Ratisbonne (Regensburg)

Le pont de pierre (le plus ancien pont encore en activité sur le Danube), la cathédrale saint-Pierre et le Danube, trois magnifiques symboles de Ratisbonne 

« Ville attenante à Stadt-am-Hof (Stadtamhof), située sur la rive droite du Danube, capitale du cercle bavarois de la Regen (Regenkreis) et le siège de la régence, ci-devant ville libre et impériale. La partie de la ville de Ratisbonne et presque toute celle qu’on nomme Stadt-am-Hof, devint la proie des flammes, lors de l’assaut, qui eut lieu le 23 Avril 1809. C’est aujourd’hui la plus jolie partie de la ville (la superbe rue nommée Maxjosephstrasse).

Stadt-am-hof (Regensburg), gravure de Michael Wening Bavière (1645-1718),  vers 1700

21 à 22000 habitants. Vieux et célèbre pont sur la Danube. Belle cathédrale d’un style gothique, où se trouve le monument de Dalberg. La ci-devant abbaye de saint-Emmeran, aujourd’hui la résidence du Prince de Taxis où se trouvent ses riches collections. Observatoire, jardin botanique. L’église de saint-Emmeran, où l’on voit de charmants tableaux, plusieurs autres églises, le collège des Jésuites, le couvent des Écossais, les chapitres, dits Ober et Niedermunster.
La jolie place, dite Neupfarreplatz, c’est incontestablement la première de Ratisbonne, avec des promenades. La jolie maison, dite Unterhaltungshaus, où l’on trouve salle de spectacle, redoute, harmonie (une société bien aimable) et un restaurant. Lycée, gymnase, bibliothèque urbaine (formée par trois autres). Société botanique et ses collections.
La Diète de l’Empire Germanique a siégé dans cette ville, depuis 1662 jusqu’en 1806, époque de sa dissolution. Voyez le local où s’assemblait la Diète générale, ainsi que l’hôtel-de-ville, maintenant le local de la police et du Loto, l’on y trouve aussi une collection d’anciens tableaux. Moulins et machines hydrauliques sur les bords du Danube. Commerce de productions naturelles et d’expédition. Peu d’industrie, mais construction de bateaux, blanchisseries de cire, peinture sur porcelaine. Divertissements : spectacles, bals, concerts, assemblées. Promenades : l’Allée de Taxis (qui n’est rien d’autre qu’un véritable parc) ; Oberwoerdt et Niederwoerdt, les tilleuls, le pont, les parties sur l’eau, la métairie d’Einhausen, le bain de Winzer etc.

Le monument à Johannes Kepler, photo droits réservés

Le monument de Kepler. Ici mourut en 1817, dans la maison Neuenstein, Charles de Dalberg, Prince Primat, ci-devant Grand-Duc de Francfort. Les collections du Comte de Thurn et de Meyer. Établissement de Robinson pour sourds et muets, fondé en 1816. Écoles pour les savants. Dans les environs, la Chartreuse Brul, et Priefling, prélature des Bénédictins.
Hotels et auberges : Charles, Aux 3 Clefs, Auberge à la Couronne d’or, Aux 3 Casques, À l’Agneau Blanc, Au Coq Rouge, À l’Ours Noir, À l’Ours d’or.
Il part toutes les semaines un bateau pour Vienne.
Almanach pour ceux qui voyagent dans les environs de Ratisbonne (1809)

Ratisbonne
La ville porte à l’époque romaine, sous le règne de l’empereur Marc-Aurèle, le nom de Castra Regina. On la retrouve aussi sous le toponyme celte de Radaspona, mentionné dans la vie de Saint Emmeran d’Arbeo de Freising (avant 723-784) vers 772 ap. J.-C. et dont la transcription latine médiévale Ratisbona a donné Ratisbonne en français, l’élément celte « bona » signifiant village, fondation. D’autres noms, liés à des périodes de son histoire lui ont été attribués dans la littérature : Tiburnia, Tiburtina, Quadrata, Quatarnis, Hyatospolis, Ymbrispolis, Germainsheim, Metropolis…
Le monastère de Saint Emmeran de Ratisbonne abrite la pierre tombale de ce martyre chrétien du moyen-âge, originaire de Poitiers et qui s’était installé à Ratisbonne. Confesseur à la cour des Agilolfingiens, il fut tué lors d’un guet-apens en 652 à Eching (Bavière)

Statue de Don Juan d’Autriche (1545 àu 1547-1578), né à Ratisbonne fils naturel de Charles Quint et Barbara Blomberg (1527-1597), vainqueur de la bataille navale de Lépante en 1571. « Valeureux comme Scipion, héroïque comme Pompée, fortuné comme Auguste, un nouveau Moïse, un nouveau Gédéon, Samson et David, mais sans leurs défauts » (Grégoire XII). Photo Danube-culture © droits réservés

Ratisbonne qui s’enorgueillit d’avoir accueilli Saint Emmeran, Charlemagne (vers 742-814), un adepte de la natation dans le Danube), les croisades, Frédéric Barberousse (1122-1190), Charles Quint (1500-1558), son fils illégitime Don Juan d’Autriche qui y est né, le peintre Albrecht Altdorfer (vers 1480-1538), maître de l’École dite « du Danube », Johannes Kepler (1571-1630), brillant mais infortuné astronome, les empereurs Napoléon Ier, Guillaume Ier de Hohenzollern (1797-1888), François-Joseph de Habsbourg (1830-1916) et les princes de Thurn und Taxis (ils y sont établis depuis 1748), plus récemment le cardinal Joseph Ratzinger devenu pape sous le nom de Benoît XVI (2005), eut les honneurs de la diète impériale du Saint Empire Romain Germanique de 1663 à 1806. La ville subit aussi des épidémies de peste, les affres des croisades, les désastres de la guerre de Trente ans, la mise à l’index de sa communauté juive et d’autres conflits.

Quelques dates de l’histoire de la ville :

Vers 90 ap. J.-C. : édification d’un premier camp fortifié romain
179 ap. J.-C. : construction du camp de légionnaires de Castra Regina à l’époque du règne de Marc-Aurèle (120-180)
Milieu du VIe siècle : arrivée des Bajuwaren (Bavarois) et de la dynastie des ducs agilolfingiens sur les territoires des anciennes provinces romaines de Rhétie et de Norique. Les évêques Emmeran et Ehrard christianisent la Bavière dans la deuxième moitié du VIIe siècle.
652 : mort d’Emmeran
739 : fondation des évêchés de Ratisbonne, Passau, Salzbourg et Freising
788 : le duc de Bavière Tassilon III (vers 742-ap. 794) est emprisonné par Charlemagne, condamné à mort, gracié et doit rentrer dans les ordres
794 : annexion du duché de Bavière au royaume des Francs
Xe siècle : première extension de la ville
1135-1146 : construction du Pont de pierre sur le Danube (Steinerne Brücke)

Le pont de pierre de Ratisbonne (Steinbrücke),  Topographia Germaniae (1642-1654) de Matthäus Merian l’ancien (1593-1650), gravure sur cuivre 

1245 : Ratisbonne devient une cité libre du Saint-Empire Romain germanique sous le règne de Frédéric II (1194-1250) et le demeurera jusqu’en 1803
1274 : début de la construction de la cathédrale gothique saint-Pierre et de l’ancien Hôtel-de-ville
1486-1492 : Ratisbonne, ayant perdu son statut commercial privilégié se débat dans de graves difficultés financières. Elle doit renoncer à son statut de ville libre du Saint-Empire Romain germanique et se soumet volontairement au duc Albert IV de Bavière (1447-1508) qui, à son tour, est contraint de restituer la ville en 1492 à l’empereur Frédéric III (1415-1493)

Regensburg Ratisbonne, gravure de Georg Braun (1542-1622) et Franz Hogenberg (1535-1590), entre 1572 et 1618

1519 : la population juive est accusée de l’état catastrophique des finances de la ville. Elle est expulsée et le ghetto est détruit. Suite à un miracle le pèlerinage de la Belle Madone commence. Il prend fin brutalement peu de temps après en raison d’une épidémie de la peste.
1532 : la Constitutio Criminalis Carolina, code de procédure pénale de l’empereur Charles-Quint est adoptée par la Diète.
1538 : mort du peintre Albrecht Altdorfer (1480-1538), le plus illustre  des représentants de l’École du Danube.

