Histoires et légendes de la navigation danubienne : le train de bateaux fantôme

 Friedrich Gauermann (1807-1862)

Si la descente vers l’aval (Naufahrt) s’effectuait relativement facilement, à l’exception de conditions météo défavorables (brouillards, tempêtes, vents contraires, inondations…) et de certains passages délicats comme le franchissement des rapides de la Strudengau (Strudel, Wirbel), en aval de Grein et pour lesquels il était indispensable de faire appel à des pilotes locaux, il n’en était pas de même pour la remontée (Gegenwart ou Gegentrieb) du Danube, une remontée qui demandait en raison du courant, de la configuration des rives ou d’autres obstacles comme des éperons rocheux au sein même du lit du fleuve ou des bancs de sable, une force de traction et un équipement considérables que seuls des équipages de chevaux, menés par des hommes expérimentés, pouvaient assumer. De tels équipages ne pouvaient avancer que très lentement, effectuant de vingt à trente kilomètres par jour, de l’aube jusqu’à la nuit. À titre d’exemple, le trajet en amont de Vienne à Linz pouvait durer de 14 à 25 jours, de Linz à Passau de 6 à 8 jours, de Passau jusqu’à Regensburg, de 9 jusqu’à 15 jours ou encore de 10 à 12 semaines de Pressburg (Bratislava) à Rosenheim sur l’Inn avec de nombreux changements de rives à l’occasion desquels il était nécessaire de transporter les chevaux d’un bord du fleuve à l’autre. La Strudengau, en aval de Linz, avec sa mauvaise réputation pour les embarcations qui descendaient le Danube en raison de deux zones de rapides, s’avérait également difficile pour les convois de bateaux remontant le fleuve et leurs équipages. Il est bien évident que dans ces conditions, il était extrêmement extrèmement rare que des voyageurs s’aventurent à remonter le fleuve sur un train de bateaux, ce type de navigation étant réservés aux marchandises.

Friedrich Gauermann (1807-1862), chevaux de halage près d’une auberge, aquarelle

   Les « Zille » ou autres embarcations y compris sur le Moyen et le Bas-Danube ottoman, furent tout d’abord tirées ou halées à partir du XIVe siècle par des prisonniers de guerre ou des condamnés auxquels se substituèrent par la suite des équipages de chevaux et ce jusque bien après l’invention de la navigation à vapeur. Ces trains de bateaux étaient encore nombreux au milieu du XIXe siècle : 136 équipages ont été encore comptabilisés en Haute-Autriche dans le petit village de Struden (rive gauche), en aval de Grein dans les années 1860, 11 en 1870, 84 en 1880, 31 en 1890 et 1 seulement en 1900). Ces convois pouvaient atteindre une longueur totale de 400 à 500 mètres. Ils portaient le nom, sur le Haut-Danube, de « Hohenhau » et son maître d’équipage qui pilotait les manoeuvres difficiles depuis la tête de l’équipage, celui de « Hohenauer » ou de « Vorreiter ». Les hommes qui exerçaient ce métier éprouvant et épuisant physiquement et qui les obligeaient à demeurer plusieurs mois hors de leur maison, à dormir dans des conditions souvent précaires et à risquer leur vie presque quotidiennement, étaient décrits comme des êtres frustres et brutaux. Le passage d’un tel train de bateaux à la « remonte » et de l’équipage d’hommes et de chevaux qui le halaient, ne pouvait passer inaperçu et a engendré plusieurs légendes comme celle du train de bateaux fantôme.

Stefan Simony (1860-1950), un équipage de halage à la hauteur de Dürnstein (Basse-Autriche), huile sur carton, 1886

   Dans la région de Wachau ou en Strudengau là où les rochers affleurant à la surface de l’eau, les tourbillons, les rives particulièrement escarpées rendaient autrefois le halage des lourdes embarcations vers l’amont pénible et dangereux, certains entendent encore certaines nuits d’hiver particulièrement sombres ou les jours de grand vent et de tempête, des hurlements sinistres, des claquements secs de fouets et le bruit énorme des sabots et des hennissements de chevaux. Les habitants savent alors qu’il s’agit du passage du train de bateaux fantôme, du « Hohenauer », condamné avec ses hommes pour avoir lancer des imprécations, appeler à l’aide le diable, s’être soulés et avoir été cruels envers leurs bêtes, à remonter éternellement et péniblement le fleuve et à lutter contre le courant jusqu’à ce que le lit du Danube deviennent aussi sec que le sommet du mont Jauerling (sommet de 960 m situé en Wachau sur la rive gauche). Pour expier leurs fautes, le « Hohenauer »et son équipage doivent faire avancer leur convoi uniquement dans l’obscurité la plus noire. Les villageois des bords du Danube entendent alors durant un long moment ces nuits-là, les voix lugubres des haleurs proférer les mêmes injures qu’autrefois, leurs rires démoniaques et sardoniques se mêlant aux plaintes incessantes des chevaux effrayés et des claquements de fouets qui leur répondent.
Eric Baude pour Danube-culture, mis à jour septembre 2023

Stefan Simony, deux chevaux de halage aux environs de Vienne, huile sur carton, 1900

De Ratisbonne à Vienne sur le Danube avec un coche d’eau ou radeau ordinaire à la fin du XVIIIe siècle

  L’embarcation qui va nous transporter en aval du Danube a environ cent vingt pieds de long. Elle est complètement plate, sans voile ni mât et construite en bois de sapin. Il y a une sorte de grosse cabane au milieu de celle-ci. Au lieu d’un grand gouvernail, on voit deux longues rames à l’avant et deux autres à l’arrière, qui sont maniées par six à huit membres d’équipage. Un jeune apprenti peut très bien s’engager comme rameur et se rendre ainsi à Vienne sans payer quoi que ce soit. Le maître d’équipage est l’un des vingt-quatre patrons bateliers de Ratisbonne. Chaque dimanche, on tire au sort lequel d’entre eux conduira le coche d’eau vers Vienne. Celui-ci ne doit pas seulement être d’une grande habilité à la manoeuvre comme le prouve son statut de patron batelier, mais il doit aussi être marié, car on estime qu’un père de famille est plus consciencieux et plus prudent qu’un célibataire. Il n’est effectivement pas facile de mener à bon port ce type d’embarcation à travers les nombreux bas-fonds, les ponts et les autres obstacles qui jalonnent le fleuve.
Les bateliers sont vraiment des gens particuliers, des hommes avec une grande force physique, rudes, sauvages mais  toujours proches de la nature dans le meilleur sens du terme, habiles, dévoués corps et âme à l’eau et fiers de leur métier. Ils sont d’ailleurs si fiers d’être bateliers qu’on peut qualifier leur corporation de véritable dynastie. Celui qui, en tant qu’habitant de l’île de Wöhrd [île de Wörth], se rend impopulaire auprès d’eux d’une manière ou d’une autre, peut au mieux faire son baluchon et quitter les lieux. On raconte qu’un des bateliers de Ratisbonne nommé Gottlieb Naimer, attrapait ses ennemis par le col, les maintenait au-dessus du Danube avec ses bras d’ours et menaçait de les y jeter s’ils ne quittaient pas l’île de Wöhrd au plus vite. Il aurait aussi, en d’autres occasions, sauvé plus de vingt personnes de la noyade.
    Toujours parmi ces bateliers de Ratisbonne, un des plus originaux était un membre de la famille Hörndl, surnommé « Hörndl le noir » car son visage et ses mains étaient brûlés par le soleil. D’après les propos d’un certain Hoffmeister (intendant) distingué qui voulait l’avoir comme maître d’équipage supplémentaire, celui-ci était une brute indomptable qui se moquaient des  bonnes manières. Son injonction à la traditionnelle prière au moment du départ en tant que responsable du radeau, était plus que cordiale : « Tust’s die Hat runter und bet’s, sonst kimm’ i euch ! » (Enlèves ton chapeau et prie sinon gare à toi !). Malgré les nombreux dangers afférents à la navigation, tous ces bateliers téméraires du Danube sont morts dans leur lit, enfin pour autant que l’on sache.

