L’or du Danube
Un ducat EX AURO DANUBII, MDCCLXXX , émis pendant le règne du Prince Électeur Charles-Théodore de Bavière ( (1724-1799)
L’or du Danube
Les Celtes auraient déjà pratiquer ce genre d’activité sur le Danube. Les hommes ont par la suite continuer à chercher et extraire, en quantité infime, de la poussière d’or des alluvions du Danube à certains endroits de son cours, en Haute-Autriche aux alentours d’Aschach, de Mauthausen et du confluent de l’Enns avec le Danube, en Basse-Autriche près de Gottsdorf, Klein-Pöchlarn, Dürnstein, dans les bras des prairies alluviales en aval de Zwentendorf, Tulln et de Langenlebarn-Königstetten. Ce lieu où le Danube se ramifie en de nombreux bras entrecoupés d’îles, de bancs de sable, d’affleurements de rochers, semble avoir été particulièrement apprécié des chercheurs d’or : dans la première moitié du XVIIIe siècle, des orpailleurs bavarois y auraient travaillé suivis, un siècle plus tard, par des chercheurs d’or originaires de Croatie. Des activités d’orpaillage ont eu lieu également à Korneuburg, dans la région de Klosterneuburg-Langenzersdorf, à Mannswörth près de Schwechat en aval de Vienne (rive droite), dans les environs de Bratislava et jusque sur le Danube hongrois. Des affluents de la rive gauche comme la Krems en Wachau ou la Kamp dans la région du Waldviertel, ont également été prospectés. La localité haute-autrichienne de Goldwörth sur le Danube, en amont de Linz (rive gauche) ou celle de Goldgeben en Basse-Autriche, dans le district de Korneuburg, rappellent par leur nom que s’y sont longtemps pratiquées des activités d’orpaillage.
Il existe de nombreux documents dans les archives de la Chambre de la cour impériale autrichienne et d’autres résidences seigneuriales témoignant d’activités et de règlements concernant l’orpaillage sur le Danube et ses affluents comme par exemple la lettre de patente datant de 1576, édictée par l’Empereur Maximilien II de Hasbourg (1527-1576) autorisant un certain Leopold Schernpeundtner à chercher de l’or dans le Danube sur le cour du fleuve en aval du confluent de l’Enns. Cette lettre de patente stipule également que cette démarche doit être encouragée par « toutes les autorités religieuses, prélats, comtes, magistrats, bourgmestres, conseillers, intendants, municipalités mais avec l’obligation pour l’orpailleur de le céder au bureau du Vizedom et uniquement à celui-ci selon le pourcentage du poids d’un Thaler hongrois équivalent à 80 Kreutzer. »
Une coupe d’un calice pour la messe, réalisé par l’orfèvre Michel Gotthard Unterhueber en 1736 et appartenant au trésor du cloître de Klosterneuburg, aux environs de Vienne, est un des plus beaux symbole de cette activité d’extraction du métal précieux dans les sédiments du Danube. L’or à partir duquel a été réalisé ce calice a été lavé sur les bords de la rive gauche du Danube aux environs du village de Langenzersdorf. Seule la coupe a été préservée. Le pied d’origine également en or fluvial, malheureusement fondu en 1810 pour contribuer au renflouement des finances de l’Empire autrichien malmenées par les guerres contre les armées napoléoniennes, a été remplacé par un nouveau pied en métal doré à la fin du XIXe siècle.
Dans les années 1870 des Tsiganes extrayaient encore professionnellement de l’or du Danube en face de Klosterneuburg, puis de façon expérimentale à la hauteur de Bad Deutsch-Altenburg (1936), sur le Danube hongrois (1937/1938), lors de la construction de la centrale hydroélectrique d’Ybbs-Persenbeug dans les années cinquante ou encore aux environs de Linz.
Le journal « Kronen Zeitung » du 18 juillet 1830 consacre un article à « la fièvre de l’or en Hongrie : une contrée au bord du Danube recélant de l’or — les Autrichiens lavent aussi de l’or — rendement minimum ». L’article conclut toutefois, après avoir précisé que c’est aux environs du village d’Aszvany, au sud du comté de Raab (Győr) que du métal précieux aurait été trouvé dans les bras du fleuve, qu’à la suite de cette découverte, de nombreux Autrichiens du Burgenland et de Styrie s’y sont précipités, orpaillant de l’aube au coucher mais que l’évènement n’a pas d’intérêt en raison des quantités dérisoires obtenus après des tonnes de sable filtrés.
