Danube, musiques et musiciens (I)

Oui le fleuve lui-même est bien évidemment musique :
« Je regarde et écoute. Au-dessus de moi, je vois le magnifique spectacle de la rive gauche pendant que la musique entêtante de l’eau ne cesse de se manifester en contrebas. C’est à la fois un murmure, un crépitement, un roulement et un gémissement, tandis que les pierres charriées par le courant roulent et se frottent sur fond du fleuve. Les morceaux de rochers que l’eau a arraché des flancs des montagnes sont rabotés et broyés dans un effort sans relâche. Le fleuve les broie et les concasse, les entraîne avec lui ou bien il les charrie toujours plus loin et on ne peut plus que deviner qu’il s’agissait de gros cailloux ou déjà de galets polis car le fleuve impétueux les emporte avec lui, ou peut-être ne s’agit-il plus déjà de gravier. J’écoute la musique des profondeurs toujours en mouvement et c’est toujours une autre mélodie que j’entends, tantôt une percussion impétueuse, tantôt un trombone sourd, un orgue mystérieux, tantôt des notes de violon qui montent, un bourdonnement de basses, suaves et grandioses, en alternance constante. J’entends une symphonie envoûtante, la dangereuse musique des sirènes du Danube… »

Adalbert Muhr, En canoë, radeau et bateau à vapeur, une croisière sur le Danube à travers la Basse-Autriche, Sankt Pölten, St. Pöltener Zeitungsverlagsgesellschaft, [1942]

  Ce fleuve aux nombreux visages, reflets des multiples paysages traversés, a ses musiques, ses compositeurs, ses musiciens comme il a ses écrivains, poètes, peintres, photographes, ses réalisateurs de films et de vidéos…
Et qu’importe au fond qu’ils soient compositeurs reconnus, grands interprètes, artistes professionnels ou simples amateurs, qu’ils soient musiciens traditionnels, modestes « lǎutari », chanteurs, solistes ou choristes anonymes.

Codex Donaueschingen, 1441

Rares sont les lieux sur les deux rives et aux alentours, d’amont en aval, qui n’aient été un jour ou qui ne soient encore aujourd’hui le théâtre de manifestations, de fêtes où la musique et la danse tiennent une place privilégiée. Combien également de sites prestigieux, historiques, de châteaux, de ruines médiévales, d’abbayes baroques ou classiques, de rues, de places, de parcs, d’élégants jardins, de scènes contemporaines, parfois directement aménagés sur le fleuve, d’où montent, certains jours, les échos d’un concert ou d’une aubade improvisée ?

Emmanuel Schikaneder (1751-1812), un Papageno mozartien et danubien né à Straubing (Bavière) !

   Là où se tiennent les hommes au bord du fleuve, il y a musique ! Le Danube, berceau de la chanson des Nibelungen, n’a rien à envier au Rhin, à l’Elbe ou même à la Vltava tchèque. Le Danube est « Le fleuve musical européen » par excellence comme le chante le grand poète allemand et amoureux de la nature et de ses univers fluviaux, Friedrich Hölderlin (1770-1843), né lui-même sur les bords d’un affluent du Rhin, le Neckar (dans la préhistoire affluent du Danube !) et qui a consacré, parmi plusieurs poésies dédiées aux fleuves deux de ses plus beaux poèmes au Danube, À la source du Danube (Am Quell der Donau) et l’Ister (Der Ister). Vienne et Budapest ne se disputent-elles pas le titre de capitale de la musique de l’Europe ou du monde ? Déambuler dans les rues, sur les quais et certaines îles de ces deux métropoles, c’est sans cesse aller à la rencontre de musiciens et de compositeurs célèbres mais aussi d’artistes de rue, de cabarets inconnus ou miraculeusement sauvés de l’oubli par une unique chanson, une mélodie touchante qui a traversé les siècles, d’écrivains tel Franz Grillparzer (1791-1872) et le personnage émouvant de sa nouvelle Der arme Spielmann (Le pauvre musicien), un violoneux nostalgique, au destin tragique qui meurt lors d’une inondation de son quartier de Brigittenau aujourd’hui XXe arrondissement de Vienne mais qui rejoint ensuite le paradis des musiciens ! (Franz Grillparzer publia cette nouvelle en 1848). Maisons natales, chapelles, églises, cathédrales, abbayes, palais et châteaux, salles de bals et de concerts, théâtres, cours, parcs, jardins, statues, cimetières, auberges, caveaux (Heuriger)…, la promenade n’est alors qu’une incessante succession de rencontres avec le monde musical d’hier et d’aujourd’hui.