Une zille passant le rocher du Jochenstein sur le Haut-Danube, gravure de William Henry Bartlett (1809-1854), 1844

   Ces voyages en radeau sont à chaque fois une sacrée aventure ! Chaque départ a quelque chose à la fois de « remarquable et de solennel », comme le décrit un voyageur en 1792. Une foule bigarrée de promeneurs et de badauds se donne rendez-vous pour assisterSà ce spectacle. Deux jeunes bateliers inspectent le bateau pour s’assurer que sa construction et son aménagement répondent aux exigences du long voyage, deux autres vérifient également l’embarcation à leur tour encore une fois avant de détacher les amarres du poteau sur la rive. Deux coups de canon donnent le signal du départ. Le maître d’équipage, qui surveille tout le monde, enlève son chapeau et récite à haute voix le « Notre Père ». Tous sans exception, voyageurs et spectateurs se joignent à la prière afin que Dieu et les éléments soient miséricordieux envers l’embarcation et la protègent ainsi que ses passagers tout au long du voyage.
Il faut un peu plus tard le premier jour aux passagers se préparer à passer une première nuit à environ vingt-cinq kilomètres en aval de Ratisbonne. Et si quelqu’un n’a pas prévu de sac de couchage ou s’il l’a oublié, il peut  soit rester sur l’embarcation , soit se réfugier dans quelque ferme-auberge qui ne sont pas du tout aménagées pour les voyageurs. En général, le coche d’eau ordinaire arrive à Vienne en dix jours. Si le patron batelier raccourcit les temps de repos, évite la soi-disante « Fête du vent » et si le coche d’eau n’est pas trop longtemps retenu par la douane autrichienne, on peut espérer arriver à destination dès le sixième jour. Ceux qui peuvent s’offrir un petit coche d’eau privé, font le voyage en deux fois moins de temps.

Sources :
Siegfried Färber (1910), extrait de Die Donau in Bayern und Österreich, Landschaft und Kultur, Verlag Joseph Haber, Regensburg, 1963

Traduction et adaptation en français Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, août 2023 

Le comte hongrois Ödön Széchenyi (1839-1922) et l’épopée fluviale de la « Sirène »

« Le port voisin du Champ de mars recevra au printemps prochain des steamers de toutes les parties du monde. On en a annoncé des États-Unis, de Suède et d’ailleurs. D’après le « Fremdenblatt » de Vienne, il en viendrait un de Pesth en Hongrie. En effet, le comte Széchényi aurait demandé au Gouvernement français la permission d’utiliser, pour son steamer, le canal du Rhin à la Marne. Il irait de Pe[s]th à Kehlheim, se rendrait par le Ludwigkanal dans le Rhin en passant par le Main, affluent de ce fleuve. De Strasbourg, il se dirigerait vers Nancy, et de là vers le confluent de la Seine et de la Marne… »
La Science pittoresque, 10 janvier 1867

Cet extraordinaire exploit fluvial européen d’Ödön Széchenyi, est pourtant relativement tombé dans l’oubli et ce pour plusieurs raisons : le Le 8 Juin 1867 a lieu à Pest le couronnement de l’Empereur François-Joseph de Habsbourg comme « Roi Apostolique de Hongrie » sous le nom de Ferenc-Josef. Le même jour, contrairement à la tradition qui veut que la reine ne soit couronnée que le lendemain, sa femme Elisabeth devient reine de Hongrie sous le nom d’Erzsébet. Il se peut aussi que le destin et les activités du comte Ödön Széchenyi en tant qu’infatigable organisateur des services d’incendie de Pest, de Hongrie, d’Istanbul (il sera élevé au titre de Pacha par le sultan Abdulaziz) et de ses nombreuses autres activités1, ont peut-être aussi contribué à marginaliser son extraordinaire périple fluvial accompli à l’âge de 28 ans.

Le comte Ödön Széchenyi (1839-1922), Pacha de l’Empire ottoman et général de la Turquie impériale

Le comte s’est consciencieusement préparé à ce voyage inédit depuis plusieurs années en acquérant non seulement des connaissances scientifiques avec l’aide de ses professeurs de l’université, mais aussi en naviguant, en obtenant son diplôme de capitaine et en effectuant trois allers-retours entre Budapest et Galaţi sur les vapeurs « Hildegard » et « François-Joseph ». Ses connaissances acquises en matière d’ingénierie, d’hydrographie et de navigation lui seront précieuses pour accomplir son périple fluvial de 2 000 kilomètres entre Budapest Paris. Il fait construire un bateau à vapeur avec une coque en fer, longue de 20 mètres, large de 2,33 mètres et d’un tirant d’eau de 0,56 mètre qu’il baptise du nom de « Hableány ». Ce navire à vapeur (chaudière à charbon) et à et à roues à aube, d’une forme lui permettant de naviguer sur des rivières et des canaux étroits, conçu par Adolf Höcher dans le chantier naval de József Hartmann à Újpest et propulsé par un moteur de 8 à 10 chevaux fonctionnant avec une pression de 4 atmosphères sera prêt à naviguer dès le novembre 1866. Le steamer est peint en blanc avec des moulures et des ornements dorés. L’installation intérieure est des plus confortables avec un salon meublé de divans, un piano (Ödön Széchenyi est musicien et compose), une bibliothèque, une chambre à coucher et une cuisine.

L’arrivée de l’Hableány à Paris le 18 mai 1853 

 

L’aristocrate hongrois écrit dans son journal de l’Hableány  : « J’ai été inspiré par l’idée que, sur les traces bénies de mon bienheureux père, je devrais moi aussi, selon mes maigres talents, favoriser le bien-être matériel de notre pays, mettre notre pays en communication avec les États de l’extrême Ouest de l’Europe par une voie d’eau qui existe déjà, mais qui est peu ou méconnue. Et, pour l’immense développement de notre industrie agricole, ouvrir à nos produits nationaux une voie de transport à la mesure de la demande étrangère qui est gratifiante et s’accroît chaque jour. Pour atteindre cet objectif grand et sacré, n’épargnant ni effort ni dépense, d’une part, et ne tenant pas compte des frayeurs venant de tant de côtés, d’autre part, je me mis à travailler avec une détermination inébranlable aux préparatifs de mon voyage, qui devait être prometteur mais dont la réussite était incertaine. Tout d’abord, on  construisit un bateau d’une taille adaptée aux rivières et canaux les moins profonds et les plus étroits, tant en longueur qu’en profondeur et en largeur… »

Journal de l’Hableány du comte Ödön Széchenyi, publié à Pest en 1867

S’il en est lui-même le capitaine, Alajos Folmann, président du club nautique Egyetértés de Pest en est le timonier. L’équipage modeste de cinq personnes comprend outre les deux hommes, un ingénieur, un mécanicien et un tout jeune cuisinier. Le départ du port d’hiver d’Újpest pour Paris a lieu au début du printemps, le 6 avril 1867.
Le voyage de deux mille kilomètres du « Hableány » va durer 43 jours. Quatre jours de navigation plus tard, le bateau arrive Bratislava le 10 avril, non sans avoir réussi à négocier la montée des eaux du Danube qui inondent la Petite Plaine avec l’aide du remorqueur Orsova. Malgré un incident à Vienne, c’est, deux semaines plus tard, la frontière allemande (Passau, 25 avril). Parvenu à Kelheim en Bavière le 28 avril, le « Hableány » navigue pendant trois jours sur le Ludwigkanal, inauguré en 1845, un ouvrage qui relie le Danube au Rhin via le Main. Celui-ci les conduit à Bamberg puis à Francfort. À Francfort, des hommes avertissent l’équipage que le bateau ne pourra pas naviguer sur le Rhin sans courir de grands dangers et ils lui conseillent de faire appel à un remorqueur. Le comte Széchenyi, plein de confiance dans le courage et la persévérance de ses équipiers et dans l’excellence de son moteur, dédaigne ces conseils et continue sa route (La Petite Presse, 23 mai 1867). Après avoir remonté le Rhin jusqu’à la hauteur de Strasbourg où ils arrivent le 6 mai, le bateau s’engage sur le canal de la Marne au Rhin, achevé en 1853. À Vitry-le-François, ils rejoignent la Marne et se retrouvent sur la Seine à la hauteur de Charenton en amont de Paris. Le 18 mai, Széchenyi et son équipage accostent triomphalement sur les quais de la capitale française, Les Parisiens sont stupéfaits par le vapeur du comte hongrois. Aucun navire battant pavillon hongrois n’a jamais accosté à Paris.

