La chapelle de Hausstein (Strudengau), les tourbillons et l’empereur François-Joseph Ier de Habsbourg

La chapelle de Hausstein sur la rive gauche du fleuve, entre Struden et Sankt Nikola/Donau, construite lors des travaux d’amélioration ( de la navigation sur le Danube en Strudengau, photo © Danube-culture, droits séparés
   Ce monument a été également édifié à la demande de François-Joseph Ier de Habsbourg (1830-1916) en souvenir de leur voyage de leur croisière mouvementée à destination de Vienne. Le couple impérial avait passé l’été 1854 dans leur résidence de Bad Ischl, une élégante station thermale du Salzkammergut. Lorsqu’il retourna à Vienne avec sa femme, l’impératrice Sissi (1837-1898) et la cour, l’empereur souhaita pouvoir rejoindre la capitale impériale depuis Linz en descendant le Danube sur son nouveau yacht baptisé du nom d’ « Adler »1 (« l’Aigle »). Malgré diverses inquiétudes concernant le niveau des eaux du fleuve, les responsables autorisèrent le comte Karl Ludwig von Grünne (1808-1884), aide de camp de François-Joseph et le baron Anton Mollinary von Monte Pastello (1820-1904), officier responsable du bateau et de la flottille impériale et royale autrichienne sur le Danube, à effectuer cette croisière à haute responsabilité.

Le yacht impérial Adler (L’aigle) à Vienne en 1857, photo collection de la Bibliothèque Nationale Autrichienne de Vienne

   Ce matin du 20 septembre 1854, François-Joseph, d’une grande bonne humeur, après être monté à bord avec sa femme et quelques-uns des membres de la cour, avait examiné attentivement son nouveau yacht, posé toutes sortes de questions sur le fonctionnement de celui et avait montré un vif intérêt pour les nombreux détails liés à sa navigation. Le voyage de Linz jusqu’à Grein/Strudengau se déroula sans incident mais en franchissant le passage étroit et rapide de Hausstein en aval de l’île de Wörth, le navire heurta sur l’arrière un rocher à fleur d’eau qui provoqua une violente poussée.

La forteresse de Hausstein, les tourbillons (« Strudel « et « Wirbel ») de la Strudengau et l’île de Wörth, plan de la fin du XVIIIe siècle. Des flèches et un pointillé indiquent la route fluviale (Naufahrt) à suivre pour franchir le passage dangereux.

Un examen rapide de la coque permit de constater que celle-ci avait été endommagée et prenait beaucoup d’eau dans sa partie arrière. Il fut donc décidé d’échouer le bateau en face du village de Sankt Nikola/Donau (rive gauche), sur le « Seiler im Sand », un banc de sable encore visible de nos jours. L’accident ne provoqua heureusement que quelques frayeurs au couple impérial et à l’équipage mais il a peut-être été une des raisons pour lesquelles les travaux de régulation et d’amélioration de la navigation sur le fleuve haut-autrichien à cette hauteur du défilé de la Strudengau2, ont été menés plus rapidement par la suite. Franz-Joseph et sa femme poursuivront courageusement leur voyage vers Vienne sur l’ « Hermine », un des bateaux qui suivaient le yacht impérial.

Le gouvernail du yacht impérial, 1857

Sur le yacht impérial en 1857, photo collection de la Bibliothèque Nationale Autrichienne de Vienne 

Dans ses mémoires, le baron Anton Mollinary von Monte Castello décrivit plus tard l’accident de la façon suivante : « Alors que nous approchions des tourbillons de Grein où le fleuve, rétréci par des berges rocheuses escarpées, se précipite à travers et au-dessus des récifs rocheux avec force chutes et remous, un profond silence s’installa sur le bateau. Toute l’attention de l’équipage, réparti entre ses différents postes, était concentrée sur le commandant qui, avec son porte-voix, transmettait ses ordres jusqu’à la salle des machines tout en surveillant alternativement le fleuve et les timoniers. La plupart des passages dangereux avaient déjà été franchis avec succès.

Anton Mollinary von Monte Pastello (1820-1904) en 1843

Il ne restait plus comme dernier obstacle qu’un récif, là où le courant courre à travers un méandre. Soudain, un bruit se fit entendre de l’arrière gauche du bateau, en même temps il y eut une secousse en provenance du même endroit. Le navire se souleva un peu de l’arrière puis retomba immédiatement dans sa position habituelle et glissa doucement, de nouveau dégagé, dans le courant. Tout danger semblait heureusement écarté. Le visage du commandant du navire était cependant devenu blême. Donnant la barre à son adjoint le premier lieutenant, il se précipita sous le pont dans la direction d’où étaient provenus le bruit et la poussée. J’attendais son retour avec impatience. Quelques secondes après il réapparaissait, me regarda avec le plus grand sérieux et hocha la tête. J’en savais assez. »

Coups de canons tirés à bord du yacht impérial, photo collection de la Bibliothèque Nationale Autrichienne de Vienne 

Notes :
1 Le bateau à vapeur fut construit en 1854 par les chantiers navals hongrois d’Althofen (Budapest)

Longueur : 55, 47 m
Largeur : 8, 08 m/14, 58 m
Tirant d’eau : 1, 60 m
Moteur Escher & Wyss de 500 (chevaux) actionnant deux roues à aube.
Port d’attache : Vienne
Il est racheté par la DDSG en 1866 et navigue sous nom d’origine pour cette compagnie. Il est équipé d’un nouveau moteur en 1872 et mis au rebut en 1924.
2 L’impératrice Marie-Thérèse de Habsbourg (1717-1780), arrière grand-mère de François-Joseph avait déjà fait effectué des travaux à cette hauteur du fleuve dans les années 1770-1780. 