Un des nombreux trésors de l’abbaye bénédictine danubienne de Göttweig

Valses, galops, polkas, ländler, musiques militaires, musiques de salon et de bals dans lesquels outre les Strauss, le violoniste du delta d’origine tsigane Georges Boulanger se distingua, lieders, opéras et opérettes, ballets, répertoire religieux, musiques populaires (Schrammelmusik, musiques de cabaret), jazz, musiques de rue, de kiosques ou d’arrière-cours d’auberge, de foire ou musiques savantes dans des salles de concerts réputées, toutes ces musiques se portent, à Vienne comme à Bratislava et Budapest, une étonnante estime réciproque, les unes fécondant souvent les autres. Il n’est pas rare de voir et d’entendre des musiciens des grands orchestres symphoniques autrichiens interpréter des chansons traditionnelles du répertoire de la « Schrammelmusik » dans les Heuriger des quartiers périphériques de Grinzing, Döbling, Nußdorf… Art de vivre où la musique et le vin local font merveille. Il arrive aussi que des musiciens du monde « classique » jouent sans bouder leur plaisir du répertoire tsigane et traditionnel dans les restaurants populaires de Budapest et d’autres grandes villes des bords du fleuve.

Le « Schrammel Quartett » en 1890

Le fleuve, la musique et le vin, une trilogie inséparable et si danubienne ! Bratislava la slovaque et Belgrade la balkanique résonnent elles aussi de multiples manifestations musicales, classiques et contemporaines, jours et nuits. Jusqu’à l’extrémité du delta et la petite ville de Sulina aujourd’hui quelque peu endormie sur son court, récent et prestigieux passé et qui vit naître l’un des plus grands chefs d’orchestre de toute l’histoire de la musique classique, George Georgescu, jusqu’aux Lipovènes qui entretiennent avec passion leurs coutumes, leur patrimoine musical et dansé, en passant par les rives des campagnes slovaques, hongroises, croates, serbes, bulgares, roumaines, ukrainiennes, en rencontrant toutes les minorités des bords du Danube parmi lesquelles celle des tsiganes, tous ces lieux dispersés, disséminés, parfois oubliés le long du fleuve sont imprégnés de nombreuses mélodies etchansons engendrées par la rencontre féconde entre la nature, le fleuve et les hommes.

Les flots du Danube, une composition de J. Ivanovici, compositeur roumain d’origine serbe ayant travaillé sur les rives du Bas-Danube : un hymne au grand fleuve !

   Difficile de ne pas penser également, quand on parle de musique sur les rives du Danube, les joyaux architecturaux et culturels que sont les prestigieuses abbayes baroques de Beuron, Kremsmünster, Wilhering, Saint-Florian, Melk, Göttweig, Klosterneuburg tant elles furent actives et réputées (elles le demeurent encore de nos jours) dans le domaine des arts et des sciences. Leurs orgues, leurs cloches (qu’on oublie si souvent dans le patrimoine musical et pourtant…), leur lignée de maîtres de chapelle, de compositeurs, leurs maîtrises (choeurs d’enfants) et leurs impressionnantes bibliothèques musicales tout comme les nombreux festivals et concerts qui s’y déroulent, en témoignent.

Les splendides orgues baroques orgues de la basilique autrichienne de Maria Taferl, haut-lieu de pèlerinage, photo © Danube-culture, droits réservés

   Certaines régions semblent de prime abord plus privilégiées que d’autres mais en fait chacune a ses musiques populaires spécifiques. De nombreuses chansons traditionnelles, allemandes (souabes et bavaroises) autrichiennes, slovaques, croates, serbes, bulgares, roumaines, moldaves, valaques, ukrainiennes, tsiganes ont pour thème ou pour inspiration le Danube. Il faut aussi encore mentionner les chansons des bateliers d’autrefois, des mariniers danubiens, cette corporation à laquelle Franz Schubert a rendu hommage dans son lieder D. 536 « Der Schiffer » (Le batelier), chansons qu’on entendait parfois pendant les manoeuvres dans les passages délicats et qui leur donnaient force et courage, les chants des corporations liées à la présence du fleuve ou encore les hymnes des processions religieuses que ces pèlerins entonnaient avec ferveur en descendant le Danube. La musique pouvait aussi aider celles ceux qui s’aventuraient sur le fleuve à conjurer leur peur de mourrir noyés.

