István Szőnyi (1894-1960)

István Szőnyi, barque et Danube, 1935 

István Szőnyi dans son atelier, 1959, sources https://fortepan.hu 

« Est-il possible de découvrir Szőny alors que tout le monde sait quel grand artiste il est ?
Tout ce grand thème : ce Zébegenyi et sa campagne au loin, dans les champs et le long des rivières – c’est sa vision et sa gloire particulières. Tout est pour lui, ce Zebegény et sa campagne, plutôt que pour Zebegenyi. Tout cela vit et fonctionne comme si cela avait jailli de son âme et était né sur sa palette ! István Szőnyi est le poète du Danube. »
Dezső Szomory (1869-1944), écrivain et dramaturge hongrois

« István Szőnyi vit dans sa maison de village à Zebegény et y travaille l’été. Il réalise des dessins de la taille d’une feuille de papier, y inscrit les couleurs et réalise ensuite une peinture à l’huile d’une taille allant jusqu’à 2X3 mètres dans son atelier (par exemple son tableau « Traversée du Danube »). Il raconte qu’une fois il a peint à l’aquarelle et que l’aquarelle a été mouillée par la pluie. Il n’a jamais peint aussi bien. Il travaille souvent dans un bateau sur le Danube, et pendant qu’il travaille, il est emporté par le courant jusqu’à une bonne hauteur de chaux, et doit ensuite ramer pour revenir à l’endroit initial. Sinon, il a à sa disposition le plus beau jardin de Zebegény. »
Theatre Life – 1935

Né dans une famille catholique d’origine allemande à Újpest en 1894, István Szőnyi fréquente tout d’abord l’école indépendante de l’Académie Hongroise des Beaux-Arts de Budapest à partir de 1911 puis l’école de formation des professeurs d’art (1913).

István Szőnyi, autoportrait, 1920

   Mobilisé pendant la Première Guerre mondiale, il sert dans l’armée austro-hongroise en tant que lieutenant et devient l’élève des peintres hongrois Károly Ferenczy (1862-1917)1 d’abord dans le cadre de l’école de Nagybánya2 où il se trouve pendant le conflit et ensuite dans sa classe à l’Académie Hongroise des Beaux-Arts de Budapest et d’István Réti (1872-1945). En raison de sa participation aux manifestations de la République soviétique hongroise et de son appartenance à un groupe d’étudiants demandant des réformes à l’Académie des Beaux-Arts, il en est exclu en 1920. Lors de ses premiers voyages en Europe (Vienne et Berlin), il fait la connaissance de grands maîtres européens de la peinture. 

Istvan Szőnyi, Famille au bord de l’eau, huile sur canevas, 1926, collection privée

    István Szőnyi organise la première exposition collective de peinture au Musée Ernst de Budapest en 1920.2 Son deuxième mariage3 avec Melinda Bartóky (1896-1967) est une étape décisive dans sa vie et dans son oeuvre tout comme son installation au bord du Danube à Zebegényi (Dunakanyar) en 1924 dans l’ancienne ferme que son beau-père, József Bartóky (1865-1928) avait achetée en 1905 pour en faire sa résidence d’été. Deux enfants naîtront de ce mariage, Zsuzsa (1924-2014) qui s’enfuira de Hongrie pour l’Italie en 1949 et deux années plus tard, Péter qui mourra d’une méningite à l’âge de 18 ans.

István Szőnyi, Lumière au-dessus de l’eau, 1935

Le peintre reçoit en 1929 une bourse du gouvernement pour séjourner à l’Académie hongroise de Rome mais, préférant les paysages du coude du Danube à ceux de l’Italie, il rentre en Hongrie au bout de quelques mois. Il obtient le poste de professeur à l’Académie hongroise des Beaux-Arts en 1937 tout en participant à la vie artistique en tant que membre du cercle artistique Gresham. C’est à cette époque qu’éclaircissant sa palette de couleurs il réalise ses tableaux les plus radieux. La géographie poétique du fleuve, les paysages danubiens et le mode de vie de la population locale parmi lesquels les pêcheurs, ont exercé une grande influence sur son travail artistique l’imprégnant intimement de leur présence, de leur rythme et de leur tonalité.

