L’abbaye de Klosterneuburg (Basse-Autriche)

    L’abbaye de Klosterneuburg, située sur une colline dominant autrefois le bras principal Danube et où se trouvait alors un gué qui permettait de traverser le fleuve, à une dizaine de kilomètres en amont de Vienne sur la rive droite, est fondée en 1114 par le margrave Léopold III d’Autriche dit plus tard Léopold le Pieux (1073-1136) avec sa femme, Agnès de Franconie (1072-1143), fille de l’empereur du Saint Empire Romain germanique Henri IV (1050-1106). Léopold III, saint patron de l’Autriche, canonisé en 1485, est également à l’origine de la fondation en 1133 de l’abbaye cistercienne d’Heiligenkreuz.
La fête de l’abbaye de Klosterneuburg a lieu le 15 novembre le jour de la saint-Léopold.  

Sur l’emplacement même de l’abbaye se trouvait à l’époque romaine, une forteresse, construite au Ier siècle après J.-C. forteresse qui s’intégrait au système de défense de la frontière de l’empire (limes).
Une communauté de chanoines séculiers s’était installée aux environs de 1113 au sein de la nouvelle forteresse et résidence des Babenberg construite par le margrave Léopold III dit le Pieux (1073-1136) au sommet de la colline viennoise du Leopoldsberg, un lieu déjà habité depuis l’Antiquité et sur lequel les Romains avaient également vraisemblablement édifié un de leurs nombreux forts de surveillance de la frontière.
Il semblerait que le début de la construction de l’abbaye de Neuburg date de 1114 mais il est possible, si l’on en croit certains documents, que celle-ci soit plus ancienne. Léopold III qui avait du renoncer entretemps pour des raisons politiques et religieuses à son projet d’établir un siège épiscopal, dote alors généreusement le nouveau couvent initialement occupé par les chanoines séculiers du Léopoldsberg et qui se transformera en 1133 en une abbaye augustinienne. Le bienheureux Hartmann (1090-1164), connu pour ses réformes, futur évêque de Brixen, en devient premier prévôt. Après que le margrave Léopold eut remis le monastère au siège apostolique, le pape Innocent II le prend sous sa protection pontificale en 1137. Le prévôt Hartmann fonde à côté de l’abbaye, un couvent pour les chanoinesses augustines dont l’église est dédiée à sainte-Marie-Madeleine. Le financement de la fondation du couvent aurait été assuré financièrement  par la femme de Léopold III, Agnès,  qui peut être considérée comme la fondatrice du couvent.

L’abbaye de Klosterneuburg, peinture de Franz Jaschke (1862-1910)  

L’abbaye de Klosterneuburg est alors étroitement liée au cercle réformateur de Salzbourg et devient un soutien pour la réforme de l’Église passant sous l’influence de l’éminent théologien Gerhoch von Reichersberg (1092?-1169?), défenseur d’une théologie orientée vers la Bible et les Pères de l’Église et qui se montre critique envers la scolastique naissante. Cette théologie biblique apparait dans la décoration de la chaire de Nicolas de Verdun (vers 1130-vers 1205), transformée par la suite en autel de Verdun.
L’un des trésors de l’abbaye est un chandelier à sept branches provenant de Vérone qui fut acheté par Léopold III pour la collégiale. Les éléments de l’abbaye de Klosterneuburg qui remontent à l’époque de Léopold III de Babenberg se retrouvent dans l’a basilique st-Martin baroquisée ultérieurement, dans le palais dans la cour Léopold (Leopoldihof) lui aussi baroquisé par l’architecte italien Donation Felice d’Allio (1671-1760) ainsi que des parties du cloître médiéval. Les reliques de Léopold III, dans la chapelle qui lui est consacrée, sont présentées chaque année lors de la fête de saint-Léopold. Afin de familiariser la population environnante avec l’histoire de la famille du margrave après sa canonisation (1485), l’abbaye de Klosterneuburg commanda au peintre originaire d’Ulm, Hans Part (1480/88-1526/29), le tableau généalogique de la dynastie des Babenberg. Ce tableau, peint entre 1489 et 1492, ainsi que d’innombrables autres objets religieux, sont conservés dans le musée de l’abbaye.