La belle Madone de Ratisbonne, Albrecht Altdorfer

1542 : Ratisbonne devient une cité de la Réforme. Toutefois elle continue d’abriter l’évêché catholique.
1594 : la Diète du Saint Empire Romain germanique siège uniquement à Ratisbonne.
1630 : mort du grand mathématicien, astronome et astrologue Johannes Kepler (1571-1630) dans sa maison de Ratisbonne, loin de sa famille et dans un grand dénuement. Sa tombe sera détruite par les armées suédoises lors de la Guerre de Trente Ans. Avant de mourir, il eut le temps d’écrire sous forme de distique élégiaque l’épitaphe en vers qu’il souhaitait pour sa pierre tombale : « Mensus eram caelos. Nunc terrae metior umbras. Mens coelestis erat. Corporis umbra jacet. » (« Je mesurais les cieux. Je mesure maintenant les ombres de la Terre. L’esprit était céleste. Ici gît l’ombre du corps. »)

Johannes Kepler (1571-1630)

1663-1806 : Ratisbonne est le siège de la Diète permanente du Saint-Empire Romain germanique.
1803-1806 : dernière séance de la diète du Saint Empire Romain germanique fondé en 962 par Otton Ier (972-973) et règne du prince-primat Carl Theodor von Dalberg (1744-1817), archevêque et prince-électeur de Mayence et évêque de Ratisbonne.
1809 : bataille de Ratisbonne : les troupes napoléoniennes prennent la ville occupée par les armées autrichiennes. La ville est annexée au nouveau royaume de Bavière créé par Napoléon en 1809 et perd peu à peu de son importance.

Bataille de Ratisbonne, avril 1809

1838 : chef-lieu du district du Haut-Palatinat
1859 : raccordement au réseau ferroviaire
1863 : inauguration du Monument de la Libération (Befreiungshalle) à Kelheim
1910 : construction du port
1938 : au cours de la nuit de cristal, la synagogue est incendiée, les magasins appartenant à des Juifs pillés. De nombreux membres de cette communauté sont arrêtés et déportés. Bombardements de la ville par les Alliés.
1945 : l’armée américaine prend possession de la ville en avril.
1967 : fondation de l’université
1979 : commémoration des 1800 ans de la fondation de Castra Regina
1989 : commémoration des 1250 ans de l’évêché de Ratisbonne
1992 : inauguration du canal Rhin-Main-Danube après 32 ans de travaux
1995 : 750e anniversaire du statut de ville libre d’Empire
2005 : le cardinal Joseph Ratzinger, professeur à l’université de Ratisbonne est intronisé pape sous le nom de Benoit XVI.
2006 : Ratisbonne est classée au patrimoine mondial de l’Unesco.

Ratisbonne
   « Le Danube, qui sous le Pont de Pierre s’écoule, grand et sombre dans le soir, et strié par les crêtes de ses flots, semble évoquer l’expérience de tout ce qui manque, écoulement d’une eau qui s’en est allée ou va s’en aller mais qui n’est jamais là… »   « Même le Volksbuch, le livre populaire du docteur Faust, chante les louanges de Ratisbonne et de son pont de pierre, merveilles des siècles et du monde. Les chroniqueurs font mention de sa magnificence de ville épiscopale et impériale, Maximilien 1er, l’empereur-chevalier, voyait en elle, en 1517, « la plus florissante, jadis, parmi les villes riches et célèbres de notre nation allemande ». Éloges et regrets entourent cette splendide ville romane et gothique aux cents tours, dont les ruelles et les places concentrent dans chaque ornement de pierre les couches d’une histoire pluriséculaire. Les louanges, les panagéryques à la ville remplissent des bibliothèques ; l’apologie se rapporte toujours cependant aux fastes d’autrefois, d’une époque révolue – einst, jadis, dit déjà l’empereur Maximilien. Les églises, les tours, les maisons de maître, les figures sculptées disent la majesté du passé, une gloire que l’on peut se rappeler mais non pas posséder , qui a toujours existé et qui jamais n’existe…
« Il existe à Ratisbonne des amoureux de leur cité-État, qui vénèrent les souvenirs que recèlent chaque portail et chaque chapiteau. Ces savants, remuants et sereins comme tous les érudits locaux —  à ceci près que, parmi leurs reliques, ils ne tombent pas sur des curiosité de musée, mais bel et bien sur de grandes pages d’Histoire, sur Frédéric Barberousse traversant le pont de pierre —, trouvent et rencontrent, dans le passé, d’autres savants attentifs à se faire les gardiens des siècles enfuis. En 665 pages très serrées, Karl Bauer reconstitue et répare, pierre après pierre, le plan de la ville, l’histoire et la raison d’être de chaque maison et de chaque monument, les ombres dont des centaines et des centaines d’années ont peuplé les ruelles, les arcades, les portes et les coins des splendides petites places. En s’arrêtant, dans ce livre qui date de 1980, sur la maison sise au numéro 19 de la Kreuzgasse, il nous fait le portrait de Christian Gottlieb Gumpelzhaimer [1766-1841], l’historiographe de Ratisbonne, mort en ces murs en 1841, ce passionné du passé de la ville, qui dans le premier tome de son Histoire, légendes et merveilles de Ratisbonne, ouvrage paru entre 1830 et 1838, dit tout son amour pour les richesses ancestrales de la ville ou il a vu le jour… »

Christian Gottlieb Gumpelzhaimer (1766-1841), historiographe de Ratisbonne et amoureux de sa ville

   « À Ratisbonne, il y avait une tradition très vivante : celle de l’âne des Rameaux, avec la procession qui promenait à travers la ville une statue du Christ sur un âne de bois, en souvenir de son entrée triomphale à Jerusalem avant la semaine de la Passion. »
Claudio Magris, »Ratisbonne » et « L’Âne des Rameaux », in Danube, Éditions Gallimard, Paris, 1988

Souvenir du passage de Napoléon et de ses armées, ici en 1809, photo droits réservés

Château et ancien monastère de saint-Emmeran
   Les origines du monastère remontent au VIIIe siècle et se situent sur l’emplacement d’un site funéraire paléochrétien. Une communauté de moines s’établit sur la tombe de saint-Emmeram, évêque de Poitiers, missionnaire et martyr franc assassiné en 652 et y développe une vie monastique florissante, des activités scientifiques, spirituelles et culturelles de haut niveau jusqu’à la sécularisation de 1803. Après la sécularisation et la suppression du monastère, le vaste complexe de bâtiments avec sa basilique mineure, remaniée dans le style baroque par les frères Cosmas Damian et Egid Quirin Asam, est donnée, en compensation de la perte de leur ancien palais de Francfort/Main, à la famille des princes de Thurn und Taxis qui occupe déjà une partie des bâtiments.