István Szőnyi, Zebegény, aquarelle sur papier

   Il s’occupe à partir des années quarante d’une école libre à Zebegény, commence également à peindre à l’aquarelle et utilisant principalement la technique de la gouache. De nombreux artistes hongrois de la nouvelle génération sont influencés par son style. Le peintre et sa famille cacheront et fourniront de faux papiers à de nombreux Juifs ainsi qu’à des personnes persécutées pendant la Seconde Guerre mondiale ce qui lui vaudra de recevoir avec les siens le titre de « Juste parmi les Nations » en 1984. Les intenses bombardements de Budapest détruisent son appartement, son atelier et une grande partie de ses peintures. Sa fille l’invite à Rome en 1959-1959, séjour à l’occasion duquel le peintre est impressionné par le ciel bleu de Fiumicino. István Szőnyi  meurt en 1960 dans sa maison de Zebegény qui sera transformée en musée à partir de 1967.

István Szőnyi, Nus, gravure à l’eau-forte, 1960

« C’est un événement décisif et crucial pour le développement de ma vie et de mon œuvre qu’en 1924, après m’être marié, je me suis installé à Zebegény, où j’ai trouvé toutes les expériences nécessaires au développement de mon art. J’y ai vu l’unité interconnectée et inséparable du paysage et de ses habitants dans un milieu qui correspondait tout à fait à mes idées. Les sujets de mes tableaux sont les deux choses au monde auxquelles je suis le plus attaché : Zebegény et ma famille. J’ai toujours été intéressé par la peinture des choses qui sont les plus proches et les plus immédiates pour les gens. Tous mes sujets sont nés non pas à Zebegény, mais dans mon grand atelier en plein air, où alternent deux montagnes, deux vallées, un verger de pommiers et une forêt de pins. Je n’ai presque pas besoin de quitter l’endroit. »
Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour novembre 2023

I. Szonyi route du Danube avec une troupeau d’oies, huile sur toile, 1932

Notes :
1 Le musée Károly Ferenczy (FERENCZY MÚZEUMI CENTRUM), Kossuth Lajos u. 5,, 2000 Szentendre, est consacré aux oeuvres des artistes de la famille Ferenczy.
https://www.femuz.hu

2 Baia Mare, aujourd’hui en Roumanie chef -lieu du Judeţ du Maramureş
3 Ce musée abrite désormais le Centre de photographie contemporaine Robert Capa, https://capacenter.hu/en
4 Le peintre perd sa première femme peu après la naissance de sa fille. Il perdra également son fils 

La maison (musée) du peintre István Szőnyi à Zebegény, photo © Danube-culture, droits réservés

István Szőnyi dans son atelier à Zebegény en 1950

Musée Istvan Szőnyi, Bartóky út 7.  2627 Zebegény
https://szonyimuzeum.hu

I. Szönyi, Zebegény 

Zebegény (Hongrie)

   Des sources historiques permettent d’établir qu’il existait déjà un couvent bénédictin à Zebegény en 1251. Un document juridique du 26 septembre 1295 désigne ce monastère comme le « Monasterium de Zebegény ». Il est abandonné en 1453. Le tout premier site catholique était probablement la grotte au pied du mont du Calvaire, où la tradition veut qu’un ermite ait vécu et créé le relief de l’Assomption de Marie sur la paroi intérieure de la grotte.