 Henri II, Jasomirgott, détail de l’arbre généalogique des Babenberg peint par Hans Part ; la scène se passe sur le Danube, photo domaine public

   L’importance exceptionnelle de cette abbaye est confirmée par sa prodigieuse métamorphose architecturale au XVIIIe siècle. Conformément au modèle espagnol de l’Escorial, l’empereur Charles VI de Habsbourg (1711-1740), soucieux d’en faire l’équivalent mais qui décède avant que les travaux d’un coût colossal supportés par l’abbaye ne s’achèvent, avait le projet grandiose de réaliser une somptueuse résidence seigneuriale monastique. Bien que les travaux aient été initialement confiés à Donato Felice d’Allio, c’est l’architecte de la cour Johann Fischer von Erlach (1656-1723) qui est à l’origine de la surélévation du bâtiment existant du monastère, de la nouvelle architecture des façades et de la présence des coupoles monumentales ornées des couronnes de la maison des Habsbourg. L’architecture de la collégiale subit lors de sa restauration au XIXe, de nouvelles transformations néogothiques selon le credo de l’époque.

Détail d’un décor de la basilique st-Martin, photo © Danube-culture, droits réservés

L’abbaye augustinienne de Klosterneuburg qui traversa depuis sa fondation sans trop de dommages les aléas de l’histoire à l’exception des guerres napoléoniennes pendant laquelle elle est occupée à deux reprises et en partie pillée (y compris sa cave !) et dont une partie des objets en or et en argent furent fondus pour soutenir les finances en ruine de l’Autriche à l’issue des conflits, est demeurée, tout comme les grandes abbayes danubiennes de Saint-Florian, de Melk et de Göttweig, un lieu culturel dynamique et un centre spirituel influent. Elle possède un magnifique vignoble surplombant le Danube et produit d’excellents vins qu’on trouve sur place.

La basilique st-Martin de l’abbaye de Klosterneuburg, photo © Danube-culture, droits réservés

Le choeur et l’autel de la basilique st-Martin, photo © Danube-culture, droits réservés

Anton Bruckner à Klosterneuburg 
Le prévôt Josef Kluger (1865-1937) qui fut membre des chanoines augustins de Klosterneuburg tout comme du directoire de la Wiener Konzerthaus et qui participa activement à la vie musicale de la Vienne, fut un ami proche jusqu’à la mort du compositeur Anton Bruckner (1824-1896). Celui-ci a été accueilli à l’abbaye à de nombreuses reprises lors des fêtes religieuses de 1869 à 1894 et aimait à y jouer sur les orgues qui lui rappelaient peut-être celles de saint-Florian. Il y compose vers 1886 son Ave Regina coelorum (WAB 8).

Le grand orgue de l’ abbaye de Klosterneuburg, photo droits réservés

La légende de la fondation de l’abbaye
   Cette légende apparaît pour la première fois au XIVe siècle. Le margrave Léopold se tenait avec sa jeune épouse Agnès huit jours après la cérémonie de leur mariage en 1124, sur la terrasse du château que le souverain avait fait construire au sommet de la colline viennoise qui porte aujourd’hui son nom (Leopoldsberg) et où il avait fait transférer sa résidence de Melk.

Miniature de Léopold III d’Autriche, dit le Pieux, détail de l’arbre généalogique des Babenberg peint par Hans Part, photo domaine public collection de l’abbaye de Klosterneuburg

Les deux jeunes fiancés devisait familièrement quand soudain un coup de vent violent arracha le voile de la tête de la jeune margravine et l’emporta au loin dans les airs. Agnès qui tenait à ce voile comme à la prunelle de ses yeux se désola de sa disparition. Aussi Léopold en personne et de nombreux serviteurs partirent immédiatement à sa recherche mais il leur fut impossible de le retrouver. Huit ans s’écoulèrent et la perte du voile fut oublié. Un jour que Léopold chassait dans une forêt des bords du Danube en amont de Vienne, ses chiens se mirent en arrêt devant un épais fourré. Lorsque celui-ci fut percé, on trouva une petite clairière près de laquelle poussait un sureau. Le précieux voile perdu par Agnès était accroché à l’une des ses branches, encore intact. Léopold, profondément pieux, vit dans ce miracle un message du divin. Se souvenant du voeux qu’il avait fait auparavant de fonder une abbaye, il choisit comme emplacement pour sa construction l’endroit où le voile avait été retrouvé, à proximité du Danube et au pied de la colline du Leopoldsberg.
www.stift-klosteurneuburg.at

Eric Baude pour Danube-culture © droits réservés, mis à jour janvier 2024

Amand Helm (1838-1893), Klosterneuburg, Donau-Album, 1868

L’abbaye de Klosterneuburg dans son état d’avant 1884, gravure sur bois d’après Eduard Zetsche, 1894

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