Histoires et légendes de la navigation danubienne : le train de bateaux fantôme

 Friedrich Gauermann (1807-1862)

   Si la descente vers l’aval (Naufahrt) s’effectuait relativement facilement, à l’exception de conditions météo défavorables (brouillards, tempêtes, vents contraires, inondations…) et de certains passages délicats comme le franchissement des rapides de la Strudengau (Strudel, Wirbel), en aval de Grein et pour lesquels il était indispensable de faire appel à des pilotes locaux, il n’en était pas de même pour la remontée (Gegenwart ou Gegentrieb) du Danube, une remontée qui demandait en raison du courant, de la configuration des rives ou d’autres obstacles comme des éperons rocheux au sein même du lit du fleuve ou des bancs de sable, une force de traction et un équipement considérables que seuls des équipages de chevaux, menés par des hommes expérimentés, pouvaient assumer. De tels équipages ne pouvaient avancer que très lentement, effectuant de vingt à trente kilomètres par jour, de l’aube jusqu’à la nuit. À titre d’exemple, le trajet en amont de Vienne à Linz pouvait durer de 14 à 25 jours, de Linz à Passau de 6 à 8 jours, de Passau jusqu’à Regensburg, de 9 jusqu’à 15 jours ou encore de 10 à 12 semaines de Pressburg (Bratislava) à Rosenheim sur l’Inn avec de nombreux changements de rives à l’occasion desquels il était nécessaire de transporter les chevaux d’un bord du fleuve à l’autre. La Strudengau, en aval de Linz, avec sa mauvaise réputation pour les embarcations qui descendaient le Danube en raison de deux zones de rapides, s’avérait également difficile pour les convois de bateaux remontant le fleuve et leurs équipages. Il est bien évident que dans ces conditions, il était extrêmement extrèmement rare que des voyageurs s’aventurent à remonter le fleuve sur un train de bateaux, ce type de navigation étant réservés aux marchandises.

Friedrich Gauermann (1807-1862), chevaux de halage près d’une auberge, aquarelle

   Les « Zille » ou autres embarcations, y compris sur le Moyen et le Bas-Danube ottoman, furent tout d’abord tirées ou halées à partir du XIVe siècle par des prisonniers de guerre ou des condamnés auxquels se substituèrent par la suite des équipages de chevaux et ce jusque bien après l’invention de la navigation à vapeur. Ces trains de bateaux étaient encore nombreux au milieu du XIXe siècle : 136 équipages ont été encore comptabilisés en Haute-Autriche dans le petit village de Struden (rive gauche), en aval de Grein dans les années 1860, 11 en 1870, 84 en 1880, 31 en 1890 et 1 seulement en 1900). Ces convois pouvant atteindre une longueur totale de 400 à 500 mètres, portaient le nom, sur le Haut-Danube, de « Hohenhau » et son maître d’équipage qui pilotait les manoeuvres difficiles depuis la tête de l’équipage, celui de « Hohenauer » ou de « Vorreiter ». Les hommes qui exerçaient ce métier éprouvant et épuisant physiquement et qui les obligeaient à demeurer plusieurs mois hors de leur maison, à dormir dans des conditions souvent précaires et à risquer leur vie presque quotidiennement, ont été décrits comme des êtres frustres et brutaux. Le passage d’un tel train de bateaux à la remonte et de l’équipage d’hommes et de chevaux qui le halaient, ne pouvait passer inaperçu et a engendré plusieurs légendes comme celle du train de bateaux fantôme.

Stefan Simony (1860-1950), un équipage de halage à la hauteur de Dürnstein (Basse-Autriche), huile sur carton, 1886

   Dans la région de Wachau ou en Strudengau là où les rochers affleurant à la surface de l’eau, les tourbillons, les rives particulièrement escarpées rendaient autrefois le halage des lourdes embarcations vers l’amont pénible et dangereux, certains habitants entendaient certaines nuits d’hiver particulièrement sombres ou les jours de grand vent et de tempête, des hurlements sinistres, des claquements secs de fouets et le bruit énorme des sabots et des hennissements de chevaux. Ils savaient qu’il s’agit du passage du train de bateaux fantôme conduit par le « Hohenauer », condamné avec ses hommes pour avoir lancer des imprécations, appeler à l’aide le diable, s’être soulés et avoir été cruels envers leurs bêtes, à remonter éternellement le fleuve et à lutter contre le courant jusqu’à ce que le lit du Danube deviennent aussi sec que le sommet du mont Jauerling (sommet de 960 m situé en Wachau sur la rive gauche). Pour expier leurs fautes, le « Hohenauer »et son équipage devaient faire avancer leur convoi uniquement dans l’obscurité la plus noire. Les villageois des bords du Danube entendaient alors durant un long moment ces nuits-là, les voix lugubres des haleurs proférer les mêmes injures qu’autrefois, leurs rires sauvages se mêlant aux plaintes incessantes des chevaux effrayés et des claquements de fouets qui leur répondent.

Stefan Simony (1860-1950), Équipage de halage, huile sur bois, 1884

Eric Baude pour Danube-culture, mis à jour septembre 2023

Le Danube et les Vénus de la Préhistoire

La Vénus de Willendorf, retrouvée au bord du Danube en Wachau (Basse-Autriche)

   La plus ancienne Vénus danubienne retrouvée à l’heure actuelle, la « Vénus de Hohle Fels », sculptée dans de l’ivoire de mammouth et datée d’env. 31 000-40 000 ans av. J.-C., a été découverte à la fin de l’automne 2008, en 6 morceaux, sous trois mètres de sédiments, dans une grotte du Jura souabe, à proximité de Schelklingen (Bade-Würtemberg, Allemagne), dans la vallée de l’Ach, un petit affluent de la rive gauche du Danube. C’est l’équipe de l’archéologue allemand Nicholas Conard (1961), professeur à l’Institut de Préhistoire de Tübingen qui est à l’origine de cette découverte. Ayant été reconstituée, il ne manque à la statuette que son bras et son épaule gauche. Sa modeste taille de 6 cm et un anneau légèrement usagé à la place de la tête semblent indiquer que la statuette a été portée en amulette. Sa réalisation met clairement en valeur ses attributs sexuels.
Avec la découverte de cette représentation féminine tridimentionnelle, notre approche sur les premiers pas artistiques de la période paléolithique a été bouleversée. La Vénus de Hohle Fels, qui  fait partie des plus anciens exemples au monde connus de l’art figuratif humain, met aussi en relief l’importance de la Souabe danubienne comme l’un des premiers centres d’art de la préhistoire européenne. Certains scientifiques ont émis l’hypothèse que les pratiques artistiques précoces de ces populations préhistoriques ont permis un développement plus avancé des capacités cognitives de l’Homme moderne, ce qui lui aurait valu à Homo Sapiens de supplanter en conséquence le Néandertalien1seul membre de la famille humaine à avoir occupé l’Europe entre 450 000 et 40 000 ans avant aujourd’hui. Les premières civilisations danubiennes pourraient ainsi avoir été déterminantes dans le processus d’évolution de l’homme. La Vénus de Hohle Fels est conservée à l’Institut d’Archéologie de Tübingen.

Vénus de Hohle-Fels, datée de 31 000-40 000 ans avant J.-C., une des plus anciennes représentations féminines tridimentionnelles au monde, photo droits réservés

Sa « soeur cadette », la petite Vénus de Galgenberg ou « Fanny von Galgenberg », statuette en serpentine verte, d’environ 7,5 cm de hauteur et aux proportions beaucoup plus fluettes, fut retrouvée en 1988 à Strautzing, près de Krems, dans la vallée danubienne de la Wachau (Autriche). Elle a pu être datée de plus de 32 000 ans avant J.-C. (Aurignacien).
L’original, tout comme celui de la Vénus de Willendorf, est conservé au Muséum d’Histoire Naturelle de la Ville de Vienne (Naturhistorisches Museum Wien).

La Vénus de Galgenberg, datée de plus de 32 000 ans avant J.-C., surnommée aussi « Fanny von Galgenberg », photo droits réservés

Une autre statuette féminine a été découverte en Wachau. La Vénus de Willendorf voit à nouveau la lumière du jour en 1908 sur les bords même du fleuve à Willendorf (Wachau, Autriche). Elle représente vraisemblablement une divinité fluviale de l’époque glaciaire (datation entre 30 000 et 20 000 avant J.-C.) qui apparaît sous des  formes généreuses et avec une chevelure tressée.

La belle Vénus dite  « de Willendorf » (entre 30 000 et 20 000 avant J.C.) en calcaire et aux formes généreuses et découverte en Wachau autrichienne en 1908, photo droits réservés

La Vénus de Willendorf, figuration de la Terre mère ou déesse fluviale ?
   Une des plus anciennes figurations de la Mère primordiale ou Terre mère, Déesse souveraine, Grande Déesse, Déesse mère, Reine des morts est cette modeste statuette en calcaire de 11 cm de hauteur qui, si elle n’avait été découverte lors de fouilles au début du siècle, aurait pu peut-être rester encore des milliers d’années enfouie dans le sol de la belle Wachau Danubienne (Basse-Autriche).
   Le nom de Vénus de Willendorf ne correspond en fait à rien d’autre qu’au lieu où celle-ci a été exhumée car cette statuette ne figure pas une Vénus. Découverte par le préhistorien Josef Szombathy (1853-1943) en collaboration avec l’anthropologue Josef Bayer (1882-1931) sur le site d’une ancienne briqueterie à Willendorf (rive gauche du Danube, en amont de Krems/Danube), elle est datée de l’aurignacien récent (environ 20 000 avant J.-C.) et présente de nombreuses similitudes avec d’autres sculptures de la même époque : une tête sans visage, des bras repliés sur des sein très volumineux, des fesses et un ventre protubérants et des cuisses énormes.
   Du point de vue de l’esthétique moderne, cette statuette ne correspond pas du tout aux critères habituels d’une Vénus. Dans son ouvrage Le livre des Genèse Jacques Lacarrière la décrit ainsi : « Elle serait plutôt, selon ces mêmes critères, une mamma obèse et stéatopyge (hypertrophie des fesses et des cuisses) , analogue à celles qu’on a découvert par la suite en Europe, notamment en France, en Moravie, en Silésie et dans le Piémont. Comme l’a écrit un des grands spécialistes de la préhistoire André Leroi-Gourhan : « Ces statuettes sont pratiquement interchangeables aux proportions près : les plus complètes portent sur la tête le même décor, ont les mêmes petits bras repliés sur les seins ou dirigés vers le ventre, les mêmes seins partant très bas et s’allongeant comme des outres au-dessus de la taille, les mêmes jambes fuyant en pied minuscules ou inexistants. »
   La Vénus de Willendorf, ajoute Jacques Lacarriere « n’était peut-être pas à proprement parlé une Terre mère, en ce sens qu’on ignore si elle était l’objet d’un culte ou d’un rituel de la fécondité. Elle annonce de façon impressionnante les figures de la Grande Déesse ou de la Terre mère que l’on va retrouver dans toute la Méditerranée à partir des époques historiques, c’est-à-dire à partir du IVe millénaire.
   Malgré les 25 000 ans qui nous séparent de cette statuette, elle recouvre et exprime déjà tout ce que les mots Femme et Mère signifieront plus tard pour les hommes. Ses seins, son ventre, son pubis et sa vulve annoncent les centaines de seins, de ventres, de pubis, de vulves que les archéologues ne cesseront – ne cessent encore – de découvrir dans les tombes de la Mésopotamie à la Gaule. J’ajouterai que l’outrance même de ses formes, cette stéatopygie si caractéristique comme l’exagération des signes sexuels, la rapprochent de façon évidente de cette Terre primitive, de cette matrice monstrueuse que les peuples historiques anciens imagineront à l’origine du monde et donc à l’origine d’eux-mêmes. La première fonction de la femme est ici, non pas l’érotisme mais la fécondité. Une fécondité qui ne se borne pas au cercle limité des hommes mais qui s’étend à la terre entière. »
Jacques Lacarrière

On peut se rendre sur la rive gauche du Danube en Wachau sur le lieu de sa découverte et visiter le petit musée qui lui est consacré à Willendorf sur la gauche du Danube.
www.willendorf.info

Plus récentes mais non moins aussi intéressantes sont les nombreuses autres sculptures mises à jour sur l’extraordinaire site archéologique danubien de Vinča (Serbie), témoin d’une civilisation du Chalcolithique (7000-3000 ans avant Jésus-Christ), elle-même précédée d’une culture encore plus ancienne, celle de Starčevo (6200-5300 avant J.-C.). C’est l’archéologue serbe Miloje Vasić (1869-1956) qui est à l’origine des fouilles entreprises à Vinča dès le début du XX(1908).

La déesse aux cheveux rouges, culture de Starcevo, photo droits réservés

Tout comme celui-ci, un autre site serbe encore plus ancien, Lepensky Vir (9500-6200 av. J.-C.), situé sur la même rive mais un peu en aval, dans les Portes-de-Fer témoigne également du haut degré de savoir-faire de ces premières civilisations danubiennes, du moins de celles que nous connaissons actuellement et dont on n’a pas encore découvert tous les nombreux trésors témoignant de leur savoir-faire et de leur culture.

Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, mis à jour septembre 2023

Sources : 
Jacques Lacarrière, Le Livre des Genèses, « Les Vénus aurignaciennes », Philippe Lebaud éditeur, Paris, 1990

Saint-Michel (Wösendorf), église mère de la Wachau

 Saint-Michel, église mère de la Wachau depuis le vignoble de la rive droite en aval de Spitz/Donau
   Cet édifice de style gothique tardif baroquisé à l’intérieur, doté d’un chœur et d’un orgue (XVIIe) qui provenait d’une autre église et dont la facteur n’a pas été identifié, a conservé une des cinq tours de défense (XVIe siècle) qui, avec un pont-levis la protégeaient des dangers. L’église et son ossuaire voisin, érigés au début du XIVe siècle et dont nombre des ossements proviendraient de soldats tués lors de la bataille voisine de Loiben en 1805, sont entourés d’un petit cimetière et des restes des fortifications.

Nikolaus Koffler (1776- 1848), saint-Michel en Wachau aquarelle, mine de plomb sur carton, 1841

    Sept statues animalières en terre cuite ont été installées sur le faîte du choeur. Bien que connues sous le nom des « sept lièvres de Saint-Michel » et à l’origine d’une légende populaire, elles représentent en réalité des cerfs et des chevaux vraisemblablement dans le contexte d’une chasse à courre. Les originaux de ces statues sont conservés au musée de Krems.

Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, août 2023

Carl Wenzel Zajicek (1860-1923), l’église saint-Michel, sans date

Johann Adam Klein et le paysage de la Wachau en 1812 (peintres du Danube)

J.A. Klein, J. J. Kirchner en Wachau 1812 ÖNB

Johann Jakob Kirchner devant l’église Saint Jean-Baptiste im Mauerthal  (Sankt Johann im Mauerthal), aquarelle (vers 1812)  de Johann Adam Klein (1792-1875) 

 Le dessin d’Albrecht Altdorfer « Sarmingstein an der Donau » (collection du Musée des Beaux-Arts de Budapest), daté de 1511 fait partie des toutes premières représentations graphiques d’un paysage haut-danubien. Le peintre illustrera ultérieurement à plusieurs reprises l’environnement du fleuve à travers ses peintures en particulier dans son tableau « Paysage près de Ratisbonne » (1520-1525) dans lequel A. Altdorfer ne cherche pas toutefois à reproduire fidèlement le paysage mais plutôt à faire ressentir et partager ses états d’âmes devant le spectacle grandiose de la nature, préfigurant le courant du romantisme.

Albrecht Altdorfer,  Sarmingstein, dessein, 1511

Trois cents ans après Albrecht Altdorfer, en 1811, le jeune peintre et graveur franconien Johann Adam Klein (1792-1875), alors âgé d’à peine vingt ans, fait partie d’un groupe d’artistes qui se rend à Vienne en descendant le Danube en bateau. Klein écrira dans son autobiographie de 1833 : « peu après mon arrivée à Vienne, je rendis visite à un ami d’enfance et compatriote, Kirchner, qui avait alors quitté la librairie pour se consacrer à l’art. Nous avons souvent été ensemble, nous avons partagé nos points de vue sur l’art et avons fait plusieurs voyages à pied dans les environs de la capitale ainsi dans les massifs montagneux qui bordent le Danube… »1
Deux exemplaires de la gravure de J. A. Klein (1814), réalisée d’après son aquarelle datée d’environ 1812 (collection du Département des images et affiches de la Bibliothèque Nationale d’Autriche à Vienne), sont conservés au Landesmuseum de Sankt-Pölten (Basse-Autriche), et dans la collection municipale d’art de Nuremberg. Elle représente, ainsi que Carl Jahn le mentionne dans son recueil sur l’oeuvre de Klein publiée en 1863 « Le peintre paysagiste en voyage ».2

Le  dessinateur Johann Jakob Kirchner au bord du Danube en Wachau

Sur la gravure de Klein, Johann Jakob Kirchner se tient assis sur la rive sud du Danube, au nord-est de Melk, avec un point de vue vers l’aval et le nord-est sur les ruines de la forteresse de Spitz/Donau (rive nord) près du « Mur du diable » (« Teuferlsmauer »). La gravure représente curieusement la réalité du paysage à l’envers (le peintre est en fait assis sur la rive droite alors qu’il se tient sur la rive gauche sur l’aquarelle et la gravure), ce qui rend difficile une détermination topographique précise. Aussi la représentation définitive du paysage de Saint Jean-Baptiste im Mauerthal n’a pas encore pu être formellement établie bien que le dessin de la forme polygonale de la tour ouest de l’édifice religieux semble confirmer qu’il s’agit bien du clocher de celui de l’église Saint Jean-Baptiste im Mauerthal dont la construction date d’après 1430. celui-ci est  ici surmonté d’une croix alors qu’il est aujourd’hui coiffé d’un coq en lien avec une légende populaire. Plusieurs des clochers des églises de la vallée de la Wachau sont toutefois également d’une même forme octogonale. Les ruines de la forteresse de Hinterhaus au loin, dominant Spitz/Donau, sur le versant de la rive septentrionale du Danube, sont représentées malgré la distance d’une façon détaillée avec leur donjon carré qui s’élève du côté de la montagne et les tours d’angle inférieures du côté de la vallée. Les parois rocheuses dénudées du célèbre « Teufeulsmauer » ou « Mur du Diable » s’avancent vers le Danube comme pour en obstruer le passage. Les vignobles du versant sud de la même rive apparaissent derrière le dos de l’artiste.
Placé au premier plan sur le côté droit de l’aquarelle, Jakob Kirchner (1796-1837), alors âgé de dix-huit ans, né à Nuremberg comme J. A. Klein, est assis en train de dessiner, fumant une longue pipe, coiffé de son chapeau, sur un rocher dominant le Danube. J. A. Klein l’a croqué vu de profil ou légèrement de dos à la manière romantique, sans qu’il ait même posé son sac à dos et sa besace à terre, son bâton de marche à ses pieds sur le rocher, près du chemin longeant la rive qui, protégé par une rambarde rudimentaire en bois (?), descend vers le village en effectuant un virage. Au second plan se trouve une embarcation au milieu du fleuve qu’un personnage regarde passer depuis la rive où se trouve e peintre. Le village est dissimulé en partie par une autre paroi rocheuse au-dessus du chemin, en partie par des arbres. Figure et paysage déterminent le contenu de cette gravure avec un trait différent.
Les ruines de la forteresse d’Aggstein qui d’ailleurs n’apparaissent pas sur cette gravure et d’où la vue plonge vertigineusement sur le Danube, sont beaucoup plus souvent mentionnées dans la littérature de voyage romantique que le modeste village de Saint Jean en Wachau tout comme le « Mur du diable » (rive opposée sur la gravure), qui a souvent suscité une vive curiosité et engendré une légende. On le trouve chez Ernst Moritz Arndt (1798) puis chez Eduard Diller en 1838/40 : « juste en dessous de Schwallenbach, le Mur du diable descend sur versant de la montagne depuis les crêtes rocheuses qui ressemblent à des murs fissurés ; un écho se cache derrière… » Il est intéressant d’effectuer une comparaison topographique avec la gravure intitulée « Le village  bas-autrichien de Saint Jean », qui apparaît quelques années plus tard vers 1819/début des années 1820 dans le recueil de 264 vues lithographiées du Danube dessinées par Jakob Alt pour Adolph Friedrich Kunike et publiées à Vienne. L’église de Saint Jean-Baptiste im Mauerthal y est dessinée depuis la rive opposée en regardant vers l’aval. La gravure représente l’édifice avec sa nef, son chœur et son clocher polygonal caractéristique, des groupes d’arbres comme sur l’aquarelle et la gravure de J. A. Klein ainsi que le chemin longeant le fleuve et descendant de l’ouest vers le village et qui passe à droite de l’église. Des embarcations figurent également sur le fleuve. J. A. Klein voyagera à plusieurs reprises sur le Danube ainsi que sur le le Rhin et Main et croquera dans ses dessins avec beaucoup de détails et de précision le contexte dans lequel les équipages de halage et dans lequel un voyage en bateau sur un fleuve pouvait s’effectuer à cette époque (Reisende auf der Donau, Schiffzugpferde und Reiter)
Quelques cartes géographiques vont figurer ultérieurement le même paysage et peuvent éventuellement servir de référence pour sa représentation. On peut citer parmi celles-ci la carte du Danube d’August Brandmayer gravée à Ratisbonne et intitulée « Panorama der Donau von Linz bis Wien » (vers 1840/1850) qui représente à vol d’oiseau ce tronçon du fleuve depuis Aggstein en amont jusqu’aux ruines de la forteresse de Spitz en passant par le village de Saint Jean-Baptiste im Mauerthal, le clocher de son église et l’incontournable « Mur du diable » de même qu’une autre carte panoramique du Danube, un peu antérieure de Henry Winkler  réalisée vers 1840 et publiée également à Ratisbonne sous le titre « Panorama der Donau von Ulm bis Wien ».
La gravure de Johann Adam Klein a été, bien que figurant le paysage d’une manière inversée, une contribution innovante à la représentation des paysages de la Wachau. Il est possible que le peintre ait réalisé un croquis ou un dessin aujourd’hui perdu en amont de son aquarelle.

Eric Baude, Danube-culture, © droits réservés, mis à jour août 2023

Autres gravures de paysages et de monuments danubiens de J. A. Klein (sources C. Jahn)
Baumgruppe im Prater, crayon, 1812
Das Schiffzugpferd, 1812
Burg Greifenstein (« Bergschloss Greifenstein an der Donau »), crayon, vers 1812
Baumgruppe im Prater, 1813
Kelheimer am Ufer, crayon, vers 1813
Der Slawake am Donau Ufer, 1814 (?)
Ungarischer Schiffzug, 1814
Hainburg, Wiener Tor von Osten, aquarelle, plume et crayon,  1814
Bad Deutsch Altenburg, Karner und Pfarrkirche Maria, Empfängnis von Südosten, plume, crayon, vers 1814
Linzer Schiffmühle, plume et pinceau, 1815
Donaustauf, Stadttor von Westen, plume et crayon, 1816
Straubing von Norden, plume et crayon, 1816
Reisende auf der Donau, 1816, Plume, pinceau et crayon, 1816
Schiffzugpferde und Reiter, plume et pinceau, crayon, vers 1816 (au bord du Danube, probablement dans le quartier de Rossau Vienne le 28 août), Musée Historique de la ville de Vienne (inv. 64364)
Klosterneuburg, Pfisterstiege, crayon, 1817
Zille am Ufer, crayon, pinceau, vers 1818
Donauwörth, alte Donaubrücke von Norden, crayon, 1819
Schiffzuf-Pferde in Bivouac (Danube ?), 1845

Notes :
« En 1811, après le décès de sa brave mère, Klein décida, à l’instigation de son père, de découvrir le monde et, après que les obstacles dus à la conscription eurent été levés avec l’aide d’un mécène, le directeur de police Wurm, il se tourna vers Vienne vers laquelle il partit le 16 septembre, via Ratisbonne et le Danube, muni d’une lettre de recommandation du marchand d’art Frauenholz de Nuremberg », in Carl Jahn, « Der Lebengang des Meisters », Das Werk von Johann Adam Klein, Maler und Kupferätzer zu München, p. XXVI.
J. A. Klein, revenu dans sa ville natale, refera en 1816 le voyage vers Vienne sur le Danube, cette fois en compagnie de son ami Johann Christoph Erhard. ( Carl Jahn, idem, p. XXIX)
 

2 131. « Der Landschaftmahler auf der Reise », nach links am Ufer der Donau sitzend und zeichnend. Portrait des Künstlers J. F. Kirchner aus Nürnberg

Sources :
Renate Freitag-Stadler, Johann Adam Klein, 1792-1875, Zeichnungen und Aquarellen, Bestandskatalog der Stadtgeschichtlichen Museen Nürnberg, Verlag Hans Carl, Nürnberg, 1975
Fritz Sink, « Johann Jakob Kirchner vor St. Johann in der Wachau : Radierung v. Johann Adam Klein aus dem Jahre 1814 », Jahrbuch für fränkische Landesforschung. 28. [Nürnberg] [1968], pp. 343-346 http://data.onb.ac.at/rec/AC12058613
Carl Jahn, Das Werk von Johann Adam Klein, Maler und Kupferätzer zu München, Mitglied der kgl. Akademie der Künste zu Berlin, Inhaber des Verdienstkreuzes  vom herzogl. Sächs. Ernestinischen Hausorden , Mit dem Bildniss des Künstlers in Stahlstich., München, 1863, Verlag der Montmorillon’schen Kunsthandlung., Druck von Dr. C. Wolf & Sohn. 

Les vignobles danubiens ; des terroirs d’exception !

Les somptueux vignobles de la Wachau autrichienne et leurs voisins de la vallée de la rivière Krems (Kremstal, rive gauche), du Kamp (Kamptal), de la Traisen (Traisental, rive droite) ou des coteaux adoucis de Wagram (rive gauche), pour ne citer que ceux-ci, sont emblématique des magnifiques vins blancs qui sont élaborés sur les terroirs danubiens autrichiens. Le niveau de qualité de ces vins danubiens est toutefois, comme partout, contrasté et va des vins les plus extraordinaires des meilleurs terroirs et parcelles aux plus simples des breuvages (vins rouges) n’apaisant guère (et encore !) que la soif.

Spitz/Danube (rive gauche) et ses vignobles au coeur de la Wachau, une région classée au patrimoine mondial de l’Unesco pour ses paysages viticoles ancestraux, photo © Danube-culture, droits réservés

Quand à Vienne, unique capitale européenne à avoir préserver un vignoble conséquent, elle s’enorgueillit aussi à juste titre de ses nombreuses charmantes et joyeuses auberges et caveaux de vignerons avec cours, jardins, les « Heuriger » et parfois vue sur la ville. Ici l’on vous sert un gouleyant, traditionnel et joyeux vin blanc de production tout-à-fait locale, le « Gemischter Satz » qui peut être élaboré avec 20 différents cépages, parfois biologique (voir l’article sur les vins de Vienne sur ce site).

Le plus petit vignoble viennois, place Schwarzenberg, dont les vins sont vendus au profit d’oeuvres caritatives, photo © Danube-culture, droits réservés

Le Danube est peut-être aujourd’hui, avec le Rhône, la Loire, l’estuaire de la Gironde, le Neckar, la Moselle et le Rhin, l’un des cours d’eau les plus propices à la culture de la vigne du continent européen. Comme pour le sel et d’autres matières (bois, fer, céréales…), on a longtemps acheminé par bateaux sur ce fleuve, avec en particulier les fameuses « Zille », grandes barques en bois à fond plat parfaitement adaptées à la délicate navigation danubienne, depuis les régions de production, d’importantes quantités de barriques de vin vers les capitales et les grandes villes qui jalonnent son parcours, telles Vienne, Bratislava, Budapest, Belgrade et au delà...

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Les vignobles du Haut et Moyen-Danube
   Bien que la vigne soit cultivée en Allemagne dans quelques villages bavarois des bords du fleuve comme à Bach/Danube (rive gauche), entre Ratisbonne et Wörth, c’est en Autriche que le fleuve rencontre ses premières grandes régions viticoles : les régions de la Wachau, Kremstal, Wagram, Kamptal, Donauland, Vienne et ses collines, Petronell-Carnuntum (rive droite), la région des thermes (Thermenland, au sud de Vienne) et enfin la région orientale aux frontières de la Hongrie du nord du Burgenland (rive droite), plate et chaude, plaine et terroir féconds pour les vins de cépage Blaufränkisch, Zweigelt, Pinot noir, Carbernet-Sauvignon… mais aussi de grands vins blancs y compris de vendange tardive (Eiswein), plus particulièrement sur les reliefs autour du Neusiedlersee, grand lac peu profond, vestige de l’antique et immense mer panonnienne. La Styrie, la Carinthie méridionale et le Tyrol du sud, aux frontières de l’Italie, se joignent avec bonheur aux territoires viticoles danubiens.
Le niveau moyen de qualité de l’ensemble de la production autrichienne qui s’étend sur 50 000 ha de vignes est l’un des plus élevés d’Europe.

L’Abbaye de Göttweig comme celles de Melk et de Klosterneuburg, possède ses propres vignobles, photo © Danube-culture, droits réservés

C’est incontestablement dans la région de la Wachau, entre l’abbaye de Melk et l’abbaye de Göttweig, que s’élaborent les vins blancs secs les plus réputés de ce pays voire d’Europe. On aurait désormais tort de négliger malgré tout les vins des régions voisines de Wagram, Kamptal (rive gauche),Traisental le vignoble de Carnuntum (rive droite), en aval de Vienne, et celui du « Thermenland » avec ses jolis villages, au sud de la capitale, qui réservent de belles surprises à l’amateur oenophile éclairé.