Anton Bruckner (1824-1986), peut-être le plus danubien des compositeurs dont on fête dignement en 2024 le bicentenaire de la naissance. Sa musique « connectée » avec le divin semble aussi évoquer et invoquer la puissance du fleuve, dieu de la nature.

Ce fleuve a ses légendes musicales dans des genres très diversifiés. Il a fasciné et inspiré de nombreux compositeurs et musiciens européens bien au delà de ceux qui sont simplement et par hasard nés sur ses rives où à proximité tels Johann Nepomuk Hummel, né à Bratislava, Anton Bruckner, Ludwig van Beethoven, Viennois d’adoption, Franz Liszt, l’infatigable voyageur qui écrivit une messe pour la basilique de Gran (Esztergom), Joseph Pleyel, Joseph Haydn, Franz Schubert et la famille Strauss, Carl Michaël Ziehrer, Josif Ivanovici, Franz Lehár né à Komárno, Belá Bartók, Georges Boulanger (Tulcea), le jazzman Johnny Rǎducanu (Brăila) et bien d’autres. La liste intégrale de tous ceux qui ont chanté et chante le Danube serait ici bien trop longue à énumérer.

On ne peut s’empêcher de penser enfin que peut-être les tonalités des voix, des langues et des dialectes des riverains, de ceux qui naviguent quotidiennement, reflètent secrètement quelques harmonies de la mélodie du fleuve.

Le chant polyphonique du fleuve
   Le Danube c’est aussi le chant de ses oiseaux et de la nature. Le fleuve, certains matins ou en soirées, dans le delta, sur ses îles, dans les forêts et les prairies alluviales qu’il arrose, n’est qu’une extraordinaire polyphonie de chants d’oiseaux, de batraciens, d’animaux sauvages et de mille autres reliefs sonores de la nature.
Mais n’oublions pas que le grand fleuve compose avant tout d’abord sa propre musique, son propre chant, envoûtante mélodie assourdie et presque douloureuse qui monte dans certains lieux du fond de son lit comme une sorte de plainte, musique fluviale de pierres, de galets et de graviers roulés par un courant impétueux, pétris, polis et emportés inlassablement sans cesse au loin vers la mer, mystérieuse musique de la vie qui s’éloigne inexorablement. Il suffit d’ailleurs de s’asseoir sur ses berges à certains endroits ou de se laisser dériver à bord d’une embarcation dans le courant, pour entendre celle-ci et tomber sous le charme. Quelque soit le lieu où vous serez près du fleuve, allez marcher le soir sur ses rives, sur une digue, sur une plage, en vous éloignant un peu de l’embarcadère si vous descendez le Danube pour une croisière. C’est aussi cela la magie du Danube, un hymne de l’eau, des galets, des vents, de tous les éléments du vivant et de la « grande » nature qui dialoguent comme le font un soliste et l’orchestre qui l’accompagne, fondant ensemble un chemin polyphonique.

 

Orgue baroque portatif de 1697 servant à accompagner les chants de pèlerins qui descendaient le Danube en bateau, collection du Musée de la navigation de Spitz/Donau (Basse-Autriche), photo © Danube-culture, droits réservés

 Entre gaité, insouciance et nostalgie 
Est-il nécessaire de rappeler que la plus populaire des oeuvres dédiées au Danube est évidemment la valse de Johann Strauss fils (1825-1899) Sur le beau Danube bleu entendue pour la première fois en 1867.  Si elle reste l’oeuvre la plus connue, la composition de référence, l’une des mélodies les plus fredonnées au monde, l’une des plus diffusées du répertoire musical (ne l’entend-t-on pas jusque dans les avions de la compagnie autrichienne ou dans les toilettes du passage souterrain de l’Opéra de Vienne, tel un hymne aux divinités éternelles du kitsch ?), d’autres compositions moins connues voire oubliées rendent un aussi bel hommage au fleuve.