La grotte du mont du Calvaire, photo droits réservés

   La population du petit village qui avait commencé à se développer au Moyen-âge, est presque entièrement décimée lors des conquêtes ottomanes de la première moitié du XVIe siècle. « Des années 1520 et surtout 1540 jusqu’aux décennies 1680 et 1690,  les provinces hongroises sont les territoires les plus occidentaux occupés par les Ottomans en Europe »1Zebegény et ses environs ne seront libérés du joug turc que vers 1685 après leur siège désastreux de Vienne. Des colons Allemands, hongrois et slaves (slovaques) ne tardent pas à repeupler les lieux dans la première moitié des années 1700. Ces colons allemands sont pour la plupart catholiques et originaires de la région de Mayence (Rhénanie-Palatinat). Ils s’installent dans les années 1735 et auraient donné au village le nom de Sebegin. Selon l’étymologie populaire, ils se seraient exprimés en découvrant le large cours et les méandres du fleuve à cette hauteur « Die See beginnt ! » (La mer commence !) qui se déformera en Zebegény. Des documents du XIXe siècle font d’ailleurs référence à Zebegény en tant que colonie germano-slovaco-hongroise.
Les travaux de la ligne de chemin de fer Budapest-Pozsony (Bratislava) débutent dès 1846. Le tronçon entre Vác (Waitzen) et Párkány (Šturovo, aujourd’hui en Slovaquie) est ouvert au trafic en 1851. La ligne ferroviaire Budapest-Vác est ensuite prolongée jusqu’à Bratislava. Le viaduc ferroviaire à sept arches, le deuxième plus grand viaduc de ce type en Hongrie, est construit à cette période tout comme la gare dans le style architectural de la monarchie austro-hongroise.

Viaduc de Zebegenyi

Viaduc ferroviaire de Zebegény, photo B. Kekesi, droits réservés

Le cimetière du village, situé à l’origine à proximité de la gare a été transféré; en raison de la construction de la ligne de chemin de fer, au pied de la colline du Calvaire. Sa situation, sa topographie et sa disposition originales en font l’un des plus beaux cimetières de Hongrie. Une chapelle de style à la fois oriental et néoclassique est érigée en 1853 sur la même colline. Neuf stations avec sur chacune d’entre elles une petite niche contenant une image de Jésus sur le chemin de croix ,viennent s’y ajouter. Une autre chapelle dédiée à Saint-Jean Népomucène plus ancienne (début du XIXe siècle) a auparavant été édifiée sur le côté nord-ouest du mont du calvaire.
La « ferme des enfants Ferencz József » fait partie des monuments patrimoniaux les plus remarquables de Zebegény. Cette « ferme à tabac » était l’une des attractions  populaires de la grandiose l’exposition du millénaire de la nation hongroise à Budapest en 1896.
Le village est presque entièrement détruit en 1899 suite à de fortes précipitations et d’une accumulation de l’eau dans un fossé.

Église Sainte-Marie-des-Neige de Zebegény, photo Danube-culture © droits réservés

L’église Notre-Dame-des-Neiges de Zebegény  a été construite entre 1906 et 1910, d’après les plans des jeunes architectes hongrois, Károly Kós (1883-1977), Dénes Györgyi (1886-1961) et Béla Jánszky (1884-1945). Le style architectural Art Nouveau hongrois du bâtiment, caractéristique du début du XXe siècle se remarque non seulement à l’extérieur, mais aussi dans la décoration intérieure achevée en 1914. Les fresques ont été conçues par Aladár Körösfői-Kriesch (1863-1920), élève de Bertalan Székely (1835-1910) et fondateur l’école de peinture de Gödöllő. Elles ont été réalisées par ses élèves avec l’aide de György Leszkovszky (1891-1968).

Intérieur de Notre-Dame-des-Neiges de Zebegény, photo droits réservés

La statue de Sainte-Élisabeth de la Maison d’Árpád, à côté de l’église, est l’œuvre de Géza Maróti (1875-1941), sculpteur, architecte et comte héréditaire de Zebegény qui fut une figure originale assez méconnue mais importante parmi les artistes de l’Art nouveau hongrois. Elle se trouvait auparavant dans le jardin de la villa Maróti. Lorsque la villa Maróti fut confisquée par le régime communiste au milieu du XXe siècle, la statue fut sauvée de la destruction par la paroisse de Zebegény et installée à son emplacement actuel.

Sainte-Élisabeth de la Maison d’Árpád, photo droits réservés

Le village de vacances de Völgy utca (rue de la vallée), construit dans les années 1930, a été doté en 1944 d’une petite chapelle à l’architecture dépouillée, adaptée à son environnement tout en reflétant à la fois la tradition et les caractéristiques de l’époque. L’auvent été ajouté en 1994 par l’architecte hongrois Ferenc Salamin (1958) et construit par les habitants dans le cadre d’un projet social. Zebegény lui doit également le nouvel aménagement de la place de l’église (1993-2006).

