Un Danube facétieux : des pertes et une capture au profit du bassin du Rhin
Avant même de recevoir les eaux d’un premier affluent important, les deux tiers des eaux du jeune Danube s’engouffrent brusquement à la hauteur de la commune d’Immendingen dans plusieurs failles du sous-sol karstique du Jura souabe.
Elles réapparaissent tout aussi soudainement à Aach (Bade Wurtemberg) dans la région volcanique du Hegau sous la forme d’une résurgence au débit conséquent (10 000 l/seconde), à une distance de 12 kilomètres et une soixantaine d’heures plus tard, via un réseau souterrain.
Cette résurgence appelée « Achtopf » et considérée comme une source alimente les eaux d’un affluent indirect du Rhin, la Radolfzeller Aach (32 km) qui vient confluer (indirectement) avec celui-ci en se jetant à la hauteur de Rudolfzell dans le lac de Constance par lequel le Rhin transite. Les deux tiers de cette source proviennent en réalité des pertes du jeune Danube.
Les eaux du jeune fleuve transitent ainsi « clandestinement » par ce réseau souterrain pour aller rejoindre le bassin voisin du Rhin, illustrant, après celui des pertes, un étonnant phénomène de capture.
Le lit du Danube, asséché sur plusieurs kilomètres au-delà des pertes d’Immendingen en période d’étiage, période pouvant durer entre 155 et 200 jours par an, commence à être réalimenté à la hauteur de Tuttlingen-Möhringen par les eaux du Krähenbach puis par celles de l’Elta à Tuttlingen, deux ruisseaux de la rive gauche. Une autre perte dans le même sous-sol karstique, à proximité de Friedingen, en aval de Tuttlingen, conduit par un réseau similaire à la même résurgence.
Ces pertes et cette capture par le bassin voisin du Rhin ont engendré autrefois une querelle entre les habitants d’Immendingen-Tuttlingen et ceux d’Hegau puis un procès entre les États de Bade et de Wurtemberg, aujourd’hui réunis dans un Land commun.
« Avec un colorant, on a établi que ce passage du Danube au bassin du Rhin dure environ soixante heures. Personne ne reprochera aux habitants de la région d’Immendingen-Tuttlingen d’avoir cherché à contenir dans certaines limites, avec des barrages et des conduites, cette « perte du Danube ». À Hegau, en revanche, on a émis des protestations, et, en 1927, on en vint même à un procès entre les États de Bade et de Wurtemberg. Aujourd’hui, deux galeries assurent à la vallée du Danube une quantité d’eau minimale d’eau ; mais au cours des étés secs, le lit de la rivière présente encore l’aspect d’un désert de pierre à peine mouillé. »
Hans Peter Treichler, Georg Stärk, Le Danube, Éditions Mondo SA, Lausanne, 1983
Voir également sur ce même site :
Le réseau hydrographique du Haut-Danube
Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, mis à jour août 2023