Slovaquie méridionale et Hongrie danubienne (Moyen-Danube)
   Le vignoble slovaque (vins blancs) se tient sur la rive gauche (nord) du Danube et borde ses affluents. La production vinicole slovaque a beaucoup progressé depuis quelques années grâce à des vignerons entreprenants et soucieux de qualité. De l’autre côté, sur la rive hongroise se tiennent sur la rive droite les vignobles de la région de l’abbaye de Pannonhalma, au sud de Győr, puis apparaissent les premiers reliefs hongrois et l’excellent petit vignoble d’Ázsár-Nezmély. L’origine de ce vieux vignoble remonte à l’époque romaine. Un bon ensoleillement et une arrière-saison, souvent chaude, permettent de produire en majorité des vins rouges, plutôt légers et quelques vins blancs de qualité. Le Danube baigne ensuite sur la rive droite plusieurs grandes régions viticoles hongroises, de Budapest (district d’Etyek-Buda) jusqu’à la frontière méridionale avec la Croatie danubienne qui n’est pas non plus avares de divins breuvages (vignoble croate septentrional des régions de Baranja et d’Ilok). Ces paysages viticoles ont été façonnés par l’homme avec l’aide du fleuve et de ses affluents dont la Drava (Slavonie croate). Parmi les meilleurs vins rouges hongrois, on peut recommander ceux  des régions de  Szekszard, Tolna, Villány, Pecs… D’autres vignobles s’épanouissent aussi sur la rive gauche entre Danube et Tisza (vignobles de Kunság, Congrád, Hajós-Baja…).
Les vins hongrois danubiens offrent de belles émotions tant en rouge qu’en blanc voire rosé et méritent une redécouverte et une reconnaissance plus largement partagée comme celle que connait le légendaire Tokaji Aszú, l’un des vins doux les plus raffinés au monde et qui est désormais inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco. La surface viticole compte en totalité 65 000 hectares cultivés par 32 000 vignerons. Quelques cépages :  Bikáver, Blauburger, Cabernet Franc, Kadarka, Pinot Noir, Zweigelt, Turán, Kékfrankos, Merlot,  Portugieser… (rouges), Chardonnay, Cirfandli, Irsai Olivér, Hárslevelü, Olaszrisling, Sauvignon blanc, kéknyelü, Kövidinka, Sárgamuskotály, Tramini Zenit, Szürkebarát, Zöldveltelini…(vins blancs).

Les vignobles serbes, croates, roumains et bulgares du Bas-Danube : le renouveau d’un savoir faire ancestral
   Dans les Balkans danubiens, l’amateur de découvertes sera tout à la joie de rencontrer des vins et des cépages parfois inconnus qui sortent encore relativement peu de leur zone de production comme celles du Banat serbo-roumain, de Vojvodine et de Fruška Gora en Serbie septentrionale, de Ruse, Pleven, Veliki Tarnovo et Vidin en Bulgarie (rive droite), des collines de l’Olténie (Dealu Mare) et de la Drobrogea en Roumanie. Malmenés par la période communiste, peu avide en élaboration de vins de qualité, ces vignobles apportent de bonnes (et moins bonnes) surprises qui illustrent l’hétérogénéité actuelle de la production mais il est évident que la qualité progresse rapidement. À noter que des vignerons français et italiens se sont, depuis quelques temps, installés sur les terroirs serbes et roumains danubiens et les versants septentrionaux de la Dobrogea roumaine. Leur présence influence les méthodes de vinification. Les vins élaborés ces dernières années, parfois de façon biologique, suscitent de plus en plus nombreux commentaires élogieux et de belles perspectives dans l’avenir. Certains vins serbes et roumains (et hongrois) se retrouvent dans les caves et sur les tables de grands restaurants fraçais !
Les conditions climatiques de la prochaine décennie seront déterminantes pour l’avenir des vignobles du Bas-Danube.

Le « Bermet », un vin serbe d’anthologie inclassable et à l’élaboration secrète, toujours cultivé en Vojvodine à Sremski Karlovci (rive droite), sur les bords du Danube, au pied de la belle Fruška Gora, photo © Danube-culture droits ré,servés

Mentionnons parmi les cépages cultivés le long du fleuve, outre les Riesling d’origine allemande et les transfuges français comme les Cabernet, Merlot et Pinot pour les rouges, le Sauvignon et le Chardonnay pour les blancs, les excellents Grüner Veltliner autrichiens (blanc), les Frankovka (rouge) ou l’Ezerjo slovaque, le Kadarka et  l’Olazriesling hongrois.

Photo © Danube-culture, droits réservés

En Croatie continentale on pourra déguster des vins de cépages Graševina et Traminer, en Serbie on découvrira un vieux cépage local traditionnel, le Procupac. Si l’on a beaucoup et sans doute un peu trop planté de Cabernet et de Merlot en Bulgarie danubienne, le pays possède aussi des cépages locaux intéressants comme le Mavrud, le Melnik (rouge), le Dimiat ou le Rkatsiteli (blanc).
La Roumanie est également riche en variétés locales et trésors insoupçonnés. Vignerons et oenologues valorisent de mieux en mieux les cépages Feteasca Neagra et Babeasca Neagra (rouge), les Feteasca Alba, Feteasca Regala, Cramposia (blanc). Là aussi souvent le meilleur comme le plus médiocre se côtoient encore mais la transition fait progresser la qualité. De beaux vins blancs aux raisins sucrés et ensoleillés sont produits à partir des variétés Grasa et Tamioasa jusque dans le delta du Danube.
La Moldavie peut aussi revendiquer des vins dignes d’être appréciés par les connaisseurs. Quant aux villages ukrainiens du delta, leurs habitants produisent un vin sympathique et de consommation uniquement locale .

Sources :
Sur les vins roumains et le réchauffement climatique :
Irimia, L.M., Patriche, C.V. & Roșca, B. Theor Appl Climatol (2018) 133: 1. Climate change impact on climate suitability for wine production in Romania
https://doi.org/10.1007/s00704-017-2156-z

 Sur les vins autrichiens :
www.vinea-wachau.at
www.kremstal-wein.at
www.wienerwein.at
www.oesterreichischwein.at

Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, mis à jour juillet 2023

Le monastère de Schönbühel (Wachau)

Le monastère servite de Schönbühel vue depuis l’amont, photo © Danube-culture, droits réservés   

   Les Starhemberg, une des plus vieilles familles de la noblesse de l’archiduché d’Autriche, prennent possession du château-fort et du domaine de Schönbühel en 1411. Ils en resteront les propriétaires durant plus de quatre siècles. Ludwig (1564-1620) et Gotthard von Starhemberg (1563-1624) ainsi leur frère Martin (1566-1620) seront des fervents adeptes du protestantisme et participeront à la célèbre bataille de la Montagne Blanche (Bilá Hora) de Prague en novembre 1620. cette bataille capitale bien que n’ayant duré que deux heures, est remportée par les troupes catholiques de l’empereur du Saint-Empire romain germanique Ferdinand II de Habsbourg (1587-1637) sur celles du roi de Bohême Frédéric V (1596-1632). Ce sera le début de la reconquête catholique des Pays de Bohême.

Le château et le monastère de Schönbühel vers 1820, le peintre hollandais (?) a également représenté la forteresse d’Aggstein en arrière-plan

   En raison de leur participation à cette bataille et à d’autres exactions contre des biens catholiques, les trois frères Starhemberg sont sévèrement punis par l’empereur et leurs biens confisqués. Leur frère Paul Jakob (1560-1635), resté prudemment en retrait des affrontements, peut avec beaucoup de difficultés conserver le domaine de Schönbühel. Son fils, Conrad Balthazar comte de Starhemberg (1612-1687)1, qui s’est converti au catholicisme, commence par faire édifier en 1666 à l’endroit où se trouvent des ruines de sinistre réputation, auréolées de légendes et tout autant maudites des bateliers du Danube (rochers dans le lit du fleuve), une chapelle sur le modèle de l’église du Saint Sépulcre de Jérusalem. Sa volonté était d’aider les habitants de la contrée à mieux se représenter les scènes essentielles de la vie du Christ et celles de la passion. La première messe est célébrée dans la chapelle en 1667 pour la nuit de Noël, le calvaire baroque est achevé en 1669.

Jakob Alt (1789-1872), vue sur la vallée du Danube et sur le cloître de Schönbühel, 1847

L’ensemble des travaux de construction du monastère sont dirigés l’architecte originaire de Kufstein, Christoph Schachinger. Dans l’église Sainte-Rosalie du monastère une chapelle funéraire a été placée dans le chœur et la crypte a été conçue comme une grotte de Bethléem. C’est le seul exemple autrichien d’une réplique de la grotte de la Nativité. La chapelle Peregrinus, bâtie ultérieurement (1737), a été décorée de fresques rococo par le peintre Johann Wenzel Bergl (1719-1789), élève talentueux et original de Paul Troger (1698-1762) et un des peintres préférés de l’impératrice Marie-Thérèse qui le mit largement à contribution pour décorer certains des appartements de Schönbrunn et de la Hofburg (Vienne). Berlg a peint également ses fresques « exotiques » pour le pavillon du jardin de l’abbaye de Melk et celles du château de Donaudorf, désormais sous les eaux du Danube depuis la construction de la centrale d’Ybbs-Persenbeug en 1954.

Le calvaire baroque datant de 1669, photo © Danube-culture, droits réservés

    Se conformant à un souhait de la veuve de l’empereur Ferdinand II, Éléonore de Mantoue (1598-1655) auprès de laquelle il avait servi comme maître des écuries de la cour, Conrad Balthazar fait aménager entre 1670 et 1674 (1675?) une réplique adaptée de la grotte de la Nativité dans le rocher même à laquelle on accède par 54 marches. De nombreux se rendaient au monastère de Schönbühel par bateaux. 

La grotte de Bethlehem, photos droits réservés

En 1669 l’église du château, dont les moines servites ont aussi la responsabilité, a acquis le statut de paroisse avec la bénédiction de l’évêque de Passau qui autorise également la création d’un cimetière.

L’église paroissiale sainte Rosalie, photo droits réservés

Les statuts juridiques, établis en 1672, permettent à  cinq moines et deux frères laïcs de résider au monastère. Schönbühel devient rapidement, grâce à sa réplique de l’église du Saint Sépulcre, un lieu de pèlerinage très fréquenté à la période baroque. L’empereur Léopold Ier de Habsbourg s’y rend en 1675. Lors de l’épidémie de peste de 1679, la réputation du pèlerinage de Schönbühel et de son église dédiée à sainte Rosalie est alors à son apogée. Une Fraternité du scapulaire est fondée et un Livre des miracles témoigne de nombreuses voeux de guérison exaucés.

La cours intérieur du monastère, photo C. Jansky, droits réservés

Le château qui n’est plus guère habité ni entretenu, commence à tomber en ruine. Il est vrai que Conrad Balthazar Starhemberg s’est fait construire entretemps, de 1661 à 1667, un palais baroque sur la place des Minorites à Vienne et que sa famille possède de nombreux autres domaines en Autriche et dans des pays voisins parmi lesquels la forteresse voisine d’Aggstein (1685).

Le palais Starhemberg sur la place des Minorites à Vienne, gravure du XVIIIe siècle, collection privée

   Le monastère prospérera jusqu’au règne de l’empereur Joseph II de Habsbourg (1765-1790) qui, en tant que fervent partisan des Lumières et par des réformes audacieuses, met fin à de nombreuses activités religieuses, restreint les pèlerinages, ferme des couvents et supprime certains ordres à tel point que le pape s’en inquiète. Dans ce contexte défavorable et en raison du nombre de plus en plus restreint de moines qui y demeurent, il est même envisager de fermer le monastère. Mais les droits paroissiaux reposant sur l’église du monastère depuis 1786 empêchent toutefois sa dissolution. Le monastère se retrouve d’autant plus dans une situation périlleuse qu’il est pillé par les armées françaises pendant les campagnes napoléoniennes d’Autriche en 1805 et 1809. Le manque de moyens empêche d’entretenir correctement les bâtiments et, de nouveau, le monastère qui recevra la visite de la toute jeune princesse Elisabeth d’Autriche (1837-1898) en 18443 est menacé de dissolution à plusieurs reprises. Faute de moine y résidant, il est administré à partir de 1904 par la section tyrolienne de l’ordre des servites qui, après avoir commencé à le restaurer finit par le fermer définitivement en 1980. Les bâtiments sont alors restitués à l’administration du château de Schönbühel. L’église paroissiale du monastère est rattachée au diocèse de Sankt Pölten.

La chapelle du tombeau du Christ surplombe le Danube, photo © Danube-culture, droits réservés

   L’architecture des bâtiments date du début de l’époque baroque et est d’une grande sobriété. Restée pratiquement la même depuis la construction du monastère elle s’intègre harmonieusement dans le paysage escarpé de ces rives danubiennes. Une « Via sacra » (chemin de pèlerinage) relie le monastère à l’église de Maria-Langegg, un autre haut-lieu de pélerinage.  

   En 1887, le philosophe et psychologue Franz Brentano (1838–1917), neveu du poète Clemens Brentano (1778-1842) et qui fût le professeur à l’université de Vienne de Sigmund Freud (1856-1939) et d’Edmund Husserl (1859-1938), découvrit à l’occasion d’une promenade à Melk, la taverne construite par la famille des comtes Starhemberg au XVIIe siècle à proximité du monastère.

Franz Brentano (1838-1917) pendant ses années viennoises vers 1880, photo des Archives Franz Brentano, Université de Würzburg, Allemagne

Séduit par l’emplacement et par le fait que la taverne lui rappelait la maison de ses parents à Aschaffenburg, il l’acheta et l’aménagea pour en faire sa résidence d’été jusqu’en 1914, y recevant ses invités autour de conversations philosophiques. L’ancien prêtre défroqué, le « grand-père de la phénoménologie », opposé à toute forme d’absolutisme, que ce soit dans les communautés politiques, religieuses ou scientifiques, entretint de bons contacts avec ses voisins du monastère servite. Le philosophe autrichien Alfred Kastil (1874-1950) s’installera pendant la seconde guerre mondiale dans la maison jusqu’à sa mort pour travailler à l’édition des oeuvres de F. Brentano.

Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, mis à jour juillet 2023 

Le monastère est accessible à la visite à certaines conditions :
www.klosterschoenbuehel.at

Le monastère, les chapelles, le calvaire, l’ancienne auberge transformée en résidence d’été par F. Brentano (à gauche) et le cimetière, photo prise dans les années 1970 

  Notes :
1 Ernst Rüdiger von Starhemberg (1638-1701) s’est en particulier illustré dans la lutte contre l’empire ottoman. Commandant courageux de la garnison qui défendait Vienne pendant le siège de 1683, il refusa de capituler et sauva la ville malgré l’arrivée tardive des troupes catholiques qui mirent en déroutent l’impressionnant armada turc.
2 Les fresques ont été heureusement préservées et transférées au château Laudon à Vienne.
3 La scène est reprise dans le film d’Ernst Marieschka Sissi (1955). 