La chapelle Sainte-Marguerite de Völgy utca à Zebegény, photo Danube-culture © droits réservés

István Szőnyi (1898-1968)
Le peintre, dessinateur et graveur post-impressionniste István Szőnyi s’établit à Zebegény en 1924 dans une ancienne ferme appartenant initialement à sa belle famille et y demeurera jusqu’à sa mort en 1960. Son oeuvre prolifique rendant hommage aux superbes paysages du « coude Danube » illustrant le profond attachement du peintre à son environnement, sa dévotion envers la nature, à ses atmosphère poétiques, à ses perspectives, à la palette infinie de ses ombres et de ses lumières tout comme le furent d’autres artistes hongrois et les impressionnistes avec la Seine aux environs de Paris.

I. Szőnyi, Lumières sur le Danube après une tempête, après 1920

Une autre figure marquante de la peinture hongroise du XXe siècle, Róbert Berény (1887-1953), ancien élève de l’Académie Julian à Paris, influencé par Cézanne et le fauvisme, pionnier du cubisme et de l’expressionisme hongrois s’installe à Zebegény dix ans plus tard (1934).

Róbert Berény, Hiver à Zebegény, huile sur toile, vers 1940

   C’est également dans la première moitié des années 1930 que les habitants décident d’ériger un mémorial aux accords de Trianon et à la gloire du drapeau hongrois, accords qui amputèrent la Hongrie, du côté des vaincus de la Première Guerre mondiale d’une grande partie de son territoire. Confié à l’architecte, peintre et sculpteur Géza Maróti (1875-1941) qui possédait une maison à Zebegény, ce monument et son parc sont dédiés non seulement au drapeau hongrois mais aussi aux héros locaux morts pendant la Première Guerre mondiale. Quatre piliers de pierre entourent le mât du drapeau sur une terrasse ceint d’un mur octogonal. Le projet initial prévoyait de placer une double croix gigantesque au sommet des quatre piliers. Ces derniers n’ont toutefois pas été achevés.

Le mémorial contreversé des accords de Trianon, monument au drapeau hongrois au sommet du mont du Calvaire, photo droits réservés

En décembre 1944, trois monitors (bateaux de guerre fluviaux) jettent l’ancre à proximité du village qu’il bombarde avec les  environs. Zebegény sera libéré par des troupes soviétiques.

Station de bateaux de Zegenény, sources photo Fortepan.hu

Zebegény abrite, outre un certain nombres de monuments historiques, de villas de style Art Nouveau, de maisons anciennes, de caveaux de vignerons, une académie d’été des Beaux-Arts et un environnement naturel agréable et reposant avec sa plage, le belvédère Kós Károly et ses villas cossues en plus ou moins bon état, une plage avec des loisirs nautiques, de nombreux autres sites d’intérêt culturels et touristiques :

Le château de Dőry
L’église catholique romaine dédiée à la Vierge Marie-des-Neiges
Les chapelles et les stations du mont du Calvaire
Le sanctuaire et la grotte au pied du mont du Calvaire
La chapelle Sainte-Marguerite de Völgy utca
Le Musée du peintre post-impressionniste István Szőnyi

Musée du peintre István Szőnyi à Zebegény

La villa Maróti au-dessus du Danube (villa privée)
Un musée très hétéroclite de l’histoire de la navigation avec les objets et les documents du capitaine Vince Farkas (musée privé).
Le parc du drapeau national et le mémorial des héros au sommet du mont du Calvaire
Le parc du Millenium
Le belvédère Kós Károly
Il existe de nombreuses possibilités d’hébergement dans le village.

Notes :
1 Chaline Olivier, Vajda Marie-Françoise, « La Hongrie ottomane XVIe-XVIIe siècles. Introduction », Histoire, économie & société, 2015/3 (34e année), p. 5-18. DOI : 10.3917/hes.153.0005. URL : https://www.cairn.info/revue-histoire-economie-et-societe-2015-3-page-5.htm

 

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