après avoir continué à gérer le casino, il fait démolir l’ancien bâtiment en 1907 et fait construire le Park Hotel.

Johannes Brahms (1833-1897) peu avant sa mort et Adèle Strauss à Bad Ischl en 1897, photo collection Wien Museum. Le musicien d »Allemagne du Nord et Johann Strauss Junior entretenaient une relation d’amitié et d’admiration réciproque. J. Brahms écrira à l’un de ses amis qui s’apprêtait à visiter Vienne : « Il faut que vous alliez au Volksgarten. Le vendredi soir, Strauss y conduit ses valses. C’est un tel maître de l’orchestre que l’on ne perd pas une seule note de chaque instrument. »