Plaque commémorative inaugurée le 4 juin 1997 quai Branly, au pied de la Tour Eiffel. Association Hongroise de Navigation et de Yachting « Comte Edmond Széchenyi », sources Wikipedia, domaine public

« L’Angleterre n’a qu’une embarcation à vapeur, toutes les autres chaloupes appartiennent à la Suède, à la Belgique et à la France, et sont rassemblées près de la Dahabié égyptienne, contre la berge française. Là se trouvent réunis, le Vauban, le canot des Forges et chantiers de la Méditerranée, qui a remporté l’autre jour le premier prix aux régates internationales, des chaloupes à vapeur, la Sophie, élégante suédoise bien digne du deuxième grand prix, sa sœur la Mathilde, fine, élégante et accorte comme elle, l’Éole de M. Durène, la Mouche, appartenant au prince Napoléon, et la Fille des ondes (Habléany), coquet bateau à aubes de la force de six chevaux, parti de Pesth pour venir, en remontant le Danube et les fleuves de l’Allemagne et de la France, à l’Exposition de Paris… »
Rapport de l’Exposition universelle, Matériel de sauvetage et navigation de plaisance

« Quatre jours plus tard, François-Joseph est couronné roi de Hongrie et, le mercredi 29 mai, jour de signature du Compromis austro-hongrois, l’ambassadeur Richard Klemens von Metternich donne un somptueux bal dans sa résidence de l’Hôtel de Rothelin-Charolais (101 rue de Grenelle). L’orchestre de soixante musiciens est conduit par Johann Strauss (fils), et joue Le Beau Danube bleu pour la première fois à Paris. Les plus hauts personnages sont là, autour de Napoléon III et d’Eugénie, du roi des Belges et d’un véritable parterre de souverains… Puis une valse est dansée par le prince Alfred, duc d’Édimbourg, avec la princesse Eugénie, pendant laquelle le prince de Metternich présente à l’Empereur le comte Edmond Széchenyi, qui vient d’accomplir sur un bateau de 30 mètres de long et de large [sic] le trajet de Pesth à Paris par le Danube, le Rhin, etc. L’Empereur interrogea longtemps le comte sur les incidents de la traversée, puis le voyageur désormais célèbre fut présenté à l’Impératrice. »
La Petite presse, 30 mai 1867

Napoléon III fera une courte croisière sur la Seine à bord du « Hableány » accompagné de son épouse Eugénie et décernera à Ödön Széchenyi la Légion d’honneur en reconnaissance pour sa traversée fluviale du continent européen. Le bateau sera encore récompensé d’une médaille d’or de l’Exposition universelle de Paris.
Le comte hongrois Ödön Széchenyi ne rentra pas à Budapest avec son bateau mais vendit celui-ci à l’écrivain, photographe, caricaturiste et constructeur de ballons français Félix Tournachon dit Nadar (1820-1910), un personnage qui inspirera Jules Verne pour son roman « Cinq semaines en ballon » (1863).2

Félix Nadar (1820-1910), photo domaine public

Le bateau navigue ensuite sous pavillon français sur la Marne pendant la guerre avec la Prusse puis sur le Rhin après avoir été réquisitionné comme butin de guerre. Ses aventures prennent fin brusquement en 1874. Suite à l’explosion de sa chaudière le Hableány sombre. Selon d’autres sources, le bateau aurait été coulé par un boulet prussien alors qu’il naviguait sur la Marne.
Cet exploit d’Ödön Széchenyi a peut-être été l’une des sources d’inspiration de Jules Verne pour son roman « Le pilote du Danube » paru pour la première fois en 1901 et qui a été remanié par son fils Michel Verne (1861-1925) et publié dans sa nouvelle version en 1908 sous le titre « Le beau Danube jaune« . Jules Verne s’inspira toutefois en grande partie du récit de voyage de l’hisrorien et homme politique français Victor Duruy (1811-1894), accompli en 1860, « De Paris à Bucharest » que la revue Le Tour du monde publia de 1861 à 1862, illustré par D. Lancelot.
Une réplique du « Hableány » construite en 2000 navigue sur le Balaton sous le pavillon de la Balaton Cruise Ship Ltd en tant que seul bateau à vapeur à roues à aubes sur ce lac.

Un accident tragique sur le Danube à Budapest
On se souviendra que le « Hableány » était aussi un petit bateau de promenade de conception soviétique qui, par une soirée de printemps pluvieuse, le 29 mai 2019, fut éperonné par le navire de croisière Viking Sigyn un géant de 135 mètres, sous le pont de l’île Marguerite à Budapest. Le Hableány coula très rapidement. Les fortes pluies et les courants entravèrent les efforts de sauvetage. Sur les trente-trois touristes sud-coréens et les deux membres d’équipage présents à bord ce soir-là, seules sept personnes purent être secourues.

Eric Baude, mis à jour juillet 2023, © Danube-culture, droits réservés 

Polka « Hableány » d’Ödön Széchenyi :
https://youtu.be/keKMzxRU4nU

Notes :
1
Après la mort de son père exilé en Autriche il s’installe à Pest et suit ses traces. Il devient le président du comité pour la création du Théâtre populaire de Buda et est membre actif du comité de l’Association nationale du yachting. Pour attirer plus d’adeptes du yachting il compose des morceaux de musique tels que le quatuor Régate, la polka Hableány (Syrène), et la valse Katinka etc. Il fonde le Groupement commercial et industriel hongrois ainsi que la Première société hongroise de voyageurs.

En 1860 un incendie se déclara à Nagycenk puis à Fertőszentmiklós. 98 maisons furent détruites par le feu. Széchenyi participa à l’extinction du feu et fut très touché par la détresse des gens et par les dégâts considérables.
   En 1862 il est nommé vice-commissaire du gouvernement hongrois et participa l’Exposition Universelle de Londres. Il reçoit une formation de pompiers dans la capitale anglaise. Széchenyi est promu au grade de brigadier, obtient le certificat de pompier. Puis il étudie l’organisation des pompiers et les dispositions du service de sécurité incendie dans différents pays européens.
   En 1863 il élabora le projet de statut du Corps des pompiers bénévoles de Pest et se chargea personnellement de la cueillette de fonds. L’écrivain français Alexandre Dumas qui effectua une visite en Hongrie contribua à ce projet humanitaire et utilitaire. Széchenyi lui offrit une épée de parement. Le service des pompiers bénévoles dont il devint le commandant démarra officiellement en 1870 à Pest. L’Union nationale des pompiers bénévoles fut fondée en 1871.
Ödon Széchenyi étudie les voies fluviales de l’Europe dans la perspective de relier la Mer Noire à l’océan Atlantique.  L’aménagement d’une voie fluviale internationale fut le rêve de son père. Ils sont les premiers à traverser l’Europe par voie fluviale. Napoléon III et l’impératrice Eugénie firent une promenade sur la Seine à bord du vapeur.  L’exploit de la traversée sera répété par une équipe de sportifs hongrois 110 ans plus tard.
En tant que membre du conseil des travaux publics il fut le promoteur de la construction du funiculaire à vapeur de Budavár sur le Mont de château. Inauguré le 2 mars 1870 etdeuxième funiculaire de l’Europe fonctionne jusqu’à 1944. Il est rouvert en juin 1986.
Le chemin de fer à crémaillère de Svábhegy conçu par N. Riggenbach est inauguré le 24 juin 1874 à Buda.
Széchenyi a l’idée de construire des foyers d’ouvrier, de remplacer le tramway à cheval par la voiture à vapeur. Il est aussi le promoteur de la télégraphie privée en Hongrie.
Le sultan ottoman Abdulaziz charge Széchenyi en 1874 de constituer le corps des pompiers d’ Istanbul..En 1878 il est promu colonel par le sultan Abdülhammid II puis en 1880 il accéde au rang de Pacha. En 1899 il est décoré du Grand ruban de l’ordre de l’Osmanie. Il est nommé commandant en chef des régiments de pompiers et du bataillon de marins-pompiers ainsi que général commandant en chef de la de la Turquie impériale.
Ödön Széchenyi est enterré au secteur catholique du cimetière chrétien Feraköy à Istanbul.
2 Un des héros de « De la Terre à la Lune » et d' »Autour de la Lune », romans parus en 1865 et 1869, s’appelle d’ailleurs Michel Ardan, anagramme de Nadar, sources Wikipédia.