Première édition de l’oeuvre « Sur le beau Danube bleu » pour piano et choeur d’hommes

 Plaisir d’amour 
Un autre compositeur ayant vécu dans sa jeunesse quelques années sur les bords du Danube ; Jean-Paul-Égide Martini (1741-1816), célèbre à son époque mais tombé complètement dans l’oubli pour le reste de son oeuvre, a aussi écrit une des plus célèbres chansons de tous les temps, Plaisir d’amour. Qui se souvient encore que l’auteur étudia au séminaire jésuite de Neuburg sur le Danube ?
Qui se souvient également que le violoniste virtuose Georges Boulanger (1893-1958), alias Ghiţa Bulencea, d’origine tsigane, est né à Tulcea aux portes du delta ? Au delà de Vienne et de Budapest, les autres villes riveraines du Danube où les influences musicales n’ont cessé de s’entrecroiser, de s’interpénétrer, ont aussi abondamment contribué au patrimoine musical européen avec un nombre conséquent de musiciens et de compositeurs dont malheureusement seul un petit nombre est passé à la postérité.
Nous nous sommes aussi attachés, dans ce chapitre particulier sur les musiques danubiennes, à découvrir, identifier, à localiser, quelques soient les époques et les genres, tout un répertoire éclectique, méconnu, ou connu localement, d’émouvantes chansons, lieder, danses, recueils et autres musiques et mélodies populaires inspirées par la présence du fleuve.
Parmi les institutions publiques danubiennes, la Bibliothèque Nationale Autrichienne de Vienne et son département des archives (corpus des chants populaires autrichiens) a mis en place depuis 1994 une banque de données qui ne cessent de s’enrichir et dans laquelle on trouve de nombreux Lieders et chansons populaires consacrés au Danube :
www.volksliedwerk.ad

Eric Baude pour Danube-culture, mis à jour octobre 2025, © droits réservés

Protégé : Danube, musiques et musiciens (II)

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Entre Inn et Danube, le splendide opéra épiscopal de Passau

Salle d’opéra (théâtre) des princes-évêques de Passau, photo droits réservés
   Cette superbe salle de bal épiscopale, logée au 2+4 Gottfried-Schäffer-Strasse, a été aménagée au XVIIIe siècle pour pouvoir y représenter des opéras dont les princes-évêques étaient friands. En 1883, la salle se métamorphosera en Théâtre municipal. Elle fait office aujourd’hui de salle du Théâtre de la région de Basse-Bavière, accueillant également dans sa programmation éclectique des opérettes, des comédies musicales ainsi que d’autres manifestations lyriques. Elle sert également de salle de concerts attitrée à la Philharmonie de Basse-Bavière.

    La Redoute est un bâtiment de deux étages juxtaposant le théâtre, et reliant celui-ci à la résidence épiscopale située au dessus. Elle fut construite à l’initiative du prince-évêque Johann Philipp Graf von Lamberg (1689-1712).

La Redoute avec ses jardins suspendus sur une gravure du XVIIIe

De magnifiques jardins suspendus furent aménagés sur son toit avec une succession de parterres de fleurs, des arbres, des arbustes exotiques et des fontaines musicales qui contribuèrent largement à leur réputation.

Le prince-évêque autrichien Joseph Franz Anton, comte d’Auersperg (1734-1795) la transforma ultérieurement en salle de spectacle. Les citoyens « ordinaires » de Passau furent alors autorisés à assister aux représentations, une grande nouveauté pour l’ l’époque.

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, décembre 2024

La Redoute de l’opéra épiscopal de Passau aujourd’hui, photo © droits réservés

« Le Danube blanc ondoie en silence  » ou la marche de Botev…

    C’est en apprenant l’exploit du révolutionnaire bulgare Hristo Botev (1848-1876) sur le Danube près de Kozloduy qu’Ivan Vazov compose ces vers. Le poète relate l’évènement dans ses mémoires : « Nous étions tous exaltés : les détails de cet entreprise audacieuse, semblant tout droit sortir d’une légende, circulaient de bouche à oreille. Profondément impressionné par cet cet évènement, j’ai écrit « Le Danube blanc et silencieux ondoie joyeusement » qui est devenu rapidement très populaire. Dans les cafés, les auberges les rues où nous nous rencontrions, nous discutions tout le temps du héros bulgare : toutes nos conversations commençaient et se terminaient avec cet incroyable exploit de notre compatriote révolutionnaire. Mon poème a ensuite été adapté pour en faire un chant patriotique. »

Ivan Vazov (1850-1921)

Le titre original du poème est en fait « Radetzky » du nom du bateau à vapeur autrichien de la D.D.S.G. commandé par le capitaine Dagobert Engländer à bord duquel Hristo Botev et ses hommes embarquèrent incognito le 16 mai 1876 depuis le port de Giurgiu, sur la rive roumaine puis qu’ils détournèrent et forcèrent à accoster le lendemain sur le rivage bulgare à Kozloduy pour les débarquer. Hristo Botev sera tué peu de temps après par les Ottomans sur le mont Okolshitsa le 1er juin 1876. Cette chanson patriotique, inspirée de ce poème comporte un nombre variable de strophes. La version originale en comptait plus de vingt.