Basilique mineure du monastère de saint-Emmeram de Ratisbonne, photo droits réservés

Les travaux considérables de construction et de rénovation des XIXe et XXe siècles transforment l’ancien monastère en un château princier confortable, tout en préservant en partie son ancien caractère religieux. Entourant plusieurs cours intérieures, le château se compose d’un cloître de style gothique primitif et flamboyant (XIIe-XIVe) d’une remarquable homogénéité. Le « nouveau couvent », situé sur le côté est de la grande cour et construit aux XVIe et XVIIe siècles, abrite aujourd’hui les salles d’apparat de la famille princière. L’aile sud, qui ferme le château avec une impressionnante façade néo-Renaissance, date de la fin du XIXe siècle.
L’ancien monastère de saint-Emmeram est toujours le siège de la famille princière et de  son administration. C’est principalement grâce à l’engagement personnel et financier de la famille des Thurn und Taxis que les bâtiments ont été  bien conservés et entretenus. Les espaces muséaux du cloître, du château, de la salle du trésor et des écuries sont très fréquentés. Le projet incongru de 2007 d’une transformation d’une partie de l’ancien monastère en un hôtel de luxe a été contesté par une opposition d’habitants soutenus par des historiens et a été abandonné.

Le Musée de la navigation sur le Danube
Ratisbonne compte de nombreux monuments historiques et musées mais parmi ces musées, il en est un des plus originaux et rares sur le fleuve (il en existe seulement trois autres en Autriche, au château de Grein (Haute-Autriche, rive gauche), à Spitz/Donau (Basse-Autriche, rive gauche) et à Vienne-Freudenau (rive droite) : le Musée de la navigation sur le Danube. Cette structure est hébergée à bord de deux bateaux historiques restaurés par le Cercle des travailleurs de Ratisbonne : le Ruthof/Erseksanad, un bateau à vapeur à aubes, construit en 1922/23 et le Freudenau, un remorqueur avec un moteur diesel construit en 1942.
De nombreuses pièces d’origine sont accessibles aux visiteurs à bord des deux bateaux en parfait état et qui font l’objet de démonstrations occasionnelles. Le Freudenau a été conservé dans l’état où il se trouvait jusqu’à la fin de son service actif. Différents documents donnent un bon aperçu de l’histoire de la navigation sur le Danube germanophone.

DONAUS-SCHIFFFAHRTS-MUSEUM

Thundorfer Straße / Marc-Aurel-Ufer
93047 Regensburg
www.donau-schiffahrtsmuseum-regensburg.de

À proximité de la vieille ville, le Musée de la navigation de Ratisbonne, photo Danube-culture © droits réservés

Office de tourisme de Ratisbonne : www.tourismus.regensburg.de
Guide de la ville : BÖCKER, Heidemarie, Ratisbonne, Guide de la ville, Patrimoine de l’Unesco, Verlag Friedrich Pustet, Regensburg, 2009

Mis à jour novembre 2023 pour Danube-culture, © droits réservés

Stadtamhof (Regensburg)

   L’ancienne petite ville bavaroise de Stadtamhof a été rattachée à la ville de Ratisbonne le 1er avril 1924, mais est restée le siège du district de Stadtamhof jusqu’en octobre 1929. Le reste du territoire de l’ancien district de Stadtamhof, sans la petite ville de Stadtamhof, fut ensuite rattaché au district de Ratisbonne.

Plan de Regensburg avec le Pont de pierre et la commune de Stadtamhof sur la rive gauche du fleuve, au confluent de la regen avec le Danube en 1869

Dans le prolongement du pont de pierre, la rue principale du quartier de Stadtamhof, utilisée occasionnellement comme place de marché, s’étend vers le nord et se termine par une porte à pylône sur la rue « Am Protzenweiher »,  nommée ainsi d’après l’ancien secteur inondable du Danube. Ce secteur est occupé depuis 1978 par le canal européen de Ratisbonne, infrastructure inclu dans la réalisation du canal Rhin-Main-Danube. Depuis l’achèvement du canal européen dont la construction a duré de 1972 à 1978, Stadtamhof, désormais séparé du quartier de Steinweg, constitue en quelque sorte une île, parfois désignée comme telle. Les habitants de Ratisbonne ne comptent toutefois pas celui-ci parmi les îles du Danube.

   Le territoire de Stadtamhof s’étend du point kilométrique 2381,22 au PK 2379,24. L’île d’Oberer Wöhrd se trouve au sud de Stadtamhof et en aval du Pont de pierre, celle d’Unterer Wöhrd. Ces deux parties ne sont séparées de Stadtamhof que par le bras nord du Danube, large de 50 mètres. Le canal de l’Europe et le bras nord du Danube rejoignent la Regen à l’extrémité est de l’île de Stadtamhof et forment une grande étendue herbue se terminant en pointe vers l’est, appelée autrefois « Mangwiesen (prairie de Mang) » en référence au monastère voisin de Sankt Mang, et dénommée aujourd’hui « Grieser Spitz (pointe de Gries) ». Ce nom provient de la ruelle qui s’y termine et qui s’appelle « Am Gries », ce qui signifie « Sur la rive plate et sablonneuse ». Cette dénomination englobe également le lotissement périphérique de Stadtamhof.

Sur l’histoire de Ratisbonne (Regensburg)
www.regensburger-tagesbuch.de

Entre Ingolstadt, Regensburg et Passau (Bavière danubienne)

   Après avoir laissé Ingolstadt, où bat le coeur de la Bavière historique, ancienne capitale ducale avec son enceinte fortifiée (bastion) dont on ne sait si elle protégeait plus la ville des envahisseurs que des crues légendaires du fleuve et dans la forteresse de laquelle fut emprisonné pendant la Première Guerre mondiale celui qui n’était à cette époque que le capitaine de Gaulle, on suit le fleuve sur la rive droite et on arrive d’abord la petite ville de Vohburg avec ses quatre tours historiques. Un pont ou le petit bac saisonnier d’Eining permet de changer de rive et de découvrir sur le plateau au nord de Pförring (rive gauche) les ruines de Celeusum, un ancien camp romain fortifié avec des thermes. Les Romains connaissaient bien également les vertus des eaux sulfureuses de Bad Gögging (rive droite). Toujours sur la même rive droite, a été érigé en 80 après J.-C un autre camp romain fortifié, celui d’Abusina. Il est détruit en 250 par les Alamans puis reconstruit ce qui en fait le camp militaire romain le mieux conservé de toute la Bavière. D’autres vestiges de la présence romaine ont été préservés sur la rive gauche entre Eining et Weltenburg. Le fleuve se heurte ensuite aux reliefs de l’Altmühltal qu’il traverse à travers un étroit défilé, franchi non sans difficultés par les bateliers d’autrefois vers l’amont avec leurs « Zille » grâce à des anneaux fixés dans les parois rocheuses. Au pied de la colline du Würzberg, sur la rive droite, en amont de la petite ville de Kelheim, l’abbaye bénédictine de Weltenburg  et ses frères brasseurs (quoi d’étonnant quand on sait qu’elle a été fondée par des moines irlandais et écossais !) surveille le fleuve à l’entrée du dernier défilé karstique de Souabe rencontré par le Danube. Son architecture épouse le dessin d’un méandre vigoureux de quate-vingt dix degrés. De nombreuses abbayes ou anciennes abbayes jalonnent le parcours du Haut-Danube, rappelant combien ces paysages bavarois sont des terres catholiques.

L’abbaye bénédictine de Weltenburg, photo droits réservés

 L’abbaye, fondée vers 610, est baroquisée au XVIIIe. Son église Saint-Georges est un pur chef d’oeuvre du Rococo bavarois dû au génie artistique et au sens du « theatrum sacrum » des frères Cosmas Damian (1686-1739) et Egid Quirin Asam (1792-1750). Sur le Frauenberg (La montagne des femmes), voisin de l’abbaye, a été édifiée une forteresse à l’époque où le fleuve était une des principales frontière (Limes) de l’Empire romain oriental. Sur la même colline du Frauenberg a été également édifiée, à l’emplacement des fondations d’un ancien temple romain, une première chapelle elle-même reconstruite à l’époque où l’abbaye est rénovée dans le style baroque.

