Histoires et légendes de la navigation danubienne : le train de bateaux fantôme

 Friedrich Gauermann (1807-1862)

   Si la descente vers l’aval (Naufahrt) s’effectuait relativement facilement, à l’exception de conditions météo défavorables (brouillards, tempêtes, vents contraires, inondations…) et de certains passages délicats comme le franchissement des rapides de la Strudengau (Strudel, Wirbel), en aval de Grein et pour lesquels il était indispensable de faire appel à des pilotes locaux, il n’en était pas de même pour la remontée (Gegenwart ou Gegentrieb) du Danube, une remontée qui demandait en raison du courant, de la configuration des rives ou d’autres obstacles comme des éperons rocheux au sein même du lit du fleuve ou des bancs de sable, une force de traction et un équipement considérables que seuls des équipages de chevaux, menés par des hommes expérimentés, pouvaient assumer. De tels équipages ne pouvaient avancer que très lentement, effectuant de vingt à trente kilomètres par jour, de l’aube jusqu’à la nuit. À titre d’exemple, le trajet en amont de Vienne à Linz pouvait durer de 14 à 25 jours, de Linz à Passau de 6 à 8 jours, de Passau jusqu’à Regensburg, de 9 jusqu’à 15 jours ou encore de 10 à 12 semaines de Pressburg (Bratislava) à Rosenheim sur l’Inn avec de nombreux changements de rives à l’occasion desquels il était nécessaire de transporter les chevaux d’un bord du fleuve à l’autre. La Strudengau, en aval de Linz, avec sa mauvaise réputation pour les embarcations qui descendaient le Danube en raison de deux zones de rapides, s’avérait également difficile pour les convois de bateaux remontant le fleuve et leurs équipages. Il est bien évident que dans ces conditions, il était extrêmement extrêmement rare que des voyageurs s’aventurent à remonter le fleuve sur un train de bateaux, ce type de navigation étant réservés aux marchandises.

Friedrich Gauermann (1807-1862), chevaux de halage près d’une auberge, aquarelle

   Les « Zille » ou autres embarcations, y compris sur le Moyen et le Bas-Danube ottoman, furent tout d’abord tirées ou halées à partir du XIVe siècle par des prisonniers de guerre ou des condamnés auxquels se substituèrent par la suite des équipages de chevaux et ce jusque bien après l’invention de la navigation à vapeur. Ces trains de bateaux étaient encore nombreux au milieu du XIXe siècle : 136 équipages ont été encore comptabilisés en Haute-Autriche dans le petit village de Struden (rive gauche), en aval de Grein dans les années 1860, 11 en 1870, 84 en 1880, 31 en 1890 et 1 seulement en 1900). Ces convois pouvant atteindre une longueur totale de 400 à 500 mètres, portaient le nom, sur le Haut-Danube, de « Hohenhau » et son maître d’équipage qui pilotait les manoeuvres difficiles depuis la tête de l’équipage, celui de « Hohenauer » ou de « Vorreiter ». Les hommes qui exerçaient ce métier éprouvant et épuisant physiquement et qui les obligeaient à demeurer plusieurs mois hors de leur maison, à dormir dans des conditions souvent précaires et à risquer leur vie presque quotidiennement, ont été décrits comme des êtres frustres et brutaux. Le passage d’un tel train de bateaux à la remonte et de l’équipage d’hommes et de chevaux qui le halaient, ne pouvait passer inaperçu et a engendré plusieurs légendes comme celle du train de bateaux fantôme.

Stefan Simony (1860-1950), un équipage de halage à la hauteur de Dürnstein (Basse-Autriche), huile sur carton, 1886

   Dans la région de Wachau ou en Strudengau là où les rochers affleurant à la surface de l’eau, les tourbillons, les rives particulièrement escarpées rendaient autrefois le halage des lourdes embarcations vers l’amont pénible et dangereux, certains habitants entendaient certaines nuits d’hiver particulièrement sombres ou les jours de grand vent et de tempête, des hurlements sinistres, des claquements secs de fouets et le bruit énorme des sabots et des hennissements de chevaux. Ils savaient qu’il s’agit du passage du train de bateaux fantôme conduit par le « Hohenauer », condamné avec ses hommes pour avoir lancer des imprécations, appeler à l’aide le diable, s’être soulés et avoir été cruels envers leurs bêtes, à remonter éternellement le fleuve et à lutter contre le courant jusqu’à ce que le lit du Danube deviennent aussi sec que le sommet du mont Jauerling (sommet de 960 m situé en Wachau sur la rive gauche). Pour expier leurs fautes, le « Hohenauer »et son équipage devaient faire avancer leur convoi uniquement dans l’obscurité la plus noire. Les villageois des bords du Danube entendaient alors durant un long moment ces nuits-là, les voix lugubres des haleurs proférer les mêmes injures qu’autrefois, leurs rires sauvages se mêlant aux plaintes incessantes des chevaux effrayés et des claquements de fouets qui leur répondent.

Stefan Simony (1860-1950), Équipage de halage, huile sur bois, 1884

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour juin 2024

Le bac à fil (Rollfähre) Klosterneuburg-Korneuburg

    Ici, entre Klosterneuburg (rive droite) et Korneuburg (rive gauche) le «voyage» d’un bord à l’autre du beau Danube vert est bref : trois à cinq minutes selon le niveau d’eau qui détermine la vitesse du fleuve et par conséquence la durée de la traversée. Le capitaine peut rater de temps en temps par inadvertance ou parce qu’il dans un mauvais jour, sa manœuvre d’accostage à la surprise teintée d’une éphémère inquiétude de quelques passagers. Le bac revient alors en arrière, glisse dans le lit du fleuve puis se rapproche à nouveau lentement de la berge. Cette fois, l’amarrage est réussi. Piétons, cyclistes et automobilistes ont bénéficié de deux minutes de répit ou de grâce supplémentaires de traversée.

Inauguration du bac à fil Klosterneuburg-Korneuburg le 12 septembre 1935, photo d’archives

Il y a aussi des riverains qui prennent goût à traverser le Danube avec le bac. C’est  presque comme une drogue. Ceux-là ont envie d’osciller quotidiennement d’une rive à l’autre depuis l’aube jusqu’au dernier passage en soirée. La pause de fin d’automne et d’hiver (le bac ne circule pas également pendant les périodes de hautes eaux et d’épais brouillard1) qui dure de début novembre jusqu’en mars leur semble une éternité insupportable. Pas d’autre choix que d’emprunter un pont puisqu’il n’existe plus d’autre bac à la hauteur de Vienne. Il faut même aller loin, très loin en aval jusqu’au canal de Gabčikovo pour retrouver un bac. Mais la traversée d’un canal n’a rien de commun avec celle d’un fleuve, surtout le Danube. Et en amont on doit remonter désormais jusqu’aux bacs à fil de Weissenkirchen en Wachau et de Spitz/Danube qui ont été sans doute préservés grâce en partie aux touristes et aux cyclistes qui l’empruntent tout au long de la saison. Construire un pont tout comme un barrage (programmé dans les années glorieuses) en Wachau eût été aussi un geste architectural absurde au sein ce paysage préservé. Certains doivent encore en rêver. La Wachau et Dürnstein ont évité le pire sauf à Melk. Et puis que dire des murs anti-inondations qui défigurent les rives aux alentours des villages !

Le bac sur la rive droite, photo © Danube-culture, droits réservés

Avec les travaux de régularisation du Danube à la fin du XIXe siècle, les gués qui permettaient aux périodes de basses-eaux de traverser le fleuve à pied disparaissent définitivement. La géographie du fleuve est bouleversée, redessinée par des mains humaines conquérantes. La merveilleuse abbaye de Klosterneuburg se voit privée de « son » Danube qui  doit reculer plus au nord. Le bras du fleuve principal sépare désormais les deux villes de Klosterneuburg et de Korneuburg. Une liaison fluviale est établie en 1884 d’abord sous la forme d’une embarcation branlante composée de deux coques de bateaux surmontés d’une plateforme sur laquelle se tiennent les passagers, les charriots et les charrettes. Le pont volant, ainsi dénommé, est attaché à la rive avec un câble qui se tend dangereusement sous l’eau en travers du fleuve. Un projet de tunnel sous le fleuve est envisagé dans les années 1899/1900.  L’embâcle du rigoureux hiver de 1928/1929 fige le Danube de la Hongrie jusqu’à la Wachau, détruisant le fragile pont volant. Ne voulant pas se priver d’un lien essentiel avec l’autre rive, les municipalités de Klosterneuburg et de Korneuburg sont à l’origine de la mise en service du nouveau bac à fil à cette hauteur. Son inauguration officielle a lieu le 12 septembre 1935. L’abbaye de Klosterneuburg participa au coût de construction à la hauteur d’un tiers des dépenses. Le câble en travers du fleuve mesure 380 m de long, pèse 6 500 kilos et son diamètre est de 47, 5 mm.

Le bac à l’occasion du jubilé de ses 85 ans d’existence en septembre 2020, photo droits réservés

Le bac de Klosterneuburg-Korneuburg (PK 1941, 7)
   Il s’agit d’un bac à câble n’utilisant que le courant du Danube pour se déplacer de la  manière la plus écologique possible. Les deux moteurs hors-bord sont là uniquement que pour des raisons de sécurité et afin de pouvoir manœuvrer indépendamment du courant en cas d’urgence.
Pour qu’un bac à câble soit propulsé à travers un fleuve ou une rivière, deux forces distinctes doivent être combinées :
-la première force est exercée par la tension du câble en acier auquel le bac est suspendu de manière mobile. Le câble empêche le bac d’être emporté par le courant.
-le courant du fleuve est l’autre force qui agit sur le déplacement du bac. Pour que les deux forces puissent mettre le en mouvement, celui -ci doit être incliné par rapport au courant à l’aide  d’un gouvernail. La pression du courant pousse alors le bac à travers le fleuve grâce à la force qui en résulte.
La vitesse du bac à fil dépend ainsi de la force du courant et peut être influencée par l’angle avec lequel le capitaine place son bac par rapport au courant. La vitesse du courant du fleuve ne doit pas être inférieure à une certaine vitesse minimale comme c’est le cas par exemple dans la zone des lacs de retenue en amont des centrales électriques et également sur le Bas-Danube où la vitesse du fleuve ne permet pas à un bac à fil de fonctionner. Il n’existe pas d’autre bac de ce type en aval de celui reliant Klosteneuburg à Korneuburg. Les bacs de Weissenkirchen et de Spitz/Danube en Wachau sont du même type.
Le bac qui a été privatisé en 1994, peut transporter outre piétons, cyclistes et motos 4 voitures et accepte les véhicules jusqu’à une longueur maximale de 10,50 m. Le poids total ne doit pas dépasser 25 tonnes et le nombre de passagers 40 personnes.

