Ybbs/Donau (Ybbs-sur-le-Danube)

Petite chronique d’Ybbs-sur-le-Danube

Matthäus Merian (1593-1650), Ybbs, Topographia Provinciarum Austriacarum, 1649

La ville d’Ybbs, importante cité commerciale par le passé, se trouve à la sortie de la région de la Strudengau, au nord-ouest du confluent de Ybbs avec le Danube. Cette cité était autrefois au croisement des routes du sel de Gmunden, du fer d’Erzberg, des routes impériale et postale, cette dernière successeure de l’ancienne route romaine frontalière du Limes, devenue aujourd’hui une importante artère routière autrichienne. La possibilité de traverser du Danube à cette hauteur permettait d’accéder en plus à la route commerciale vers la Bohême et Prague. Cette situation privilégiée est à l’origine du développement d’Ybbs, à la fois comme lieu de passage du fleuve, octroi et poste de douane et place commerciale et de transbordement des marchandises d’une rive à l’autre.

Carl Philipp Schallhas (1767-1797), Autriche, Ybbs an der Donau, gravure coloriée, Artaria Vienne, 1833

L’histoire de la ville remonte à l’époque celte et à l’époque romaine comme en témoignent des vestiges découverts sur une colline à proximité. Le village d’origine s’est d’abord développé autour d’un château-fort construit sur la rive droite du fleuve dont l’emplacement se trouvait devant l’église paroissiale saint-Laurent. D’après le règlement douanier de Raffelstett (903 – 906) dans lequel on trouve le nom d’ »Eperaespurch » (Ybbsburg ?), un poste de douane pourrait avoir déjà été actif à cette époque. La première mention certifiée du nom d’Ybbs, (Ibese), date de l’année 1058. En 1073, la forteresse et le village contigu sont appelés « Ybbsburg » puis, par la suite, « Yps ». Le domaine appartenait alors à la famille des comtes de Bavière de Sempt-Ebersberg jusqu’à leur disparition en 1045. Ybbs devient ensuite la propriété d’un négociant en sel. Elle est rattachée à la puissante principauté régnante des Babenberg au XIIe siècle. En 1274, la cité est pour la première fois mentionnée comme poste de péage de la principauté puis, en 1280 comme ville (civitas). Le roi Frédéric Ier de Habsbourg lui offre le statut de ville en 1317.

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Quartier historique d’Ybbs avant sa rénovation, sources Gemeinde Ybbs/Donau

Jusqu’à la fin du XIIIe siècle, Ybbs se développe selon un plan de trois quartiers urbains entre le Danube et la forteresse en forme de demi-cercle. La concession de privilèges, dès le début du XIVe siècle, comme celui des droits sur la traversée du Danube, des droits de péage pour le vin et des droits de libre circulation des objets en métaux ainsi que la possession d’une haute juridiction, confèrent à Ybbs un rôle important de place commerciale danubienne, gouvernée par un seigneur féodal. Dès 1637, la cité devient également un débarcadère pour la navigation fluviale entre Vienne et Ratisbonne (Regensburg). Elle ne peut toutefois retrouver, après la guerre de 30 ans, un essor identique à celui de la fin du Moyen-Âge. Au XVIIIe siècle, sa vigueur économique s’affaiblit du fait du relèvement des tarifs douaniers.L’importance croissante des chemins de fer et du contournement d’Ybbs de la Westbahn que celle-ci choisit de ne pas desservir, entraine le déclin économique de la ville au siècle suivant. Cette tendance s’inversera toutefois au XXe siècle avec l’implantation sur la commune du Centre de Thérapie de Vienne (1922) dans les locaux réaménagés d’une ancienne caserne et d’un cloître à l’origine cistercien puis franciscain, d’usines et de la construction du barrage d’Ybbs-Persenbeug (1954-1959), première des neufs usines hydroélectriques sur le Danube autrichien.

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Dans le centre historique d’Ybbs, sources Gemeinde Ybbs/Donau

Le centre historique d’Ybbs a été entièrement rénové pendant les années 1980 et 1990 et témoigne de la richesse de son histoire, de son passé de haut-lieu commercial et de la navigation sur le fleuve.