Saint-Georges dans le choeur de l’église baroque décorée par les peintres, sculpteurs et stucateurs  Cosmas Damian et Egid Quirin Asam, photo © Danube-culture, droits réservés   Au-delà des « Portes du Jura souabe » qui ferme le passage sauf au Danube, s’impose dans le paysage la pompeuse et quelque peu surprenante « Befreiungshalle », le  Temple de la Libération ou de la délivrance (du calvaire napoléonien…) au sommet d’une éminence de la rive gauche.

Bernhard Metzeroth (1813-1848) : la Befreiungshalle et l’embouchure du canal du roi Louis à Kelheim, gravure de 1848, Meyers Universum.

Proche de deux sites celtiques situés sur la colline du Michelsberg, achevé en 1863, ce monument est la concrétisation du souhait de Louis Ier de Bavière (1786-1868) de voir édifier à cet endroit précis un édifice dédié à la victoire de Leipzig (1813) contre ce qui restait des armées napoléoniennes après la désastreuse campagne de Russie. Le bâtiment est en forme de polygone de 18 côtés soulignés par 18 pilastres au sommet desquels se tient une korè (sculpture) symbolisant les 18 peuples ayant participé à la libération de l’Allemagne du joug napoléonien. Au dessus des korès, un péristyle de 48 colonnes (3 x 18 colonnes) puis à nouveau au dessus du péristyle 18 autres pilastres sont surmontés par des trophées.

La Befreiungshalle, photo © Danube-culture, droits réservés

L’illusion réussie d’un monument en marbre, alors qu’il est en brique, contrairement au Walhalla, est due au crépi et à la peinture qui prend soin d’imiter des blocs de marbre. Un escalier de 84 marches conduit à une entrée monumentale qui débouche sur une salle intérieure, toute de véritable marbre cette fois, haute de 49 mètres et surmontée d’une coupole. Au sol se trouve l’inscription : « Puissent les Allemands ne jamais oublier ce qui a rendu nécessaire le combat pour la libération et par quoi ils ont vaincu. »

Deux des 34 victoires posant tendrement leurs mains sur le bouclier de bronze symbolisant la victoire de Waterloo du 18 juin 1815… Photo © Danube-culture, droits réservés

18 niches placées sur un socle, décorent la partie inférieure de la salle avec 34 statues victorieuses toutes différentes les unes des autres qui se donnent la main ou brandissent des boucliers de bronze. Des plaques avec les noms des généraux et des forteresses conquises dominent les niches. La seule source de lumière naturelle avec le portail d’entrée est la lanterne en verre au sommet de la coupole.

La coupole en caissons de la Befreiungshalle et la lanterne à son sommet, photo © Danube-culture, droits réservés

Un escalier part du sol et permet d’accéder au péristyle intérieur et à la balustrade extérieure d’où la vue exceptionnelle s’ouvre sur la vallée du Danube et les environs. Le monument, construit sur les plans de l’architecte Friedrich Wilhem von Gärtner (1791-1847) puis achevé par Leo von Klenze (1784-1864), fut inauguré à l’occasion du cinquantième anniversaire de la bataille des Nations et de la victoire de la coalition alliée à Leipzig, le 18 octobre 1863.
Kelheim qui se trouve au pied de l’édifice, était connue au temps de la navigation d’avant l’invention de la vapeur pour son port sur le Danube d’où partaient autrefois, avant que la portion amont entre Ulm et Kelheim ne s’ouvre au trafic fluvial, les bateaux (« Kelheimer ») transportant diverses marchandises vers les grandes villes de l’aval. Ce port possède un intéressant patrimoine historique du début de l’ère industrielle, une  autre initiative du même  Louis Ier de Bavière et qui répond au nom de « Canal du roi Louis » (Ludwig Kanal). Kelheim marque également  l’entrée (ou la sortie…) du nouveau canal Rhin-Main-Danube à l’ancien confluent de la rivière Altmühl avec le Danube).

Le canal du roi Louis en juin 1916 lors de la visite d’Albert III de Bavière, photo d’archives

Le fleuve continue à serpenter dans un relief s’apaisant peu à peu puis rejoint Ratisbonne (Regensburg). L’ambiance de l’ancienne « Radasbona » celte ou « Castra Regina » romaine (les historiens ne mentionnent pas moins de soixante-dix noms différents pour Regensburg !) contraste et allège joyeusement le souvenir de la « Befreiungshalle ».

Le vieux pont de pierre légendaire de Regensburg (Ratisbonne), photo © Danube-culture, droits réservés 

Ratisbonne s’enorgueillit d’avoir accueilli saint-Emmeran, Charlemagne (vers 742-814, adepte de la natation dans le Danube), les croisades, Frédéric Barberousse (1122-1190), Charles Quint (1500-1558), son fils illégitime Don Juan d’Autriche né dans la ville des amours éphémères de celui-ci avec Barbara Blomberg (1527-1597) et qui sera vainqueur de la bataille de Lépante, le peintre Albrecht Altdorfer (vers 1480-1538), maître de l’École dite « du Danube » qui en fût le maire, Johannes Kepler (1571-1630), brillant mais infortuné astronome, les empereurs Napoléon Ier, Guillaume Ier de Hohenzollern (1797-1888), François-Joseph de Habsbourg (1830-1916) et les princes de Thurn und Taxis, établis depuis 1748 dans la ville et plus récemment le cardinal Joseph Ratzinger devenu pape sous le nom de Benoît XVI (2005). La ville eut aussi les honneurs de la diète impériale du Saint-Empire romain germanique de 1663 à 1806 mais elle subit aussi des épidémies de peste, les désastres de la guerre de Trente ans et autres conflits.

Statue de Don Juan d’Autriche (1547?-1578), fils illégitime de Charles Quint et de Barbara Blomberg, copie du monument érigé à Messine à la gloire du vainqueur de la flotte turc à la bataille navale de Lépante (1571), photo © Danube-culture, droits réservés

Son vieux pont de pierre de seize arches datant du XIIe siècle (1135-1146), le « Steinerne Brücke », l’ouvrage le plus ancien encore en place franchissant le Danube, véritable talisman de Ratisbonne, long de 330 m, doté de son propre sceau (aujourd’hui celui de l’université) et qui n’a jamais été détruit, son centre historique, illustrent l’importance de la cité dans l’histoire des échanges et du commerce en Europe et au-delà.
Ratisbonne est aujourd’hui une vieille dame alerte classée au patrimoine mondiale de l’Unesco (2006), pleine de charme et d’entrain. Située au au point le plus septentrional du cours du fleuve, elle n’en témoigne pas moins d’un art de vivre quasi méridional.

En amont du vieux pont de pierre, sur le Danube une réplique de Kelheimer motorisée, photo © Danube-culture, droits réservés

En continuant à descendre le fleuve, sur un promontoire d’une rive gauche escarpée, à la hauteur de Donaustauf, on découvre une autre réalisation architecturale due à ce même roi bavarois bâtisseur et patrioteo, l’oncle de Sissi. Tout aussi pompeux que la « Befreiungshalle », le « Walhalla » ou temple de l’honneur est construit  entre 1830 et 1841 sur les plans de l’architecte officiel de Louis Ier, Leo von Klenze (1784-1864). Le nom attribué au monument fait référence au séjour des morts de la mythologie germanique.