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, novembre 2023

Notes : 
1 Le brouillard qui parfois efface la réalité du fleuve a joué un mauvais tour au bac qui est entré en collision le matin du 17 octobre 2017 avec un convoi qui descendait le Danube. Les autorités compétentes ont attribué l’origine de l’accident à une erreur d’appréciation du capitaine du bac.

Photo Danube-culture © droits réservés

Entre tourbillons et remous de la Strudengau

La plus ancienne mention des « Strudel » (tourbillons) de la Strudengau sous le nom de  »Paige » remonte à 926. Celle-ci est liée à la noyade de l’évêque Dracholf de Freising alors qu’il descendait le fleuve lors d’une expédition contre les Hongrois qui avaient envahi la Bavière.
Le mot « Paige » ou « Beuge » (coude) qu’on retrouve dans Persenbeug, village de la rive gauche du Danube à l’entrée du « Böse Beuge » (méchant méandre), rappelle qu’aux dangers des tourbillons et des remous s’ajoutait celui des brusques changements de direction du fleuve.

Persenbeug sur la rive gauche et le « böse Beuge » vers 1905, collection particulière

   C’est la raison pour laquelle jusqu’à la construction du barrage d’Ybbs-Persenbeug, les embarcations et les radeaux (Flösser) devaient faire appel à un pilote local pour les passages des tourbillons (« Strudel ») et des remous (« Wirbel ») de la Strudengau. Ce pilote était débarqué dès les obstacles franchis en aval du village de saint-Nicolas (Sankt Nikola, rive gauche). Les pilotes de Grein, de Struden ou de Sankt Nikola conduisaient d’abord l’embarcation vers le  »Kellereck », un mur rocheux vertical sur la rive gauche, en aval de la croix de l’île de Wörth, donnant ainsi l’impression de vouloir que le bateau se fracasse contre la paroi.

Adolphe Kunike (1777-1838), Sankt Nikola an der Donau, gravure d’après une peinture de Jakob Alt extraite de l’Album « Donau Ansichten » ,vers 1826, collection particulière

   Le courant tumultueux le long de la rive gauche permettait en fait de dévier l’embarcation de l’obstacle au dernier instant. Tous les bateliers et les radeliers présents à bord devaient alors pousser immédiatement de toutes leurs forces, à l’aide de leurs rames et de leurs perches, l’embarcation vers la rive droite afin qu’elle ne heurte pas un peu plus loin la rive gauche en aval de la forteresse de Werfenstein. À peine les embarcations avaient-elles dépassé celle-ci, qu’un nouvel exercice périlleux attendait les équipages. Il leur fallait cette fois promptement ramer vers la rive opposée pour ne pas s’échouer sur le sable du côté droit, au-dessus du rocher de Hausstein.

L’îlot et la forteresse de Hausstein avec les tourbillons

Pour les convois fluviaux la manoeuvre était encore bien plus compliquée. Après avoir passé le mur rocheux du « Kellereck », le bateau de tête devait virer brusquement à droite afin d’éviter que les autres embarcations du train de bateaux ne heurtent la rive gauche. Lors de ce brutal virement de bord, il arrivait que, sur les quatre cordes en chanvre reliant les bateaux du convoi les uns aux autres, une ou deux seulement, tendues au maximum, devaient tout d’un coup supporter toute la tension des efforts de traction. Aussi n’était-il pas rare dans ces circonstances que ces liens trop sollicitées se rompent. Les bateaux libérés devenaient ingouvernables malgré les bateliers à bord. Ils se mettaient à dériver au gré des courants, prenant l’eau en se cognant contre des obstacles rocheux jusqu’au moment où les hommes parvenaient à les faire échouer sur la rive droite. Il  arrivait également qu’un grave accident soit provoqué dans le passage des tourbillons par la rupture d’un gouvernail. Le signal d’alarme du bateau, un puissant sifflet à vapeur, retentissait alors en permanence, avertissant du danger toutes les embarcations qui s’approchaient. Cela incitait également les riverains à sortir de chez eux pour assister à ce spectacle et à venir en aide aux bateliers en cas de besoin.

Joseph Walcher : Nachrichten von den bis auf das Jahr 1791 an dem Donau-Strudel zur Sicherheit der Schiffahrt fortgesetzten Arbeiten nebst Anhang von der physikalischen Beschaffenheit des Donau-Wirbels (Nouvelles des travaux poursuivis jusqu’en 1791 sur les tourbillons du Danube pour la sécurité de la navigation, avec annexe sur la nature physique de ces tourbillons). Wien, Kurzbeck 1791, Anhang

Au printemps 1147, à l’occasion du départ de la deuxième croisade (1147-1149) des centaines de bateaux transportant des croisés quittèrent Ratisbonne (Regensburg) dont le pont de pierre venaient d’être juste construit entre 1135-1146) et sur lequel le roi de France Louis VII (1120-1180) et ses armées traversérent le Danube. Les croisés descendirent le fleuve en direction de la Terre Sainte. Mais ni le roi Conrad III de Hohenstaufen (vers 1093-1152) ni Louis VII ne prirent le risque d’affronter les tourbillons avec leurs armées et préfèrent utiliser la voie terrestre de la rive gauche, d’Ardagger jusque’à Ybbs.1
   Un autre convoi fluvial prestigieux traversa la Strudengau. Après la mort subite de son mari, François Ier de  Habsbourg-Lorraine (1708-1765), l’impératrice Marie-Thérèse (1717-1780) et son fils Joseph II (1741-1790), futur empereur, accompagnés de leur cour, descendirent l’Inn et le Danube vers Vienne avec une flotte de 22 bateaux.
Le nom du lieu-dit  »Freithof » ou « Friedhof » (cimetière) sur la rive septentrionale, rappelle encore aujourd’hui la dangerosité des tourbillons. Le lieu les voisinait. Il s’agissait d’une grande anse au milieu de laquelle les restes des bateaux et les noyés venaient souvent s’échouer. Son ensablement a été provoqué par la construction d’une digue en pierres provenant du dynamitage du rocher du « Hausstein ».
En général les pilotes assuraient un passage des tourbillons sans encombre mais les passagers étaient anxieux à leur approche et lorsque l’équipage se signait avant de les franchir, plus un seul des voyageurs ou des pèlerins à bord, n’osaient prononcer un seul mot. Les bateliers s’amusaient quelquefois à exagérer la dangerosité du passage. Cela leur permettait d’obtenir un généreux pourboire en aval. Plus la peur des passagers avait été forte, plus le pourboire était généreux ! C’est à cette peur que nous devons  la chanson « Als wir jüngst in Regensburg »(Lorsque nous étions jeunes à Ratisbonne !) qui date du XVIIIe siècle.2 Le duc Charles Alexandre avait envoyé aux sous-officiers méritants de son armée qui s’étaient installés dans le Banat après en avoir chassé les Turcs (1718), un groupe de jeunes femmes de Souabe et de Bavière destinées à devenir leur épouse. Le texte de la chanson décrit la joie malicieuse des bateliers racontant aux jeunes femmes que seule une vierge pure et innocente pouvait franchir aisément les tourbillons. L’unique jeune fille qui choisit de rester dans le bateau pendant que toutes les autres avaient mis pied à terre, fut emportée dans les flots par un ondin.
Les tourbillons et les récifs étaient d’autant plus dangereux que le niveau du fleuve était bas.

Tourbillons, rochers et navigation à la hauteur de l’île de Wörth, 1777

De nombreux rochers affleuraient dans le passage des tourbillons. Ces rochers étaient appelés « Kachlet ». Il y avait trois passages entre ceux-ci. Celui des « Waldwasser » (les eaux de la forêt) était particulièrement dangereux. Il était possible également d’emprunter le chenal de la « Wildriss » à travers les obstacles mais la force du courant emmenait les bateaux vers les rochers. Les pilotes utilisaient donc de préférence le passage appelé « l’eau du fleuve » ou « Strudel Kanal », situé près de la rive gauche de l’île de Wörth. Les bateaux étaient toutefois obligés de passer sur de nombreux rochers affleurant la surface qui étaient fortement abrasés par les grandes quantités de graviers charriés lors des crues et par les nombreux passages des bateaux et des radeaux. Les fonds des bateaux en bois, contrairement aux embarcations avec une coque en fer qu’on construisit par la suite, étaient très résistants. Il est  probable qu’on devait aussi de cette façon tenter de réduire la vitesse de navigation en frottant sur les rochers car cela permettait de s’éloigner plus facilement des tourbillons au pied de la forteresse de Werfenstein.

Le passage des Strudel en 1771

Le passage le plus redouté était celui des rochers « Meisenkugel », « Wolfskugel » et « Roß ». Les bateaux qui naviguaient vers l’aval devaient donc faire étape à Grein. Il fallait décharger autant de marchandises que possible jusqu’à ce que le tirant d’eau du bateau permette la traversée des tourbillons sans trop de difficultés. Les habitants de Grein se chargeaient de cette opération et du transport des marchandises par la route de la rive pour les recharger au-delà. Cette tâche avec le travail des pilotes, fit leur fortune et celle de la petite ville. Les enseignes des auberges (À la croix dorée, À la couronne dorée…) témoignent encore aujourd’hui de cette période faste de l’histoire de Grein. Les écuries près de la maison du capitaine, aujourd’hui l’Auberge de la poste, accueillaient parfois jusqu’à quarante paires de chevaux des équipages de halage.
Le vin était avec le sel et le bois une des principales marchandises transportées par les bateaux et les radeaux. En 1627, à l’époque de la guerre de Trente Ans, plus de 800 dreilings (probablement des tonneaux à trois seaux) sont passés par le péage de Linz.
Pour éviter que les bateaux montant et avalant ne se croisent à la hauteur des tourbillons, il existait dès les temps les plus anciens un système de navigation. Mais c’est à partir du XVIIIe siècle que la navigation s’est organisée. Pour signaler un bateau qui remontait le fleuve avec un équipage et traversait les tourbillons on plantait des drapeaux en aval du « Greiner Schwalles »et en amont de « Saurüssel ». Dès que le bateau remontant arrivait à la hauteur du Rabenstein les drapeaux étaient enlevés. Les équipages qui hélaient les convois avec leurs chevaux et leurs équipements vers l’amont, devaient traverser à plusieurs reprises le fleuve en Strudengau pour arriver à Grein ce qui représentait une difficulté considérable sans aucune alternative. Le cortège suivait le chemin de halage sur la rive droite d’Ybbs jusqu’à Hausstein, effectuaient une première traversée à travers les tourbillons jusqu’à l’île de Wörth.