La chapelle de Hausstein pendant la crue de de 1857, photo collection particulière

Sources : 
HILLE, Oskar : Burgen und Schlösser in Oberösterreich einst und jetzt,Verlag Ferdinand Berger & Söhne, Horn 1975
www.landesarchiv-ooe.at

Eric Baude, © Danube-culture, septembre 2021, droits réservés

La forteresse d’Aggstein en Wachau : un haut-lieu des légendes danubiennes

Construite, dans sa partie la plus ancienne, à la fin du XIe et au début du XIIe siècle par Manegold III von Acchispach, elle tombe ensuite dans les mains de la dynastie des Kuenring von Aggsbach-Gansbach jusqu’à leur extinction au XIVe siècle.

   Une légende raconte qu’Hadmar III von Kuenring contrôlait et entravait selon son bon vouloir la navigation sur le fleuve à l’aide d’une solide chaîne de fer qu’il faisait tendre en travers du fleuve à l’arrivée des bateaux. Exaspéré par ses pratiques, le duc Friedrich II von Babenberg, duc d’Autriche (1211-1246) décida de s’emparer sans succès de la forteresse. C’est par la ruse qu’il réussit à mettre fin aux exactions d’Hadmar III von Kuenring. Un marchand de Vienne avec un bateau lourdement chargé de marchandises qui cachaient une troupe des soldats puissamment armés dans ses cales, fut arrêté par la chaine dressée en travers du fleuve. Le maître des lieux monta sur l’embarcation et les soldats s’en emparèrent. Ils rentrèrent à Wiener Neustadt avec leur précieux prisonnier. La vengeance du duc Friedrich II von Babenberg fut toutefois clémente puisque Hadmar III von Kuenring recouvra la liberté en échange de la restitution des biens dont il s’était emparé. Repentant, il serait mort en pèlerinage quelques années plus tard non loin de Passau.

Une des chaines qui servaient autrefois à entraver la navigation sur le Danube (collection du Musée de l’armée de Vienne), photo © Danube-culture, droits réservés

En 1429, la forteresse devient la propriété du conseiller ducal Jörg Scheck vom Wald (littéralement « La terreur de la forêt ») qui l’avait reçu des mains du duc Albrecht V de Habsbourg dit « le Sage » (1298-1358), ultérieurement duc d’Autriche sous le nom d’ Albrecht II. Délabrée, la forteresse est reconstruite à la demande de celui-ci. Une période sombre pour la forteresse car son propriétaire, surnommé « le mangeur de fer » (der Einsenfresser) ou le vengeur sanguinaire » (der Blutracher) s’illustre par son comportement particulièrement sanguinaire et malhonnête. Chargé, à partir de 1438, de contrôler la navigation des bateaux sur le Danube d’amont en aval et d’entretenir le chemin de halage pour les embarcations montantes, il ne peut s’empêcher d’abuser de ses fonctions et se met à rançonner tous ceux qui naviguent sur le fleuve et passent devant son château-fort. Georg von Stain (?-1497) s’empare la forteresse d’assaut en 1463. Aussi peu scrupuleux que son prédécesseur, il en est expulsé par Ulrich Freiherr von Graveneck en 1476. Le duc Leopold III de Habsbourg (1351-1386) reprend lui même Aggstein l’année suivante et y installe des locataires afin que les pillages et les pratiques de rançons cessent.

Ruines d’Aggsbach depuis le Danube (1820-1826) par Adolph Friedrich Kunike (1777-1838), collection privée

Aggstein va subir encore les assauts des troupes ottomanes au XVIe siècle qui l’incendient (1529). À nouveau rénovée en 1606 par Anna von Polheim-Parz, veuve du dernier locataire, elle est laissée ensuite à l’abandon jusqu’au XIXe siècle.

Ses ruines alimentent alors de nombreuses légendes. Elle devient ensuite un lieu de promenade et commencera a être restaurée à partir de 1930 par son nouveau propriétaire, la famille Seilern-Aspang.

Burgruine_Aggstein_Wachau

La forteresse médiéval d’Aggstein dominant le Danube, photo Danube-culture, droits réservés

La forteresse avec sa salle des chevaliers sa chapelle, sa taverne, ses tours et ses vastes murailles est accessible par une petite route escarpée depuis le hameau d’Aggstein en contrebas. Elle se visite et fait aujourd’hui l’objet de nombreuses manifestations culturelles et historiques. La vue sur la vallée du Danube en Wachau depuis la forteresse est exceptionnelle.

info@ruineaggstein.at
www.ruineaggstein.at

La légende du  jardinet des roses d’Aggstein

« Château en ruines, perché au sommet d’un rocher conique qui domine Aggsbach. Ce château, une des plus belles ruines féodales du Danube, était au XIIIe siècle, la terreur des voyageurs et des bateliers. Il avait alors pour propriétaire un seigneur-voleur nommé Schreckenwald, qui précipitait ses prisonniers par une trappe de fer dans un gouffre qu’il appelait Rosengartlein, son « petit jardin de roses ». Ce bandit périt sur l’échafaud. Mais il eut pour héritier, ou plutôt pour successeur Hadmar de Khuenringer, qui possédait aussi Dürrenstein [la forteresse de Dürnstein] avec dix autres châteaux-forts et qui fit regretter Schreckenwald. Son frère Leutold le secondait si bien dans tous ses crimes et ils inspiraient une telle terreur, qu’on les avait surnommés les limiers. »

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mise à jour 1er septembre 2020

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