Le Walhalla depuis la rive gauche du Danube, photo © Kerstin Dittmann, droits réservés

Le temple, en style néodorique et entièrement en marbre, non sans une certaine ressemblance avec le Parthénon, est accessible depuis le Danube par un sentier et un escalier de 358 marches.

L’intérieur du Walhalla en marbre polychrome, photo © Danube-culture, droits réservés

Leo von Klenze y a convoqué cariatides, Walkyries, Victoires et autres symboles dans l’intention peut-être de rompre l’ennui des 131 héros et héroïnes (13 seulement…) germaniques parmi lesquelles les peintres flamands Jan van Eyck (1390-1441) et Peter Paul Rubens (1577-1640), saint-Nicolas de Flüe (1417-1487), le philosophe hollandais Erasme (1466/69 ?-1536), les compositeurs autrichiens Joseph Haydn (1732-1809), Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Franz Schubert (1797-1828) et Anton Bruckner (1824-1896). Toutes et tous, figés pour la postérité avec la statue de Louis Ier de Bavière, se regardent (ou s’ignorent…) dans une ambiance solennelle et un silence qui seraient pétrifiants, s’ils n’étaient interrompus par les exclamations et les bruits de pas des visiteurs.

Un très médiocre buste de Mozart… photo © Danube-culture, droits réservés

Aux 131 bustes des héros et héroïnes, s’ajoutent 64 plaques commémoratives. De nouvelles personnalités de langue allemande sont régulièrement accueillies dans cette pompeuse assemblée sur la décision du conseil des ministres du Land de Bavière.

William  Turner, le Danube et le temple du Walhalla

Après ce passage par la mythologie germanique, l’élégante tour chinoise du jardin princier de Donaustauf, en contrebas du « Walhalla », engendre une des plus étonnantes surprises du Danube bavarois.

La tour chinoise de Donaustauf (Bavière), photo © Danube-culture, droits réservés

Les coteaux danubiens ont changé de physionomie et les premières vignes (Bach/Donau) ont fait leur apparition, indice d’une direction méridionale prise par le fleuve et d’une exposition favorable dans une Bavière plus connue pour ses brasseurs que ses vignerons. Miracle danubien !

Straubing, gravure de Michael Wening (1645-1718)

C’est à Straubing (rive droite), ex place forte romaine, trésor médiéval et Renaissance que se joue le destin, à l’âge de vingt-cinq ans, de la douce, belle mais roturière Agnès Bernauer (1410-1435) et dont le destin fut plus cruel que celui de Barbara Blomberg. La douce Agnès eut le malheur de faire chavirer le coeur du duc Albert III de Bavière (1401-1460) mais pas celui de son père Ernest (1373-1438). Soucieux de s’en tenir scrupuleusement à la suprême raison d’État, celui-ci organisa avec un juge à sa solde, le procès pour sorcellerie de sa belle-fille et la fit tout simplement noyer dans le Danube.

Tableau d’un peintre inconnu d’Augsbourg du XVIIIe d’après un modèle du XVIe siècle

Mais le fleuve et ses eaux rédemptrices et protectrices des innocents, prirent le parti de la belle Agnès et le supplice fut difficile à exécuter. Le duc Ernest, pris de remord ou admiratif de la fidélité d’Agnès pour son amour, lui fit ériger en 1436,  peu après sa mort, une chapelle au cimetière de saint-Pierre de la ville (Sankt Peter) puis se retira de la vie publique peu de temps après.
Le hasard fit également naître à Straubing un personnage au destin plus heureux que celui de la belle Agnès, Emanuel Schikaneder (1751-1812),  premier « papageno » de la Flûte enchantée de Mozart, acteur et directeur de théâtre.
La petite ville de Deggendorf borde la forêt de Bavière (« Bayerischer Wald »). Le fleuve, depuis longtemps haut-lieu de la navigation sur ce parcours, est contraint de contourner ce massif par le sud en se dirigeant paisiblement vers « Passau la sublime » ou la « Venise bavaroise », témoin privilégié de la rencontre des eaux du Danube avec celles fougueuses de l’Inn et les flots aux reflets sombres de la discrète Ilz.

Eric Baude pour Danube-culture, mis à jour juillet 2023 © droits réservés

Kasparus Karsen (1810-1896), vue de Passau sur le Danube, 1858,  huile sur toile

 Note :
1  « Kelheimer » est le nom spécifique pour le plus grand modèle de « Zille », nom générique pour une embarcation typique de diverses tailles mais de même construction en bois qui a navigué sur le Danube et ses affluents jusqu’après l’invention des bateaux vapeur. Elle est encore construite de nos jours. C’est à Kelheim que furent construites ces grandes embarcations qui pouvaient atteindre une longueur de 30 mètres. Elles permettaient de convoyer, en convoi ou en embarcation unique, jusqu’à deux tonnes de différentes marchandises (vin, sel, matériaux de construction…). Les « Kelheimer » étaient difficiles, de par leur dimension, à haler vers l’ amont. Les équipages pouvaient mettre à certains endroits du cours du fleuve, en raison de son débit et de la morphologie des rives, un temps considérable pour effectuer les manoeuvres. Elles nécessitaient  parfois la force de soixante chevaux reliés aux bateaux par un système de cordages. 

Passau, photo O. Böhm

Albrecht Altdorfer (1480-1538), peintre emblématique de l’École du Danube : La bataille d’Alexandre le Grand

    Sur la cartouche au milieu des nuages se trouve l’inscription latine : « ALEXANDER M[AGNVS] DARIVM VLT[IMVM] SVPERAT CAESIS IN ACIE PERSAR[VM] PEDIT[VM] C[ENTVM] M[ILIBVS] EQUIT[VM], VERO X M[ILIBVS] INTERFECTIS. MATRE QVOQVE CONIVGE, LIBERIS DARII REG[IS] CVM M[ILLE] HAVD AMPLIVS EQVITIB[VS] FVGA DILAPSI, CAPTIS. »
Soit en français : « Alexandre le Grand vainc le dernier Darius, après que 100 000 fantassins soient tombés et 10 000 cavaliers aient été tués dans les rangs des Perses, et fait prisonniers la mère, l’épouse et les enfants du roi Darius ainsi que 1 000 cavaliers en déroute ».

Altdorfer a écrit au bas de son tableau, sur le bord inférieur :
« 1529 ALBRECHT ALTORFER ZU REGENSPVRG FECIT. »
« 1529, fait par Albrecht Altdorfer à Ratisbonne ».

   Au-dessus de la gigantesque bataille le soleil se couche, de l’autre côté, une lune orientale descendante symbolisée par un croissant est brouillée par des nuages, au-dessous un arrière-plan de reliefs paysages alpins au bleu profond presque méditerranéen touche les nuages, une ville de Tarse2 aux allures gothico-bavaroise et un Nil (à droite) ayant d’étonnantes ressemblances avec le Danube.