Stefan Simony, 1886, Train de bateaux près de Dürnstein. Le halage des convois de bateaux dans la Strudengau présentait de nombreuses difficultés et obligeaient les équipages à changer trois fois de rives. 

Une deuxième traversée étaient nécessaire pour parvenir jusqu’à Grein.
Les premières tentatives pour améliorer le passage des tourbillons remontent également au XVIIIe siècle. En 1768, les États de Haute-Autriche ont versé 300 florins au « Lergetporer » du Tyrol pour faire sauter un rocher dans les tourbillons à titre d’essai. Ce n’est qu’avec la création d’une Direction Impériale de la Navigation, en 1774, que les choses s’accélèrent. En raison des nombreux accidents de bateaux pendant l’année 1777, la régulation des tourbillons fut ordonnée par un décret gouvernemental du 25 octobre de la même année. Lors de la première visite de la commission, le 30 octobre 1777, un bateau chargé de tonneaux vides se trouvait coincé depuis trois jours sur un rocher au milieu des tourbillons, sur la « Wolfskugel », et un autre bateau chargé de tonneaux pleins sur la « Maißenkugel ». Ces deux rochers furent détruits dès le mois de décembre. On fit sauter ensuite les rochers du « March » et du tricorne. Avec la destruction des rochers, on s’aperçut que le niveau de l’eau sur les obstacles restants diminuait. Au fur et à mesure que le niveau de l’eau baissait, de nouveaux rochers plus en profondeur apparaissaient, rochers que l’on ne connaissait pas auparavant. D’énormes quantité de pierre durent être enlevées jusqu’à ce que l’on puisse, au bout de quatre ans, estimé qu’on avait atteint l’objectif provisoire de construire un chenal fiable de quatre pieds de profondeur dans ce passage. C’était suffisant pour la navigation à cette période. Dans de nombreux autres endroits du cours du Danube, il existait des passes d’une profondeur identique. En 1777, le canal peu profond de la rive droite fut également élargi près de l’îlot de Hausstein, de telle sorte qu’en cas de niveau d’eau supérieur, il soit possible d’y faire circuler des bateaux. Il n’était pas toutefois vraiment possible d’approfondir ce canal car il aurait alors attiré d’importantes quantités d’eau et les bateaux remontant le fleuve  seraient venus s’écraser sur les rochers de l’îlot de Hausstein. Des dessins très précis des tourbillons et des remous ont en partie été publiées dans les rapports de la direction de la navigation de cette époque.

Drague pour le dérochement, gravure du XVIIIe siècle, collection particulière

Les travaux d’amélioration de la navigation en Strudengau se sont poursuivis jusqu’en 1792. Ces travaux n’avaient lieu qu’en hiver au moment où la navigation était interrompue jusqu’en mars en raison du faible niveau d’eau et de la possible formation d’embâcles de glace. Cette navigation fluviale fut longtemps le seul moyen de transport entre Grein et Krems jusqu’à l’ouverture d’une ligne de chemin de fer en octobre 1909. Elle n’était possible qu’à partir du mois de mars et se terminait au mois de novembre. C’est à l’occasion de ces travaux que le mur du « Kellereck » a pu être repoussé de 10 mètres en arrière.
La Direction de la navigation édicta un règlement de navigation selon lequel les voyages vers l’amont devaient être déclarés au bureau de péage du hameau de Struden (rive gauche). Celui-ci envoyait un messager planter des drapeaux à Grein pour prévenir d’un bateau ou convoi remontant.
Les équipages de halage recevaient un salaire en fonction du nombre de chevaux nécessaires. Impossible de franchir les tourbillons sans leur aide. Les embarcations étaient constamment attirés contre les rochers du « Kachlet » par un fort courant qui les éloignait des rives. Il fallait toujours tendre outre la corde principale, une seconde corde, qui permettait de maintenir les bateaux non loin de la rive. Six chevaux tiraient en principe cette corde. On utilisait également une autre corde en plus de celle-ci. Une seule corde était normalement suffisante pour tirer mais cette seconde corde était destinée à assurer la sécurité des chevaux en cas de problème. Il pouvait arriver que les chevaux, lors d’une d’augmentation brutale de la force du courant, soient tous entraînés dans le fleuve. Un tel danger existait partout où il fallait contourner un méandre. En aval du méandre, dans la partie plus calme, la manoeuvre ne posait pas trop de difficulté. Mais dès que la proue d’un bateau avait franchi le méandre et qu’elle était saisie par un puissant courant, les chevaux devaient tirer de toutes leurs forces. C’était le moment le plus délicat. Les haleurs avaient toujours un outil tranchant à portée de main afin de pouvoir sectionner la corde en cas de difficulté et sauver au moins leurs chevaux.
En septembre 1837, le premier bateau à vapeur, le « Maria Anna », traversa les tourbillons à contre-courant en direction de Linz. Comme il s’agissait d’un bateau en bois, il n’y avait rien à craindre en cas d’échouage, d’autant plus que le tirant d’eau du « Maria Anna » n’était que de 0,87 m. Mais sans l’aide d’un « Kranzler » (crémaillère), le bateau n’aurait pas réussi à franchir ces passages, sa force de propulsion n’étant que de 60 CV.

Le Maria Anna, premier bateau à vapeur de la D.D.S.G. à assurer la liaison entre Vienne et Linz

Lorsque les coques des bateaux furent ultérieurement construites en fer et que le tirant d’eau augmenta, on dut se résoudre une nouvelle fois à améliorer le passage des tourbillons. Finalement, la nécessité d’une amélioration définitive des conditions de navigation s’imposa. Il fallait avant tout supprimer l’îlot de Hausstein. Les tourbillons étaient particulièrement dangereux lorsque le niveau d’eau était élevé. Le diamètre de leur cercle était de 15 mètres et la vitesse de rotation augmentait à mesure qu’on s’approchait du centre dont la surface se trouvait environ 1,5 m en dessous de l’é-extérieur. Les travaux de régularisation durèrent de 1853 à 1866. Avec les débris des rochers, on construisit une digue en pierre qui se prolongeait en amont sur la rive droite jusqu’au passage du « Hößgang ». La suppression de l’îlot rocheux perpendiculaire au fleuve entraîna la disparition de l’effet de barrage. Le niveau de l’eau baissa donc dans les tourbillons et de nouveaux dynamitages furent nécessaires pour réapprofondir  une nouvelle fois les chenaux.
Même après 1866, les bateaux à vapeur qui remontaient le fleuve avaient besoin d’une aide pour traverser les tourbillons. En 1871, 150 convois vides et 276 pleins remontèrent vers Grein. Pour les aider, 4718 chevaux, 1996 bœufs et 5150 hommes furent nécessaires. Les bateliers devaient déterminer eux-mêmes la quantité d’aide et de chevaux dont ils avaient besoin. Les demandes étaient adressées au responsable d’une station de signalisation installée à Isperdorf. De là, elles étaient transmises par télégraphe, puis par téléphone, à la station de signalisation de Struden. Ce n’est qu’au cours du XXe siècle que le poste d’Isperdorf fut abandonné.
En raison de l’abaissement du niveau de l’eau dans les tourbillons suite à l’explosion de l’îlot du Hausstein et aux travaux de régulation, le bras de Hößgang s’est de plus en plus ensablé. D’après les souvenirs du Dr. Alois Topitz, le « Maria Valeria » a été le dernier bateau à pouvoir remonter par ce passage après les inondations de 1899.

Eric Baude pour Danube-culture, d’après le récit du Dr. Alois Topitz (1966), mis à jour novembre 2023, © droits réservés

Notes :
1 On lira avec intérêt l’ouvrage sur une croisade ultérieure sur le Danube de Joanna Baretto (traduit du moyen français et présenté par), Jean Wavrin (XVe siècle), La croisade sur le Danube, Collection Famagouste, Éditions Anarchis, Toulouse, 2019,
« Als wir jüngst in Regensburg ». (Lorsque nous étions jeunes à Ratisbonne !)

Lorsque nous étions jeunes à Ratisbonne,
nous avons traversé les tourbillons.
Beaucoup de femmes voulaient partir.
Des demoiselles souabes, bavaroises, juchheirasa,

Et une jeune fille de douze ans a traversé le tourbillon avec nous ;
Parce qu’elle était encore pure et innocente,
De son haut château dans la montagne, elle s’était mise en route.
arrivant sur un fier cheval noir

La Noble Mademoiselle Kunigund,
voulait traverser en bateau les tourbillons.
Batelier, mon cher batelier, dis-moi
Est-ce que c’est si dangereux demanda t-elle.

Batelier, dis-le-moi franchement,
Est-ce si  si dangereux qu’on le dit ?
Et le batelier lui répondit :
celle qui a gardé sa couronne de myrtes,

passe de l’autre côté, heureuse et en sécurité ;
Celle qui l’a perdue est destinée à mourrir.
Quand ils arrivèrent au milieu des tourbillons
Un grand ondin arriva à la nage,
Il prit la demoiselle Kunigund,
et l’emmena au fond du tourbillon.

Sources :
Alois Topitz: « Denkwürdiges vom Greiner Strudel und Wirbel.«  In : Oberösterreichische Heimatblätter, 26. Jahrgang, Linz 1972, S. 5–16

Radeau en Strudengau (1935)

Radeau en Strudengau (1935), collection particulière

Navigation de plaisance sur le Danube : autorités de référence, cartes, sites d’informations, ports de plaisance…

Autorités de référence pour la navigation sur le Danube

Pour naviguer sur le Danube il faut avoir sur le bateau un certains nombres de pièces officielles (permis de navigation international, certificat radio…) qui vous seront demandées et que vous devrez présenter aux autorités du territoire sur lequel vous entrerez. Mieux vaut prévoir d’avoir les pièces nécessaires en plusieurs exemplaires. N’oubliez pas également une pièce d’identité.  