Promenade urbaine à travers Ybbs
   Une visite de la vieille ville s’impose. Elle peut commencer par la rue de Vienne (Wiener Strasse) sur les vestiges de l’ancien bâtiment des Babenberg (Babenbergerhof) qui fut malheureusement détruit en grande partie en 1835 et reconverti en auberge. Le deuxième quartier de la ville a été construit au XIIIe siècle sur la place du château fort, devenu la résidence du mandataire du seigneur féodal à laquelle la ville appartenait. La résidence fut offerte en 1494 à la ville par l’empereur Maximilien Ier d’Autriche. Le château, édifié au XVIIe siècle, abrite aujourd’hui l’école de soins du Centre de thérapie d’Ybbs. Joseph II de Habsbourg en fut l’hôte en 1779. La fontaine contemporaine d’Arlequin qui se dresse devant l’école a été érigée en référence aux « Ybbsiades », un des plus grands festivals de cabaret et de petites formes de l’espace germanophone, organisé chaque année depuis 1989.

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Vue ancienne des quais sur le Danube et de l’église saint-Laurent, sources Gemeinde Ybbs/Donau

La construction de l’église paroissiale saint-Laurent, à l’origine de style gothique tardif, date des années 1466-1485. Des incendies successifs, en 1716 et 1868 entrainent la modification de son aspect intérieur et extérieur, avec l’ajout d’éléments baroques et néogothiques se substituant au style d’origine. L’église se trouve sur l’emplacement de l’ancienne forteresse (Ybbsburg). La tour-porte de la forteresse a été utilisée pour la construction du chœur de l’église. Il reste sous cette église un passage qui conduit au Danube. Les orgues sur lesquelles Wolfgang Amadeus Mozart, lors de son deuxième voyage à Vienne en 1767, a vraisemblablement joué, compte parmi les trésors baroques de ce monument historique.

Mozart enfant jouant en 1767 sur l’orgue du couvent d’Ybbs lors d’un voyage vers Vienne

Il est recommandé de s’arrêter au musée de la bicyclette et de son histoire ainsi qu’au musée municipal situés dans la Herrengasse. C’est dans la partie reculée de la ruelle de l’église (Kirchengasse), où sont nés les frères Bernhard et Hieronymus Pez, bénédictins de l’abbaye voisine de Melk et historiens majeurs de l’époque baroque, que se trouvait à l’origine le troisième quartier urbain de la ville. Quelques vestiges demeurent au sein d’un bâtiment médiéval, la maison des péages du vin (Weinmauthaus). On peut encore reconnaître à l’angle nord-ouest de la ruelle, les restes d’un bastion et de ce que l’on appelait alors les « Schwallecks », à travers lesquels le Danube coulait pour inonder les fossés de la ville.
Depuis les quais, on jouit d’une vue magnifique sur les paysages de la rive nord du fleuve, le château de Persenbeug, le village de Gottsdorf, l’église de Säusenstein et la célèbre basilique de Maria-Taferl. Sur la façade de l’Office du sel (Salzamt), en activité jusqu’en 1827, sont indiqués les niveaux atteints par les crues des 500 dernières années. Il ne reste plus aujourd’hui de l’ancienne Ybbsburg que le remarquable château-fort (Burg-Palas) construit entre 1220-30.

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Vue partielle de la maison du maître batelier Matthias Feldmüller. À droite, la « Passauerkasten »,  le plus ancien monument d’Ybbs/Danube et derrière, le clocher de l’église saint-Laurent, sources Gemeinde Ybbs

La maison du célèbre maître-batelier (Schiffmeisterhaus) Matthias Feldmüller (1770-1850) ), rappelle une activité économique majeure d’Ybbs, la navigation sur le Danube. La construction des bateaux de la flotte de M. Feldmüller était réalisée sur la rive gauche dans ses chantiers de Persenbeug. Les emblèmes de la corporation des bateliers d’Ybbs, une des plus grosses corporations du Danube autrichien, sont visibles sur les façades du bâtiment.

Matthias Feldmüller, batelier emblématique du Danube

Cette maison a été acquise en 1840  par Matthias Feldmüller qui possédait, au cours de la première moitié du XIXe siècle, une flotte de plus de 1000 bateaux et autres embarcations naviguant entre Budapest et Ratisbonne et qui s’illustra dans la lutte contre les armées napoléoniennes. Au nord-ouest de la vieille ville, au bord du Danube se trouve le Centre de thérapie. Son installation dans un vaste espace, une ancienne caserne de cavalerie et un ancien cloître de franciscains, date de 1922.

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Le centre de thérapie, sources Gemeinde Ybbs/Donau

Quelques informations :

La ville d’Ybbs est une collectivité locale autrichienne située administrativement dans le Land de Basse-Autriche (Niederösterreich). Elle dépend de l’arrondissement de Melk et se tient sur la rive droite du Danube (PK 2058), à l’altitude de 220 m.
Cette commune a la particularité d’être la seule collectivité du Land de Basse-Autriche à être située directement au bord du Danube, sans en être séparée par un axe de circulation.
Historiquement Ybbs appartient à la région du Nibelungengau où se déroule une partie de la célèbre épopée allemande du Moyen-âge du même nom, La Chanson des Nibelungen.
La ville doit son nom, comme de nombreuses autres cité des bords du fleuve, y compris Vienne, à la rivière qui la traverse, l’Ybbs, petit affluent du Danube qui nait au pied du grand Zellerhut, près de Mariazell et de la frontière avec le Land de Styrie. Elle se jette, après un parcours de 123 km dans le fleuve à proximité de la commune d’Ybbs/Donau (PK 2057).