Sources :
Dr. Balogh Tamás, Összefoglaló a brit flottaparádékról és az azokkal összefüggõ magyar katonai tradíció múltjáról, lehetséges jövõjérõl
Merci à Dániel Szávost-Vass pour les informations mises à disposition à propos du voyage fluvial de Budapest à Paris du comte Ö. Szechényi sur le site http://dunaiszigetek.blogspot.com  
http://kriegsmarine.hu

Histoire-du-livre.blogspot.com
www.hajoregiszter.hu

Maquette du Hableány, photo droits réservés

Le grand canal de Bačka (région de Voïvodine, Serbie)

Grand canal de Bačka à hauteur de Bezdan, source : www.bezdan.org.sr

   Ce canal construit entre 1794 et 1801 appartient au système élaboré de voies d’eau, d’irrigation et de lutte contre les inondations Danube-Tisza-Danube. La longueur totale du canal est de 118 km. Il mesurait entre 17 et 25 m de large et sa profondeur était de 3 m à l’origine.

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L’écluse d’entrée du Grand canal de Bačka depuis le Danube, actuellement désaffectée, photo,  www.bezdan.org.sr

Une importante et durable pollution a considérablement détérioré au XXe siècle la biodiversité de cette voie d’eau. Cette pollution est la conséquence de la proximité de champs d’extraction de pétrole sur une partie de son parcours et au déversement des rejets des zones industrielles des villes serbes de Vrbas, Kula et Crvenka. Près de 400 000 tonnes contenant des métaux lourds et des résidus de pétrole reposent sur le fond. Cette pollution a touché également les rivières reliées au canal. Selon de nombreux scientifiques, il est même considéré comme l’un des réservoirs les plus détériorés en Europe et pose de graves problèmes de santé pour les populations environnantes. Cette pollution a contaminé régulièrement aussi le Danube et la Tisza.

Grand canal de Bačka, à la hauteur de Bezdan

Grand canal de Bačka, à la hauteur de Bezdan, photo, www.bezdan.org.sr

Des travaux de dépollution et de réhabilitation du Grand canal de Bačka ont commencé à être réalisés, suite à la signature en 2008 par le Ministère de l’environnement serbe d’un mémorandum pour son nettoyage et sa remise en état mais ils n’ont pu être pour le moment achevés, faute de financements…
Certaines collectivités locales bordant la voie d’eau comme celle de Bezdan, ont malgré tout entrepris d’aménager ses berges dans l’intention de développer des activités de tourisme et de loisirs.

www.vodevojvodine.com
https://youtu.be/cG4m7lKLBlQ

Grand canal de Backa_Source Wikipedia

Grand canal de Bačka (photo source Wikipedia)

Danube-culture, mis à jour juin 2023

Sources :
https://www.ppf.rs › en › projects › ppf8-vbk-en
https://regard-est.com › voivodine-un-ecocide-dans-le-canal-du-grand-backa

Écluse sur le  Grand canal de Bačka à la hauteur de Mali Stapar. »L’empereur a visité Mali Stapar le 23 avril 1872, le jour de la Saint-Georges, et un nouveau canal a été creusé à cette occasion… »

Ernst Neweklowsky (1882-1963) : la navigation et le flottage sur le Danube supérieur

   « L’ingénieur Neweklowsky a passé sa vie à tracer les limites de l’ « Obere Donau », du Danube supérieur, et ― une fois circonscrit ce territoire ― à le passer au crible, à le classifier et à le le cataloguer mètre par mètre dans l’espace et dans le temps, en ce qui concerne la couleur des eaux et les tarifs douaniers, le paysage qu’il offre à la perception immédiate et les siècles qui l’on construit. Comme Flaubert ou Proust, Neweklowsky a consacré toute son existence à son oeuvre, à l’écriture, au livre ; le résultat, c’est un volume en trois tomes de 2 164 pages en tout, y compris les illustrations, qui pèse cinq kilos neuf cents et qui, comme le dit son titre, a, pour sujet non pas le Danube, mais plus modestement La navigation et le flottage sur le Danube supérieur (1952-1964).
Dans la préface, Ernst Neweklowsky précise que son traité concerne les 659 kilomètres compris entre le confluent avec l’Iller1, qui se jette dans le Danube un peu avant Ulm, et Vienne ainsi naturellement que de tous les affluents et sous-affluents de cette zone ; dans l’introduction au tome III, il admet toutefois avec l’impartialité de quelqu’un qui est au service d’une cause suprapersonnelle, que le concept de Danube supérieur — et l’espace correspondant— varie en fonction des points de vue où l’on se place : pour ce qui est de l’aspect strictement géographique cela embrasse les 1100 kilomètres entre la source et la cascade de Gönyü2 ; du point de vie de l’hydrographie les 1010 kilomètres entre la source et le confluent avec le March ; et en matière de droit international 2050 kilomètres, jusqu’au Portes de Fer, c’est-à-dire jusqu’à l’ancienne frontière avec la Turquie. Les Bavarois, dans une perspective plus étroitement régionale, le font s’arrêter au pont de Ratisbonne, et donnent d’ailleurs ce nom à une des sociétés par actions de leur centrale hydroélectrique — considérant comme « Danube inférieur » la courte section comprise entre Ratisbonne et Passau. Par contre dans la terminologie militaire en vigueur pendant la Première Guerre mondiale, on entendait par « Danube supérieur « , en se référant aux transports de troupes, la partie du cours comprise entre Ratisbonne et Gönyü… »
Claudio Magris, Danube, « Deux mille cent soixante-quatre pages et cinq kilos neuf cents de Danube supérieur »

Né le 26 juillet 1882 à Linz en Haute-Autriche, Ernst Neweklowsky effectue sa scolarité sur place avant d’aller étudier aux universités techniques de Vienne de Graz. C’est dans cette dernière ville qu’il obtient en 1905 son diplôme d’ingénieur. Il entre peu après au service des travaux publics et des chantiers fluviaux de Haute-Autriche où il travaille pendant 40 ans. Il est nommé Directeur de chantier en construction électrique entre 1908 et 1925, puis Chef de district de la construction de Linz de 1925 à 1939. Deux périodes de service militaire interrompent cette activité à une époque d’importants bouleversements dans ces domaines. Il reçoit à Vienne le titre de Docteur ès sciences en 1950 et, le 26 novembre 1954, la Médaille d’or d’ingénieur à Graz.
Orienté vers la nature dès sa jeunesse, Ernst Neweklowsky fonde en 1912 le groupe de Linz des « Wandervogel » (oiseaux migrateurs). À cette époque il est déjà membre du Cercle des Alpes dont il est décoré de l’insigne doré en 1950. Il est également membre actif de nombreuses autres associations, essentiellement liées à l’étude du patrimoine local et au domaine scientifique. De 1926 à 1945, il est membre du comité de l’Oberösterreichische Musealverein (Association d’étude et de protection du patrimoine de Haute-Autriche). Outre la croix de chevalier de l’ordre de l’empereur François-Joseph, il a reçu au cours de sa carrière un grand nombre de distinctions et d’hommages. Il convient de citer à cet égard sa nomination comme membre d’honneur de l’Université d’Innsbruck (1953). En 1956, le gouvernement du Land de Haute-Autriche le nomme Conseiller d’honneur.
Son amour de la nature et son regard aiguisé sur la technique sont à l’origine de ses premières publications sur les problématiques de la construction hydraulique et de la navigation sur la Traun et le Danube (1910). Ce sont les racines de l’œuvre d’une vie au service de quelque chose d’irremplaçable. Ernst Neweklowsky connait les dernières heures de la navigation traditionnelle sur nos fleuves, navigation qui était condamnée à disparaître peu de temps après. C’est à elle qu’il consacre toute son attention et son amour. En tant que collectionneur émérite, il est à même de réunir de nombreux détails grâce à une activité très intense, après sa journée de travail ; il peut ainsi élaborer une œuvre fondamentale sur la navigation et le flottage dans les régions du Danube supérieur.

