Les « boîtes d’Ulm »

(Eduard Friedrich) Maximilan Eyth (1836-1906) Allemagne, ingénieur, peintre, dessinateur, écrivain
Dessin de la construction de la dernière « boite d’Ulm » ou Ulmer Schachtel » en allemand, 1897, collection du Musée d’Ulm (Bade-Wurtemberg).

La « boîte d’Ulm » n’a en fait pris ce nom qu’à partir de 1840, lorsqu’un député du parlement du Land de Stuttgart se moqua de ces bateaux rustiques d’Ulm en les appelant des « Schachteln », des boîtes. À Ulm, on les nommait « Ordenari » ou « Ordinari Schiff » parce qu’ils se rendaient d’ordinaire à Vienne depuis le début du XVIIIe siècle. Le nom correct pour ce bateau est « Wiener Zille » (Zille viennoise), mais le terme « Ulmer Schachtel » s’est imposé dans la langue parlée. La taille des « boîtes d’Ulm » s’est modifiée à plusieurs reprises. Au XVIIe siècle, elles mesuraient initialement 19 mètres de long,2,75 mètres de large 1 mètre de hauteur, étaient incurvées aux deux extrémités mais au court du temps, leur dimension augmenta jusqu’à atteindre une trentaine de mètres de long et 7 mètres de large. (« Kehlheimer »). Ces bateaux, d’abord destinées au transport fluvial de marchandises (vin, fromages, etc) servirent aussi occasionnellement pour le transport vers la capitale de l’Empire autrichien de soldats lors des guerres avec la Grande Porte (Empire ottoman). En 1683, 5 000 hommes descendirent le Danube sur des boîtes d’Ulm pour se joindre à la garnison protégeant Vienne lors de son siège par les armées turques.

Après les victoires successives des Habsbourg et le repli progressif de l’Empire ottoman au XVIIIe siècle, Ulm devient le principal point de rassemblement pour les colons originaires de Souabe, les « Donauschwaben » (« les Souabes du Danube ») et d’autres régions voisines comme la Lorraine, possession du Saint-Empire romain germanique, et qui étaient « volontaires » pour aller s’installer sur les terres souvent désertées et marécageuses reconquises par l’Autriche (Banat, Vojvodine…) voire sur les territoires reconquis par la Russie sur l’Empire ottoman en Bessarabie (aujourd’hui en Ukraine) et en Dobrogée (Roumanie). Ce flux conséquent d’émigrants partit la plupart du temps d’Ulm et demeura très important tout au long du XVIIIe siècle. Il permit aux bateliers de la ville de faire de bonnes affaires. Certaines « boîtes d’Ulm » ont pu transporter jusqu’à 300 passagers d’émigrants au cours des principaux mois de voyage, d’avril à juin.

Ulmer Schachtel réplique

Une réplique de boîte d’Ulm, à la hauteur de Passau (Bavière), photo droits réservés

Des répliques de « boîtes d’Ulm » servent aujourd’hui à transporter les notables depuis la Fischerplätzle jusqu’à la Friedrichsau le jour de la grande fête de la ville, le « Schwörmontag » (lundi de la semaine du serment) à l’occasion de la Nabada. Par ailleurs, chaque année, cinq boîtes d’Ulm, une grande et quatre un peu plus petites, descendent le Danube d’Ulm à Vienne, voire au-delà, contribuant à l’entretien de bonnes relations avec les autres riverains du Danube, un témoignage de l’activité économique autrefois florissante que représentait la navigation ulmienne sur le fleuve.

Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, mis à jour juillet 2025

Sources :
SARRAZIN, Jenny, PETERSHAGEN, Henning, Schopper, Schiffer, Donausfischer, Ulmer Schiffleute, und ihre Handwerk, Ulmer Museum, Ulm 1997
MEISSINGER, Otto, Die historische Donauschiffahrt, Holzschiffe und Flösse, Melk, 1990 

 

Enseigne du quartier des pêcheurs, photo © Danube-culture, droits réservés

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