Confluent de l’Ybbs avec le Danube, photo droits réservés

Ybbs est jumelée avec la jolie ville italienne de Bobbio en Italie du Nord-Ouest dans la province de Plaisance et la Région d’Émilie-Romagne.
En 2017 Ybbs a célébré en 2017, le 700e anniversaire de l’acquisition de son statut de ville libre, statut accordé par Frédéric le Beau (Friedrich der Schöne) de Habsbourg (1286-1330).
Au recensement de l’année 2023, Ybbs comptait 5 653 habitants et son territoire communal s’étend sur une surface de 23,78 km2.

www.ybbs.gv.at › ybbs-die-stadt › tourismuskultur (en allemand)

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour janvier 2024

La centrale hydroélectrique d’Ybbs-Persenbeug, photo droits réservés

Säusenstein (Basse-Autriche) et sa légende

  Ancien couvent cistercien de Säusenstein, estampe de l’artiste d’origine alsacienne François-Xavier Sandmann (1805-1856) d’après Jakob Alt (1789-1872), gravée par Johannes Rauch à Vienne en 1850
   Sur les bords même du Danube, subsiste encore une tour d’angle des anciens murs du monastère, le « Prälatenstöckl », qui abrite une maison paroissiale. À quelques mètres du « Prälatenstöckl », le lit du fleuve est parsemé d’énormes rochers. Ces rochers surnommés « boules du monastère » (Klosterkugeln) ou « boules du diable » (Teufelskugeln) sont au cœur d’une des nombreuses légendes du Danube.

Säusenstein

   Cette légende raconte que le diable était tellement en colère contre les pieux habitants de Säusenstein qu’il se mit en tête de détruire le village. Une nuit, alors qu’il projetait de jeter d’énormes blocs de roche sur le monastère, la petite cloche de la mort se mit à sonner. Le diable, dont le pouvoir était ainsi annihilé par celle-ci, laissa tomber les rochers qu’il avait saisi dans le lit du fleuve et s’enfuit en hurlant qu’il ne reviendrait plus jamais. Selon une interprétation populaire, ces énormes rochers auraient peut-être donné plus tard au village le nom de « am sausenden Stein » (près du rocher qui s’est écrasé).
   Le monastère a été acquis en 1979 par l’artiste et galeriste mystique autrichienne Luise Wittmann (1902-2005) qui assure sa restauration et le transforme en une fondation gérée aujourd’hui par ses descendants.
Wenn man Schätze graben will und heben,
muss man sie tief suchen gehen,
denn das Oberflächliche,
das gibt nicht viel.

Alle Schätze der Erde liegen tief,
und der Mensch muss sich immer mühen
sie zum Tageslicht zu bringen.

Und so ist es auch mit dem
tiefen Grund der Seele.

Luise Wittmann, KG 20.10.1980

Si l’on veut creuser et extraire des trésors,
il faut aller les chercher en profondeur,
car ce qui est superficiel,
ne donne pas grand-chose.

Tous les trésors de la terre se trouvent en profondeur,
et l’homme doit toujours s’efforcer
de les mettre au jour.

Il en va de même pour le fond
Le fond profond de l’âme.

Luise Wittman
Luise Wittman, artiste et galeriste mystique chrétienne, peintre a eu une existence mouvementée, pleine de privations et marquée par de nombreuses expériences surnaturelles. Elle a traversé deux guerres mondiales, Elle a accompagné de nombreuses personnes sur leur chemin spirituel fondé une communauté initiée par le surnaturel et racheté en 1979 avec son fils Karl, à l’âge de 77 ans, l’ancienne abbaye cistercienne  de Säusenstein qui était dans un état déplorable et y organise de nombreux expositions et évènement artisitiques Son oeuvre de peintre représente plus d’une centaine de tableaux. Elle a été également le mentor spirituel et artistique d’autres artistes comme Ricca Bach, Günter Orban, Peter et Christl Thomas…
www.stiftsaeusenstein.at

Eric Baude pour Danube-culture, octobre 2023

Vue des bâtiments de la Fondation depuis le parc, photo :Von FreundStiftSäusensteins, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=20532020

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