Sources :
FLOSSMANN, Gerhard, « Der Bezirk Melk », Band 2 einer Bezirkskunde: Ein Kultur- und Reiseführer. 1994, S. 251–256
HÄUSLER, W. Geschichte des Servitenklosters Schönbühel, Dissertation, Wien 1969
HOFFMANN, Thomas, HOFFMANN, Clemens, Die Wachau, Wunderbares, Sagenhaftes, Unbekanntes, Kral Verlag, Berndorf, 2013
PLÖCKINGER, N.N. Wachausagen. N°. 15, p. 24
PERNERSTOFER, Matthias, Errichtung und Neuausstattung des « Gottseligen Hauß Bethlehem » im Kloster Schönbühel an der Donau, Hollitzer, Wien, 2019
OPPEKER, Walpurga, « Das Servitenkloster Schönbühel in Bildern: Ergänzungen zur Baugeschichte ». in Das Waldviertel, Heft 77/3, 2008, pp. 241–255
BAUMGARTNER, Wilhelm, « Le contenu et la méthode des philosophies de Franz Brentano et Carl Stumpf « , Les Études philosophiques, 2003/1 (n° 64), p. 3-22. DOI : 10.3917/leph.031.0003. URL : https://www.cairn.info/revue-les-etudes-philosophiques-2003-1-page-3.htm
À l’école de Brentano, de Würzburg à Vienne, traduction sous la direction de Denis Fisette et Guillaume Fréchette, Vrin, Paris, 2007

www.kloster-schoenbuehel.at
www.schoenbuehel-aggstein.at
www.kirche-am-fluss.at

Vue sur le Danube depuis le monastère de Schönbühel, photo © Danube-culture, droits réservés

La Wachau

« C’est aussi ce que j’aime dans la Wachau : ce n’est pas un séjour habituel à la campagne, aménagé uniquement pour les estivants, c’est une région qui se suffit à elle-même, qui n’a pas encore absolument besoin de nous et où nous sommes donc d’autant plus volontiers invités. »
Hermine Cloeter (1879-1970) 

La basilique saint Pierre et saint Paul de l’abbaye bénédictine de Melk, photo © Danube-culture, droits réservés

L’abbaye bénédictine de Melk (rive droite) ouvre majestueusement en amont les portes de la douce et épicurienne Wachau et celles de sa soeur bénédictine et dominatrice de Göttweig un peu en retrait de la même rive les referment avec solennité, laissant le Danube couler  « librement » vers la plaine de Tulln et Vienne. Ces grandes abbayes danubiennes sont parmi les plus beaux monuments religieux baroques de tout le continent européen.

La silhouette de l’abbaye de Göttweig depuis les rives du Danube à la hauteur de Krems, photo © Danube-culture, droits réservés

De la centrale hydroélectrique en amont de Melk jusqu’à Krems et sa sortie de la Wachau, le Danube a, ô miracle !, a pour le moment échappé à sa canalisation. C’est même, avec la traversée des prairies alluviales danubiennes (Donau Auen) et leur magnifique parc national (National Donauauen Park) en aval de Vienne et du barrage de Freudenau, l’un des deux seuls parcours autrichiens où le fleuve peut encore jouir d’une relative liberté. Ne voilà-t-il pas que le Danube presse son allure entre le Jauerling et les reliefs de la Dunkelsteinerwald ?
Enrichi des eaux de nombreux affluents d’origine alpine qui ont souvent par le passé poussé le fleuve à sortir de son lit, à inonder les cités riveraines et contre lesquelles les collectivités locales se sont mobilisées avec patience et détermination, la région de la Wachau apparaît bien comme une des plus attachantes d’Autriche.

Des paysages classés au patrimoine mondial de l’Unesco
   Depuis l’an 2000, la Wachau est classée au patrimoine mondial de l’Unesco au titre de ses  paysages préservés, à l’instar de ceux du Val-de-Loire. Mais ici, comme partout ailleurs en Autriche, contrairement aux bords de la Loire, pas de centrales nucléaires. Sur un relief prononcé alternent vignes, vergers, forêts, forteresses au pied desquels se blottissent de joyeux et petits villages colorés et animés. Impossible quand on se penche sur le Danube et l’Autriche danubienne, de faire l’impasse sur cette magnifique région tant elle est parée d’attraits.

Dürnstein depuis la rive droite, perle du Baroque de Basse-Autriche et sujet d’inspiration inépuisable pour les peintres, photo © Danube-culture, droits réservés

Cette région, depuis fort longtemps habitée par l’homme comme en témoignent plusieurs statuettes statuette de 25 000/30 000 ans connues sous le nom de « Vénus de Willendorf » et « Vénus de Galgenberg » (Fanny de Galgenberg) est plus qu’hospitalière et attachante. Tout y est fait pour que le visiteur s’y sente chez lui et s’y attarde en logeant dans l’une des confortables auberges, chambres d’hôte ou petites pensions avenantes. La gastronomie n’est pas en reste non plus, la région étant l’une des plus prodigues de toute l’Autriche en produits locaux.
La Wachau mérite donc que l’on y prenne son temps, que l’on y séjourne plusieurs jours et qu’on lui témoigne ainsi qu’à ses habitants, sa fidélité et sa reconnaissance en y revenant.
La Wachau qui commence à Melk (rive droite) est traversée par le Danube sur 36 km jusqu’à la petite ville de Krems-Stein (rive gauche).
En amont de Melk et jusqu’à Ybbs/Donau s’étendent deux autres régions au riche patrimoine historique et culturelle, d’abord le Nibelungengau, terre des chevauchées légendaires de la célèbre et tragique épopée de la Chanson des Nibelungen puis, d’Ybbs jusqu’à Grein, en remontant le fleuve vers Linz et la Haute-Autriche, le Strudengau au relief accidenté, aux paysages plus sauvages, plus romantiques avec autrefois, au temps de la navigation à la rame et d’avant celle à vapeur, des tourbillons (Strudel) redoutés par les bateliers et leurs passagers.
La Wachau est aisément accessible depuis Linz, Vienne, Krems et Melk. Elle peut se découvrir soit par bateau soit en saison par train avec la ligne touristique et historique de la Wachau (Wachauerbahn) qui circule de Krems à Mauthausen, en bus ou en voiture mais encore à pied et en vélo grâce à une excellente infrastructure de chemins balisés, de pistes cyclables remarquablement aménagées dont la très fréquentée Eurovéloroute 6 (www.eurovelo6-france.comqui serpentent et suivent le Danube sur ses deux rives et offrant des points de vue sur ses plus beaux paysages.

Le train touristique de la Wachau longe la rive gauche du Danube,  une façon originale d’aller à la découverte de la région, photo Danube-culture, © droits réservés

Il est possible et ce n’est pas une activité des moins agréables, traverser d’une rive du fleuve à l’autre suivant son humeur grâce aux deux bacs à fil traditionnels (Rollfähre) de la Wachau qui, inlassablement, du matin au soir en saison, convoient paisiblement randonneurs, cyclistes et voitures sur les deux bords. Des « Zille » assurent encore localement le passage pour les randonneurs et les cyclistes en plusieurs points de la Wachau comme à Dürnstein.

Sur le bac entre Weißenkirchen (rive gauche) et Sankt Lorenz, photo © Danube-culture, droits réservés

Ces traversées conviviales, trop éphémères, permettent d’avoir, au milieu du fleuve, une perspective unique sur l’environnement et l’harmonie paisible et préservée de ces « vieux » paysages de la Wachau. On s’aperçoit alors, sous un ciel pur, quelle qu’en soit la saison, que le Danube bleu n’est pas qu’une légende viennoise. Le fleuve joue les caméléons avec le ciel et la palette de couleurs des paysages et des villages de vignerons et d’arboriculteurs.
C’est peut-être en Wachau, que le fleuve se pare dans son parcours autrichien de ses plus belles nuances, aussi variées que la palette d’un peintre impressionniste. Le Danube et ses rives dialoguent inlassablement, de l’aube jusqu’au crépuscule, dans une langue aux profondes, mystérieuses et multiples résonances. Mais, contrairement au visiteur qui est tenté de s’attarder dans ces lieux séduisants, le fleuve coule ici plus vite qu’ailleurs en territoire autrichien ce qui n’empêchent pas les bateaux de croisières de le sillonner aisément. 60 km séparent la puissante centrale hydrolectrique de Melk de celui, plus en aval, d’Altenwörth, 60 km sans barrage !
À peine sorti du relief la Wachau, le Danube se dirige vers la plaine de Tulln et le massif de la Wienerwald (Forêt viennoise) pour rejoindre Vienne après avoir contourné le massif forêt viennoise (rive droite). Vienne peut s’enorgueillir d’être la première capitale que le fleuve rencontre.

Vue sur le Danube et ses méandres depuis l’abbaye de Göttweig, photo © Danube-culture, droits réservés

Gastronomie et oenologie en Wachau
La Wachau abrite un des plus beaux vignobles de vins blancs du pays et d’Europe, parfois au relief abrupt et qui couvre près de 16.000 hectares. Bacchus aurait pu incontestablement s’y établir et y vivre satisfait pour l’éternité, s’y désaltérant du divin breuvage et des arômes fascinants, de la saveur délicate des fruits des vergers, pommes, poires, abricots (les fameux Marillen de la Wachau) dont on tire aussi d’excellents alcools, des spécialités culinaires régionales, du microclimat et de la douceur relative des hivers. Bref, il fait toujours bon vivre en Wachau !

Vignobles en Wachau au printemps, photo © Danube-culture dr,oits réservés

Un grand nombre de restaurants témoignent généreusement de ce savoir-faire. Les cuisiniers déclinent aussi une remarquable variété de plats de viande et, proximité du fleuve oblige, de poissons auxquels les cépages Grüner Veltliner, Chardonnay, Riesling, Müller-Thurgau, Neuburger et Gelber Muskateller et autres vins blancs distingués, s’accordent à merveille. Quant aux vins rouges qu’on trouve en quantité infime, ils restent anecdotiques. 

Chatoiement des couleurs dans les vignes de la Wachau à l’automne, photo Danube-culture © droits réservés

La Wachau est encore une région au microclimat qui favorise également, aux côtés de la vigne, les arbres et arbustes fruitiers. Poiriers, framboisiers, abricotiers, pommiers des coteaux danubiens donnent des fruits particulièrement savoureux dont la cuisine régionale sait tirer la quintessence dans l’élaboration de recettes de succulents desserts comme les Marillenknödel, dessert farci aux abricots.

Aprikosenknödel Wachau

Les délicieuses Marillenknödel, un des délicieux desserts de la Wachau, photo Danube-culture © droits réservés

À noter pour les oenophiles que les vins blancs de la Wachau obtiennent régulièrement les toutes premières places aux concours de dégustation de vins blancs à l’aveugle en Europe. Les curieux ne manqueront pas de goûter à l’automne le moût de raisin appelé localement « Sturm ».

Le cornouiller, un arbre dont le bois est fort apprécié par les ébénistes, pousse également mais plus rarement en Wachau. Ses baies contiennent de nombreuses propriétés, photo Danube-culture, © droits réservés

Wachau pratique

Office de Tourisme du Danube et de Basse-Autriche (Donau Niederösterreich Tourismus GmbH), Schlossgasse 3, 3620 Spitz/Donau
www.donau.com
(site partiellement en français)
wachau@donau.com

www.bestof-wachau.at
Un site sur l’art de vivre et la gastronomie et  les spécialités de la Wachau mais qui s’adresse en priorité aux touristes de langue allemande.

Train touristique de la Wachau : Un joli parcours en train historique ou touristique entre Danube et vignobles
www.wachauerbahn.at

Avant de partir, jetez un coup d’oeil juste pour le plaisir sur le site de Gregor Semrad, un photographe amoureux de la Wachau :
www.gregorsemrad.com

Melk et son abbaye bénédictine

« Mea dilecta » se serait exclamé Jules César lorsqu’il vit Melk pour la première fois selon l’historien local Ignaz Kaiblinger. En fait il n’est pas sûr que César soit venu à Melk (encore que…) et de plus l’étymologie du nom de Melk, à l’image de nombreux autres toponymes de la Wachau vient du slave et est lié à la présence de la rivière du même nom qui conflue avec le Danube à cette hauteur, la Melk. Il y eut à l’époque romaine une forteresse du nom de Namare sur l’emplacement de l’abbaye.
C’est à Medelike (Melk) que la puissante famille princière des Babenberg, originaires de Bavière, grands propagateurs du catholicisme, promoteurs de la construction de quelques-unes des plus belles abbayes d’Autriche et du Danube (Melk, Saint Florian, Herzogenburg, Klosterneuburg…) s’installe à la fin du Xe siècle. Ils s’installeront ensuite à Vienne, cédant leur résidence en Wachau aux bénédictins qui s’empressent d’y construire une abbaye fortifiée. À la dynastie des Babenberg qui s’éteint en 1246 succèdera celle des Habsbourg.
L’abbaye baroque de Melk

Coupole de la basilique saint Pierre et saint Paul de l’abbaye bénédictine de Melk, photo © Danube-culture, droits réservés

« Et comment dire la beauté de Melk élevant sa façade ocrée au-dessus du Danube, le jeu subtil qui s’y joue entre la droite et la courbe, et comment les surfaces s’y animent en s’incurvant, à croire que c’est dans les eaux mêmes du fleuve que l’architecte est allé puiser ses formes ? Ces églises surchargées, et légères pourtant, ces immenses abbayes sont moins des lieux pour la prière, le recueillement et la pénitence que pour la célébration et l’apothéose. À la sévérité de la Réforme, aux menaces musulmanes, à celles plus lointaines de la Révolution, il a fallu opposer ce délire maîtrisé, cette vitalité foisonnante, ces jeux, ces trouvailles, ces mensonges, ce tissu compliqué de symboles, ces matières riches et brillantes, ces espèces de laque qui sont à la fois fragiles, précieuses, froides, couvrantes (alors que l’art austère des cloîtres romans c’est la vérité de la pierre qui parle), cet art qui est mis en scène, surprise, ivresse, et la plus sensuelle…
Philippe Jaccottet, « En descendant le Danube », in Autriche, L’Age d’Homme, Lausanne, 1994

La salle de la bibliothèque de l’abbaye avec son plafond en trompe-l’oeil peint par Paul Troger, photo droits réservés

L’agencement, la forme et la couleur des bâtiments au sommet de la colline qui semblent le prolongement artistique raffiné des éléments naturels, la grande cour et les cours secondaires, les pavillons latéraux, le couloir impérial, les jardins, l’orangerie, le fleuve au pied de l’abbaye, le paysage aux alentours, tout concoure à une extraordinaire mise en scène qui n’a rien du hasard et dont la grandeur tout autant qu’une certaine retenue s’avèrent fascinantes et paraissent avoir été volontairement soumises à l’ordre et à la raison.