« Un éblouissement. Du plus loin qu’on l’aperçoit, l’œuvre aspire le regard. Non l’œuvre dans sa totalité, mais sa partie haute : le ciel, l’inscription flottant dans l’air, dans son cadre qui semble soutenue comme par des ailes par deux draperies rouge et rose, et, plus que tout, le soleil, le soleil comme un œil aux paupières de nuages et de montagnes bleues. Il se couche sur la vallée de l’Issos, alors qu’Alexandre met en déroute l’armée du roi perse Darius III et fait prisonnière la famille de ce dernier. »

Philippe Dagen, critique d’art, Le Monde, 25 août 2020

Albrecht Altdorfer (vers 1480-1538) 

On peut sans hésitation considérer Albrecht Altdorfer (vers 1480-1538), artiste de la Renaissance allemande original et précurseur encore trop méconnu et parfois présenté comme un disciple d’Albrecht Dürer (1471-1528), comme le peintre emblématique d’un mouvement pictural spécifique du XVIe siècle dénommé par la suite « École du Danube », au sein duquel les paysages sauvages, ces « paysages du monde », mis en scène et aux perspectives et à la profondeur infinies, semblables à ceux de la vallée du Haut-Danube et des Alpes occupent à la fois une place autonomes prépondérante dans de nombreuses oeuvres. Altdorfer s’émancipe des canons de la représentation du paysage jusque là en vigueur.
Né en Bavière, probablement à proximité de Ratisbonne (Regensburg), Altdorfer s’installe à Ratisbonne et en devient citoyen en 1505. Il entreprend un voyage sur le Danube en 1515 après avoir gravé plusieurs oeuvres pour l’Empereur du Saint Empire romain germanique Maximilien de Habsbourg (1459-1519).

Sarmingstein sur le Danube, encre sur papier, 1511. Altdorfer rend compte avec ces rochers qui se dressent jusqu’au ciel de l’étroitesse du défilé de la Strudengau. Au milieu du fleuve deux  embarcations qui semblent perdues dans le paysage. 

Du voyage sur le Danube ont été conservés plusieurs dessins et petits tableaux de paysage qui préfigurent la place du paysage et de la nature dans les oeuvres ultérieures du peintre, sans doute impressionné par l’environnement danubien encore intact de la Haute-Autriche. En 1518, il est chargé de peindre le Retable de Saint-Florian pour l’abbaye du même nom, retable malheureusement aujourd’hui dispersé dans plusieurs endroits.

Le retable de Saint-Florian, l’arrestation de Saint-Florian, 1518/1520

Devenu un notable de sa ville, il va siéger ultérieurement au Grand Conseil tout en poursuivant ses activités officielles de peintre, de graveur et de dessinateur. Altdorfer dessine en 1519 les plans d’une église dont la construction est prévue sur les ruines de deux synagogues détruites et semble avoir joué un rôle important dans l’expulsion des Juifs de la cité à cette époque de guerre civile. Peut-on parler alors d’un peintre « humaniste » ? Nommé architecte de la ville en 1526, il contribue à l’aménagement de sa ville et de ses remparts mais en 1528, refuse de prendre la charge de bourgmestre pour ne plus se consacrer qu’à son travail artistique. Il commence cette même année ce qui deviendra son plus célèbre tableau « La bataille d’Alexandre », commande du duc Guillaume IV de Bavière (1493-1550), tableau qui se trouve aujourd’hui à l’Alte Pinacothek de Munich.4 Il meurt en 1538. De l’ensemble de son oeuvres ont été conservés une cinquantaine de tableaux et 250 gravures.
« Dans ses paysages, Altdorfer transpose la réalité sur un plan poétique et lyrique, qui semble inspirer un sentiment plus vif d’union avec la nature. Ce n’est pas un hasard si, dans l’une de ses premières peintures, Altdorfer choisit le thème, à peu près inconnu dans le Nord à l’époque, de la Famille du satyre, qui à la suite des « hommes sauvages » du Moyen Âge, symbolise les forces obscures de la nature et de l’instinct. Dans le petit panneau du Saint Georges de 1510, où la lumière ne pénètre que parcimonieusement, comme tamisée par l’épais feuillage, on peine quelque peu à trouver le saint à cheval et plus encore son monstrueux adversaire qui semble faire partie intégrante de cette forêt proliférante. Ses tableaux religieux se distinguent par des recherches d’éclairage créant une atmosphère surnaturelle.

Le retable de Saint-Florian avec en arrière-plan la petite cité d’Enns, les paysages alpins où l’Enns prend sa source, huile sur bois, 1518/1520 

Dans le grand Retable de Saint-Florian (Haute-Autriche), terminé en 1518/1520, Altdorfer s’y révèle un esprit tourmenté, visionnaire, créateur d’atmosphères violemment contrastées, où la nature tout entière amplifie le drame de la Passion qui s’y joue, lui donnant sa dimension de drame cosmique. Dans des couleurs éclatantes, les personnages se détachent cette fois sur des paysages ou des architectures puissamment éclairées, à divers moments du jour ou de la nuit. L’historien d’art Otto Benesch a fait remarquer que les peintures d’Altdorfer datant de cette période sont parmi les premières à représenter un univers convexe, héliocentrique, dans lequel la Terre n’est plus le centre du monde ; l’art dévoile ainsi, par ses moyens propres, la révolution scientifique à laquelle Copernic travaillait au même moment. »

Albrecht Altdorfer, paysage danubien près de Ratisbonne

On lira également au sujet d’Albrecht Altdorfer le chapitre consacré à l’ « École du Danube » par Patrick Leigh Fermor dans son livre Dans la nuit et le vent, Le Temps des offrandes, Entre fleuve et forêt et La Route interrompue (préface et traduction française entièrement revue et complétée de Guillaume Villeneuve), publié aux éditions Nevicata, 2016.

Eric Baude, © Danube-culture, droits réservés, mis à jour janvier 2023

Notes :
1 Guillaume IV de Bavière reste célèbre pour avoir  promulgué dans son duché, le 23 avril 1516, le décret de pureté de la bière qui régit encore aujourd’hui la composition de la bière dans les pays germaniques.

2 Ville de la Turquie asiatique occidentale (province de Mersin) au bord du fleuve Tarsus, haut-lieu de l’Antiquité et du stoïcisme, située autrefois dans la province romaine de Cilicie, ville natale de Saint-Paul.
3 Paul-Louis Rossi, dans son livre « Vies d’Albrecht Altdorfer », peintre mystérieux du Danube, raconte que le tableau de La bataille d’Alexandre  aurait été retrouvé par l’écrivain, philosophe, critique d’art et poète allemand Friedrich von Schlegel (1772-1829) en 1803 lors de son séjour à Paris dans une salle de bain du château de Saint-Cloud. Schlegel en donne cette description :
« Nulle part on ne voit de sang, de choses repoussantes, de bras ou de jambes désarticulées ; au tout premier plan seulement, en y regardant de près, on voit sous les pieds des cavaliers qui se lancent les uns cotre les autres, sous les sabots, de leurs chevaux de batailles, plusieurs rangs de cadavres serrés les uns contre les autres comme un tissu. »
« Voilà ce qui, au yeux du peintre devait figurer les conflits futurs et la genèse des grandes guerres européennes. Alors que cette masse énorme d’hommes d’armes et de cavaliers se transforme en une mêlée gigantesque de soldats et de chevaux, d’oriflammes et de chars, un phénomène inattendu se produit qui dépasse encore l’enchevêtrement des hommes et des bêtes qui s’empare des éléments et brasse le ciel et la terre les nuages et l’eau, la mer, les montagnes et les fleuves en un véritable tourbillon cosmique, tel qu’il ne s’en produira plus dans la peinture. Comme si les feux de l’esthétique pouvait encore encore une fois confondre les combattants et les plonger dans ce chaos pour les mêler fraternellement un dernier instant… »
Paul-Louis Rossi, La bataille d’Alexandre, in Vies d’Albrecht Altdorfer, peintre mystérieux du Danube, Bayard, Montrouge, 2009
Sources :
Albrecht Altdorfer, Die Gemälde, Tafelbilder, Miniaturen, Wandbilder, Bilhauerarbeiten, Werkstatt und Umkreis, Gesamausgabe von Franz Winzinger, R. Piper & Co. Verlag, München, 1975
Butor, Michel, Le Musée imaginaire de Michel Butor, Flammarion, Paris, 2015