Sur le Haut-Danube allemand, des orpailleurs étaient actifs en amont de Passau dès le IXe siècle. À partir de 1769, depuis Kelheim jusqu’à la frontière avec la principauté épiscopale de Passau (1217-1803) , le lit du fleuve est divisé en cinq concessions pour l’orpaillage.
La méthode d’extraction de l’or dans les fleuves et les rivières n’a que très peu changé au cours des siècles. Elle reposait d’une manière générale sur la densité élevée du matériau, sur son poids spécifique. Les particules d’or se déposent dans la partie inférieure du support en cas de mouvement de l’eau. En conséquence l’or ne devait pas être recherché dans des bancs de graviers grossiers ni dans le limon superficiel provenant des suspensions fluviales mais au contraire dans les couches sableuses qui traversent les graviers ou dans des endroits où les couches sableuses s’accumulaient à cause du courant. Ce travail incitait à de longs efforts, beaucoup de patience et de la chance pour trouver du « savon d’or ». Suite à diverses opérations de filtrage, il restait dans une cuvette ou un baquet une sorte de concentré sableux d’une couleur gris violette contenant grenat, quartz, zirconium, béryl, minerais d’oxyde de fer (magnétite et ilménite) et de petites particules d’or en quantité infime et d’une taille d’environ 0,1 mm en moyenne. L’or était séparé de ce mélange au moyen de mercure sous la forme d’amalgame, lequel était finalement chauffé pour obtenir un or pur.
Le Danube et ses affluents, l’Isar et l’Inn n’ont livré toutefois que de toutes petites quantités de ce métal précieux et on mesure la peine engendrée par l’extraction de l’or fluvial quand on sait que chaque tonne de matériau initial ne pouvait procurer qu’environ 0,5 à 1 gramme d’or ! Un résultat qui se situait bien en dessous d’un seuil de rentabilité minimum y compris avec l’aide d’outils mécanisés.
À propos d’or on se souviendra également d’un triste épisode contemporain, celui d’une catastrophe écologique pour la flore et la faune du Danube et d’un de ses affluents et sous-affluents liée à l’exploitation de l’or sur le territoire de son bassin. Le 30 janvier 2000 des pluies violentes ont provoquèrent la rupture de la digue en mauvais état du bassin de décantation de la mine d’or Aurul à Baia Mare, dans le nord-ouest de la Roumanie. 100.000 m3 environ d’eau cyanurée se sont déversés dans la petite rivière Szamos, affluent de la belle Tisza qui se jette dans le Danube à quelques dizaines de kilomètres au nord de Belgrade. Malgré l’évidence et l’ampleur de la catastrophe environnementale, accentuée par l’incapacité à réagir du gouvernement roumain de l’époque, le groupe australien Esmeralda Exploration, propriétaire de la mine, nia toute responsabilité dans cette pollution au cyanure.
Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour juillet 2023
Sources :
FREH, Wilhem, « Oberösterreich Flußgold », in: OÖHbl 4., 1950, S. 17-32
HUTER, Franz, « Eine Donaugold-Wäscherei bei Melk », in: Das Waldviertel 15, 1966, S. 128-130
MAYRHOFER, Robert J., « Goldwäscherei in Niederösterreich », in: Jahrbuch für Landeskunde von Niederösterreich NF. 30 (1949-1952), S. 26. – Der Hl. Leopold, Ausst.-Kat. (Klosterneuburg 1985), Nr. 556.
MELION, Grete, « Gold aus der Donau », in: Korneuburger Kultur-nachrichten, 1969, Heft I, S. 26-32
SEIBEZEDER, Franz, « Aus der Donau Gold waschen », in: Das Waldvietel 34, 1985, S. 154-155
SCHNEEWEIS, « Gold und Perlen aus der Donau », in Die Donau, Facetten eines europäischen Stromes, Katalog zur oberösterreichischen Landesausstellung 1994 in Engelhartszell. Herausgegeben vom Kulturreferat der Oberösterreichischen Landesregierung, Linz: Landesverlag, 1994 ,448. 8°. Objekt-Nr.: I 1.13, S. 327.