Une mise en scène permanente jusque dans les moindres détails, l’art de l’illusion, photo Danube-culture, © droits réservés

L’abbaye baroque de Melk, à la saisissante unité domine tout à la fois le fleuve, la jolie petite ville et la rivière du même nom qui se jette dans le Danube. Elle subit l’assaut des armées turques à la fin du XVIIe siècle. Sa reconstruction commence peu de temps après en style baroque sur les plans de  l’architecte Jakob Prandtauer (1660-1726) de Sankt Pölten auquel succède son élève Josef Muggenast. Les travaux d’achèvement vont durer 36 années ! Napoléon y établit son quartier général et un hôpital militaire en 1805 et 1809, à l’occasion de ses campagnes contre l’Autriche et la Russie.
L’abbaye est inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco depuis l’an 2000.
Le plafond de l’extraordinaire et conséquente bibliothèque a été réalisé par une autre grande figure du baroque autrichien, le peintre Paul Troger (1698-1762). Cette bibliothèque comprend 1800 manuscrits dont le plus ancien, un Beda Venerabilis, date du début du IXe siècle. D’importantes copies des commentaires de Saint-Jérôme, des commentaires de la Règle de Saint- Benoît, des copies de l’Écriture sainte, des collections de recueils de formules et des textes juridiques remontent à la première apogée de la vie monastique de l’abbaye (1140-1250).
Une grande partie des anciens documents historiques ont malheureusement été détruits au cours du grand incendie de 1297, un évènement auquel fait référence l’écrivain italien Umberto Eco dans son livre Au nom de la Rose. Les deux tiers des manuscrits datent de la période ultérieure de réforme des monastères au XVe siècle, période au cours de laquelle l’abbaye de Melk est considérée comme un modèle et attire des étudiants et des professeurs de l’université de Vienne. La majorité des textes rédigés et copiés à cette époque sont des livres de piété et des sermonnaires. Les lieux abritent encore 750 incunables, 1700 oeuvres du XVIe siècle, 4500 volumes du XVIIe et 18 000 livres du XVIIIe siècle. La collection de la bibliothèque de Melk se monte en totalité à plus de 100 000 livres. Elle contient encore de superbes globes terrestres illustrant l’inextinguible soif de connaissance universelle des moines bénédictins.

La Chanson des Nibelungen, manuscrit conservé à l’abbaye de Melk photo © Danube-culture, droits réservés

« Surtout, me dit-il, n’écoute pas le guide ! Il veut te prendre à la glu du détail et des décors. Bla-bla-bla le faux marbre est moins froid au toucher que le vrai… bla-bla-bla la quantité d’or utilisée par la coupole est supérieure à celle de …etc. Mais écoute bien : pour voir cette abbaye, il faut fermer les yeux et te laisser frissonner. Remonte jusqu’au lieu dans le temps où elle est semence dans l’esprit d’un seul, de quelques seuls… »
C’est un lieu de vertige.
À force de traiter les oeuvres d’art comme de la matière et non comme des visions hissées jusqu’à la visibilité, on perd la trace de l’essentiel : le lieu où la vision a germé, a surgi, s’est déployée. C’est à ce lieu qu’il faut s’attarder. C’est celui de notre humanité co-créatrice, la grande pépinière de l’aujourd’hui. Pénétrer jusque dans le coeur de l’homme (des hommes) où germe l’idée créatrice sous la nécessaire poussée du Vivant. Assise, les yeux fermés, à vingt ans, dans l’abbaye de Melk, j’ai touché ce secret. »
Christiane Singer, N’oublie pas les chevaux écumants du passé, Albin Michel, Paris 2005

L'escalier de la bibliothèque de Melk

L’escalier de la bibliothèque de l’abbaye bénédictine de Melk, photo © Danube-culture, droits réservés

Ce monastère est aujourd’hui le lieu de nombreuses manifestations culturelles durant toute l’année parmi lesquelles un festival de musique ancienne (Pâques).

Abbaye de Melk
www.stiftmelk.at

Office de tourisme de Melk
www.stadt-melk.at

Hébergement/restauration
Hotel-Restaurant zur Post
 www.post-melk.at
L’accueil et le bon confort à l’autrichienne

Famille Kalkbrenner
www.urlaubambauernhof.at/gaudihof
Chambres à la ferme, bon rapport qualité/prix

Melk

Abbaye bénédictine de Melk, détail, photo © Danube-culture, droits réservés

Dans les environs de Melk
Château de Schallaburg, édifice de la Renaissance, nombreuses expositions, concerts…
www.schallaburg.at

Château de Schönbühel, photo © Danube-culture, droits réservés

Schönbühel-Aggsbach Dorf (km 2032, 2 – 2029)
Le château de Schönbühel qui offre une des plus belles émotions des croisières danubiennes en Wachau, a été édifié au début du XIXe siècle sur une ancienne forteresse médiévale. Depuis 1929 il est la propriété de la famille Seilen-Aspang et ne se visite pas. Le cloître en aval qui appartenait à l’ordre des Servites (ordre mendiant catholique fondé en Toscane), a été abandonné en 1980 et l’église sert désormais de paroisse communale. Au dessous de celle-ci se trouve une grotte baroque de Bethléem unique en Autriche.

Hébergement/restauration
Gasthof und camping Familie Stumpfer
www.stumpfer.com
Cuisine régionale

Emmersdorf (km 2035, rive gauche)
D’Emmersdorf/Donau partent des randonnées qui cheminent à travers le Parc Naturel du Jauerling, espace protégé. Le sommet du Jauerling, « toit de la Wachau » culmine à 960 m et permet de profiter d’une jolie vue sur la région. Le parc est associé au programme européen Natura 2000 (Faune-Flores-Habitat-Protection des voies d’oiseaux migrateurs).

Collectivité locale d’Emmersdorf
www.emmersdorf.at

Parc Naturel du Jauerling
www.naturpark-jauerling.at

Parcs Naturels en Basse-Autriche
www.naturparkenoe.at

Maison du parc – restaurant Am Jauerling
www.naturpark-gasthaus.at

Willendorf (km 2024, rive gauche)
C’est dans la petite localité de Willendorf qu’a été découverte en 1908, lors des travaux de construction de la voie ferrée, une merveilleuse petite statue en calcaire vieille de 25 000 ans et aux proportions toutes en rondeurs, symbole de la fertilité et connue sous le nom de Vénus dite « de Willendorf ».

La petite Vénus dite « de Willendorf » en calcaire et datant du Paléolithique supérieur (23-25 000 ans av. J.-C.) mesure 11 cm, La statue originale est aujourd’hui conservée au Muséum d’Histoire Naturelle de Vienne (Naturhistorisches Museum Wien). photo droits réservés

Sur l’autre rive, les ruines de la forteresse imposante d’Aggstein, construite au XIIe siècle sont accessibles par une petite route escarpée depuis le hameau du même nom.

Collectivité locale de Willendorf
www.willendorf.info

Spitz/Donau (km 2019, rive gauche)

Spitz/Donau dans son écrin de vignobles en terrasses, se trouve au coeur de la Wachau, photo © Danube-culture, droits réservés

Le village de Spitz/Donau, entouré d’un écrin de vignobles en terrasses des plus réputés est considéré comme l’épicentre de la Wachau. On ne manquera pas de séjourner et de se promener dans les rues de ce joli village viticole tout en relief, d’admirer le château Renaissance, l’église Saint-Maurice, la Porte rouge et l’ancien Hôtel de ville, les maisons à arcades, de monter jusqu’aux ruines de la forteresse d’Hinterhaus, de profiter des panoramas exceptionnels sur la vallée fluviale et de conclure (ou de commencer) par une visite au passionnant musée de la navigation et au halage des bateaux, animé par une équipe d’historiens et de bénévoles compétente et dévouée.

Musée de la nav de Spitz_BV2

Musée de la navigation sur le Danube, équipage pour le halage des trains de bateaux (Hohenauer), photo © Danube-culture, droits réservés

Le musée, légèrement en retrait du fleuve et abrité dans les salles du château baroque d’Erlahof, présente d’une manière très vivante l’histoire oubliée de la navigation et des différents type de bateaux, barques, embarcations et radeaux à voile et en bois qui circulaient autrefois sur le Danube, vers aval mais aussi en remontant vers l’amont ce qui représentait un tour de force avec des trains de embarcations (Zille) tirées difficilement par des équipages de chevaux voire aussi parfois par des hommes, des maîtres bateliers et autres corps de métier jusqu’à l’apparition de la navigation à vapeur au dix-neuvième siècle.

Musée de la nav. Spitz4

Musée de la navigation de Spitz/Danube, photo © Danube-culture, droits réservés

Une petite partie de ces expositions est également consacrés aux moulins-bateaux, autrefois fort nombreux sur le Haut et Moyen-Danube, aujourd’hui disparus à l’exception de plusieurs reconstitutions, aux bacs et aux colossaux travaux de régulation qu’a connu le cours du fleuve autrichien, améliorant et sécurisant la navigation, autrefois fort périlleuse dans certains passages. Il est l’un des deux seuls musées consacrés à ce thème en Autriche avec le Musée de la navigation de Grein (Haute-Autriche), plutôt orienté sur l’histoire de la navigation sur le Danube à partir de l’apparition des vapeurs jusqu’à nos jours. D’autres musées de la navigation sur le Danube sont localisés en Allemagne à Regensburg (Ratisbonne), à Vienne Freudenau (Musée de bateaux) et en Hongrie (Zebegény).
De Spitz/Donau on peut rejoindre la rive et le village d’Arnsdorf par le bac. Une installation de l’artiste islandais contemporain Olafur Eliasson sur le bac  « Camera obscurs » offre de nouvelles perspectives sur le fleuve.

Port de plaisance de Spitz Wachau 2016

Le port de plaisance de Spitz/Donau, bien équipé et toujours très apprécié des plaisanciers, photo © Danube-culture, droits réservés

Office du Tourisme de Spitz/Donau  et
Collectivité locale de Spitz/Donau
www.spitz-donau.at

Musée de la navigation de Spitz/Danube (Schifffahrtsmuseum Spitz.Donau), Auf der Wehr 21, A-3620 Spitz/Donau
www.schiffahrtsmuseum-spitz.at

Hébergement/restauration
Hotel Weinberghof
www.weingut-lagler.at

Weinhotel Wachau
www.weinhotel-wachau.at
Au milieu des vergers d’abricotiers et des vignobles, calme et rustique

Pension Donaublick
www.donaublick-spitz.at

Famille Gebetsberger
www.weingut-gebetsberger.at
Hébergement dans une famille de vigneron très sympathique et attentionnée

Maison Machhörndl
www.weinhotel-wachau.at
Une grande maison fleurie et très bien entretenue, jardin au bord du Danube, accueil en français.

Weißenkirchen et ses vignobles (rive gauche) photo © Danube-culture, droits réservés

Weißenkirchen (PK 2014, rive gauche)
Un des centres de la culture de la vigne. Un joli musée de la Wachau, aménagé dans une ancienne ferme fortifiée du XVIe invite à la découverte des cultures et d’artistes régionaux.
Collectivité locale de Weißenkirchen
www.weissenkirchen-wachau.at

Hébergement/restauration
Hotel-restaurant Kirchenwirt
www.kirchenwirt.weissenkirchen.at
Excellente cuisine régionale

Chambres d’hôte Jamek
www.weingaestehaus-jamek.at
Un des vignerons les plus réputés de la Wachau. Dégustation et vente de vins.

Chambres d’hôte Huber
www.gaestehaushuber.at
Dans le petit hameau de Sankt-Michael, vue sur le Danube

Dürnstein (PK 2009, rive gauche)

Dürnstein, perle baroque de la Wachau danubienne photo © Danube-culture, droits réservés

Dürnstein, « perle de la Wachau » est un bijou d’architecture. Les lieux furent l’occasion d’un séjour imprévu de quelques semaines (21 décembre 1192 à février 1193), fort désagréable pour Richard Coeur-de-Lion rentrant de la troisième croisade, capturé et enfermé pour une sombre question d’orgueil par le duc Léopold V de Babenberg, duc d’Autriche (1157-1194) dans la forteresse au dessus du village. C’est là que son fidèle troubadour Blondel l’aurait découvert. Son monarque ne recouvra toutefois la liberté que longtemps après et contre une rançon conséquente qui fut difficilement réunie par sa mère Aliénor d’Aquitaine.

 Dominant Dürnstein et le fleuve, la forteresse où fut emprisonné Richard Coeur-de-Lion quelques semaines (de fin décembre 1192 au 4 février 1193) au retour de la troisième croisade,  photo © Danube-culture, droits réservés

La route principal d’aujourd’hui, très fréquentée, évite judicieusement le village par un tunnel. Le village abrite en son coeur un couvent et l’église baroque avec des oeuvres de Johannes Martin Schmidt (1718-1801) dit Kremser Schmidt (Schmidt de Krems). La terrasse à balustrade, au pied de la tour à la façade bleutée permet d’avoir une vue sur le Danube et sur l’embarcadère où les nombreux bateaux de croisières font régulièrement halte.

Loiben, le monument commémoratif dédié aux soldats français des armées napoléoniennes, en arrière-plan la forteresse de Dürnstein, photo droits libres

Dans la petite plaine de Loiben, au milieu des vignobles, se dresse bien visible le « Monument aux Français », monument érigé en souvenir de la bataille sanglante des 10 et 11 novembre 1805, entre le VIIIe corps des armées napoléoniennes placé sous le commandement du maréchal Edouard Mortier (1768-1835) et les troupes russes du général Mikhaïl Koutouzov (1745-1813). L’écrivain russe Lev Tolstoï (1828-1910) mentionne cette défaite de Napoléon dans son roman « Guerre et Paix ».
Il faut goûter quelques spécialités culinaires et les extraordinaires vins blancs de la Wachau avant de quitter la région comme  les savoureuses « Marillenknödel » (boulettes sucrées aux abricots) à l’auberge de la famille Lux dans le village, tout proche d’Unterloiben (Unterloiben 24).

