Ulm (Bade-Wurtemberg)

   Ulm (Bade-Wurtemberg), première grande ville allemande danubienne, sur sa rive gauche à l’exception de son quartier quartier de Wiblingen,  se trouve au confluent de deux rivières qui se se jettent dans le fleuve, l’Iller et la Blau. Neu-Ulm (rive droite) appartient au Land de Bavière. Le Danube fait donc frontière ici entre le Land de Bade-Wurtemberg et celui de Bavière.
  Albert Einstein est né à Ulm le 14 mars 1879 et le tailleur Albrecht Ludwig Berblinger y a tenté d’imiter Icare.

Ulm, ville libre impériale et aujourd’hui capitale du Land de Bade-Wurtemberg

« Le Fischerviertel » ou Quartier des pêcheurs, est un site enchanteur, avec ses ruelles intimes et accueillantes, ses auberges prodigues en truites et en asperges, ses brasseries en plein air, sa promenade sur le Danube, ses vieilles maisons avec des glycines se reflétant dans la Blau, le ruisseau du lieu, lequel se jette discrètement dans le grand fleuve… ».
C. Magris, Danube, Éditions Gallimard, Paris, 1988

Ulm et le Danube vers 1540, vue depuis le côté sud. Aquarelle signée « delin et pinx. St. Flock Ulm » (Stefan Flock 1870-1928), réalisée en 1910 d’après un dessin à l’encre coloré de 1580. On y voit, du côté actuel de Neu-Ulm la rive droite du fleuve à la hauteur de l’île du Danube. En haut de l’image, de gauche à droite sur la rive septentrionale, la porte « Herdbrucker », la cour « Reichenau » (Ehinger), la cour Verte, la tour « Diebsturm », en biais devant, encastrée dans le mur de la ville, la tour Verte, à côté les ruines de l’église Prediger (reconstruite en 1616 sous le nom d’église de la Trinité), la tour « Spitalturm » et à droite de l’image la tour « Gänsturm ». Depuis la porte « Herdbrucker », le pont « Herdbrücke » mène d’Ulm à l’île du Danube, en partie entourée de remparts (nouvelles fortification réalisées en 1564). Sur la partie est de l’île qui n’est pas fortifiée, se trouvent des ateliers (de cordiers ?). Sur la rive actuelle de Neu-Ulm on voit au premier plan la salle de tir à l’arbalète inférieure, une maison à colombage détruite en 1552, reconstruite en 1557 et à nouveau démolie en 1632. Sur la droite, une cabane de tir avec une cible sur la façade. Sources : Stadtarchiv Ulm

   Fondée en 854, la cité d’Ulm a été érigée en ville libre impériale par l’empereur Frédéric Barberousse en 1274. Elle est annexée quelques années à la Bavière au tout début du XIXe siècle puis restituée en partie au duché de Wurtemberg dès 1810. La ville fut détruite par un bombardement allié en 1944 à plus de 80 %.

J. B. Homann (1664-1724), géographe et cartographe allemand,  à partir de 1715, cartographe et géographe de l’empereur du Daint Empire romain germanique, membre de l’Académie Royale de Prusse : Nova et accurata Territorium Ulmensis… », Nuremberg, 1720

   La ville possède encore un monastère bénédictin baroque avec une splendide bibliothèque, de jolies fontaines, une horloge astronomique du XVIe siècle, un quartier historique des pêcheurs au bord de la Blau devenu un haut-lieu touristique de la ville, plusieurs musées dont un intéressant Musée du pain, un remarquable Musée d’art du XXIe siècle (Musée Weishaupt), un Musée des Souabes du Danube (die Donauschwaben) qui relate l’histoire passionnante mais tragique des migrations volontaires ou imposées de ce peuple vers l’aval du fleuve. Au XVIIIe siècle près de 150.000 immigrants de langue allemande ont été incités à s’installer sur les terres hongroises reconquises sur les turcs par la couronne impériale autrichienne. La majorité venait  et de Souabe et des provinces autrichiennes dont la Lorraine. Il y eut 3 vagues principales de migration :
-de 1723 à 1726
-de 1764 à 1771
-de 1784 à 1786

À la fin de la deuxième guerre mondiale, quelques 13 à 15 millions de cette population d’ethnie allemande ont été expulsés de leur terre d’adoption par les régimes communistes de Hongrie et de Roumanie. Ce fut l’une des plus grandes campagne de nettoyage ethnique jamais réalisée dans l’histoire de l’humanité.

Plaque commémorative dédiée aux Souabes du Danube : « Aux morts de la patrie, de la guerre et des expulsions », photo © Danube-culture, droits réservés

« Sur la grand-place d’Ulm s’élève la cathédrale, dont le clocher est le plus haut du monde, et dont la construction — hétérogène — s’est étendue sur plusieurs siècles, puisqu’elle a commencé en 1377 et s’est terminée (si l’on ne tient pas compte de restaurations postérieures ) en 1890. Cette cathédrale a quelque chose de déplacé, cette pointe de mauvaise grâce qui apparaît presque toujours dans les exploits, dans les records… »
Claudio Magris, « L’archiviste des vilénies », in Danube, Éditions Gallimard, Paris, 1988

  La « cathédrale » d’Ulm (1377-1890), en fait une église luthérienne gothique mais au dimension d’une cathédrale, revendique la flèche la plus haute du monde.