Flottage du bois sur le Danube

   Dans la bibliographie de l’encyclopédie biographique de Haute-Autriche datant de 1958, ses travaux scientifiques comprennent près de 130 articles dont près des deux tiers sont écrits pendant sa retraite. Au cours des dernières années, ce chiffre a continué à augmenter car E. Neweklowsky a été de plus en plus consulté en tant que spécialiste reconnu aussi bien dans son pays qu’à l’étranger. C’est ainsi qu’il a pu organisé à Linz et à Passau deux expositions majeures sur la navigation fluviale.
En parallèle à son activité de rédaction scientifique, il a en permanence donné des conférences, effectué avec plaisir des visites guidées, réalisé plusieurs série de photographies contribuant à transmettre ses connaissances à un grand nombre de personnes.
C’est incontestablement l’importante thématique de la navigation, thématique abordée dans ses travaux d’un point de vue historique et technique, mais toujours selon une approche humaine, qui l’a fait connaître. Tout événement dans ce domaine n’aurait pu être organisé au cours des dernières années sur le Danube supérieur, non seulement à Passau, Ratisbonne ou Ulm, mais aussi sur la Salzach ou sur d’autres affluents, sans les conseils d’E. Neweklowsky ou du moins sa présence. Neweklowsky s’intéressait aussi de très près à la généalogie. Il a toujours volontiers mis à disposition ses recherches et collections dans ces domaines. Très étroitement lié à ces thèmes depuis de nombreuses années, il s’est encore consacré à l’étude des folklores, publiant des travaux scientifiques de grande valeur.
Ernst Neweklowsky est resté très actif jusqu’à peu de temps avant sa mort, faisant preuve d’une admirable fraîcheur intellectuelle et physique. Sans relâche, il a travaillé jusqu’au dernier moment à l’écriture du 3ème tome de son « encyclopédie » (inachevée) sur la navigation danubienne, le principal objectif de toute sa vie.
Ses nombreux objets de collections, dans la mesure où ils sont liés à la navigation, au flottage du bois dans les régions du Danube supérieur, ont été léguées aux Archives du Land de Haute-Autriche.

Dr. Kurt Holler, Oberösterreichischer Musealverein (Association muséale de Haute-Autriche)

Notes :
1 Affluent de la rive droite du Danube d’une longueur de 147 km  qui  conflue avec celui-ci à la hauteur de la ville de Neu-Ulm (Bavière).
2 Avant-port sur le Danube de Györ (km 1794) . L’histoire de la petite ville qui fut la propriété de la puissante abbaye hongroise bénédictine de Pannonhalma et dont la fondation remonte à 996, est intimement liée à la présence du Danube et à la navigation sur le fleuve.

Sources :
MAGRIS, Claudio, « Deux mille cent soixante-quatre pages et cinq kilos neuf cents de Danube supérieur » in Danube, collection « L’Arpenteur », Gallimard, Paris, 1986
NEWEKLOWSKY, Ernst (1882-1963) Die Schiffahrt und Flösserei im Raume der oberen Donau, Oberösterreichischer Landesverlag OLV-Buchverlag, Linz, volume 1, 1952, volume 2, 1954, volume 3, 1964.

Danube-culture, © droits réservés, mis à jour mars 2023

Martin Stachl (1914-1997):  hommage à Ernst Neweklowsky, Auenweg, Passau, photo K. Bepple, droits réservés

La « Zille », embarcation traditionnelle du Haut-Danube

Rappelons en préambule que le Danube est navigable pour le grand gabarit1 sur 2414 km (longueur totale 2888 km). En comparaison le Rhin (1232, 7 km) n’est navigable pour celui-ci que sur 883 km (grands gabarits) et le Rhône (813 km) sur 310 km.

La Zille, qu’on peut trouver traduite en français sous le nom de Zielle, comptait autrefois avec les plates (Plätte), parmi les bateaux les plus populaires sur le Haut-Danube allemand et autrichien. C’est principalement une barque de transport de marchandises ou de passagers, en particulier du sel, abondant dans la région du Salzkammergut. Il existe de nombreuses variétés de Zille. 

De construction en bois, cette embarcation est de conception très rudimentaire mais sa forme est toutefois parfaitement adaptée aux spécificités de navigation sur le fleuve avec un fond plat sans quille, des extrémités relevées et des côtés assemblés à angle vif avec le fond. L’assemblage des pièces du fond et des flancs du bateau est maintenu par la pose de petites équerres en bois les Kipfen. Le joint entre deux planches est traditionnellement étanchéifié par un calfatage de mousse et de lichen qui peut être renforcé en enduisant les coutures de goudron de résine obtenue par distillation lors de la production de charbon de bois.

Zille dans le port de Linz

Zille dans le port de Linz (Haute-Autriche), gravure d’époque

D’une dimension comprise entre 5 et 30 m la Zille est donc à la fois souple et résistante, relativement légère, nécessitant peu de puissance pour se déplacer. Elle glisse admirablement bien sur l’eau. Sa manoeuvre reste toutefois délicate, voire dangereuse du fait de son fond plat, des courants, des caprices du vent et du fleuve qui parait bien assagi aujourd’hui en comparaison de celui d’avant les aménagements pour la navigation. Aussi l’équipage, qui comprend au minimum un Nauferg (patron d’embarcation), un Steurer (pilote), responsable des avirons et des gouvernails de poupe et un ou plusieurs Schiffsmann (marinier) selon la taille de l’embarcation doit-il avoir une longue expérience fluviale, bien  coordonner les manoeuvres tout en surveillant attentivement les récifs et les rochers dans le lit du fleuve afin de les contourner avec habilité dans le sens du courant. Lorsqu’il faut remonter celui-ci, la tâche n’est guère plus facile et l’on doit faire appel à des équipages de chevaux ou même dans certains cas à des haleurs professionnels parfois réquisitionnés (prisonniers) qui tirent les Zilles ou autres embarcations vers l’amont depuis la rive sur des chemins de halage voire aussi parfois, suivant les conditions météo et le relief des rives, dans l’eau !

Les Zille peuvent être munies de voile (navigation sur les lacs) ou de rames en plus des gouvernails de poupe. Elles peuvent être réunies à contre-courant en train de bateaux avec les grandes Plätten (Plates) des villes, typiques de la navigation danubienne. En cas de conflit, ces embarcations de transport de marchandises pouvaient être aussi réquisitionnées et armées (sans canon), dotées de voiles et d’avirons et pourvu d’un équipage de trente à quarante soldats-rameurs solidement équipés pour compléter la flottille impériale autrichienne du Danube. Sur l’affluent alpin de la rive gauche du Danube, die Traun, des forces de police, chargées de protéger l’important commerce du sel, utilisèrent la Zille pour leurs missions de surveillance et de répression des vols et de la contrebande. Cette embarcation servit encore pour la construction de pont de bateaux nécessaire au passage d’un fleuve lors de campagnes militaires comme celles menées contre La Grande Porte (Empire ottoman) au XVIIe siècle ou de bateau de pêche.

La Zille pourrait partager une origine commune avec le futreau ligérien et le Weidling du Haut-Rhin.

Aujourd’hui certaines Zille aménagées font office de petits Fähre (bacs) pour les transports de piétons, randonneurs et  cyclo-randonneurs sur le Danube autrichien comme à Schlögen, Grein, Dürnstein ou encore ailleurs.

Bac Grein-Schwallenburg

Le bac Grein-Schwallenburg (Haute-Autriche), une jolie Zille traditionnelle réaménagée pour le transport des piétons et des cyclo-randonneurs, photo © Danube-culture, droits réservés

Deux charpentiers de marine dont Rudolf Königsdorfer continuent à construire de nos jours ce type de bateau en bois à Niederanna (Haute-Autriche) et il n’est pas rare d’en voir naviguer sur cette partie du fleuve.

Eric Baude, © Danube-culture, droits réservés, mis à jour janvier 2023

Notes :
1 Le grand gabarit concerne les voies classées de 4 à 6 pour des unités fluviales de 1 000 tonnes et plus. Le moyen gabarit correspond aux classes 2 et 3 pour des tonnages compris entre 400 et 1 000 tonnes. Enfin, le petit gabarit, dit gabarit «Freycinet», représente les unités comprises entre 250 et 400 tonnes (classe 1). En pratique, le gabarit 0 (de 50 à 250 tonnes) n’est plus utilisé pour le transport.