Sources Commission du Danube

Allemagne
De Kelheim jusqu’à la frontière autrichienne :
Wasser – und Schifffahrtsamt Regensburg (Office de l’eau et de la navigation de Regensburg)/ Postfach 101019, 93010, Regensburg
Tel. : 0941/810 90
wsa-regensburg@wsv-bund.de

Autriche
Ministère Fédéral pour la Circulation, l’Innovation et les Technologies, Direction de la Navigation
Radetzkystrasse 2, A-1030 Wien
Tel. : 0043/1/711 62 65 59 03
w2@bmvit.at
www.bmvit.gv.at

Via Donau, Österreischiche Wasserstraßen-Geselleschaft (Société des Voies Navigables Autrichiennes)
Via Donau assure la gestion des écluses et l’entretien du chenal pour la navigation sur le parcours autrichien.
Donau-City-Straße 1 A-1220 Wien
Tel. : 0043/50/43/21 10 00
office@via-donau.org
www.via-donau.org
Via Donau a également mis en place un remarquable système d’informations pour la navigation sur le fleuve : consultation indispensable avant et pendant la croisière sur le Danube autrichien.

www.doris.bmvit.gv.at (allemand-anglais)

Slovaquie
Autorité de référence pour la navigation sur le Danube slovaque :
Agence d’État de la Navigation de Bratislava
Pristavna, n°10, 821 09 Bratislava, Slovaquie
info@sps.sk

Hongrie
Közlekedesi Föfülgelyet (Bureau de la navigation)
Cedex 102, H 1389 Budapest 63
office@nkh.gov.hu

Croatie
Ministarstvo Pomorstva, Prometa I Veza (Ministère pour la Navigation, la Circulation et les Communications)
Prisavlje 14, HR – 10000 Zagreb
info@mmpi.hr

Serbie
Plovput, Direkcije za vodne puteve (Département pour la Navigation Commerciale)
Francuska 9, RS-11000 Belgrade
Tel. : 00381/11/302 98 00
www.plovput.rs
www.dunav-info.org

Bulgarie
Ministère des Transports et des Communications, Administration maritime
Pristanishtna ul. Ruse 20, BG – 7000 Ruse
Tel. : 00359/02/930 0910
bma@marad.bg
www.marad.bg

Roumanie
Capitainerie du port de Galaţi
Tel. : 00/40/236 46 06 44
www.portgalati.com

Cartes nautiques

www.verberght.be

Wassersport – Wanderkarte Österreich (5), Karte 2 Donau, Passau-Bratislava (1/75 000), Jübermann-Kartographie u. Verlag, 2006, Uelzen, Allemagne
www.juebermann.de
Pour le Danube autrichien uniquement

Un excellent matériel cartographique complémentaire avec de nombreux détails, le kilométrage, les barrages, la vitesse des courants mais plutôt à destinations des canoéistes et kayakistes. En langue allemande.

Autres sites d’information sur le Danube et la navigation

Commission du Danube, Budapest
www.danubecommission.org

Forum d’information sur le Danube (en allemand)
Forum allemand donau-boote

Automobile club allemand, brochure sur le Danube (en allemand)
www.adac.de

Cercle bavarois de bateaux de plaisance
www.bmyv.de

Cercle autrichien de bateaux de plaisance, de sports et d’excursions en mer
www.msvoe.at

 Journée internationale du Danube qui a lieu conjointement dans tous les pays traversés par le fleuve
www.danubeday.org

Guides nautiques 

Commission du Danube, Indicateur kilométrique du Danube, Éditeur Commission du Danube, Budapest, 2010.
Ce document (doc. CD/SES 73/8) est publié en vertu du point I.3 du Plan de travail de la Commission du Danube pour la période du 29 mai 2009 jusqu’à la Soixante-quatorzième session, adopté par la Soixante-douzième session de la Commission du Danube (doc. CD/SES 72/20).
Disponible à la Commission du Danube (sous réserve). Publication réalisée dans les trois langues de la Commission du Danube (allemand, russe et français). Il faut de préférence se procurer les mises à jour auprès de la Commission du Danube quand elles sont disponibles…
www.danubecommission.org

Melanie Haselhorst, Kenneth Dittmann, Die Donau, Von Kelheim zum Schwarzen Meer, (en allemand), Edition Maritim, Führer für Binnengewässer,  deuxième édition, Hambourg, 2019 
Un ouvrage (en allemand) détaillé et mis à jour pour s’informer des conditions de navigation sur le Danube. Informations touristiques et culturelles complémentaires.

Die Donau, Handbuch für die sportschifffahrt (en allemand), ouvrage collectif, Freytag & Berndt, Reisebuchhandlung, Wien, Autriche
Carnets de navigation sur le Danube allemand, autrichien, slovaque et hongrois très précis, complété et mis régulièrement à jour (en allemand).
www.freytagberndt.at

Rod Heik, The Danube : A River Guide (en anglais), 1991

Guido Egidio Cattaneo,The Danube Delta, Nautical Information (en anglais), Edizioni il Frangete, Verona, 2010
www.portolanodanubio.it
Des informations détaillées et très complètes pour naviguer dans le delta du Danube. Version en langue française disponible en pdf.

Tableaux des niveaux d’eau minimaux et maximaux autorisés pour la navigation 

En descendant le fleuve de Kelheim à la mer Noire

Danube allemand
Oberndorf, PK 2397, 38 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 1, 70 m
Hauteur d’eau maximale : 4, 80 m

Regensburg-Schwabelweis, PK 2376, 49 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 2, 92 m
Hauteur d’eau maximale : 5, 20 m

Pfatter, PK 2350, 69  (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 3, 10 m
Hauteur d’eau maximale : 6, 00 m

Pfelling, PK 2305, 53 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 2, 90 m
Hauteur d’eau maximale : 6, 20 m

Hofkirchen, km 2256, 86  (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 2, 07 m
Hauteur d’eau maximale : 4, 80 m

Passau-Donau, PK 2226, 70 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 4, 14 m
Hauteur d’eau maximale : 7; 80 m

Danube autrichien
Wilhering, PK 2144, 31 (rive droite)
Hauteur d’eau minimale : 2, 40 m
Hauteur d’eau maximale : 7, 16 m

Mauthausen, PK 2110, 98 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 3, 80 m
Hauteur d’eau maximale : 5, 47 m

Ybbs, PK 2058, 79 (rive droite)
Hauteur d’eau minimale : 1, 90 m
Hauteur d’eau maximale : 5, 24 m

Kienstock, PK 2015, 21 (rive droite)
Hauteur d’eau minimale : 1, 77 m
Hauteur d’eau maximale : 6, 24 m

Korneuburg, PK 1941, 46 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 1, 96 m
Hauteur d’eau maximale : 5, 37 m

Wildungsmauer, PK 1894, 72 (rive droite)
Hauteur d’eau minimale : 1, 73 m
Hauteur d’eau maximale : 5, 76 m

 Si le niveau de l’eau est supérieur de 90 cm à la hauteur d’eau maximale la navigation est dans tous les cas interdite sur le Danube autrichien.

Danube slovaque
Bratislava, PK 1868, 75 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 2, 53 m
Hauteur d’eau maximale : 6, 42 m

Medvědov, PK 1806, 40 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 1, 00 m
Hauteur d’eau maximale : 5, 45 m

Danube hongrois
Komárom, PK 1768, 30 (rive droite)
Hauteur d’eau minimale : 0, 60 m
Hauteur d’eau maximale : 5, 90 m

Esztergom, PK 1718, 60 (rive droite)
Hauteur d’eau minimale : 0, 38 m
Hauteur d’eau maximale : 5, 36 m

Budapest, PK 1646, 50 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 0, 80 m
Hauteur maximale : 6, 68 m

Bezdan, PK 1425, 50 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 0, 51 m
Hauteur d’eau maximale : 5, 96 m

Danube serbe
Apatin, PK 1401, 30 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 1, 05 m
Hauteur d’eau maximale : 6, 65 m

Danube croate
Vukovar, PK 1333, 10 (rive droite)
Hauteur d’eau minimale : 0, 73 m
Hauteur d’eau maximale : 5, 70 m

Danube serbe
Novi Sad, PK 1255, 10 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 0, 80 m
Hauteur d’eau maximale : 5, 99 m

Zemun – Belgrade, PK 1173, 00 (rive droite)
Hauteur d’eau minimale : 2, 23 m
Hauteur d’eau maximale : 6, 36 m

Danube roumain
Calafat, PK 795, 00 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 0, 50 m
Hauteur d’eau maximale : 7, 02 m

Danube bulgare
Lom, PK 743, 00 (rive droite)
Hauteur d’eau minimale : 1, 74 m
Hauteur d’eau maximale : 7, 95 m

Danube roumain
Bechet, PK 679, 00 (rive gauche)
Hauteur minimale : 0, 42 m
Hauteur maximale : 6, 83 m

Danube bulgare
Ruse, PK 495, 60 (rive droite)
Hauteur d’eau minimale : 1, 07 m
Hauteur d’eau maximale : 7, 83 m

Danube roumain
Giurgiu, km 493, 00 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 0, 44 m
Hauteur d’eau maximale : 7, 07 m

Danube bulgare
Silistra, PK 375, 00 (rive droite)
Hauteur d’eau minimale : 0, 86 m
Hauteur d’eau maximale : 7, 17 m

Danube roumain
Cernavodǎ, PK 300, 00 (rive droite)
Hauteur d’eau minimale : 0, 35 m
Hauteur d’eau maximale : 6, 04 m

Galaţi, PK 150 (rive gauche)
Hauteur minimale : 0, 52 m
Hauteur d’eau maximale : 5, 53 m

Danube-culture, mise à jour octobre 2023

De Ratisbonne à Vienne sur le Danube avec un coche d’eau ou radeau ordinaire à la fin du XVIIIe siècle

  L’embarcation qui va nous transporter en aval du Danube a environ cent vingt pieds de long. Elle est complètement plate, sans voile ni mât et construite en bois de sapin. Il y a une sorte de grosse cabane au milieu de celle-ci. Au lieu d’un grand gouvernail, on voit deux longues rames à l’avant et deux autres à l’arrière, qui sont maniées par six à huit membres d’équipage. Un jeune apprenti peut très bien s’engager comme rameur et se rendre ainsi à Vienne sans payer quoi que ce soit. Le maître d’équipage est l’un des vingt-quatre patrons bateliers de Ratisbonne. Chaque dimanche, on tire au sort lequel d’entre eux conduira le coche d’eau vers Vienne. Celui-ci ne doit pas seulement être d’une grande habilité à la manoeuvre comme le prouve son statut de patron batelier, mais il doit aussi être marié, car on estime qu’un père de famille est plus consciencieux et plus prudent qu’un célibataire. Il n’est effectivement pas facile de mener à bon port ce type d’embarcation à travers les nombreux bas-fonds, les ponts et les autres obstacles qui jalonnent le fleuve.
Les bateliers sont vraiment des gens particuliers, des hommes avec une grande force physique, rudes, sauvages mais  toujours proches de la nature dans le meilleur sens du terme, habiles, dévoués corps et âme à l’eau et fiers de leur métier. Ils sont d’ailleurs si fiers d’être bateliers qu’on peut qualifier leur corporation de véritable dynastie. Celui qui, en tant qu’habitant de l’île de Wöhrd [île de Wörth], se rend impopulaire auprès d’eux d’une manière ou d’une autre, peut au mieux faire son baluchon et quitter les lieux. On raconte qu’un des bateliers de Ratisbonne nommé Gottlieb Naimer, attrapait ses ennemis par le col, les maintenait au-dessus du Danube avec ses bras d’ours et menaçait de les y jeter s’ils ne quittaient pas l’île de Wöhrd au plus vite. Il aurait aussi, en d’autres occasions, sauvé plus de vingt personnes de la noyade.
    Toujours parmi ces bateliers de Ratisbonne, un des plus originaux était un membre de la famille Hörndl, surnommé « Hörndl le noir » car son visage et ses mains étaient brûlés par le soleil. D’après les propos d’un certain Hoffmeister (intendant) distingué qui voulait l’avoir comme maître d’équipage supplémentaire, celui-ci était une brute indomptable qui se moquaient des  bonnes manières. Son injonction à la traditionnelle prière au moment du départ en tant que responsable du radeau, était plus que cordiale : « Tust’s die Hat runter und bet’s, sonst kimm’ i euch ! » (Enlèves ton chapeau et prie sinon gare à toi !). Malgré les nombreux dangers afférents à la navigation, tous ces bateliers téméraires du Danube sont morts dans leur lit, enfin pour autant que l’on sache.