Office de tourisme
www.duernstein.at (ouvert à certaines périodes seulement)

Fondation du couvent des Augustins
www.stiftduernstein.at

Hébergement/restauration
Hotel Richard Löwenherz
www.richardloewenherz.at

 Krems (PK 2002, rive gauche)
   Principale ville de la Wachau, Krems, est en réalité composée à l’origine de trois communes : Krems, Stein et Und mais elle ne forme plus aujourd’hui qu’une seule et unique collectivité d’environ 25 000 habitants. Là encore c’est une véritable leçon d’architecture du Moyen-âge, de la Renaissance, des époques gothiques et baroques qui s’offre aux yeux des visiteurs. Urbs Chremisa, vieille de plus de mille ans, autrefois coeur du commerce du sel et du vin, est également classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2001. Krems-Stein offre, outre ses églises comme la Frauenbergkirche, l’église des Frères Mineurs, l’Hôtel de ville, ses maisons du XVIIe et du XVIIIe, des lieux d’exposition d’art contemporain et un intéressant musée de la caricature. Différents festivals (Donaufestival) et manifestations culturelles ont lieu tout au long de l’année en salle et en plein air.
Krems possède désormais également son université et son campus, ouvert en 2005, dont une partie est hébergée dans l’ancienne manufacture de tabac restaurée. Un quartier d’art (Kunstmeile) réunit le Musée de la caricature, la « Kunsthalle », l’Artothèque, des ateliers d’artistes et d’autres lieux d’exposition instaurant un dialogue permanent entre l’art contemporain et le patrimoine architectural de la ville.
Idéalement situé à l’entrée de la Wachau, bien dotée en infrastructures hôtelières, sportives et culturelles, universitaires, desservie par le train depuis Vienne, et un réseau de bus et les compagnies de navigation sur le Danube (saisonnier), cette cité de caractère est un lieu de villégiature très agréable à partir de laquelle on peut rayonner vers l’amont comme vers l’aval. Le port de plaisance de Krems est parfaitement équipé pour les plaisanciers.
De Krems partent en saison plusieurs compagnies de bateaux pour des croisières à travers la Wachau (voir croisières fluviales ci-dessous).

Collectivité locale de Krems/Stein et office de tourisme
www.krems.at (site en anglais et allemand)
www.krems.info

Port nautique de Krems
www.motoryachtclubwachau

Hébergement/restauration
Nombreuses possibilités d’hébergement et de restauration de toutes sortes dans la ville et à proximité.

Hotel Steigenberger and Spa
www.krems.steingenberger.at
Grand confort

Arte Hotel
www.arte-hotel.at
Design
contemporain, en retrait du Danube mais proche de l’université et de son campus

Culture
Kunsthalle Krems (Espace d’art contemporain)
www.kunshalle.at

Forum Frohner
www.forum-frohner.at

Musée de la caricature
www.karikaturmuseum.at
Expositions temporaires intéressantes de caricaturistes d’autrefois et contemporains du monde entier

Artothèque de Basse-Autriche
www.artothek.at

Museumkrems
www.weinstadtmuseum.at
Musée municipal dédié au vin et à ses traditions installé dans l’ancien couvent des dominicains

Nature
Promenades au bord du Danube, nombreux sentiers de randonnées dans les vignes et sur les hauteurs.Ne manquez pas d’aller vous promener dans le superbe jardin d’agrément Kittenberger (www.kittenberger.at)qui met en scène de nombreuses thématiques (50 000m2) et où vous pourrez à la belle saison et si vous le souhaitez vo)us baigner dans un  des quatre bassins/piscines naturels. À proximité de Krems, sur la commune de Schiltern le jardin et conservatoire de semences biologiques de l’Arche de Noë (arche-noah.at) mérite largement une visite.

Cuisine et gourmandises
Cafe-Konditorei Reimitz
www.raimitz.at
Salon de thé à la décoration un peu kitsch (on aime le kitsch en Autriche et dans toute l’Europe centrale !) à proximité de la gare de Krems. Strudel aux pommes, au pavot, au fromage blanc et autres spécialités d’anthologie (chocolats à la liqueur d’abricot).

Abbaye de Göttweig
« J’empruntais le petit bac de Dürnstein, traversai le fleuve et me dirigeai vers le sud. Peu après midi, j’approchais d’une immense bâtisse blanche que j’avais repéré la veille depuis les ruines de Dürnstein. C’était l’abbaye bénédictine de Göttweig, monumental quadrilatère haut perché au dessus des collines et des forêts, nanti d’une coupole au quatre coins. Je me suis si longuement étendu sur les splendeurs de Melk que je n’ose pas trop parler de Göttweig : qu’il me suffise de dire que c’est une digne et resplendissante rivale de sa grande soeur, à l’autre bout de la Wachau. »
Patrick Leigh Fermor, Le temps des offrandes, Éditions Nevicata, Bruxelles, 2016, traduction de Guillaume Villeneuve

L’Abbaye de Göttweig, « l’autre » grande abbaye bénédictine de la Wachau, photo © Danube-culture, droits réservés

Fondée par l’évêque Altmann de Passau (1065-1091) en 1083, l’abbaye bénédictine baroque de Göttweig a été construite par un autre grand architecte Johann Lukas von Hildebrandt après l’incendie de 1718 mais elle demeura inachevée. L’abbaye, entourée de ses vignobles domine le fleuve et se tient à la sortie de la Wachau en face de la ville de Krems-Stein sur la rive droite du Danube. Elle porte le surnom de « Monte Cassino » autrichien. Moins séduisante et surtout moins fréquentée que celle de Melk, elle mérite néanmoins une visite pour la théâtralité de son architecture et de ses décors et le magnifique point de vue sur les paysages et les vignobles des environs.
www.stiftgoettweig.at

Mautern (PK 2004), rive droite
La petite ville Mautern avec ses remparts est un haut-lieu de la présence romaine sur le Danube autrichien. Elle  se situe sur la rive droite du Danube à la sortie de la Wachau et aux pieds de l’abbaye de Göttweig. C’est autour de la forteresse et du camp romain édifiés au premier siècle pour défendre la frontière danubienne (limes) qu’elle commence à se développer. Occupés par des tributs germaniques qui passent le fleuve sans difficulté, elle est reprise par les armées de l’empereur Marc-Aurèle dont les légions sont originaires de toutes les parties de l’empire. Le nom de Mautern (douane, péage) est mentionné pour la première fois dans les « Annales de Fulda »1 en 899, puis dans le Code des douanes de Rafelstetten (903-906) et dans la Chanson des Nibelungen. la ville devient la propriété  des évêques de Passau dont les possessions s’étendent loin vers l’est et qui fortifient la cité au XIIIe siècle.  En 1277 le juge de Mautern obtient la « Juridiction du sang », juridiction du Saint-Empire Romain germanique impliquant des châtiments corporels voire la mort d’un coupable. Après avoir été autorisée à construire un pont en bois (à péage) en 1463, Mautern est occupée par les armées du Royaume de Hongrie en 1481. Ce pont sera détruit en 1805 par les troupes napoléoniennes en 1805, reconstruit, de nouveau démoli en 1809 et une nouvelle fois détruit en 1866 lors de la guerre austro-prussienne.
 www.mautern.at

Hébergement/restauration
Chambres d’hôte Ad Vineas Nikolaihof
www.advineas.at
Proche du Danube, une maison de vigneron où la cuisine est savoureuse, les chambres agréables. Piscine naturelle. Les vins sont biologiques et réputés. Superbes caves construites en partie avec des éléments de murs romains.

Chambres d’hôte Severinhof Schwaighofer
www.severinhof.at

Notes :
1 Les Annales de Fulda, appelées aussi Annales Vedastines ( Annales Fuldenses), sont des chroniques médiévales rédigées notamment à Mayence. Couvrant une très longue période de la fin du Haut Moyen Âge (714-901), elles sont la principale source d’information concernant la Germanie, c’est-à-dire le Royaume franc oriental.

Croisières fluviales en Wachau et au -delà…

À la hauteur de Dürnstein, photo © Danube-culture, droits réservés

La croisière est une façon idéale d’aborder le fleuve et les paysages préservés de la Wachau. Plusieurs compagnies offrent un éventail de choix au départ et pour la Wachau et au delà sur des bateaux agréables et élégants. On peut parfois déjeuner et diner à bord à l’occasion de certaines croisières à thématiques particulières.

La Compagnie Brandner Schiffahrt organise au départ de Krems ou de Melk de nombreuses croisières, dans la Wachau, du mois d’avril à octobre et à certaines dates aux autres saisons.
www.brandner.at

La grande compagnie danubienne autrichienne D.D.S.G. (Compagnie de Navigation à Vapeur sur le Danube) propose aussi à la belle saison d’agréables croisières à destination de la Wachau depuis Vienne.
DDSG Blue Danube Schifffahrt GmbH, Schifffahrtszentrum, Handelskai 265, 1020 Vienne
www.ddsg-blue-danube.at

Il existe encore des bateaux de la compagnie allemande de Passau Wurm+Kock assurant certains jours en saison la liaison Passau-Wien et Wien – Passau. De Passau à Vienne le voyage dure toute la journée et il faut parfois changer de bateau en cours de route.
Donauschiffahrt Wurm+Köck
www.donauschiffahrt.de

Donau Touristik
www.donautouristik.com

 

Paysage de Wachau au coucher, photo © Danube-culture, droits réservés

   « Les artistes sont des éclaireurs, et ce sont les peintres qui nous ont montré le chemin vers les contrées romantiques de la Wachau. L’éloge de la vallée du Danube entre Melk et Krems résonne encore un peu scolairement à nos oreilles depuis les cours de géographie : que le Danube supporte ici très bien la comparaison avec le Rhin, qu’il le surpasse encore en beauté de paysages, qu’il a aussi, comme son grand rival à l’extérieur de l’Empire, ses forteresses et ses châteaux, ainsi que la magnifique abbaye de Melk, qui regarde le pays fièrement et avec envie de le posséder, mais surtout Dürnstein couronné de lierre, ce petit trésor du romantisme, et que malgré tout et malgré tout, « Vater » Rhin reste toujours celui dont on parle le plus, celui dont on fait le plus l’éloge, celui qui a pris une fois pour toutes le pas sur sa sœur danubienne. Mais que celle-ci se console : si le Rhin a ses poètes, le Danube lui a ses peintres, comme il sied à une belle femme. Les peintres sont partis chercher inlassablement leurs motifs dans la vallée du Danube pendant des années et ont rendu hommage à sa beauté orgueilleuse à leur manière, avec leurs pinceaux et leurs crayons.
Et c’est aussi la meilleure chose à faire. Car ce printemps de la Wachau, plus riche et plus printanier que tout autre, ne peut jamais être entièrement capturé par des images et des mots. Tout ce que l’on peut en dire ne sont en fait que des slogans, tout ce que l’on peut donner ne sont que des esquisses et des fragments. Il faut voir et sentir l’ensemble. Les prés ont déjà revêtu leur robe de printemps vert clair, parfumée et transparente, les vignobles sur les coteaux montrent encore la terre nue et brune, qui joue parfois merveilleusement sur le rouge et le violet, et sur ce fond se dresse ici et là un bouquet rouge rosé. Ce sont les petits pêchers qui ornent souvent les vignobles jusqu’en haut, là où la forêt remplace la vigne. Les villages sont entièrement plongés dans la floraison, Spitz en particulier, riche en fruits, se délecte de ses arbres en fleurs, et les pêchers avec leur délicate parure sont à cette époque une partie importante de la conversation quotidienne, qu’ils soient les plus beaux aujourd’hui ou qu’ils le soient demain ou après-demain, et il est de bon goût de sortir au moins une fois de Spitz pour se rendre à « Gut am Steg », où une forêt couleur de rose nous attend. Mais sur les rives, ici et là, de longues rangées de noyers et leurs jeunes pousses forment un cadre doré et bronzé autour d l’image claire. Au-dessus, le ciel italien le plus bleu s’étend. Mais le village Dürnstein ne se contente pas de tant de couleurs, il sait aussi ajouter ses tons particuliers : les touffes jaunes de la « Steinbusch », qui prolifèrent partout sur les rochers brun-gris et les murs de pierres érodés. Comme les sons d’une fanfare dans une symphonie de joie, leur merveilleuse luminosité salue le printemps. Des slogans, disais-je, rien de plus, mais pour qui s’est promené une fois à travers ce printemps, il devient tout naturellement un poème fleuri… »
Hermine Cloeter (1879-1970), Donauromantik. Tagebuchblätter und Skizzen aus der goldenen Wachau. Zweite Auflage. Schroll, Wien 1923
Hermine Cloether est une écrivaine et une historienne de l’art autrichienne.

Eric Baude pour Danube-culture, mis à jour mai 2023 © droits réservés

Krems-Stein

« Urbs Chremisa », vieille de plus de mille ans, autrefois coeur du commerce du sel et du vin, est également classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2001. Krems-Stein offre, outre ses églises comme la Frauenbergkirche, l’église des Frères Mineurs, l’Hôtel de ville, ses maisons du XVIIe et du XVIIIe, des lieux d’exposition d’art contemporain, un musée du vin (nous sommes en Wachau, le plus extraordinaire vignoble du cours du Danube !) et un remarquable musée de la caricature qui organise de nombreuses expositions temporaires. Différents évènements culturels  dont le réputé Donaufestival et d’autres manifestations artistiques ont lieu à Krems-Stein tout au long de l’année.