Sources :
BUFFE, Noël, Les marines du Danube, 1526-1918, Éditions Lavauzelle, Panazol, 2011

MEIßINGER, Otto, Die historische Donauschiffahrt, Holzschiffe und Flöße, Gugler, Melk, 1990 (deuxième édition)
REICHARD, M., Le voyageur en Allemagne et en Suisse…, Manuel à l’usage de tout le monde. Douzième édition, De nouveau rectifiée, corrigée, et complétée par F. A. Herbig., tome premier., A Berlin, Chez Fréd. Aug. Herbig, Libraire. A Paris chez Brockhaus et Avenarius et chez Renouard et Co., 1844.

www.zille.at
Telefon: +43 7285 508
E-Mail: koenigsdorfer@zille.at

Chez les Königsdorfer de Niederrana (Haute-Autriche), charpentiers de Zille depuis plusieurs générations. Quand la tradition se régénère !

Le bac à fil (Rollfähre) Klosterneuburg-Korneuburg

    Ici, entre Klosterneuburg (rive droite) et Korneuburg (rive gauche) le «voyage» d’un bord à l’autre du beau Danube vert est bref : trois à cinq minutes selon le niveau d’eau qui détermine la vitesse du fleuve et par conséquence la durée de la traversée. Le capitaine peut rater de temps en temps par inadvertance ou parce qu’il dans un mauvais jour, sa manœuvre d’accostage à la surprise teintée d’une éphémère inquiétude de quelques passagers. Le bac revient alors en arrière, glisse dans le lit du fleuve puis se rapproche à nouveau lentement de la berge. Cette fois, l’amarrage est réussi. Piétons, cyclistes et automobilistes ont bénéficié de deux minutes de répit ou de grâce supplémentaires de traversée.

Inauguration du bac à fil Klosterneuburg-Korneuburg le 12 septembre 1935, photo d’archives

Il y a aussi des riverains qui prennent goût à traverser le Danube avec le bac. C’est  presque comme une drogue. Ceux-là ont envie d’osciller quotidiennement d’une rive à l’autre depuis l’aube jusqu’au dernier passage en soirée. La pause de fin d’automne et d’hiver (le bac ne circule pas également pendant les périodes de hautes eaux et d’épais brouillard1) qui dure de début novembre jusqu’en mars leur semble une éternité insupportable. Pas d’autre choix que d’emprunter un pont puisqu’il n’existe plus d’autre bac à la hauteur de Vienne. Il faut même aller loin, très loin en aval jusqu’au canal de Gabčikovo pour retrouver un bac. Mais la traversée d’un canal n’a rien de commun avec celle d’un fleuve, surtout le Danube. Et en amont on doit remonter désormais jusqu’aux bacs à fil de Weissenkirchen en Wachau et de Spitz/Danube qui ont été sans doute préservés grâce en partie aux touristes et aux cyclistes qui l’empruntent tout au long de la saison. Construire un pont tout comme un barrage (programmé dans les années glorieuses) en Wachau eût été aussi un geste architectural absurde au sein ce paysage préservé. Certains doivent encore en rêver. La Wachau et Dürnstein ont évité le pire sauf à Melk. Et puis que dire des murs anti-inondations qui défigurent les rives aux alentours des villages !

Le bac sur la rive droite, photo © Danube-culture, droits réservés

Avec les travaux de régularisation du Danube à la fin du XIXe siècle, les gués qui permettaient aux périodes de basses-eaux de traverser le fleuve à pied disparaissent définitivement. La géographie du fleuve est bouleversée, redessinée par des mains humaines conquérantes. La merveilleuse abbaye de Klosterneuburg se voit privée de « son » Danube qui  doit reculer plus au nord. Le bras du fleuve principal sépare désormais les deux villes de Klosterneuburg et de Korneuburg. Une liaison fluviale est établie en 1884 d’abord sous la forme d’une embarcation branlante composée de deux coques de bateaux surmontés d’une plateforme sur laquelle se tiennent les passagers, les charriots et les charrettes. Le pont volant, ainsi dénommé, est attaché à la rive avec un câble qui se tend dangereusement sous l’eau en travers du fleuve. Un projet de tunnel sous le fleuve est envisagé dans les années 1899/1900.  L’embâcle du rigoureux hiver de 1928/1929 fige le Danube de la Hongrie jusqu’à la Wachau, détruisant le fragile pont volant. Ne voulant pas se priver d’un lien essentiel avec l’autre rive, les municipalités de Klosterneuburg et de Korneuburg sont à l’origine de la mise en service du nouveau bac à fil à cette hauteur. Son inauguration officielle a lieu le 12 septembre 1935. L’abbaye de Klosterneuburg participa au coût de construction à la hauteur d’un tiers des dépenses. Le câble en travers du fleuve mesure 380 m de long, pèse 6 500 kilos et son diamètre est de 47, 5 mm.

Le bac à l’occasion du jubilé de ses 85 ans d’existence en septembre 2020, photo droits réservés

Le bac de Klosterneuburg-Korneuburg (PK 1941, 7)
   Il s’agit d’un bac à câble n’utilisant que le courant du Danube pour se déplacer de la  manière la plus écologique possible. Les deux moteurs hors-bord sont là uniquement que pour des raisons de sécurité et afin de pouvoir manœuvrer indépendamment du courant en cas d’urgence.
Pour qu’un bac à câble soit propulsé à travers un fleuve ou une rivière, deux forces distinctes doivent être combinées :
-la première force est exercée par la tension du câble en acier auquel le bac est suspendu de manière mobile. Le câble empêche le bac d’être emporté par le courant.
-le courant du fleuve est l’autre force qui agit sur le déplacement du bac. Pour que les deux forces puissent mettre le en mouvement, celui -ci doit être incliné par rapport au courant à l’aide  d’un gouvernail. La pression du courant pousse alors le bac à travers le fleuve grâce à la force qui en résulte.
La vitesse du bac à fil dépend ainsi de la force du courant et peut être influencée par l’angle avec lequel le capitaine place son bac par rapport au courant. La vitesse du courant du fleuve ne doit pas être inférieure à une certaine vitesse minimale comme c’est le cas par exemple dans la zone des lacs de retenue en amont des centrales électriques et également sur le Bas-Danube où la vitesse du fleuve ne permet pas à un bac à fil de fonctionner. Il n’existe pas d’autre bac de ce type en aval de celui reliant Klosteneuburg à Korneuburg. Les bacs de Weissenkirchen et de Spitz/Danube en Wachau sont du même type.
Le bac qui a été privatisé en 1994, peut transporter outre piétons, cyclistes et motos 4 voitures et accepte les véhicules jusqu’à une longueur maximale de 10,50 m. Le poids total ne doit pas dépasser 25 tonnes et le nombre de passagers 40 personnes.

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, novembre 2022

Notes : 
1 Le brouillard qui parfois efface la réalité du fleuve a joué un mauvais tour au bac qui est entré en collision le matin du 17 octobre 2017 avec un convoi qui descendait le Danube. Les autorités compétentes ont attribué l’origine de l’accident à une erreur d’appréciation du capitaine du bac.

Photo Danube-culture © droits réservés

Navigation de plaisance sur le Danube : autorités de référence, cartes, sites d’informations, ports de plaisance…

Autorités de référence pour la navigation sur le Danube

Pour naviguer sur le Danube il faut avoir sur le bateau un certains nombres de pièces officielles (permis de navigation international, certificat radio…) qui vous seront demandées et que vous devrez présenter aux autorités du territoire sur lequel vous entrerez. Mieux vaut prévoir d’avoir les pièces nécessaires en plusieurs exemplaires. N’oubliez pas également une pièce d’identité.  