Une zille passant le rocher du Jochenstein sur le Haut-Danube, gravure de William Henry Bartlett (1809-1854), 1844

   Ces voyages en radeau sont à chaque fois une sacrée aventure ! Chaque départ a quelque chose à la fois de « remarquable et de solennel », comme le décrit un voyageur en 1792. Une foule bigarrée de promeneurs et de badauds se donne rendez-vous pour assisterSà ce spectacle. Deux jeunes bateliers inspectent le bateau pour s’assurer que sa construction et son aménagement répondent aux exigences du long voyage, deux autres vérifient également l’embarcation à leur tour encore une fois avant de détacher les amarres du poteau sur la rive. Deux coups de canon donnent le signal du départ. Le maître d’équipage, qui surveille tout le monde, enlève son chapeau et récite à haute voix le « Notre Père ». Tous sans exception, voyageurs et spectateurs se joignent à la prière afin que Dieu et les éléments soient miséricordieux envers l’embarcation et la protègent ainsi que ses passagers tout au long du voyage.
Il faut un peu plus tard le premier jour aux passagers se préparer à passer une première nuit à environ vingt-cinq kilomètres en aval de Ratisbonne. Et si quelqu’un n’a pas prévu de sac de couchage ou s’il l’a oublié, il peut  soit rester sur l’embarcation , soit se réfugier dans quelque ferme-auberge qui ne sont pas du tout aménagées pour les voyageurs. En général, le coche d’eau ordinaire arrive à Vienne en dix jours. Si le patron batelier raccourcit les temps de repos, évite la soi-disante « Fête du vent » et si le coche d’eau n’est pas trop longtemps retenu par la douane autrichienne, on peut espérer arriver à destination dès le sixième jour. Ceux qui peuvent s’offrir un petit coche d’eau privé, font le voyage en deux fois moins de temps.

Sources :
Siegfried Färber (1910), extrait de Die Donau in Bayern und Österreich, Landschaft und Kultur, Verlag Joseph Haber, Regensburg, 1963

Traduction et adaptation en français Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, août 2023 

Le comte hongrois Ödön Széchenyi (1839-1922) et l’épopée fluviale de la « Sirène »

« Le port voisin du Champ de mars recevra au printemps prochain des steamers de toutes les parties du monde. On en a annoncé des États-Unis, de Suède et d’ailleurs. D’après le « Fremdenblatt » de Vienne, il en viendrait un de Pesth en Hongrie. En effet, le comte Széchényi aurait demandé au Gouvernement français la permission d’utiliser, pour son steamer, le canal du Rhin à la Marne. Il irait de Pe[s]th à Kehlheim, se rendrait par le Ludwigkanal dans le Rhin en passant par le Main, affluent de ce fleuve. De Strasbourg, il se dirigerait vers Nancy, et de là vers le confluent de la Seine et de la Marne… »
La Science pittoresque, 10 janvier 1867

Cet extraordinaire exploit fluvial européen d’Ödön Széchenyi, est pourtant relativement tombé dans l’oubli et ce pour plusieurs raisons : le Le 8 Juin 1867 a lieu à Pest le couronnement de l’Empereur François-Joseph de Habsbourg comme « Roi Apostolique de Hongrie » sous le nom de Ferenc-Josef. Le même jour, contrairement à la tradition qui veut que la reine ne soit couronnée que le lendemain, sa femme Elisabeth devient reine de Hongrie sous le nom d’Erzsébet. Il se peut aussi que le destin et les activités du comte Ödön Széchenyi en tant qu’infatigable organisateur des services d’incendie de Pest, de Hongrie, d’Istanbul (il sera élevé au titre de Pacha par le sultan Abdulaziz) et de ses nombreuses autres activités1, ont peut-être aussi contribué à marginaliser son extraordinaire périple fluvial accompli à l’âge de 28 ans.

Le comte Ödön Széchenyi (1839-1922), Pacha de l’Empire ottoman et général de la Turquie impériale

Le comte s’est consciencieusement préparé à ce voyage inédit depuis plusieurs années en acquérant non seulement des connaissances scientifiques avec l’aide de ses professeurs de l’université, mais aussi en naviguant, en obtenant son diplôme de capitaine et en effectuant trois allers-retours entre Budapest et Galaţi sur les vapeurs « Hildegard » et « François-Joseph ». Ses connaissances acquises en matière d’ingénierie, d’hydrographie et de navigation lui seront précieuses pour accomplir son périple fluvial de 2 000 kilomètres entre Budapest Paris. Il fait construire un bateau à vapeur avec une coque en fer, longue de 20 mètres, large de 2,33 mètres et d’un tirant d’eau de 0,56 mètre qu’il baptise du nom de « Hableány ». Ce navire à vapeur (chaudière à charbon) et à et à roues à aube, d’une forme lui permettant de naviguer sur des rivières et des canaux étroits, conçu par Adolf Höcher dans le chantier naval de József Hartmann à Újpest et propulsé par un moteur de 8 à 10 chevaux fonctionnant avec une pression de 4 atmosphères sera prêt à naviguer dès le novembre 1866. Le steamer est peint en blanc avec des moulures et des ornements dorés. L’installation intérieure est des plus confortables avec un salon meublé de divans, un piano (Ödön Széchenyi est musicien et compose), une bibliothèque, une chambre à coucher et une cuisine.

L’arrivée de l’Hableány à Paris le 18 mai 1853 

 

L’aristocrate hongrois écrit dans son journal de l’Hableány  : « J’ai été inspiré par l’idée que, sur les traces bénies de mon bienheureux père, je devrais moi aussi, selon mes maigres talents, favoriser le bien-être matériel de notre pays, mettre notre pays en communication avec les États de l’extrême Ouest de l’Europe par une voie d’eau qui existe déjà, mais qui est peu ou méconnue. Et, pour l’immense développement de notre industrie agricole, ouvrir à nos produits nationaux une voie de transport à la mesure de la demande étrangère qui est gratifiante et s’accroît chaque jour. Pour atteindre cet objectif grand et sacré, n’épargnant ni effort ni dépense, d’une part, et ne tenant pas compte des frayeurs venant de tant de côtés, d’autre part, je me mis à travailler avec une détermination inébranlable aux préparatifs de mon voyage, qui devait être prometteur mais dont la réussite était incertaine. Tout d’abord, on  construisit un bateau d’une taille adaptée aux rivières et canaux les moins profonds et les plus étroits, tant en longueur qu’en profondeur et en largeur… »

Journal de l’Hableány du comte Ödön Széchenyi, publié à Pest en 1867

S’il en est lui-même le capitaine, Alajos Folmann, président du club nautique Egyetértés de Pest en est le timonier. L’équipage modeste de cinq personnes comprend outre les deux hommes, un ingénieur, un mécanicien et un tout jeune cuisinier. Le départ du port d’hiver d’Újpest pour Paris a lieu au début du printemps, le 6 avril 1867.
Le voyage de deux mille kilomètres du « Hableány » va durer 43 jours. Quatre jours de navigation plus tard, le bateau arrive Bratislava le 10 avril, non sans avoir réussi à négocier la montée des eaux du Danube qui inondent la Petite Plaine avec l’aide du remorqueur Orsova. Malgré un incident à Vienne, c’est, deux semaines plus tard, la frontière allemande (Passau, 25 avril). Parvenu à Kelheim en Bavière le 28 avril, le « Hableány » navigue pendant trois jours sur le Ludwigkanal, inauguré en 1845, un ouvrage qui relie le Danube au Rhin via le Main. Celui-ci les conduit à Bamberg puis à Francfort. À Francfort, des hommes avertissent l’équipage que le bateau ne pourra pas naviguer sur le Rhin sans courir de grands dangers et ils lui conseillent de faire appel à un remorqueur. Le comte Széchenyi, plein de confiance dans le courage et la persévérance de ses équipiers et dans l’excellence de son moteur, dédaigne ces conseils et continue sa route (La Petite Presse, 23 mai 1867). Après avoir remonté le Rhin jusqu’à la hauteur de Strasbourg où ils arrivent le 6 mai, le bateau s’engage sur le canal de la Marne au Rhin, achevé en 1853. À Vitry-le-François, ils rejoignent la Marne et se retrouvent sur la Seine à la hauteur de Charenton en amont de Paris. Le 18 mai, Széchenyi et son équipage accostent triomphalement sur les quais de la capitale française, Les Parisiens sont stupéfaits par le vapeur du comte hongrois. Aucun navire battant pavillon hongrois n’a jamais accosté à Paris.

