Le rocher de Jochenstein et l’abbaye d’Engelszell

   Le rocher de Jochenstein (longueur 42 m, largeur 15 m, surface 0,045 ha, point culminant 290 m) est un élément rocheux, autrefois redouté des bateliers, qui émerge dans le lit du fleuve sur le territoire allemand au PK 2202, 72 à proximité de la frontière avec  l’Autriche. Il s’élève à une hauteur de +/- 9 mètres au dessus du niveau de l’eau et se trouve à une distance de 78 m de la rive gauche et de 187 m de la rive droite.

Le Rocher de Jochenstein, gravure sur cuivre, 1810

   Ce rocher est une résurgence d’une veine de quartz du vieux massif de la Forêt Bavaroise qui s’étend le long du sillon danubien et traverse la Basse-Bavière. Il appartient, tout comme la rive septentrionale et le côté gauche du talweg du fleuve à cette hauteur, au territoire du village de Gottsdorf (communauté de communes d’Untergriesbach).

Jochenstein

Le rocher de Jochenstein avant la construction du barrage, photo de Robert Baller, 1920, collection de la Bibliothèque Nationale d’Autriche, Vienne

   Un oratoire et une statue en pierre de saint Jean Népomucène, protecteur des bateliers, datant du XVIIIe siècle se tiennent au sommet du rocher. 

Saint Jean Népomucène sur le rocher de Jochenstein, photo © Danube-culture, droits réservés

   Le nom de Jochenstein pourrait être lié à une ancienne coutume païenne du culte de saint Jean qui se concrétisait sous la forme de libation aux solstices d’été et d’hiver. Une tradition d’introniser les nouveaux bateliers sur le rocher de Jochenstein lors de la saint Jean fut ensuite instaurée, tradition qui perdura jusqu’au XXe siècle !
   Le Jochenstein a donné son nom au village allemand qui lui fait face sur la rive gauche (commune de Gottsdorf), à la centrale hydroélectrique austro-allemande, édifiée entre 1952 et 1955 tout comme aux ruines médiévales du Vieux et du Nouveau Jochentein sur la même rive.

Centrale hydroélectrique austro-allemande de Jochenstein, photo © Danube-culture, droits réservés

   Sur la rive droite se trouve en aval la commune d’Engelhartszell (PK 2201) avec sa superbe abbaye trappiste baroque ainsi que l’église de l’assomption de la Vierge Marie, lieu de pèlerinage.

Si la Loire a ses châteaux, le Danube a ses abbayes…

   L’abbaye d’Engelszell (rive droite, Haute-Autriche), ancien et unique monastère trappiste d’Autriche, fondée en 1293, a derrière elle un passé compliqué voire tragique. Elle est fermée une première fois en 1786 sur ordre de l’empereur Joseph II de Habsbourg et ses trésors dispersés. L’orgue, installé en 1768-1770, est alors déménagé à la vieille cathédrale de Linz où il est joué par Anton Bruckner après avoir subi des modifications. L’abbaye ne reprend vie qu’en 1925 grâce à un petit groupe de moines qui s’y installe mais elle est à nouveau fermée en 1939 par la Gestapo, suite à l’annexion de l’Autriche par le régime nazi au printemps de l’année précédente. Les moines sont expulsés. Cinq frères sont déportés dans un camp de concentration. Quatre n’en reviendront pas. 23 moines retournent à Engelszell après la fin de la Seconde Guerre mondiale et redonnent vie à l’abbaye. La communauté monastique se réduit drastiquement au fil du temps. Trop âgés et trop peu nombreux les moines quittent l’abbaye en 2023. Des bâtiments annexes servent aujourd’hui de centre de soins et diverses activités commerciales (bière et liqueur) et culturelles permettent aux lieux de continuer à vivre.
Sa splendide église abbatiale, avec son clocher de 76 mètres de haut, est l’une des monuments religieux rococo les plus purs d’Autriche d’un point de vue stylistique. Édifiée de 1754 à 1764 elle a été décorée par Johann Georg Üblher (1703-1763), Joseph Deutschmann (1717-1787) et Bartolomeo Altomonte (1694-1783) qui travailla également à l’abbaye de Saint-Florian. La nouvelle fresque du plafond de la nef centrale qui a remplacé l’originale endommagée a été réalisée en 1956 par le peintre haut-autrichien Fritz Fröhlich (1910-2001). Un nouvel orgue datant du XVIIe a été installé en 1996.

Mythologie populaire danubienne

   De nombreuses légendes se sont brodées au fil du temps autour de ces lieux comme celle du diable qui aurait voulu afin de punir le village voisin d’Engelhartszell pour on ne sait quel méfait, noyer celui-ci en le submergeant d’un mur d’eau et en laissant tomber un énorme rocher dans le lit du Danube. Ou encore celle, parmi les plus connues de la mythologie populaire danubienne, de la nymphe Isa.

La nymphe en chêne Isa avec son socle en granit, du sculpteur Michael Lauss (1955), sur la rive gauche, veille depuis 2013 sur les bateaux et fait le bonheur des cyclotouristes qui longent le fleuve , photo © Danube-culture, droits réservés

La nymphe de Jochenstein

   Une légende raconte qu’un magnifique palais se trouverait au pied du Jochenstein dans lequel règne une nymphe du nom d’Isa, soeur danubienne de la Loreley rhénane. Lorsque la brume s’étend au-dessus de l’eau, Isa émerge de son royaume pour protéger et guider les bateaux mais certains disent aussi que par les nuits de pleine lune, elle s’en prend aux bateliers et les  envoûtent. Malheur à celui parmi les bateliers et les pêcheurs qui se laisseraient séduire par son chant ou tenteraient de la rejoindre. Il serait emprisonné dans son palais pour l’éternité. Une statue, placée sur la rive gauche, symbolise cette légende danubienne.

Photo © Danube-culture, droits réservés

   Quant à la frontière austro-allemande actuelle qui court à la hauteur du barrage de Jochenstein entre la Bavière et la région du Mühlviertel autrichienne (Land de Haute-Autriche), elle remonte à 1765 et à un traité conclu entre l’Évêché de Passau et l’Empire autrichien. 

Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, mis à jour novembre 2024 

www.stift-engelszell.at

Saint-Jean Népomucène photo © Danube-culture, droits réservés

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