Une cité plus que millénaire
La ville double de de Krems-Stein, l’une des plus anciennes villes d’Autriche, a fêté le millénaire de sa fondation en 1995. Le relief en terrasses régulières descendant vers le fleuve, le climat favorable et la situation au carrefour de la route commerciale du Danube avec les liaisons nord-sud en provenance du Waldviertel et du Weinviertel ont favorisé très tôt le peuplement de la région et ont largement contribué à son développement en tant que point central centre de cette région du Danube.
Les découvertes du paléolithique (Hundssteig, Wachtberg, 30 000-25 000 av. J.-C.), du néolithique (cultures céramiques), mais aussi le rôle particulier de la région dans la culture d’Aunjetitz du début de l’âge du bronze (1800-1500 av. J.-C.) ainsi que les traces de la culture des champs d’urnes de la fin de l’âge du bronze et de la culture de Hallstatt (800-400 av. J.-C.) témoignent d’une présence humaine qui remonte loin dans le temps. Des populations nomades, probablement d’origine celtes, s’y installent à l’époque de La Tène. À la période romaine, la région fait partie de la zone d’influence des Marcomans, une tribut germanique occidentale installée au nord du Danube qui entrera souvent en conflit avec Rome avant d’être chassée par les Huns à la fin du IVe siècle après avoir été christianisée. D’après la description de la vie de saint-Séverin, le centre des Rugiens germaniques se trouvait probablement dans la région de Krems-Stein dans la deuxième moitié du Ve siècle. Le cimetière d’Unter-Rohrendorf il atteste de la présence des Lombards (VIe siècle).
Le nom de Krems est mentionné pour la première fois dans un document de l’empereur Otto III (980-1002) du 9 août 995 comme une place fortifiée à l’est, appelée « Chremisa ». L’agglomération se trouve alors à la frontière orientale de la petite marche d’Ostarrîchi, à proximité immédiate de la Moravie. Elle s’tend rapidement au-delà de la forteresse et se développe au XIe siècle pour former une agglomération de marché autour du « Hoher Markt ». Krems devient en 1014, suite à une donation royale une paroisse.
Quant à Stein, elle est mentionnée plus tard, à partir de la seconde moitié du XIe siècle (1072). Son centre est l’église saint-Michel, qui appartenait à la paroisse de Krems. Elle est à cette époque d’abord un lieu de péage, de chargement et de déchargement des bateaux pour le transport du sel, du vin et des céréales. La présence de bateliers engendre la naissance d’un marché puis au XIIe siècle puis d’une colonie urbaine (1144).
La situation sur le Danube des deux cités leur permet de jouer un rôle complémentaire : Stein se trouve directement au bord du fleuve et devient un lieu de douane et d’accostage pour les bateaux, mais n’a en fait que peu de place pour de grands espaces de commerce, de foire et pour des activités de construction en raison de la proximités des collines. Krems, en revanche, séparé du fleuve par de petits affluents de la rive gauche (comme la Krems d’où le nom de la ville) et des plaines alluviales, offre suffisamment de surface pour la construction d’habitations et l’organisation de foire sous la protection d’une puissante forteresse.
Krems devient dans les années 1150 le principal centre commercial de la région. Entre 1130 et 1190, la première monnaie de la dynastie des Babenberg, le « Pfennig de Krems », est frappée dans la tour de la forteresse au-dessus du « Hohen Markt » (haut marché). La ville est mentionnée avant Vienne, qui ne dépassera Krems en taille qu’ultérieurement, sur la carte du monde du savant, géographe et voyageur arabe géographe arabe, Al-Idrîsî (1100-vers 1165). Sa croissance rapide a probablement rendu nécessaire, dès la première moitié du XIIe siècle, le transfert de la paroisse de l’église saint-Étienne du Frauenberg (aujourd’hui l’église des Piaristes) au pied de la colline, où la nouvelle église saint-Guy devient l’église paroissiale. À la fin de ce même siècle un mur d’enceinte entoure la ville. Un premier juge de la cité est attesté en 1196. La ville s’agrandie à plusieurs reprises et s’étend à la fin du Moyen Âge de la Steiner Tor (Porte de Stein) à l’ouest jusqu’à la Krems, à l’est. Le couvent des dominicains, fondé en 1236, se trouve en dehors de l’enceinte.
Stein se développe à partir de la haute terrasse en direction de l’église saint-Nicolas, élevée au rang d’église paroissiale en 1283. À la fin du Moyen Âge, les surfaces situées entre la Landstrasse et les rives du Danube sont également construites et la ville s’étend dans le secteur du couvent des Minorites fondé en 1223/1224 (la consécration de l’église aura lieu en 1264) ainsi qu’entre la vallée du Reisperbach et la Linzertor (Porte de Linz).
Les deux villes font partie de la souveraineté du Land depuis le début du XIIe siècle et se complètent mutuellement en tant que lieux de commerce à terre et au bord du Danube. Leurs liens étroits engendrent une unité de construction. Chacune des deux villes dispose d’un titre de commune bourgeoise avec sa propre souveraineté en matière de défense et de finances. Par contre elles possèdent un droit de cité commun (1305), un même juge municipal et, à partie de 1416 un seul maire. En 1463, l’empereur du Saint Empire Romain germanique Frédéric III de Habsbourg (1415-1493) accorde aux deux villes un blason commun, l’aigle impérial double d’or sur fond noir. Outre Krems-Stein, seules Wiener Neustadt et Vienne ont alors le privilège de pouvoir arborer sur leurs armoiries l’aigle bicéphale. L’union des deux villes durera jusqu’en 1849. De cette date à 1939,  année où les deux villes décident de se réunifier à nouveau, les deux cités ont une gestion séparée.
La prospérité économique de la fin du Moyen Âge repose sur la viticulture, le commerce et le transport du vin, du sel et du fer. La navigation sur le fleuve est un facteur économique essentiel pour Stein. En 1463, la ville obtint du même empereur Frédéric III le privilège d’établir un pont fixe, le deuxième pont le plus ancien après celui de Vienne sur le Danube autrichien. La richesse et la confiance en soi de la bourgeoisie locale sont attestées par le « Gozzoburg » construit vers 1265 par le puissant juge de la ville Gozzo von Krems (?-vers 1291), une maison de ville aux allures de château fort avec loggia. L’aspect des deux cités est marqué par les nombreuses maisons bourgeoises des XVe et XVIe siècles, richement décorées d’encorbellements, de sgrafites et de peintures tout en possédant des cours à arcades à l’intérieur. Une caractéristique des deux villes est l’existence, depuis le haut Moyen Âge, de « cours de vendanges » des monastères et des évêchés, qui servaient à stocker le vin et à gérer leurs biens , comme les cours de Passau (« Passauer Höfe »), la cour de Kremsmünster (« Kremsmünstererhof ») ou la cour de Göttweig (« Göttweigerhof »). La chapelle de la cour de Göttweig est ornée de fresques datant du début du XIVe siècle. Krems est, au début du siècle suivant, un centre de l’École du Danube grâce à la présence du peintre bavarois originaire d’Augsburg, Jörg Breu dit l’Ancien (1475-1537), auteur du retable de l’abbaye de Melk (1502).
Krems devient majoritairement protestante pendant la seconde moitié du XVIe siècle. La résistance de ses citoyens à la contre-réforme, entraine la perte de tous les privilèges en 1593. Ce n’est qu’en 1615 que l’empereur Matthias (1557-1619) annule cette décision et rétablit l’indépendance de la ville. Les jésuites, installés en 1616, jouent évidemment un grand rôle dans la reconquête catholique. Ils dirigent le collège et deviennent célèbres pour leurs représentations théâtrales. Outre ce collège jésuite, le couvent des capucins d’Und (1614) et la nouvelle église paroissiale de Krems, de style baroque précoce, sont édifiées  à cette époque, avec l’intervention d’artistes italiens renommés.
Le XVIIe siècle est marqué par un déclin économique dû au déplacement des routes commerciales internationales et à la diminution de l’importance du commerce sur le Danube. La ville de Krems est en partie détruite lorsque les Suédois l’assiègent  (1645). Après l’avoir prise, ils en font leur principale place forte, la perdent puis la reprennent un an plus tard. Ce n’est qu’après 1700 que Krems connaitra un nouveau développement. Il s’accompagne d’une baroquisation de son architecture sous l’impulsion des grands monastères des environs (Melk, Göttweig, Dürnstein). L’un des peintres baroques les plus importants, Martin Johann Schmidt, dit Schmidt de Krems (1718-1801), tiendra un atelier de peinture à Stein jusqu’à sa mort en 1801.

Maison du peintre Kremser Schmidt à Stein

Les structures ecclésiastiques de la ville vont évoluer dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. L’église Frauenberg, appartenant à l’ordre des jésuites depuis 1616, ordre qui sera dissous en 1773 sur ordre de l’empereur Joseph II, est reprise en main par les piaristes en 1776. Le couvent des dominicains est fermé en 1783, les couvents des frères mineurs et des capucins en 1796.
La plus grande modification de la physionomie de la ville depuis les transformations du Moyen-Âge, aura lieu au XIXe siècle, suite à la démolition des remparts et des portes de la ville. Seule la Steinertor, devenue l’emblème de la ville va subsister ainsi que des vestiges des remparts. Parmi les fabriques créées dans le cadre de l’industrialisation, celles de Rehberg (cuir), de fabrication de nattes et de tapis en fibres de coco et la première fabrique de meules en quartz d’Autriche jouent un rôle important. Les facteurs d’orgues Zachistal, Capek et Hradetzky ainsi que les fondeurs de cloches de Krems (Matthias Prininger, Ferdinand Vötterlechner et Johann Gottlieb Jenichen) jouissent également d’une grande renommée. Le dernier tiers du siècle voit le raccordement de la ville au réseau ferroviaire et à Vienne. En 1909, la ligne le long du Danube (chemin de fer de la Wachau). est inaugurée.
Malgré le bombardement intense du 2 avril 1945, on parvient à sauver une grande partie du patrimoine architectural dans son état d’origine et à y joindre de nouveaux éléments architecturaux. Cette revitalisation réussie et reconnue au niveau international permet à Krems-Stein d’être lauréate du prix Europa Nostra en 1975, 1979 et 2009.
La ville est considérée aujourd’hui comme l’un des centres culturels les plus dynamiques de Basse-Autriche grâce à son « Kunstmeile » (Stein), sa Kunsthalle, son musée de la caricature, son artothèque, sa galerie régionale de Basse-Autriche, ses ateliers d’artistes, son festival du Danube et ses nombreuses autres manifestations qui ont instauré un dialogue permanent entre l’art contemporain et le patrimoine architectural. Le Musée de Krems-Stein, logé dans l’ancienne église des dominicains, permet de découvrir les trésors artistiques de la ville ainsi que les traditions et l’histoire de la viticulture, traditions sans laquelle Krems-Stein ne serait pas devenue ce qu’elle est aujourd’hui, une petite cité séduisante et colorée, classée avec la région de la Wachau au patrimoine mondial de l’Unesco.
Krems-Stein possède également son université (privée) et son campus, ouvert en 2005, dont une partie est hébergée dans l’ancienne manufacture de tabac restaurée.
Idéalement situé à l’entrée de la Wachau, bien dotée en infrastructures hôtelières, sportives et culturelles, universitaires, desservie rapidement par le train depuis Vienne (environ une heure), un réseau de bus et les compagnies de navigation sur le Danube, cette cité de caractère est un lieu de villégiature très agréable à partir de laquelle on peut rayonner vers l’amont comme vers l’aval. Le port de plaisance de Krems est parfaitement équipé pour les plaisanciers.
De Krems partent en saison plusieurs compagnies de bateaux pour des croisières à travers la Wachau (voir croisières fluviales ci-dessous).

Eric Baude, © Danube-culture, droits réservés, janvier 2023

Sources :
https://www.gedaechtnisdeslandes.at

Collectivité locale de Krems/Stein et office de tourisme
www.krems.at (site en anglais et allemand)
www.krems.info

Port de plaisance de Krems
www.motoryachtclubwachau

Hébergement/restauration
Nombreuses possibilités d’hébergement et de restauration de toutes catégories dans la ville et à proximité.

Hotel Steigenberger and Spa
www.krems.steingenberger.at
Grand confort

Arte Hotel
www.arte-hotel.at
Design
contemporain, en retrait du Danube mais proche de l’université et de son campus

Culture
Kunsthalle Krems (Espace d’art moderne et contemporain)
www.kunshalle.at

Forum Frohner
www.forum-frohner.at

Musée de la caricature
www.karikaturmuseum.at
Expositions temporaires intéressantes de caricaturistes d’autrefois et contemporains du monde entier

Artothèque de Basse-Autriche
www.artothek.at

Museumkrems
www.weinstadtmuseum.at
Musée municipal dédié au vin et à ses traditions installé dans l’ancien couvent des dominicains

Nature
Promenades au bord du Danube, nombreux sentiers de randonnées dans les vignes et sur les hauteurs. Ne manquez pas d’aller vous promener dans le superbe jardin d’agrément Kittenberger (www.kittenberger.at)qui met en scène de nombreuses thématiques (50 000m2) et où vous pourrez à la belle saison et si vous le souhaitez) vous baigner dans un  des quatre bassins/piscines naturels. À proximité de Krems, sur la commune de Schiltern, le jardin et conservatoire de semences biologiques de l’Arche de Noë (arche-noah.at) mérite largement une visite.
Piste cyclable Eurovélo 6 (locations de bicyclettes)

Patisserie-Konditorei
Cafe-Konditorei Reimitz
www.raimitz.at
Salon de thé à la décoration un peu kitsch à proximité de la gare de Krems. Strudel aux pommes, au pavot, au fromage blanc et autres spécialités d’anthologie dont les chocolats à la liqueur d’abricot.

Mautern (km 2004, rive droite) la romaine
Mautern fait face à Krems/Stein sur la rive droite et est relié à la rive gauche par un pont métallique. Les romains s’établirent à Mautern dès le premier siècle après Jésus-Christ et nombreux sont les témoignages architecturaux de leur présence. Les dépendances baroques du château abritent un petit musée romain. Le petit musée des « coiffes dorées » et des costumes traditionnels de la Wachau au centre de Mautern est à ne pas manquer. On trouve encore à Mautern l’un des meilleurs restaurants de toute l’Autriche.

Karl Vikas (1875-1934), Vue sur Mautern depuis Krems, 1909

Le pont en bois du XVsiècle (1463, le deuxième plus ancien pont sur le Danube en Autriche après celui de Vienne) qui reliait autrefois les deux rives à cette hauteur a été détruit par les troupes napoléoniennes et remplacé par un pont métallique.

Collectivité locale de Mautern
 www.mautern.at

Hébergement/restauration
Chambres d’hôte Ad Vineas Nikolaihof
www.advineas.at,
Proche du Danube, une maison de vigneron où la cuisine est savoureuse, les chambres agréables. Piscine naturelle. Les vins, une des références en Wachau, sont biologiques et réputés. Superbes caves construites en partie avec des éléments de murs romains.
Chambres d’hôte Severinhof Schwaighofer
www.severinhof.at

Restaurant d’exception :
www.landhaus-bacher.at

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour juin 2023

Mautern la romaine (Wachau)

L’église paroissiale saint-Stéphane de Mautern depuis la rive gauche du Danube, photo © Danube-culture, droits réservés

   Détruite par des tributs germaniques qui passent le fleuve sans difficulté durant les guerres marcomanes, la ville est reprise par les armées de l’empereur Marc-Aurèle dont les légions sont originaires de toutes les parties de l’empire. Saint-Séverin (410-482)1, évangélisateur de la province romaine du Norique qui aime à séjourner sur les bords du Danube entre Carnuntum et Passau, s’y installe. Se dévouant au réconfort des populations traumatisées par les invasions, il y fonde un premier monastère (450). Ses reliques seront transférées après l’évacuation de cette province par Rome, dans une église du village de Frattamaggiore près de Naples. Les ruines du camp romain sont réinvesties par la population à la fin du VIIe siècle et les remparts reconstruits.

Les remparts de l’époque romaine enserrent encore une partie de la ville, photo © Danube-culture, droits réservés

Mautern (douane, péage) est mentionné pour la première fois dans les « Annales de Fulda »2 en 899 sous le nom de « Civitas Mutarensis », dans la Chanson des Nibelungen3 et dans le Code des douanes de Rafelstetten (903-906) comme poste frontière, de douane et de justice. S’y tiennent également des foires. L’abbaye de Göttweig toute proche, est fondée en 1083. Après avoir été la propriété de l’abbaye de Kremsmünster, Mautern appartient à partir du Xe siècle aux puissants évêques de Passau. Leurs possessions considérables s’étendent loin vers l’est.

Sur la façade d’une maison, la marque de l’appartenance de la ville aux évêques de Passau, photo © Danube-culture, droits réservés

Ils la fortifieront une nouvelle fois au XIIIe siècle et la déteindront jusqu’en 1734, date à laquelle elle est vendue au comte Schönborn. Entretemps, le juge de Mautern a obtenu en 1277 la « Juridiction du sang » qui lui permet de prononcer des châtiments corporels ou de mort sur les coupables. Celle-ci sera transférée par la suite à Krems/Stein sur la rive gauche. Au XVIe siècle, la plupart des habitants de Mautern adopte la doctrine luthérienne mais la Contre-Réforme obligent ceux qui sont restés fidèles à cette doctrine de quitter la ville.
Les armées suédoises occupent Krems/Stein (1645-1646) mais la destruction du pont et une défense acharnée les empêchent de prendre Mautern. Par sa situation au bord du fleuve et son pont, Mautern voit défiler les armées russes poursuivies par les troupes napoléoniennes sur la route de Vienne (1805).
La Wachau est classée au patrimoine mondial au titre des paysages en 2000.