Plaque commémorative inaugurée le 4 juin 1997 quai Branly, au pied de la Tour Eiffel. Association Hongroise de Navigation et de Yachting « Comte Edmond Széchenyi », sources Wikipedia, domaine public

« L’Angleterre n’a qu’une embarcation à vapeur, toutes les autres chaloupes appartiennent à la Suède, à la Belgique et à la France, et sont rassemblées près de la Dahabié égyptienne, contre la berge française. Là se trouvent réunis, le Vauban, le canot des Forges et chantiers de la Méditerranée, qui a remporté l’autre jour le premier prix aux régates internationales, des chaloupes à vapeur, la Sophie, élégante suédoise bien digne du deuxième grand prix, sa sœur la Mathilde, fine, élégante et accorte comme elle, l’Éole de M. Durène, la Mouche, appartenant au prince Napoléon, et la Fille des ondes (Habléany), coquet bateau à aubes de la force de six chevaux, parti de Pesth pour venir, en remontant le Danube et les fleuves de l’Allemagne et de la France, à l’Exposition de Paris… »
Rapport de l’Exposition universelle, Matériel de sauvetage et navigation de plaisance

« Quatre jours plus tard, François-Joseph est couronné roi de Hongrie et, le mercredi 29 mai, jour de signature du Compromis austro-hongrois, l’ambassadeur Richard Klemens von Metternich donne un somptueux bal dans sa résidence de l’Hôtel de Rothelin-Charolais (101 rue de Grenelle). L’orchestre de soixante musiciens est conduit par Johann Strauss (fils), et joue Le Beau Danube bleu pour la première fois à Paris. Les plus hauts personnages sont là, autour de Napoléon III et d’Eugénie, du roi des Belges et d’un véritable parterre de souverains… Puis une valse est dansée par le prince Alfred, duc d’Édimbourg, avec la princesse Eugénie, pendant laquelle le prince de Metternich présente à l’Empereur le comte Edmond Széchenyi, qui vient d’accomplir sur un bateau de 30 mètres de long et de large [sic] le trajet de Pesth à Paris par le Danube, le Rhin, etc. L’Empereur interrogea longtemps le comte sur les incidents de la traversée, puis le voyageur désormais célèbre fut présenté à l’Impératrice. »
La Petite presse, 30 mai 1867

Napoléon III fera une courte croisière sur la Seine à bord du « Hableány » accompagné de son épouse Eugénie et décernera à Ödön Széchenyi la Légion d’honneur en reconnaissance pour sa traversée fluviale du continent européen. Le bateau sera encore récompensé d’une médaille d’or de l’Exposition universelle de Paris.
Le comte hongrois Ödön Széchenyi ne rentra pas à Budapest avec son bateau mais vendit celui-ci à l’écrivain, photographe, caricaturiste et constructeur de ballons français Félix Tournachon dit Nadar (1820-1910), un personnage qui inspirera Jules Verne pour son roman « Cinq semaines en ballon » (1863).2

Félix Nadar (1820-1910), photo domaine public

Le bateau navigue ensuite sous pavillon français sur la Marne pendant la guerre avec la Prusse puis sur le Rhin après avoir été réquisitionné comme butin de guerre. Ses aventures prennent fin brusquement en 1874. Suite à l’explosion de sa chaudière le Hableány sombre. Selon d’autres sources, le bateau aurait été coulé par un boulet prussien alors qu’il naviguait sur la Marne.
Cet exploit d’Ödön Széchenyi a peut-être été l’une des sources d’inspiration de Jules Verne pour son roman « Le pilote du Danube » paru pour la première fois en 1901 et qui a été remanié par son fils Michel Verne (1861-1925) et publié dans sa nouvelle version en 1908 sous le titre « Le beau Danube jaune« . Jules Verne s’inspira toutefois en grande partie du récit de voyage de l’hisrorien et homme politique français Victor Duruy (1811-1894), accompli en 1860, « De Paris à Bucharest » que la revue Le Tour du monde publia de 1861 à 1862, illustré par D. Lancelot.
Une réplique du « Hableány » construite en 2000 navigue sur le Balaton sous le pavillon de la Balaton Cruise Ship Ltd en tant que seul bateau à vapeur à roues à aubes sur ce lac.

Un accident tragique sur le Danube à Budapest
On se souviendra que le « Hableány » était aussi un petit bateau de promenade de conception soviétique qui, par une soirée de printemps pluvieuse, le 29 mai 2019, fut éperonné par le navire de croisière Viking Sigyn un géant de 135 mètres, sous le pont de l’île Marguerite à Budapest. Le Hableány coula très rapidement. Les fortes pluies et les courants entravèrent les efforts de sauvetage. Sur les trente-trois touristes sud-coréens et les deux membres d’équipage présents à bord ce soir-là, seules sept personnes purent être secourues.

Eric Baude, mis à jour juillet 2023, © Danube-culture, droits réservés 

Polka « Hableány » d’Ödön Széchenyi :
https://youtu.be/keKMzxRU4nU

Notes :
1
Après la mort de son père exilé en Autriche il s’installe à Pest et suit ses traces. Il devient le président du comité pour la création du Théâtre populaire de Buda et est membre actif du comité de l’Association nationale du yachting. Pour attirer plus d’adeptes du yachting il compose des morceaux de musique tels que le quatuor Régate, la polka Hableány (Syrène), et la valse Katinka etc. Il fonde le Groupement commercial et industriel hongrois ainsi que la Première société hongroise de voyageurs.

En 1860 un incendie se déclara à Nagycenk puis à Fertőszentmiklós. 98 maisons furent détruites par le feu. Széchenyi participa à l’extinction du feu et fut très touché par la détresse des gens et par les dégâts considérables.
   En 1862 il est nommé vice-commissaire du gouvernement hongrois et participa l’Exposition Universelle de Londres. Il reçoit une formation de pompiers dans la capitale anglaise. Széchenyi est promu au grade de brigadier, obtient le certificat de pompier. Puis il étudie l’organisation des pompiers et les dispositions du service de sécurité incendie dans différents pays européens.
   En 1863 il élabora le projet de statut du Corps des pompiers bénévoles de Pest et se chargea personnellement de la cueillette de fonds. L’écrivain français Alexandre Dumas qui effectua une visite en Hongrie contribua à ce projet humanitaire et utilitaire. Széchenyi lui offrit une épée de parement. Le service des pompiers bénévoles dont il devint le commandant démarra officiellement en 1870 à Pest. L’Union nationale des pompiers bénévoles fut fondée en 1871.
Ödon Széchenyi étudie les voies fluviales de l’Europe dans la perspective de relier la Mer Noire à l’océan Atlantique.  L’aménagement d’une voie fluviale internationale fut le rêve de son père. Ils sont les premiers à traverser l’Europe par voie fluviale. Napoléon III et l’impératrice Eugénie firent une promenade sur la Seine à bord du vapeur.  L’exploit de la traversée sera répété par une équipe de sportifs hongrois 110 ans plus tard.
En tant que membre du conseil des travaux publics il fut le promoteur de la construction du funiculaire à vapeur de Budavár sur le Mont de château. Inauguré le 2 mars 1870 etdeuxième funiculaire de l’Europe fonctionne jusqu’à 1944. Il est rouvert en juin 1986.
Le chemin de fer à crémaillère de Svábhegy conçu par N. Riggenbach est inauguré le 24 juin 1874 à Buda.
Széchenyi a l’idée de construire des foyers d’ouvrier, de remplacer le tramway à cheval par la voiture à vapeur. Il est aussi le promoteur de la télégraphie privée en Hongrie.
Le sultan ottoman Abdulaziz charge Széchenyi en 1874 de constituer le corps des pompiers d’ Istanbul..En 1878 il est promu colonel par le sultan Abdülhammid II puis en 1880 il accéde au rang de Pacha. En 1899 il est décoré du Grand ruban de l’ordre de l’Osmanie. Il est nommé commandant en chef des régiments de pompiers et du bataillon de marins-pompiers ainsi que général commandant en chef de la de la Turquie impériale.
Ödön Széchenyi est enterré au secteur catholique du cimetière chrétien Feraköy à Istanbul.
2 Un des héros de « De la Terre à la Lune » et d' »Autour de la Lune », romans parus en 1865 et 1869, s’appelle d’ailleurs Michel Ardan, anagramme de Nadar, sources Wikipédia.

Sources :
Dr. Balogh Tamás, Összefoglaló a brit flottaparádékról és az azokkal összefüggõ magyar katonai tradíció múltjáról, lehetséges jövõjérõl
Merci à Dániel Szávost-Vass pour les informations mises à disposition à propos du voyage fluvial de Budapest à Paris du comte Ö. Szechényi sur le site http://dunaiszigetek.blogspot.com  
http://kriegsmarine.hu

Histoire-du-livre.blogspot.com
www.hajoregiszter.hu

Maquette du Hableány, photo droits réservés

Le grand canal de Bačka (région de Voïvodine, Serbie)

Grand canal de Bačka à hauteur de Bezdan, source : www.bezdan.org.sr

   Ce canal construit entre 1794 et 1801 appartient au système élaboré de voies d’eau, d’irrigation et de lutte contre les inondations Danube-Tisza-Danube. La longueur totale du canal est de 118 km. Il mesurait entre 17 et 25 m de large et sa profondeur était de 3 m à l’origine.

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L’écluse d’entrée du Grand canal de Bačka depuis le Danube, actuellement désaffectée, photo,  www.bezdan.org.sr

Une importante et durable pollution a considérablement détérioré au XXe siècle la biodiversité de cette voie d’eau. Cette pollution est la conséquence de la proximité de champs d’extraction de pétrole sur une partie de son parcours et au déversement des rejets des zones industrielles des villes serbes de Vrbas, Kula et Crvenka. Près de 400 000 tonnes contenant des métaux lourds et des résidus de pétrole reposent sur le fond. Cette pollution a touché également les rivières reliées au canal. Selon de nombreux scientifiques, il est même considéré comme l’un des réservoirs les plus détériorés en Europe et pose de graves problèmes de santé pour les populations environnantes. Cette pollution a contaminé régulièrement aussi le Danube et la Tisza.

Grand canal de Bačka, à la hauteur de Bezdan

Grand canal de Bačka, à la hauteur de Bezdan, photo, www.bezdan.org.sr

Des travaux de dépollution et de réhabilitation du Grand canal de Bačka ont commencé à être réalisés, suite à la signature en 2008 par le Ministère de l’environnement serbe d’un mémorandum pour son nettoyage et sa remise en état mais ils n’ont pu être pour le moment achevés, faute de financements…
Certaines collectivités locales bordant la voie d’eau comme celle de Bezdan, ont malgré tout entrepris d’aménager ses berges dans l’intention de développer des activités de tourisme et de loisirs.

www.vodevojvodine.com
https://youtu.be/cG4m7lKLBlQ

Grand canal de Backa_Source Wikipedia

Grand canal de Bačka (photo source Wikipedia)

Danube-culture, mis à jour juin 2023

Sources :
https://www.ppf.rs › en › projects › ppf8-vbk-en
https://regard-est.com › voivodine-un-ecocide-dans-le-canal-du-grand-backa

Écluse sur le  Grand canal de Bačka à la hauteur de Mali Stapar. »L’empereur a visité Mali Stapar le 23 avril 1872, le jour de la Saint-Georges, et un nouveau canal a été creusé à cette occasion… »

Le rocher de Jochenstein, saint Jean Népomucène et la nymphe Isa

   Le rocher de Jochenstein (longueur 42 m, largeur 15 m, surface 0,045 ha, point culminant 290 m) est un élément rocheux, autrefois redouté des bateliers, qui émerge dans le lit du fleuve sur le territoire allemand au Km 2202, 72 à proximité de la frontière avec  l’Autriche. Il s’élève à une hauteur de +/- 9 mètres au dessus du niveau de l’eau et se trouve à une distance de 78 m de la rive gauche et de 187 m de la rive droite.