Le marché aux cochons
« La ville est aimable, les 548 brasseries recensées en 1875 semblent réconcilier idéalement Christian Friedrich Daniel Schubart, le poète révolté et Albrecht Ludwig Berblinger le célèbre tailleur qui voulait voler et retomba comme une pierre dans le Danube, le nouveau cinéma allemand, né en grande partie à Ulm, et la célèbre école supérieure de design. C’est de cet aimable genius loci que faisait preuve aussi le plus illustre des fils d’Ulm, Einstein, en écrivant dans un joli quatrain en vers, que les étoiles ― qui se moquent de la théorie de la relativité ― continuent éternellement leur chemin selon les lois de Newton.
Sur la façade de l’hôtel de ville, une plaque rappelle qu’à Ulm Kepler a publié ses Tables Rodolphines et inventé un poids-étalon adopté par la ville ; sur la place du marché aux bestiaux une autre plaque, qui célèbre avec arrogance les victoires allemandes de 1870 et la fondation du Reich de l’empereur Guillaume, ajoute sur un autre ton :
« Auch auf dem Markt der Säue,
Wohnt echte deutsche Treue ! »
« Même au marché aux cochons, bat un coeur allemand loyal. »

Photo Danube-culture, droits réservés

Cette rime entre Säue (truie) et Treue (fidélité) est déjà, involontairement, une caricature malicieuse de ce qui, en peu d’années, allait devenir la vulgarité du riche et puissant Troisième Reich. C’est avec une tout autre délicatesse, par contre, qu’on a peint en 1717 sur la belle Maison des Pêcheurs, qui se trouve sur la petite place du même nom, l’image d’une ville, Weissenburg, autrement dit Belgrade. Le peintre, Johannes Matthäus Scheiffele, maître de sa corporation, a voulu immortaliser les convois militaires qui partaient d’Ulm et descendaient le Danube pour aller combattre les Turcs ; Belgrade, reprise puis perdue, étant un des noeuds stratégiques de cette guerre. C’est d’Ulm également, sur de grosses barques connues sous le nom de « pontons d’Ulm » [Ulmer Schachtel] que partaient les colons allemands qui s’en allaient peupler le Banat, les « Donaueschwaben », les Souabes du Danube, qui, durant deux siècles, de Marie-Thérèse à la seconde guerre mondiale, allaient marquer radicalement de leur empreinte cette civilisation danubienne aujourd’hui effacée… »
Claudio Magris, « Le marché aux cochons » in Danube, Éditions Gallimard, Paris, 1988

Sur le Danube supérieur…
« Il est indubitable qu’Ulm se trouve sur le Danube supérieur. Mais jusqu’où précisément arrive ce dernier, où se trouvent son début et sa fin, quelle est son aire, son identité, sa notion même ? L’ingénieur Neweklowsky a passé sa vie à tracer les limites de l’ « Obere Donau », du Danube supérieur, et ― une fois circonscrit ce territoire ― à le passer au crible, à le classifier et à le le cataloguer mètre par mètre dans l’espace et dans le temps, en ce qui concerne la couleur des eaux et les tarifs douaniers, le paysage qu’il offre à la perception immédiate et les siècles qui l’on construit. Comme Flaubert ou Proust, Neweklowsky a consacré toute son existence à son oeuvre, à l’écriture, au Livre ; le résultat, c’est un volume en trois tomes de 2 164 pages en tout, y compris les illustrations, qui pèse cinq kilos neuf cents et qui, comme le dit son titre, a, pour sujet non pas le Danube, mais plus modestement La navigation et le flottage sur le Danube supérieur (1952-1964). »
Claudio Magris, « Deux mille cent soixante-quatre pages et cinq kilos neuf cents de Danube supérieur », in Danube, Éditions Gallimard, Paris, 1988

Guerre et paix sur les bords du Danube
« Près de l’abbaye d’Elchingen, à quelques kilomètres de la ville, se trouve l’endroit où fut signée, le 19 octobre 1805, la Capitulation d’Ulm, reddition du général autrichien Mack — le « malheureux Mack » dont parle Tolstoï dans Guerre et Paix — à Napoléon. Une stèle rappelle le souvenir des morts napoléoniens — soldats français ou venus des divers États allemands alliés à l’époque avec l’Empereur :

À LA MÉMOIRE DES SOLDATS
DE LA GRANDE ARMÉE DE 1805
BAVAROIS, WURTEMBERGEOIS, BADOIS
ET FRANÇAIS

Le paysage, avec ses bois brumeux le long du fleuve, fait penser à une gravure représentant une bataille. Une brèche montre l’endroit où le maréchal Ney fondit sur les défenses autrichiennes.
Cette section du Danube a été le théâtre de grandes batailles, comme celle d’Höchstadt (ou de Blenheim), au cours de laquelle le prince Eugène et Lord Marlborough, pendant la guerre de succession d’Espagne, infligèrent en 1704 une défaite à l’armée française du Roi-Soleil. Mais ces batailles aux abords du Danube sont des batailles de la vieille Europe prérévolutionnaire et prémoderne, qui prolongent — au gré des victoires et des défaites des différentes grandes puissances — l’équilibre entre les monarchies absolues jusqu’en 1789. L’empire danubien incarne par excellence ce monde de la tradition et Napoléon, qui après avoir vaincu les Autrichiens à Ulm entre dans Vienne, incarne, lui, la modernité qui talonne et serre de près le vieil ordre habsburgo-danubien, dans une poursuite qui n’aboutira qu’en 1918. »
Claudio Magris, « Grillparzer et Napoléon », in Danube, Éditions Gallimard, Paris, 1988

Site internet des villes d’Ulm et de Neu-Ulm : www.ulm.de
Office de tourisme : www.tourismus.ulm.de

Culture :
Musée de la culture du pain (Museum der Brotkultur) : www.museum-brotkultur.de
Musée centrale des Souabes du Danube (Donauschwäbische Zentralmuseum) : www.dzm-museum.de
Kunsthalle (Galerie) Weishaupt : www.kunsthallenweishaupt.de

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