Réplique du Radetzky construite en 1954, transformé en musée Hristo Botev sur le Danube à la hauteur de Kozloduy, photo droits réservés

   Hristo Botev et Ivan Vazov ont eu une relation intéressante. À l’âge de 15 ans, Vazov se rendit dans la ville de Kalofer où il fut engagé comme assistant du célèbre professeur Botio Petkov, le père de Hristo Botev. Le vieux Petkov s’est fait beaucoup du souci pour son fils qui avait été renvoyé du lycée d’Odessa. Ivan Vazov et Hristo Botev se rencontreront ultérieurement.

Mémorial de Hristo Botev à Kalofer, photo droits réservés

   La mélodie originale de cette chanson serait l’œuvre d’un compositeur bulgare anonyme. Certaines sources affirment que même l’auteur de la version musicale que nous connaissons aujourd’hui est également inconnu. Mais dans la biographie du musicien bulgare Ivan Karadzhov, il est mentionné que celui-ci aurait écrit la musique sur le poème d’Ivan Vazov.
Rebelle et personnage public, Ivan Karadzhov est né dans le sud-ouest de la Bulgarie occupée par l’Empire ottoman. Diplômé de l’École masculine bulgare de Thessalonique, il rejoignit l’Organisation révolutionnaire macédonienne interne qui luttait pour libérer de l’occupation turque les régions de l’ethnie bulgare en Macédoine. Il étudia par la suite à l’Ecole vocale impériale de Saint-Pétersbourg, dont il est sorti diplômé en 1902. C’est en 1909, alors qu’il est professeur de musique, qu’il aurait composé sa mélodie sur les vers d’Ivan Vazov. Cette chanson fut interprétée pour la première fois par la fanfare de son école ce qui lui attira de graves ennuis de la part des autorités turques.

« Le Danube blanc et silencieux ondoie joyeusement… »

Le Danube blanc et silencieux ondoie joyeusement
Et le Radetzky flotte majestueusement sur ses vagues d’or,

Mais Lorsque les rives de Kozloduy se montrent,
Une trompe sonne sur le bateau et un drapeau est brandit,

De juvéniles héros bulgares montrent leurs visages,
Leurs fronts ont la fierté du Lion, leurs regards sont plein de  ferveur,

Leur jeune chef se tient fièrement devant eux,
s’adressant au capitaine en tenant un couteau dans sa main,

Je suis un soldat bulgare, voilà mes hommes,
Nous allons nous battre pour la liberté, le sang coulera aujourd’hui,

Nous devons combattre pour la Bulgarie
Afin de l’aider à se débarrasser d’une pesante tyrannie…

https://youtu.be/L5Rd3qLljj0?feature=shared

Sources :
BELZOVSKA, Albena, « The history of  Still White Danube », BNR, Radio Bulgaria, 2015