Le Rocher de Jochenstein, gravure sur cuivre, 1810

   Ce rocher est une résurgence d’une veine de quartz du vieux massif de la Forêt Bavaroise qui s’étend le long du sillon danubien et traverse la Basse-Bavière. Il appartient, tout comme la rive septentrionale et le côté gauche du talweg du fleuve à cette hauteur, au territoire du village de Gottsdorf (communauté de communes d’Untergriesbach).

Jochenstein

Le rocher de Jochenstein avant la construction du barrage, photo de Robert Baller, 1920, collection de la Bibliothèque Nationale d’Autriche, Vienne

   Un oratoire et une statue en pierre de saint Jean Népomucène, protecteur des bateliers, datant du XVIIIe siècle se tiennent au sommet du rocher. 

Saint Jean Népomucène sur le rocher de Jochenstein, photo © Danube-culture, droits réservés

   Le nom de Jochenstein pourrait être lié à une ancienne coutume païenne du culte de saint Jean qui se concrétisait sous la forme de libation aux solstices d’été et d’hiver. Une tradition d’introniser les nouveaux bateliers sur le rocher de Jochenstein lors de la saint Jean fut ensuite instaurée, tradition qui perdura jusqu’au XXe siècle !
   Le Jochenstein a donné son nom au village allemand qui lui fait face sur la rive gauche (commune de Gottsdorf), à la centrale hydroélectrique austro-allemande, édifiée entre 1952 et 1955 tout comme aux ruines médiévales du Vieux et du Nouveau Jochentein (rive gauche).

Centrale hydroélectrique austro-allemande de Jochenstein, photo © Danube-culture, droits réservés

   Sur la rive droite se trouve en aval la commune d’Engelhartszell (Km 2201) avec sa superbe abbaye trappiste baroque ainsi que l’église de l’assomption de la Vierge Marie, lieu de pèlerinage.

Mythologie populaire danubienne

   De nombreuses légendes se sont brodées au fil du temps autour de ces lieux comme celle du diable qui aurait voulu afin de punir le village voisin d’Engelhartszell pour on ne sait quel méfait, noyer celui-ci en le submergeant d’un mur d’eau et en laissant tomber un énorme rocher dans le lit du Danube. Ou encore celle, parmi les plus connues de la mythologie populaire danubienne, de la nymphe Isa.

La nymphe Isa du sculpteur Michael Lauss salue et protège les bateaux depuis la rive gauche, photo © Danube-culture, droits réservés

La nymphe de Jochenstein

   Une légende raconte qu’un magnifique palais se trouverait au pied du Jochenstein dans lequel règne une nymphe du nom d’Isa, soeur danubienne de la Loreley rhénane. Les nuits de pleine lune, la nymphe sort des eaux du fleuve et aurait été vu par des bateliers et des pêcheurs. Lorsque la brume s’étend au-dessus de l’eau, Isa émerge de son royaume pour protéger et guider les bateaux. Mais malheur à celui ou ceux parmi les bateliers et les pécheurs qui se laisseraient séduire par son chant ou tenteraient de la rejoindre. Ils seraient emprisonnés à jamais dans son palais pour l’éternité.
Une statue, placée sur la rive gauche, symbolise cette jolie légende danubienne.

Photo © Danube-culture, droits réservés

   Quant à la frontière austro-allemande actuelle qui court à la hauteur du barrage de Jochenstein entre la Bavière et la région du Mühlviertel autrichienne (Land de Haute-Autriche), elle remonte à 1765 et à un traité conclu entre l’Evêché de Passau et l’Empire autrichien. 

Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, mis à jour août 2022, 

www.stift-engelszell.at

Photo © Danube-culture, droits réservés

Le canal de la Sió ou en bateau du Danube au lac Balaton

Le confluent du canal de la Sió avec le Danube (PK 1497, 15), photo © Danube-culture, droits réservés

   Un premier canal fut creusé dès l’Antiquité pour drainer les marais environnants et son courant se dirigeait vers le lac. Aujourd’hui l’eau circule dans l’autre sens. La rivière sert (servait) ainsi de déversoir du lac en direction du Danube où elle conflue sur la rive droite avec celui-ci à la hauteur du PK 1497, 15.
Dans le cadre des travaux de régulation du XIXe siècle des plans furent élaborés pour maîtriser le niveau d’eau du lac Balaton avec comme objectifs la construction d’une voie navigable reliant le lac au Danube, le drainage des marécages environnants et leur transformation en terres agricoles, la sécurité du port et de la ville de Balatonfüred et la prévention des destructions causées par les inondations et la glace sur les digues de la ligne ferroviaire Budapest-Adria. C’est la construction de cette voie ferrée nécessitant la mise en place d’un système de surveillance du niveau de l’eau du lac qui eut pour conséquence l’inversion du courant de la Sió.

Le canal de la Sió et les écluses de Siófok, photo droits réservés

Une écluse à deux branches avec une porte en bois fut aménagée à la hauteur de Siófok et inaugurée le 25 octobre 1863. Celle-ci s’avéra insuffisante et une nouvelle porte la remplaça en 1891. Si le niveau de l’eau du lac dépassait une hauteur de 110 cm, les vannes d’ouverture étaient actionnées. C’est de nos jours toujours le seul canal d’évacuation de l’eau du lac Balaton.
Le canal qui quitte le lac à la hauteur de Siófok a une inclinaison moyenne de 14,5 cm/km, une longueur de 120, 8 km et une largeur de 20 à 30 mètres. La profondeur de l’eau varie entre… 0 et 8,8 m et le courant entre 0,5 et 4 km/h. Il est nécessaire de franchir deux écluses pour rejoindre le lac depuis le Danube. La première se trouve à Siófok à la hauteur du port et la deuxième à 2, 7 km du Danube. Le niveau d’eau du canal de Sio est très irrégulier. Dans la partie supérieure, il n’est significatif que lorsque la porte est ouverte à Siófok pour que face aux menaces d’inondation une partie de l’eau du lac soit drainée vers le Danube. La partie inférieure dépend principalement du niveau d’eau de son affluent le Kapos. Son entretien n’étant plus assuré depuis une trentaine d’années, envasé et envahi par la végétation, il est pour le moment malheureusement fermé à la navigation de plaisance mais représente un territoire fort apprécié par la faune et la flore. Il est toutefois possible que le canal soit remis en état dans les années à venir.
Deux rivières confluent dans le canal, le Kapos (113 km) et le Sárvíz (110 km), un ancien affluent direct du Danube qui serpentait à travers la plaine marécageuse et souvent inondée du Sárköz jusqu’à Báta, lui-même canalisé et dévié vers le canal à la hauteur de Szekszárd.

L’ancien cours du Sárvíz qui confluait autrefois directement avec le Danube sur une carte de F. L. Marsigli (1658-1730)

Sources :
István Deák: Balaton és Sió-csatorna hajózási kézikönyv / Balaton und Sió-Kanal Schifffahrtshandbuch. Budapest 2009

Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, avril 2022

Bref historique des traités, conventions et accords internationaux concernant le Danube et sa navigation

1616 : Premier Traité de Belgrade entre l’Autriche et la Sublime Porte (Empire ottoman). Les Autrichiens obtiennent le droit de naviguer sur le Moyen et le Bas-Danube alors sur le territoire de l’Empire ottoman.

1699 : Traité de Karlowitz (Sremski Karlovci, Serbie) entre la Sainte Ligue (Saint Empire Romain germanique, la Pologne, Venise, La Russie et la principauté de Transylvanie) et l’Empire ottoman. Fin de l’expansion de l’Empire ottoman en Europe.

1739 : Deuxième Traité de Belgrade entre l’Empire d’Autriche et l’Empire ottoman avec la médiation de la France d’une part, L’Empire ottoman et la Russie de l’autre. L’Empire autrichien restitue à l’Empire ottoman Belgrade et la Serbie qu’il détenait depuis la paix de Passarowitz. La Russie renonce à la navigation sur la mer Noire.

Plan de Belgrade Capitale de la Servie dans son Etat Actuel Depuis qu’elle fut cédée aux Turcs Par le Traité de Paix du 1er Septembre 1739,  source, Bibliothèque Nationale de France, Paris

1774 : Traité de Kücük Kayrnaca ou Koutchouk-Kaïnardji (petite source d’eau chaude en turc. Kaïnardji est aujourd’hui situé en Bulgarie septentrionale) entre la Russie et l’Empire ottoman qui favorise la première. La Russie obtient le droit pour ses bateaux de commerce de naviguer sur le Bas-Danube, de franchir librement les détroits des Dardanelles et du Bosphore et de mouiller dans tous les ports de l’Empire ottoman.

Gravure de la fin du XVIIIe illustrant la signature du Traité de Kücük Kayrnaca,  Cabinet de gravures de l’Académie Roumaine, Bucarest 

1797-1799 : Congrès de Rastatt. La France propose officiellement l’internationalisation du Danube mais l’empire d’Autriche s’y oppose farouchement.

1815 : Congrès et Traité de Vienne. Celui-ci octroie pour la première fois au Danube un statut de fleuve international.

Le Congrès de Vienne, gravure d’après l’oeuvre du peintre Jean-Baptiste Isabey (1767-1865)

1829 : Traité d’Andrinople. La Russie annexe le delta du Danube et établit sa souveraineté sur la rive orientale de la mer Noire. La Valachie annexe les ports danubiens de Turnu Magurele, Giurgiu et Brǎila.

1836 : la Russie publie un décret le 7 février lui permettant d’arraisonner les bateaux de commerce étrangers navigant sur le delta du Danube et de les conduire à Odessa pour une inspection et une mise en quarantaine.

1838 : Convention anglo-autrichienne. Le Danube devient un fleuve libre pour la navigation sur tout son parcours.

1840 : Convention de Saint-Pétersbourg entre la Russie et l’Autriche.

1851 : Traité signé par le duché de Bade-Wurtemberg, le royaume de Bavière et l’Autriche-Hongrie pour la liberté de navigation sur le Danube.

1856 : Fin de la guerre de Crimée. Le Traité de Paris met en application les règles stipulées au Congrès de Vienne de 1815. Tentative de création d’une Commission riveraine internationale à la vocation permanente et d’une Commission Européenne du Danube censée être d’une durée limitée, chacune assumant un rôle différent. La première de ces commissions ne vit jamais le jour et les activités de la deuxième lui permettent de s’ancrer dans le temps. Le principe d’internationalisation du fleuve se structure.