Leigh Fermor, Patrick, Dans la nuit et le vent, Le Temps des offrandes, Entre fleuve et forêt et La Route interrompue, préface et traduction française entièrement revue et complétée de Guillaume Villeneuve, éditions Nevicata, Bruxelles, 2016
Rossi, Paul-Louis, Vies d’Albrecht Altdorfer, peintre mystérieux du Danube, Bayard, Montrouge, 2009
Apparence, Histoire de l’Art et Actualité culturelle, www.apparences.net

Eric Baude, © Danube-culture, droits réservés, novembre 2020

La bataille d’Alexandre, détail

Ports de plaisance, emplacements d’amarrage, barrages-écluses et autres informations pour naviguer sur le Danube allemand : du PK 2415, 2 au PK 2203, 3

PK 2414, 2
Kelheim
Il n’est pas possible de s’amarrer sur les quais de la vieille ville de Kelheim. Voir au PK 2414, 7 Marina Saal.
Au dessus de la ville sur le Michelsberg se tient la Befreiungshalle, le Temple de la libération, inauguré par Louis Ier de Bavière le 18 octobre 1863 en commémoration des victoires sur Napoléon des 18 octobre 1813 et 1815.

La Befreiungshalle, photo © Danube-culture, droits réservés

PK 2414,7, rive gauche
Confluent du canal Main-Donau avec le Danube
Début de la route fluviale danubienne internationale régie par la Commission du Danube selon la convention de Belgrade (1948)

PK 2410, rive droite
Marina Saal
Mouillage minimum : 1,80 m – 2 m
Eau, électricité, douches, wc, WLAN, location de vélos, service de réparation, station-service, restaurant. La prochaine station-service en aval se trouve à Schlögen (Autriche)
Liaison par bus depuis la marina pour Kelheim ou 15 mn à bicyclette.
Contacts :
(Boote Yachten Marina Saal)
Tél. : 0049/9441/68 86 60

www.marina-saal.de

Marina de Saal au coucher du soleil, photo © Danube-culture, droits réservés

PK 2403,05, rive gauche
Port de plaisance de Donautal-Kapfelberg
Un bel emplacement mais très fréquenté !
Mouillage minimum : 1,2 m, entrée du port : 2 m
Eau, électricité, douches. Grue de levage.
30 mn à pied de Kelheim
Réparation et entretien : Vogel Service Marine, tel. +49/9405/953 00
Contacts :
Sportboothafen Donautal/Kapfelberg
Tél. du port : 0049/9404/51 69
ou Willi Mannsdorfer
Tél. :  0049/9441/76 61
Tél. port. / 0049/170/815 76 61

www.yachthafen-donautal.de

Port de plaisance « Donautal », photo © Danube-culture, droits réservés

PK 2397,1
Écluse pour les bateaux de plaisance et écluse de Bad Abbach
Canal 19
Contacts :
Tél. : 0049/9405/12 76

Km 2386,9, rive gauche
Port de plaisance de Sinzing
Longueur maximale : 10 m
Mouillage minimum : 2 m
Eau, électricité, douches/WC, WLAN, grue
Contacts :
Sportboothafen Sinzing
www.mwsc-regensburg.de

PK 2381,3
Écluse pour les bateaux de plaisance de Regensburg
Contacts :
Tél. : 0049/941/854 58

Canal 21

PK 2380,5, rive gauche du bras sud du Danube
Port de plaisance de Regensburg
Les deux premiers pontons appartiennent au Club de bateaux à moteur et de sports nautiques de Regensburg (MWSV Regensburg)
Mouillage minimum : 1,5 à 2 m
Eau, électricité, grue
Contacts :
MWSV Regensburg
Josef Antes tél. : 0049/941/99 77 77

Bureau du club, tél.  : 0049/941 869 69, portable : 0049/171/515 76 11
Le troisième ponton appartient au Bootshaus Kainz
Eau, électricité, douches/WC
Contacts :
Tél. 0049/941/56 05 86

Le quatrième ponton appartient également au Club de bateaux à moteur et de sports nautiques de Regensburg. Voir ci-dessus.
Contacts:
Tél. portable : 0049/170/ 238 75 83

PK 2379,6
Pont de pierre historique et légendaire de Regensburg, l’un des plus beaux ouvrages de ce type sur le fleuve.

Le vieux pont de pierre de Regensburg, le pont le plus ancien du Danube encore en activité, photo © Danube-culture, droits réservés

PK 2377, rive droite
Marina de Regensburg, dans le quartier industriel
Mouillage minimum : 1,5 m
Longueur maximum : 16 m
Eau, électricité, douches/WC
A 15 mn à bicyclette de la vieille ville.
Contacts :
0049/171/212 31 54

Le musée de la navigation de Regensburg, photo © Danube-culture, droits réservés

PK 2368,8, rive gauche
Walhalla, pompeux panthéon bavarois de style néo-grec construit par Louis Ier de Bavière.

Le Walhalla, photo © Danube-culture, droits réservés

PK 2354,3, rive gauche
Écluse de Geisling
Contacts

Canal 22
Tél. : 0049/9481/943 67 31 11

PK 2329,7, rive gauche
Écluse de Straubing
Canal 18
Tél. : 0049/9421/43 07 01 11

PK 2325, rive droite
Straubing
On peut s’arrêter pour un court moment dans le port de l’Office de la navigation et de l’eau.
Contacts :
WSA Regensburg, antenne de Straubing
Tél : . 0049/9421/43 07 00
Il existe depuis peu sur la rive nord un emplacement  en libre-accès près du pont du château. L’entrée du bras sud se fait au PK 2320.
 

Entretien et réparations :
Marine Center Straubing

Tél. : 0049/9421/311 39
Marine-center-straubing.de

PK 2314, rive droite
Port de plaisance Club de bateaux à moteur et de sports nautiques de Straubing
Pour les bateaux de moins de 3 t, weekends et jours fériés.
Mouillage minimum : 1 m voire en dessous, sonder de préférence ou appeler le club.
Eau, électricité, douches/WC, WLAN, slip.
Contacts :
MWSC Straubing
Walter Dörfl
Tél. :  0049/9421/311 39
Tél. du club :  0049/9421/100 81
www.mwsc.de

PK 2288,5, rive gauche
Club de bateaux à moteur de Deggendorf-Metten
Weekend et jours fériés
Mouillage minimum : 1,5 m
Contacts :
MBC Deggendorf
Günther Vornehm
Tél. portable : 0049/171/ 807 10 99

PK 2283,9, rive gauche
Port de refuge de Deggendorf
Club de bateaux à moteur de Basse-Bavière-Landshut
Mouillage minimum : 1,5 m
Eau,électricité, douches/WC. Une station-service est à 300 m sir la route. Supermarché à 700 m.
Contacts :
Heinz Schinhärl, responsable des emplacements
Tél. portable : 0049/151/12 23 82 02
0049/171/213 03 4

PK 2281,8, rive droite
Confluent de l’Isar avec le Danube
Attention aux bancs de sable dans le périmètre du confluent !

PK 2256,6, rive gauche
Club de bateaux à moteur de Hofkirchen
Un joli petit port.
Mouillage minimum : 2,20 m
Eau, électricité, douches/WC, WLAN, grue.
Contacts :
MBC Hofkirchen
Jochen Reckzeh
Tél.portable : 0049/173/353 19 62

www.mbc-hofkirchen.de

PK 2249,2, rive gauche
Port de plaisance de Vilshofen
Mouillage minimum : 2 m
Eau, électricité,  douches, slip.
Contacts :
Fritz Höckel
Tél. portable : 0049/171/310 02 17
0049/171/453 41 4
http://www.bsv-vilshofen.de

PK 2237,8, rive gauche
Ponton de l’Auberge « Fischerstüberl »
Contacts :
Robert Heller
Tél. : 0049/8546/624
www.hellers.info

PK 2234,5, rive gauche
Port de plaisance de Schalding
Club des amis des sports nautiques de Passau. Peu de places. Mieux vaut appeler le club au préalable.
Longueur maximum : 8 m
Mouillage minimum : 1,5 m
Eau, électricité, douches/WC, slip. 