Sources Commission du Danube

Allemagne
De Kelheim jusqu’à la frontière autrichienne :
Wasser – und Schifffahrtsamt Regensburg (Office de l’eau et de la navigation de Regensburg)/ Postfach 101019, 93010, Regensburg
Tel. : 0941/810 90
wsa-regensburg@wsv-bund.de

Autriche
Ministère Fédéral pour la Circulation, l’Innovation et les Technologies, Direction de la Navigation
Radetzkystrasse 2, A-1030 Wien
Tel. : 0043/1/711 62 65 59 03
w2@bmvit.at
www.bmvit.gv.at

Via Donau, Österreischiche Wasserstraßen-Geselleschaft (Société des Voies Navigables Autrichiennes)
Via Donau assure la gestion des écluses et l’entretien du chenal pour la navigation sur le parcours autrichien.
Donau-City-Straße 1 A-1220 Wien
Tel. : 0043/50/43/21 10 00
office@via-donau.org
www.via-donau.org
Via Donau a également mis en place un remarquable système d’informations pour la navigation sur le fleuve : consultation indispensable avant et pendant la croisière sur le Danube autrichien.

www.doris.bmvit.gv.at (allemand-anglais)

Slovaquie
Autorité de référence pour la navigation sur le Danube slovaque :
Agence d’État de la Navigation de Bratislava
Pristavna, n°10, 821 09 Bratislava, Slovaquie
info@sps.sk

Hongrie
Közlekedesi Föfülgelyet (Bureau de la navigation)
Cedex 102, H 1389 Budapest 63
office@nkh.gov.hu

Croatie
Ministarstvo Pomorstva, Prometa I Veza (Ministère pour la Navigation, la Circulation et les Communications)
Prisavlje 14, HR – 10000 Zagreb
info@mmpi.hr

Serbie
Plovput, Direkcije za vodne puteve (Département pour la Navigation Commerciale)
Francuska 9, RS-11000 Belgrade
Tel. : 00381/11/302 98 00
www.plovput.rs
www.dunav-info.org

Bulgarie
Ministère des Transports et des Communications, Administration maritime
Pristanishtna ul. Ruse 20, BG – 7000 Ruse
Tel. : 00359/02/930 0910
bma@marad.bg
www.marad.bg

Roumanie
Capitainerie du port de Galaţi
Tel. : 00/40/236 46 06 44
www.portgalati.com

Cartes nautiques

www.verberght.be

Wassersport – Wanderkarte Österreich (5), Karte 2 Donau, Passau-Bratislava (1/75 000), Jübermann-Kartographie u. Verlag, 2006, Uelzen, Allemagne
www.juebermann.de
Pour le Danube autrichien uniquement

Un excellent matériel cartographique complémentaire avec de nombreux détails, le kilométrage, les barrages, la vitesse des courants mais plutôt à destinations des canoéistes et kayakistes. En langue allemande.

Autres sites d’information sur le Danube et la navigation

Commission du Danube, Budapest
www.danubecommission.org

Forum d’information sur le Danube (en allemand)
Forum allemand donau-boote

Automobile club allemand, brochure sur le Danube (en allemand)
www.adac.de

Cercle bavarois de bateaux de plaisance
www.bmyv.de

Cercle autrichien de bateaux de plaisance, de sports et d’excursions en mer
www.msvoe.at

 Journée internationale du Danube qui a lieu conjointement dans tous les pays traversés par le fleuve
www.danubeday.org

Guides nautiques 

Commission du Danube, Indicateur kilométrique du Danube, Éditeur Commission du Danube, Budapest, 2010.
Ce document (doc. CD/SES 73/8) est publié en vertu du point I.3 du Plan de travail de la Commission du Danube pour la période du 29 mai 2009 jusqu’à la Soixante-quatorzième session, adopté par la Soixante-douzième session de la Commission du Danube (doc. CD/SES 72/20).
Disponible à la Commission du Danube (sous réserve). Publication réalisée dans les trois langues de la Commission du Danube (allemand, russe et français). Il faut de préférence se procurer les mises à jour auprès de la Commission du Danube quand elles sont disponibles…
www.danubecommission.org

Melanie Haselhorst, Kenneth Dittmann, Die Donau, Von Kelheim zum Schwarzen Meer, (en allemand), Edition Maritim, Führer für Binnengewässer,  deuxième édition, Hambourg, 2019 
Un ouvrage (en allemand) détaillé et mis à jour pour s’informer des conditions de navigation sur le Danube. Informations touristiques et culturelles complémentaires.

Die Donau, Handbuch für die sportschifffahrt (en allemand), ouvrage collectif, Freytag & Berndt, Reisebuchhandlung, Wien, Autriche
Carnets de navigation sur le Danube allemand, autrichien, slovaque et hongrois très précis, complété et mis régulièrement à jour (en allemand).
www.freytagberndt.at

Rod Heik, The Danube : A River Guide (en anglais), 1991

Guido Egidio Cattaneo,The Danube Delta, Nautical Information (en anglais), Edizioni il Frangete, Verona, 2010
www.portolanodanubio.it
Des informations détaillées et très complètes pour naviguer dans le delta du Danube. Version en langue française disponible en pdf.

Tableaux des niveaux d’eau minimaux et maximaux autorisés pour la navigation 

En descendant le fleuve de Kelheim à la mer Noire

Danube allemand
Oberndorf, PK 2397, 38 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 1, 70 m
Hauteur d’eau maximale : 4, 80 m

Regensburg-Schwabelweis, PK 2376, 49 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 2, 92 m
Hauteur d’eau maximale : 5, 20 m

Pfatter, PK 2350, 69  (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 3, 10 m
Hauteur d’eau maximale : 6, 00 m

Pfelling, PK 2305, 53 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 2, 90 m
Hauteur d’eau maximale : 6, 20 m

Hofkirchen, km 2256, 86  (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 2, 07 m
Hauteur d’eau maximale : 4, 80 m

Passau-Donau, PK 2226, 70 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 4, 14 m
Hauteur d’eau maximale : 7; 80 m

Danube autrichien
Wilhering, PK 2144, 31 (rive droite)
Hauteur d’eau minimale : 2, 40 m
Hauteur d’eau maximale : 7, 16 m

Mauthausen, PK 2110, 98 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 3, 80 m
Hauteur d’eau maximale : 5, 47 m

Ybbs, PK 2058, 79 (rive droite)
Hauteur d’eau minimale : 1, 90 m
Hauteur d’eau maximale : 5, 24 m

Kienstock, PK 2015, 21 (rive droite)
Hauteur d’eau minimale : 1, 77 m
Hauteur d’eau maximale : 6, 24 m

Korneuburg, PK 1941, 46 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 1, 96 m
Hauteur d’eau maximale : 5, 37 m

Wildungsmauer, PK 1894, 72 (rive droite)
Hauteur d’eau minimale : 1, 73 m
Hauteur d’eau maximale : 5, 76 m

 Si le niveau de l’eau est supérieur de 90 cm à la hauteur d’eau maximale la navigation est dans tous les cas interdite sur le Danube autrichien.

Danube slovaque
Bratislava, PK 1868, 75 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 2, 53 m
Hauteur d’eau maximale : 6, 42 m

Medvědov, PK 1806, 40 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 1, 00 m
Hauteur d’eau maximale : 5, 45 m

Danube hongrois
Komárom, PK 1768, 30 (rive droite)
Hauteur d’eau minimale : 0, 60 m
Hauteur d’eau maximale : 5, 90 m

Esztergom, PK 1718, 60 (rive droite)
Hauteur d’eau minimale : 0, 38 m
Hauteur d’eau maximale : 5, 36 m

Budapest, PK 1646, 50 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 0, 80 m
Hauteur maximale : 6, 68 m

Bezdan, PK 1425, 50 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 0, 51 m
Hauteur d’eau maximale : 5, 96 m

Danube serbe
Apatin, PK 1401, 30 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 1, 05 m
Hauteur d’eau maximale : 6, 65 m

Danube croate
Vukovar, PK 1333, 10 (rive droite)
Hauteur d’eau minimale : 0, 73 m
Hauteur d’eau maximale : 5, 70 m

Danube serbe
Novi Sad, PK 1255, 10 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 0, 80 m
Hauteur d’eau maximale : 5, 99 m

Zemun – Belgrade, PK 1173, 00 (rive droite)
Hauteur d’eau minimale : 2, 23 m
Hauteur d’eau maximale : 6, 36 m

Danube roumain
Calafat, PK 795, 00 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 0, 50 m
Hauteur d’eau maximale : 7, 02 m

Danube bulgare
Lom, PK 743, 00 (rive droite)
Hauteur d’eau minimale : 1, 74 m
Hauteur d’eau maximale : 7, 95 m

Danube roumain
Bechet, PK 679, 00 (rive gauche)
Hauteur minimale : 0, 42 m
Hauteur maximale : 6, 83 m

Danube bulgare
Ruse, PK 495, 60 (rive droite)
Hauteur d’eau minimale : 1, 07 m
Hauteur d’eau maximale : 7, 83 m