Édouard Dubufe (1819-1883 ), le Congrès de Paris, 1856, collection du château de Versailles

1878 : le Traité de San Stefano (banlieue de Constantinople) signé le 3 mars 1878 met fin à la guerre entre la Russie victorieuse et l’Empire ottoman.
« Toutes les forteresses du Danube seront rasées. Il n’y aura plus dorénavant de places fortes sur les rives de ce fleuve, ni de bâtiments de guerre dans les eaux des Principautés roumaines, de Serbie et de Bulgarie sauf les navires stationnaires usuels et les bâtiments légers destinés à la police fluviale et au service des douanes. Les droits, obligations et prérogatives de la Commission internationale du Bas-Danube sont maintenus intacts. (Articles 12.)
« La Sublime Porte (Empire ottoman) prend à sa charge le rétablissement de la navigabilité du bras de Soulina et le dédommagements des particuliers dont les biens auraient souffert du fait de la guerre et de l’interruption de la navigation sur le Danube, en affectant à cette double dépense une somme de cinq cent mille francs sur celles qui lui sont dues par la Commission du Danube. » (articles 13.)

Négociations lors du Traité de San-Stefano

1878 : Congrès et Traité de Berlin (13 juillet). L’Autriche-Hongrie obtient la responsabilité de l’aménagement de la zone des cataractes dans les Portes de Fer. Le bas-Danube est érigée en zone neutre. La Roumanie, nouvellement indépendante, remplace la Turquie parmi les pays siégeant à la Commission Européenne du Danube. Curieusement ce Traité ne mentionne pas l’île turque d’Ada-Kaleh qui reste de ce fait ottomane mais qui est occupée par l’Autriche-Hongrie en 1913 puis cédée à la Roumanie au Traité de Lausanne (1923).

Congrès et Traité de Berlin (13 juillet 1878)

1883 : Traité de Londres. Les compétences de la Commission Européenne du Danube s’étendent désormais des « embouchures » jusqu’à Brǎila.

1919 : Traité de Versailles. (R)établissement de la Commission riveraine internationale comprenant les pays riverains, la France, la Grande-Bretagne et l’Italie.

Les délégations participant au Traité de Versailles dans la Galerie des glaces

1921 : Paris. La Convention de 1921 confirme la gestion du fleuve par la Commission riveraine internationale rebaptisée à cette occasion Commission internationale du Danube dont les pouvoirs  sont considérablement élargis et dont les membres reçoivent un statut diplomatique. Cette commission possède son propre drapeau, ses propres bateaux et a le droit de prélever des taxes. La Commission Européenne du Danube conserve la gestion du Danube de Galaţi jusqu’à la mer Noire.
« Conformément aux principes posés par le traité de Versailles et aux décisions prises par la Conférence de Paris en juillet 1921, le statut international du Danube a été mis en vigueur le 1er octobre 1922. Le grand fleuve transeuropéen est désormais ouvert à la navigation depuis Ulm, en aval de laquelle il commence à être navigable, jusqu’à son embouchure, sous le contrôle, d’une part de la Commission internationale qui siège à Bratislava et exerce sa juridiction d’Ulm à Brǎila, d’autre part de la Commission Européenne du Danube dont le siège est à Galatz et dont les attributions s’étendent de Galatz à la mer Noire. Les deux organismes sont chargés d’assurer la liberté de la navigation et l’égalité réelle de traitement pour tous les pavillons. »

Le bazar d’Ada-Kaleh en 1912

1923 : Traité de Lausanne (24 juillet 1923). Ada-Kaleh la petite île ottomane des Portes-de-Fer est attribuée à la Roumanie.

1938 : Accords de Sinaïa (Roumanie). Cette conférence octroie à la Roumanie la souveraineté qu’elle réclamait sur le Danube maritime (le Danube accessible aux bateaux de mer). Ce pays créée en conséquence une « Direction du Danube maritime ».

1939 : Traité de Bucarest. Entrée du Reich dans la Commission Européenne du Danube.
La Commission internationale du Danube est supprimée par Hitler cette même année à Vienne. Un Conseil de la Navigation fluviale d’où la France et le Royaume-Uni sont exclues la remplace. L’hégémonie allemande s’établit sur le Danube pendant la seconde guerre mondiale. À la fin de celle-ci, le Danube devient provisoirement russe de Linz jusqu’à la mer Noire. jusqu’à la fin de l’occupation de l’Autriche.

1940 : le décret du roi Charles II de Roumanie du 19 avril 1940 stipule que « les vaisseaux de commerce armés sont obligés de débarquer l’armement et les munitions dans les ports de Sulina et de Baziaş s’ils veulent naviguer sur le Danube  dans les eaux territoriales roumaines.

1945 : Postdam. Proposition du Président américain Harry S. Truman pour un accord international de libre navigation sur le fleuve. L’URSS refuse d’abord d’inscrire la question du Danube dans les négociations de paix, espérant continuer à contrôler le fleuve de Linz jusqu’à son delta puis admet l’insertion d’un article décidant que la « navigation sur le Danube serait libre et ouverte pour les nationaux, vaisseaux de commerce, et marchandises de tous les États, sur un pied d’égalité. »
Le Conseil des ministres des Affaires étrangères décide, le 6 décembre 1946, qu’une conférence sur le Danube sera convoquée six mois après la mise en application des traités de paix et qu’elle réunira des représentants des quatre pays membres du Conseil des ministres des Affaires étrangères de la Tchécoslovaquie, de la Hongrie, de la Yougoslavie, de la Roumanie, de la Bulgarie et de l’Ukraine soviétique. L’Autriche prendrait part aux conférences suivantes « après que la question du traité autrichien aurait été résolue. »

1948 : la Convention de Belgrade est signée le 18 août 1948 par l’Union des Républiques Soviétiques Socialistes, la République populaire de Bulgarie, la République de Hongrie, la République Populaire Roumaine, la République tchécoslovaque, la République Populaire d’Ukraine. Elle reconstitue la Commission du Danube. Deux visions de la gestion du fleuve s’opposent alors : la première défend le principe d’internationalisation du fleuve, la deuxième veut confier la gestion du Danube uniquement aux pays riverains. C’est cette deuxième vision, défendue par l’URSS, elle-même riveraine à cette époque, qui s’impose grâce au soutien de ses alliés des démocraties populaires. La France et le Royaume-Uni votent contre, les États-Unis s’abstiennent. L’Allemagne choisit le statut d’observateur. L’Autriche réintègrera la Commission du Danube en 1960.
Le protocole additionnel à la Convention relative au régime de la navigation sur le Danube stipule dans son article III « qu’il est convenu que toutes les obligations de l’ancienne Commission Européenne du Danube concernant le remboursement des crédits qui lui ont été accordés par la Grande-Bretagne, la France, la Russie et d’autres États sont considérés comme éteintes. »

1954 : entrée en vigueur de la nouvelle Commission du Danube. Elle se compose de onze membres (pays riverains) et de deux pays observateurs, la France et les Pays-Bas. Elle siège à Budapest la Commission a son siège à Budapest. Les langues officielles de la Commission du Danube sont l’allemand, le français et le russe.

1994 : Convention de Sofia établissant la Commission Internationale pour la Protection du Danube, l’ICPR (International Commission for the Protection of the Danube River) et la DRPC (Danube River Protection Convention).

1998 : Création de  la Commission internationale pour la protection du Danube (ICPDR/IKSD). La Commission internationale pour la protection du Danube (ICPDR) est une organisation internationale composée de 14 États coopérants et de l’Union européenne. L’ICPDR est devenue l’un des organismes internationaux les plus importants et les plus actifs en matière d’expertise de gestion des bassins fluviaux. L’ICPDR s’occupe non seulement du Danube lui-même, mais aussi de l’ensemble du bassin de ce fleuve avec ses affluents et les ressources en eau souterraine. Les membres de l’ICPDR sont l’Allemagne, l’Autriche, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, la Croatie, la Hongrie, la Moldavie, le Monténégro, la Roumanie, la Serbie, la Slovénie, la Tchéquie, l’Union Européenne et l’Ukraine. Le secrétariat de l’ICPDR se trouve à Vienne.

2002 : Vienne. lancement du processus de coopération danubienne dont les objectifs sont « de promouvoir une coopération diversifiée afin de créer un espace de prospérité et de progrès dans la région du Danube. » (déclaration finale de la deuxième conférence intergouvernementale du processus de coopération du Danube, Bucarest, 14 juillet 2004).

De réels progrès ont été récemment accomplis dans le domaine de la coopération internationale danubienne, de la cohésion territoriale régionale et de la mutualisation des ressources mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir… Le Danube demeure sur tout son parcours un miroir de la difficulté des pays riverains et de l’UE à construire une paix juste et durable sur l’ensemble de son bassin. Cela passe aussi par la prise en compte des intérêts non seulement économiques mais aussi des demandes des habitants des deux rives, des minorités du bassin danubien tout comme de reconnaître à sa véritable valeur le patrimoine environnemental fluvial ainsi que de donner une autonomie suffisante et de vrais moyens aux structures qui ont pour mission de le préserver et de le valoriser. Les politiques contradictoires voire incohérentes de l’UE, les positions nationalistes de certains états des rives danubiennes entretiennent encore des incertitudes sur l’avenir du fleuve.

Eric Baude pour Danube-culture, mise à jour mars 2022, © Danube-culture, droits réservés

Sources :
ARNAUD, Georges,  « La navigation sur le Danube ». In : Annales de Géographie. 1925, t. 34, n°191. pp. 468-470. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1925_num_34_191_8373
D’AUTRICHE, Otto, « L’édification de l’Europe et le rôle du bassin danubien », In Politique Étrangère, N°4, 1952 – 17e année, pp. 245-254
BETHEMONT, Jacques, Les grands fleuves, entre nature et société, Armand Collin, Paris, 2002
DUROSELLE, Jean-Baptiste, KASPI, André, Histoire des relations internationales de 1945 à nos jours, « Le problème du Danube » Tome 2, 15ème édition, Librairie Armand Colin, Paris, 2009
GAUTHEY, Jean-Marie, « La coopération internationale sur le Danube : Géopolitique de l’intégration du fleuve au continent européen »Balkanologie [En ligne], Vol. X, n° 1-2 | 2008, mis en ligne le 09 juin 2008, consulté le 27 février 2022. URL : http://journals.openedition.org/balkanologie/409 ; DOI : https://doi.org/10.4000/balkanologie.409
SOMOGYI, Joseph de, « The Historical Development of the Danubian Problem to the Present », Journal of Central European Affairs, VIII, April 1948
STANCIU, Ştefan, DUTĂ, Alexandru, Traités, conventions et autres documents concernant le régime de la navigation du Danube maritime, Muzeul de istorie, Galaţi, 2009

danubecommission.org
icpdr.org

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