Contacts :
Raimund Towara
portable : 0049/171/404 04 39
Tél. du club : 0049/851/717 57

PK 2232,5, rive gauche
Port de plaisance de Heining (Passau)
Club de bateaux à moteur de Passau
Eau, électricité, douches/WC, WLAN, slip. Possibilité de cuisiner, petite piscine, location de vélos. 20 mn du centre ville en bus.
Une visite dans la vieille ville de Passau s’impose.
Contacts :
0049/160/92 21 32 35
Josef Aulinger,
tel. +49/851/822 22,
portable +49/179/476 04 87

www.myc-passau.de

PK 2230,7
Écluse de Kachlet
Contacts : 
Canal 20
Tél. : 0049/851/95 51 92 11

PK 2228,5, rive gauche
Port industriel et commercial de Racklau (Passau)
Interdit au bateaux de plaisance

PK 2228
Passau, la belle ville aux trois rivières ou la « Venise bavaroise »

PK 2225, 4 et 2225, 2
Confluent de l’Inn (rive droite) et de l’Ilz (rive gauche) avec le Danube.
Certains affirment qu’ici le débit de l’Inn est supérieur à celui du Danube. 

Confluent de l’Inn (à gauche) et de l’Ilz (à droite) avec le Danube à Passau, photo droits réservés

 

Km 2223, 3
Après le pont « Kräutelstein » commence sur la rive droite le territoire autrichien. La rive gauche reste en territoire allemand jusqu’à l’écluse-barrage de Jochenstein, le milieu du fleuve délimitant la frontière entre les deux pays.

Km 2222,1, rive gauche
Le port de refuge pour les bateaux de plaisance de Lindau n’est accessible qu’en en cas de problème.

Km 2215,5, rive gauche
Confluent de l’Erlau avec le Danube.
Possibilité d’ancrer dans le confluent pour de petits bateaux de plaisance. 

PK 2211,8, rive gauche
Port de plaisance d’Obernzell. Le dernier port de plaisance sur le territoire allemand avant la frontière avec l’Autriche.
Mouillage minimum : 1,5 m
Eau, électricité, douches/WC, WLAN, slip, grue. Piscine à proximité, pizzeria.
Contacts :
Franz Maier, capitaine de port
Tél. portable : 0049/151/46 63 68 12
https://marinas.info/marina/hafen-obernzell

PK 2207,6, rive gauche
Possibilité de s’amarrer au ponton de l’auberge «Kohlbachmühle»
Cuisine régionale.

PK 2205,6, rive gauche
Port privé de Grünau.
Ce port n’est pas accessible aux visiteurs.

Le Danube à la hauteur du barrage de Jochenstein, photo © Danube-culture, droits réservés

PK 2203,3
Écluse et barrage de Jochenstein
Contacts :
Canal 22
Tél. : 0049/8591/91 19 81 11
Toute proche de l’écluse-barrage de Jochenstein, sur la rive gauche allemande, se tient la « Haus am Strom » (« La Maison au bord du  fleuve »). Exposition sur le thème de l’eau et de l’environnement.
www.hausamstrom.de

La « Maison au bord du fleuve », centre d’informations sur la biodiversité du Haut-Danube, photo © Danube-culture, droits réservés

Eric Baude © Danube-culture, droits réservés
Mis à jour le 3 octobre 2021
Sous réserves de modifications

Le Danube et le métronome de Johann Nepomuk Maelzel

    Après avoir reçu une éducation musicale complète et atteint un excellent niveau comme pianiste, J. N. Maelzel déménage à Vienne en 1792 où il se lie d’amitié avec de nombreux musiciens et compositeurs de la capitale impériale parmi lesquels le jeune Ludwig van Beethoven qui s’intéresse de près à ses inventions, à ses instruments de musique mécanique et à ses étonnants automates…
   Au faîte des inventions du musicien et théoricien français Étienne Loulié (1654-1702), inventeur du chronomètre, de l’Allemand J. B. Stoeckel et du Hollandais Dietrich Nikolaus Winkel (1777-1826) auquel il rend visite et qui, selon les propos de Winkel, lui aurait dévoilé le secret de son appareil. De retour à Vienne Maelzel déposera en 1816, après avoir mis au point son propre instrument, un brevet à son nom pour l’invention du métronome. Beethoven écrit pour saluer celle-ci un petit canon humoristique à quatre voix qu’il intitule « Ta ta ta lieber Mälzel, leben Sie Wohl! Banner der Zeit, großer Metronom! » (« Ta ta ta, Cher Maelzel, Ta ta ta Vivez très bien ! Ta ta ta Découverte du siècle, Ta ta ta Grand métronome!« ), woO 162 dans lequel il parodie le rythme régulier et implacablement mécanique de l’appareil.

Métronome Maelzel, Paris 1815, Vienne collection du Kunsthistorisches Museum, Sammlung alter Musikinstrumente, photo libre de droits

   Si le métronome semble faire presque l’unanimité au moment de son invention son prestige déclinera pourtant au cours du XIXe siècle. En témoigne l’avis du chef d’orchestre Édouard Colonne en 1882 : « Le métronome est un instrument fort utile pour vous donner la moyenne du mouvement et vous empêcher de vous en écarter grossièrement. Mais quand votre sentiment n’est pas d’accord avec lui, n’hésitez pas à le mettre de côté, car votre propre sentiment, bon ou mauvais, vaudra certainement mieux que ses froides indications qui ne sont que des approximations. » (Édouard Colonne à un musicien, 22 juillet 1882, Aix-les-Bains). Le métronome ne fera pas bon ménage avec la musique romantique et ses (parfois) excès de rubato tout comme avec la valse, si chère à nos amis viennois.
   Maelzel, inventeur prodigue, construira aussi un panharmonicon, un instrument de musique automatique capable de jouer tous les différents registres d’une harmonie militaire par la mise en jeu d’un soufflet et de rouleaux mécaniques. Beethoven l’a utilisé dans sa composition « La Victoire de Wellington« , opus 91 (1813). Il rendra également hommage à Maelzel dans le second mouvement de sa huitième symphonie.

Le Panharmonicon, L’illustration, 1846

   L’inventeur réalisera pour son ami musicien différents appareils acoustiques afin de l’aider à affronter sa surdité ainsi qu’un automate à trompette, une poupée parlante avec des yeux mobiles. Il rachètera au fils de Wolfgang von Kempelen (1734-1804), ingénieur à la cour impériale de Vienne, écrivain, peintre et joueur d’échec, un joueur d’échec mécanique déguisé en Turc qu’il restaurera et avec lequel il fit le tour du monde mais qui semble avoir été l’une des plus grandes supercheries de son époque. Napoléon joua contre lui en 1809 au château de Schönbrunn.
Cette histoire a inspiré à Edgard Allan Poe son récit « Le joueur d’échecs de Maelzel » (traduction de Charles Baudelaire, Histoire grotesques et sérieuses, Éditions Michel Lévy frères, Paris, 1871).

 « Ta ta ta lieber Mälzel, leben Sie Wohl! Banner der Zeit, großer Metronom! » (L. van Beethoven) :
https://youtu.be/GVHYtaKREAc

Eric Baude  pour Danube-culture, novembre 2020, © droits réservés

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