L’église paroissiale saint-Stéphane
Il s’agit à l’origine probablement d’un bâtiment roman datant du XIe siècle. Les parties gothiques de l’église à trois nefs construite vers 1400 ne sont plus que partiellement reconnaissables sous les éléments baroques dominants dus à l’architecte Carlo Antonio Carlone.

Le clocher baroque de l’église paroissiale saint Stéphane baroquisée dans les années 1695/1696, photo Danube-culture © droits réservés

Les 14 tableaux du Chemin de croix de Saint-Martin sont l’oeuvre du peintre Johann Schmidt (1718-1801), dit Kremser Schmidt (vers 1770). Le tableau de l’autel a été réalisé par Andreas Rudroff, un de ses élèves. Près de l’entrée se trouve la pierre tombale de Johann Schmidt, sculpteur et père du peintre.

Photo © Danube-culture, droits réservés

Le château et la chapelle saint-André
L’édifice à quatre ailes qui se tient tout proche du fleuve, édifié et agrandi entre le XVe et le XVIIIe siècle, sert de siège seigneurial aux évêques de Passau à partir de 972. C’est ici que vivaient les administrateurs des biens fonciers et détenteurs du pouvoir temporel nommés par l’évêque. En 1734, la famille Schönborn acquiert le château et le revend en 1913 à la ville de Mautern après qu’un incendie ait dévasté le monument historique en 1907. Le château ne se visite pas.

Le portail Renaissance du Janaburg
Le portail Renaissance du Janaburg. Le « Janaburg » (ou « Janahof ») désigne un ensemble de bâtiments que fit construire à l’extérieur des remparts en 1576 Sebaldus Janer, un protestant qui s’était distingué lors des guerres contre les Ottomans ce qui lui valut en récompense le titre de « chevalier de Janaburg ». L’entrée se fait par un imposant portail de la fin de la Renaissance en forme d’arc de triomphe. Les bâtiments abritent désormais des appartements privés.

Janaburg Mautern

Le portail Renaissance du Janaburg, photo © Danube-culture, droits réservés

Le pont de Mautern
Après avoir été autorisée à construire un pont en bois (à péage) dès 1463, Mautern est occupée par les armées du Royaume de Hongrie en 1481.

L’ancien pont en bois à péage de Mautern, construit dans les années 1463, deuxième pont sur le Danube autrichien après celui de Vienne, plusieurs fois détruit au cours de l’histoire.

   Ce pont sera brulé en 1805 par les troupes russes, reconstruit, de nouveau démoli en 1809, remis sur pied et encore une fois détruit en 1866 lors de la guerre austro-prussienne. Un nouvel ouvrage en fer est érigé en 1895. Il sera dynamité par les armées allemandes à la fin de la guerre et remis en place par les troupes soviétiques en 1945 avec l’aide de prisonniers de guerre.

Le pont actuel (PK 2003, 53)  reliant Mautern à Krems-Stein dans son état actuel, photo © Danube-culture, droits réservés

Autres monuments 
Schloss Baumgarten (1756)
Église paroissiale saint-Jean-Baptiste de Hundsheim : sa construction remonte au début du Moyen-Âge. Elle devient l’objet d’un pèlerinage à partir du XIVe siècle. Son retable (1758) a pour auteur le peintre Martin Johann Schmidt.
Chapelle sainte-Marguerite : bâtie en partie sur des vestiges romains, la chapelle est mentionnée pour la première fois dans l’acte de fondation de l’abbaye de Göttweig (1083). Elle abrite de précieuses fresques du XIIe siècle. Une inscription endommagée sur le mur frontal de l’abside fait état de reliques des saints Jean, Paul, Cécile, Agathe et Marguerite. Désacralisée par les réformes de Joseph II, la chapelle Sainte-Marguerite sert ensuite d’étable, de dépôt, de caserne de pompiers et de musée. Elle abrite désormais l’exposition « Civitas Mutarensis »,consacrée à Mautern au Moyen-Âge et au début des temps modernes.
Ancienne route romaine de Mauternbach
Nikolaihof : La cour de lecture du couvent des chanoines de Saint-Nicolas près de Passau, ancien siège central de l’administration du domaine du couvent, est aujourd’hui un domaine viticole (biodynamique) et un hôtel/restaurant réputé. Ce groupe de bâtiments historiques est également construit sur des vestiges de fortifications romaines. De nombreuses parties de bâtiments datent du Moyen-Âge, dont la chapelle Agapit (fin XVe siècle siècle). Elle se trouve probablement à l’emplacement de la chapelle d’origine dédiée à saint-Agapit, dans laquelle un synode ecclésiastique s’est tenu en 985. La tour de la chapelle a été baroquisée vers 1720.

Les superbes gothiques caves du domaine Nikolaihof, photo droits réservés

www.nikolaihof.at

Notes :
1 Patron des vignerons et des tisserands, saint patron du diocèse de Linz
2 Les Annales de Fulda, appelées aussi Annales Vedastines (Annales Fuldenses), sont des chroniques médiévales rédigées notamment à Mayence. Couvrant une très longue période de la fin du Haut Moyen Âge (714-901), elles sont la principale source d’information concernant la Germanie, c’est-à-dire le Royaume franc oriental.
3 C’est à Mautern (« Mutaren » ) que Krimhild fait, lors de son voyage fatal, ses adieux à l’évèque Pilgrim.

Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, mis à jour juin 2023 

Un coq mais aussi des poules se promènent sur le toit d’une maison des XVe/XVIe siècles aux façades décorées de sgraffites (XVIe), photo © Danube-culture, droits réservés

www.mautern-donau.at/tourismus

Musée Romain de Mautern :
Römermuseum Mautern-Favianis-St.Severin
Schlossgasse 12
3512 Mautern
Musées romains sur le Danube autrichien :

www.donau-limes.at

Pour le vin et la gastronomie, Mautern recèle deux trésors :
www.nikolaihof.at/weingut
www.landhaus-bacher.at

Mautern et le Danube en hiver, photo © Danube-culture, droits réservés

L’abbaye bénédictine de Göttweig

   « Les monastères de l’Autriche doivent, en général, leur origine à Charlemagne ; presque tous ils revendiquent l’honneur d’avoir été fondés par lui. Celui de Göttweig, néanmoins, où nous venons de nous arrêter, est attribué à Altmann, évêque de Passau qui mourut en 1091, vingt ans après l’avoir fondé. Ce couvent, quoiqu’il date de 750 ans, n’est pas encore achevé ; les travaux en ont été fréquemment interrompus ; il est à craindre, au reste, qu’il ne soit jamais terminé. Vingt-deux églises paroissiales, quatre villes, un nombre infini de villages et de hameaux étaient jadis soumis à la juridiction du monastère, et lui, ne reconnaissait que celle du pape, qui, seul, avait le droit de le visiter. Le Saint Père usa rarement de ce privilège. Les Turcs, au grand déplaisir des bons Augustins2, dont il est la propriété, s’en firent trop souvent ouvrir les caves et les trésors.

Photo © Danube-culture, droits réservés

 Au reste, ce monastère a perdu beaucoup de ses apanages, de ses revenus et de sa puissance. Les moins sont hospitaliers, bien appris, et les étrangers, comme les habitants des environs, y sont toujours reçus avec courtoisie. Dans la belle saison, le beau tableau que, de là, présente le Danube, et dont le pinceau le mieux inspiré ne peut rendre que faiblement les traits, attire au couvent de Göttweig une foule de pèlerins de tout sexe, de tout âge, de toutes conditions, qui y affluent des campagnes voisines à plus de dix lieues à la ronde. Nous nous en sommes éloignés pleins d’enthousiasme et d’admiration; comme le doivent être des voyageurs amoureux des nobles ouvrages de l’art, des sites où la nature déploie ses plus merveilleux atours ; pleins de reconnaissance pour l’accueil bienveillant et fraternel qu’on nous y a fait.
Un jour, il y a de cela quarante ans de cela, Napoléon trouvait dans le réfectoire des Göttweig un déjeuner confortable servi avec des soins, une prévenance dont il parut enchanté. Bien que sa présence en ce lieu, en compagnie de ses illustres généraux, ne plût que médiocrement aux timides cénobites, il fut traité avec non moins de magnificence que de respect ; toutefois, les grands sabres, les épées, les habits chamarrées d’or et de broderies, tout cela flamboyait trop aux yeux des pacifiques chanoines et leur causait d’importuns éblouissements… »
William Beattie (1793-1875) , Le Danube illustré, pour faire suite à Constantinople ancienne et moderne, au voyage en Syrie etc, Vues d’après nature dessinées par [William Henry] Bartlett [1809-1854], gravées, ,  par plusieurs artistes anglais, Édition française revue et corrigée par H-L. Séverac, H. Mandeville, Libraire-Éditeurs, 42 rue Vivienne, à Paris, [1849]

Photo Danube-culture © droits réservés

« Derrière Mautern sur une montagne couverte de bois, haute de 220 mètres se trouve le couvent des Bénédictins de Göttweih, que l’on aperçoit déjà du bateau derrière Dürrenstein (Dürnstein). Remarquables dans ce couvent sont : l’église avec son portail, le choeur, le superbe escalier à fresque, la chambre de l’empereur et la bibliothèque avec 40 000 volumes, des monnaies, des estampes et une collection d’histoire naturelle. Le couvent fut fondé en 1072 par l’évêque Altmann de Passau et donné aux Bénédictins en 1093 qui le possèdent encore aujourd’hui ; à cause de sa grande richesse l’abbaye reçut le surnom  : « À la monnaie sonnante » (Zum klingenden Pfennig). »
Alexandre François Heksch (1836-1885), Guide illustré sur le Danube de Ratisbonne à Souline et indicateur de Constantinople, avec 50 illustrations en taille de bois et 5 cartes, Vienne. Pest. Leipsic., A Hartleben, Éditeur, 1883

La silhouette de l’abbaye bénédictine de Göttweig depuis les rives du Danube à la hauteur de Krems, photo © Danube-culture, droits réservés

Transmis à l’ordre des Bénédictins en 10943, Göttweig voit également la fondation d’un monastère de nonnes (vers 1100) qui s’installent par la suite dans les  nouveaux couvents de Garsten (1107) et de Seitenstetten (1116). L’abbaye devient rapidement un centre religieux et scientifique. Un moine y rédige la « Vita Altmanni Episcopi Pataviensis » au XIIe siècle.

L’évêque Altmann de Passau, photo droits réservés

Les annales de Göttweig dans lesquelles on trouve des informations sur les  immenses possessions dispersées du monastère sont parmi les plus documentées d’Autriche. L’abbaye connaît une période sombre au XVIe siècle lors des guerres et des destructions liées aux invasions ottomanes qui la mène au bord des ruines. Elle retrouve sa prospérité et ses activités religieuses et scientifiques à partir du XVIIe siècle et est reconnue comme l’un des principaux centres de la Contre-réforme. Un incendie détruit une grande partie des bâtiments en 1718. Aussi l’abbé Gottfried von Bessel (1714-1749) décide t-il de la rebâtir et en confie la reconstruction à l’un des plus prestigieux architectes du Baroque et ingénieur militaire, Johann Lukas von Hildebrant (1668-1745), auteur du palais Schwarzenberg (1697) et des deux palais du Belvédère (1714-1722) du prince Eugène de Savoie à Vienne. L’architecte imagine un projet grandiose qui ne sera que partiellement achevé. La décoration intérieure est confiée aux peintres réputés Martin Johann Schmidt (1718-1801), né dans le petit village de Grafenwörh près de Krems et Paul Troger (1698-1782) dont on retrouve aussi les peintures inspirées dans les abbayes de Melk, d’Altenburg, de Zwettl et de Seitenstetten. Göttweig possède une impressionnante collection d’oeuvres d’art (peintures, tapisseries des Gobelins, parures, objets liturgiques, manuscrits armes à feu…) ainsi qu’un remarquable cabinet d’estampes.

Photo © Danube-culture, droits réservés

L’église abbatiale de Sainte-Marie de l’Assomption occupe une position centrale privilégiée. Sa nef de style baroque primitif (1635-1642), son chœur gothique (1402-1431) et sa façade baroque à deux tours (1722-1765) forment un ensemble exceptionnel. Le grand escalier surplombé une par une fresque de Paul Troger (1739) ainsi que les chambres impériales, en particulier la salle Altmanni, ses peintures baroques et ses vedutas de J.S. Hötzendorfer, illustrent le soin et le goût avec lesquels l’abbaye a été décorée.

L’escalier impérial et la fresque de Paul Troger, photo wikipedia, Uoaei1

Tout faillit pourtant disparaître au XXe siècle pendant la triste période du national-socialisme. Les exploitations agricoles et forestières du monastère furent confisquées, les moines expulsés, les trésors culturels dispersés et les bâtiments dévastés. Les moines ne revinrent à l’abbaye qu’en 1945 et la restaurèrent au prix d’un travail considérable.
31 paroisses dépendent aujourd’hui encore de l’abbaye de Göttweig.

La légende des apôtres en or protecteurs de Göttweig !
   Les moines bénédictins de l’abbaye de Göttweig ont toujours eu la vie belle ! Ils ne souffrirent d’aucune maladie, d’aucune peur ni d’aucun malheur, enfin presque…  Sous la terre, dans une grotte secrète de leur colline, se trouvent des statues des apôtres recouvertes d’or et dont la barbe étrangement ne cesse de pousser. parmi les moines seuls les trois dignitaires supérieurs du monastère, l’abbé, le prieur et l’intendant, connaissent l’endroit précis où se cache cette grotte. Ils y descendent en secret une fois par an pour raser les barbes dorées. Les douze statues dorées des apôtres étaient au complet à l’origine mais aujourd’hui il n’en reste plus que onze car un jour qu’ils étaient dans une misère absolue, les moines de Göttweig furent obligés malgré eux de vendre une des statues. La légende ne dit pas laquelle !
Thomas Hoffmann, Clemens Hoffmann, Wachau, Wunderbares, Sagenhaftes, Unbekanntes, Kral Verlag, Berndorf, 2013, p. 126

Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, mis à jour mai 2023
stiftgoettweig.at

Notes :
1L’une des figures les plus remarquables de l’épiscopat allemand de son époque et l’un des évêques les plus importants de Passau. Il est est enterré à Göttweig dans la crypte de l’abbatiale. Un moine de ce monastère écrivit sa Vita vers 1140 ; elle fut remaniée en 1192-94 par un abbé de passage, Rupert.
des Bénédictins et non pas des Augustins comme l’écrit William Beatie
3 Le premier abbé, Hartmann, provient du monastère de Sankt Blasien en Forêt-Noire.

La chapelle Erentrude (XIIIe siècle), photo © Danube-culture, droits réservés

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