Danube roumain
Giurgiu, km 493, 00 (rive gauche)
Hauteur d’eau minimale : 0, 44 m
Hauteur d’eau maximale : 7, 07 m

Danube bulgare
Silistra, PK 375, 00 (rive droite)
Hauteur d’eau minimale : 0, 86 m
Hauteur d’eau maximale : 7, 17 m

Danube roumain
Cernavodǎ, PK 300, 00 (rive droite)
Hauteur d’eau minimale : 0, 35 m
Hauteur d’eau maximale : 6, 04 m

Galaţi, PK 150 (rive gauche)
Hauteur minimale : 0, 52 m
Hauteur d’eau maximale : 5, 53 m

Danube-culture, mise à jour septembre 2022

Le rocher de Jochenstein, saint Jean Népomucène et la nymphe Isa

   Le rocher de Jochenstein (longueur 42 m, largeur 15 m, surface 0,045 ha, point culminant 290 m) est un élément rocheux, autrefois redouté des bateliers, qui émerge dans le lit du fleuve sur le territoire allemand au Km 2202, 72 à proximité de la frontière avec  l’Autriche. Il s’élève à une hauteur de +/- 9 mètres au dessus du niveau de l’eau et se trouve à une distance de 78 m de la rive gauche et de 187 m de la rive droite.

Le Rocher de Jochenstein, gravure sur cuivre, 1810

   Ce rocher est une résurgence d’une veine de quartz du vieux massif de la Forêt Bavaroise qui s’étend le long du sillon danubien et traverse la Basse-Bavière. Il appartient, tout comme la rive septentrionale et le côté gauche du talweg du fleuve à cette hauteur, au territoire du village de Gottsdorf (communauté de communes d’Untergriesbach).

Jochenstein

Le rocher de Jochenstein avant la construction du barrage, photo de Robert Baller, 1920, collection de la Bibliothèque Nationale d’Autriche, Vienne

   Un oratoire et une statue en pierre de saint Jean Népomucène, protecteur des bateliers, datant du XVIIIe siècle se tiennent au sommet du rocher. 

Saint Jean Népomucène sur le rocher de Jochenstein, photo © Danube-culture, droits réservés

   Le nom de Jochenstein pourrait être lié à une ancienne coutume païenne du culte de saint Jean qui se concrétisait sous la forme de libation aux solstices d’été et d’hiver. Une tradition d’introniser les nouveaux bateliers sur le rocher de Jochenstein lors de la saint Jean fut ensuite instaurée, tradition qui perdura jusqu’au XXe siècle !
   Le Jochenstein a donné son nom au village allemand qui lui fait face sur la rive gauche (commune de Gottsdorf), à la centrale hydroélectrique austro-allemande, édifiée entre 1952 et 1955 tout comme aux ruines médiévales du Vieux et du Nouveau Jochentein (rive gauche).

Centrale hydroélectrique austro-allemande de Jochenstein, photo © Danube-culture, droits réservés

   Sur la rive droite se trouve en aval la commune d’Engelhartszell (Km 2201) avec sa superbe abbaye trappiste baroque ainsi que l’église de l’assomption de la Vierge Marie, lieu de pèlerinage.

Mythologie populaire danubienne

   De nombreuses légendes se sont brodées au fil du temps autour de ces lieux comme celle du diable qui aurait voulu afin de punir le village voisin d’Engelhartszell pour on ne sait quel méfait, noyer celui-ci en le submergeant d’un mur d’eau et en laissant tomber un énorme rocher dans le lit du Danube. Ou encore celle, parmi les plus connues de la mythologie populaire danubienne, de la nymphe Isa.

La nymphe Isa du sculpteur Michael Lauss salue et protège les bateaux depuis la rive gauche, photo © Danube-culture, droits réservés

La nymphe de Jochenstein

   Une légende raconte qu’un magnifique palais se trouverait au pied du Jochenstein dans lequel règne une nymphe du nom d’Isa, soeur danubienne de la Loreley rhénane. Les nuits de pleine lune, la nymphe sort des eaux du fleuve et aurait été vu par des bateliers et des pêcheurs. Lorsque la brume s’étend au-dessus de l’eau, Isa émerge de son royaume pour protéger et guider les bateaux. Mais malheur à celui ou ceux parmi les bateliers et les pécheurs qui se laisseraient séduire par son chant ou tenteraient de la rejoindre. Ils seraient emprisonnés à jamais dans son palais pour l’éternité.
Une statue, placée sur la rive gauche, symbolise cette jolie légende danubienne.

Photo © Danube-culture, droits réservés

   Quant à la frontière austro-allemande actuelle qui court à la hauteur du barrage de Jochenstein entre la Bavière et la région du Mühlviertel autrichienne (Land de Haute-Autriche), elle remonte à 1765 et à un traité conclu entre l’Evêché de Passau et l’Empire autrichien. 

Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, mis à jour août 2022, 

www.stift-engelszell.at

Photo © Danube-culture, droits réservés

Le canal de la Sió ou en bateau du Danube au lac Balaton

Le confluent du canal de la Sió avec le Danube (PK 1497, 15), photo © Danube-culture, droits réservés

   Un premier canal fut creusé dès l’Antiquité pour drainer les marais environnants et son courant se dirigeait vers le lac. Aujourd’hui l’eau circule dans l’autre sens. La rivière sert (servait) ainsi de déversoir du lac en direction du Danube où elle conflue sur la rive droite avec celui-ci à la hauteur du PK 1497, 15.
Dans le cadre des travaux de régulation du XIXe siècle des plans furent élaborés pour maîtriser le niveau d’eau du lac Balaton avec comme objectifs la construction d’une voie navigable reliant le lac au Danube, le drainage des marécages environnants et leur transformation en terres agricoles, la sécurité du port et de la ville de Balatonfüred et la prévention des destructions causées par les inondations et la glace sur les digues de la ligne ferroviaire Budapest-Adria. C’est la construction de cette voie ferrée nécessitant la mise en place d’un système de surveillance du niveau de l’eau du lac qui eut pour conséquence l’inversion du courant de la Sió.

Le canal de la Sió et les écluses de Siófok, photo droits réservés

Une écluse à deux branches avec une porte en bois fut aménagée à la hauteur de Siófok et inaugurée le 25 octobre 1863. Celle-ci s’avéra insuffisante et une nouvelle porte la remplaça en 1891. Si le niveau de l’eau du lac dépassait une hauteur de 110 cm, les vannes d’ouverture étaient actionnées. C’est de nos jours toujours le seul canal d’évacuation de l’eau du lac Balaton.
Le canal qui quitte le lac à la hauteur de Siófok a une inclinaison moyenne de 14,5 cm/km, une longueur de 120, 8 km et une largeur de 20 à 30 mètres. La profondeur de l’eau varie entre… 0 et 8,8 m et le courant entre 0,5 et 4 km/h. Il est nécessaire de franchir deux écluses pour rejoindre le lac depuis le Danube. La première se trouve à Siófok à la hauteur du port et la deuxième à 2, 7 km du Danube. Le niveau d’eau du canal de Sio est très irrégulier. Dans la partie supérieure, il n’est significatif que lorsque la porte est ouverte à Siófok pour que face aux menaces d’inondation une partie de l’eau du lac soit drainée vers le Danube. La partie inférieure dépend principalement du niveau d’eau de son affluent le Kapos. Son entretien n’étant plus assuré depuis une trentaine d’années, envasé et envahi par la végétation, il est pour le moment malheureusement fermé à la navigation de plaisance mais représente un territoire fort apprécié par la faune et la flore. Il est toutefois possible que le canal soit remis en état dans les années à venir.
Deux rivières confluent dans le canal, le Kapos (113 km) et le Sárvíz (110 km), un ancien affluent direct du Danube qui serpentait à travers la plaine marécageuse et souvent inondée du Sárköz jusqu’à Báta, lui-même canalisé et dévié vers le canal à la hauteur de Szekszárd.

L’ancien cours du Sárvíz qui confluait autrefois directement avec le Danube sur une carte de F. L. Marsigli (1658-1730)

Sources :
István Deák: Balaton és Sió-csatorna hajózási kézikönyv / Balaton und Sió-Kanal Schifffahrtshandbuch. Budapest 2009

Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, avril 2022

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