Éric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour octobre 2024

Iosif Ivanovici

    I. Ivanovici s’initie dès l’ enfance à la flûte et pratique la musique en autodidacte puis s’enrôle à l’âge de 14 ans dans l’armée roumaine (6ème régiment),  fait son apprentissage militaire et ses études musicales à Galaţi avec le clarinettiste Alois Riedl  et à Iaşi avec Emil Lehr. Il exerce ensuite en tant que directeur d’harmonies militaires au bord du Danube puis se retire à Bucarest. Sa carrière culmine en 1900 lorsqu’il est nommé inspecteur général des musiques militaires roumaines, poste qu’il occupe jusqu’à sa mort en 1902.
I. Ivanovici, lauréat du Grand Prix de la Marche à l’Exposition Universelle de Paris en 1889 parmi 116 postulants, a composé plus de 350 oeuvres parmi lesquelles des fanfares, des marches, des valses, des chansons et divers potpourris (La vie de Bucarest, Un rêve sur la Volga, Nathalia, Abendtraüme, Der Liebesbote, Sur le bord de la Neva…). Elles sont souvent inspirées du folklore roumain et dédiées à des personnalités et des évènements de son époque tout comme à des villes et des fleuves d’Europe centrale et orientale. La plus grande partie de ses oeuvres, pourtant publiés par plus de 60 maisons d’édition, tombe dans l’oubli peu après sa mort à l’exception de sa valse Sur les flots du Danube. 
Sa pièce la plus célèbre,
 Valurile Dunǎri (Die Donau wellen, Sur les flots du Danube) en la mineur, a été écrite, lors de son séjour à Galaţi, pour l’un des ensembles militaires qu’il dirige (l’harmonie militaire du 11ème régiment du Seret (?). Il réalise également une version pour piano qui fut publié en 1880 à Bucarest par Constantin Gebauer (1846-1920), un éditeur d’origine autrichienne, fils d’un professeur de piano installé en Roumanie. I. Ivanovici dédie cette valse à la femme de celui-ci, Emma Gebauer. Des paroles sont ajoutées à la composition sur la suggestion de l’éditeur.

L’édition originale pour piano de la valse « Les flots du Danube »

Cette oeuvre  a été et est encore souvent confondue avec le cycle de valses Sur le Beau Danube Bleu de Johann Strauss junior. La version pour orchestre symphonique des Flots du Danube date de 1886. L’auteur de cette adaptation,  le compositeur et chef d’orchestre strasbourgeois Emile Waldteufel (1837-1915)2, la réalise à partir de la version pour piano. Cette adaptation sera révisée en 1977 par le violoniste, chef d’orchestre et compositeur Constantin Bobescu (1899-1992), né à Reni sur le bras de Chilia dans le delta du Danube, ville située aujourd’hui en Ukraine. C. Bobescu fut l’élève de Paul le Flem et de Vincent d’Indy à la Schola Cantorum de Paris.  

Un des nombreux arrangements des Flots du Danube avec des paroles en français, photo Danube-culture, droits réservés 

L’oeuvre a fait l’objet de nombreux autres transcriptions y compris pour des musiques de films et des chansons parmi lesquels celui singulier et aux tonalités sentimentales très kitsch des années soixante-dix, chanté en allemand dans un tempo très lent par l’icône pop tchécoslovaque de l’époque, Karel Gott :
https://youtu.be/GAc_zpHclRY

Autres oeuvres inspirées par le Danube et son contexte composées par I. Ivanovici :
Pe Dunăre (Mazurka)
Zâna Dunării (La fée du Danube)
Souvenir de Brăila (Quadrille)
Marche du 11ème régiment du Seret (Siret)

Marche du 11ème régiment du Seret, dédiée au colonel et également publiée à Bucarest chez Constantin Gebauer, archives de la Bibliothèque V.A. Aurechia de Galaţi (remerciements à V. Cilincǎ pour la photo).

Eric Baude, mis à jour mai 2024 © Danube-culture,  droits réservés

Sources :
Cosma, Viorel (2001). Muzicieni din România. Lexicon (vol. IV), Editura Muzicală, București.

Notes :
Certaines sources citent comme année de naissance 1844 et Alba Iulia comme étant sa ville natale.
(Charles)-Émile WALDTEUFEL (1837-1915), compositeur, pianiste et chef d’orchestre français né en Alsace à Strasbourg dans une famille de musiciens. Il étudie le piano avec sa mère, d’origine bavaroise puis il intègre la classe de composition d’Adolphe Laurent au Conservatoire de Paris. Il est nommé pianiste de la cour de Napoléon III en 1865 puis directeur des bals nationaux dont il dirige la musique à Paris et en province. Le compositeur se marie en 1871 avec la cantatrice Célestine Dufau. Présenté au prince de Galles (futur Edouard VII) après la guerre de 1870, il bénéficie de son soutien pour faire connaître ses oeuvres et les éditer en Angleterre, en particulier ses valses. Sa réputation s’étend jusqu’au delà du continent européen. Il refuse toutefois une invitation à New York en 1882 mais dirige à Berlin et Paris.
C’est en 1886 qu’il adapte  la version pour orchestre de la valse de Josif Ivanovici « Sur les flots du Danube ».
E. Waldteufel est l’un des compositeurs les plus populaires dans le genre de la valse aux côtés de la famille Strauss et de Carl Michaël Ziehrer.

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