Le retable de Nicolas de Verdun de l’abbaye de Klosterneuburg
Trésors des abbayes danubiennes : le retable de Nicolas Verdun de l’abbaye augustinienne de Klosterneuburg (Basse-Autriche), huitième merveille de l’art religieux du monde occidental.
« Il n’y a rien de plus magnifique en Europe. »
Émile Mâle, « L’art religieux du XIIe siècle », Paris, 1928
S’il est une oeuvre d’art religieuse à ne pas manquer en Autriche danubienne, c’est bien le retable de Nicolas de Verdun (Nicolaus Verdunensis) de l’abbaye de Klosterneuburg. Cet extraordinaire ambon, réalisé sur place, est sans doute le joyaux sacré le plus précieux de cette magnifique abbaye de Klosterneuburg, fondée en 1114 par le margrave Léopold III d’Autriche (Léopold le Pieux sera canonisé et deviendra le saint patron de l’Autriche) et l’une des plus belles œuvres d’art religieuses romanes du Moyen-âge et de toute le cours du Danube. Il doit son nom à son créateur, Nicolas de Verdun (1130-1205) un orfèvre né à Tournai (certaines sources lui donnent pour origine la Lorraine), grand représentant de l’art rhéno-mosan.
La réalisation ce chef d’oeuvre qui se trouve désormais dans la chapelle de saint Léopold, demanda une dizaine d’années. Achevé en 1181, l’autel sert à l’origine d’oeuvre décorative de la balustrade de la chaire de l’église abbatiale.
Après l’incendie de 1330 (?) qui ravage l’église et provoque l’écoulement de la tour-lanterne éclairant la croisée du transept, l’œuvre, sauvée in-extremis par les moines qui l’aspergent, faute d’eau disponible, avec du vin blanc de leur propre vignoble (!), est restaurée en 1329 et transformée en un retable à volets tel qu’on peut le voir aujourd’hui.Tout d’abord exposé dans le maître autel de la nouvelle église baroquisée, le retable qui n’est plus au goût esthétique du jour, est relégué en 1714 dans une resserre de l’abbaye ce qui lui permettra d’échapper miraculeusement aux déprédations des troupes napoléoniennes en 1805 et 1809.
Retable de Nicolas de Verdun (Nicolaus Verdunensis), photo domaine public
Le retable comprend un total de 51 panneaux émaillés, disposés sur trois niveaux horizontaux illustrant les épisodes de l’Histoire sainte et la concordance de l’Ancien et du Nouveau Testament. D’un point de vue technique, l’œuvre est également un chef-d’œuvre exceptionnel. L’émail sur cuivre champlevé, extraordinairement résistant en raison de son point de fusion élevé, a survécu intact pendant plus de huit siècles et brille encore d’un éclat inaltéré.
Détail de l’autel de Verdun, photo droits réservés
L’importance artistique de l’autel est encore plus grande. Il s’agit de la première œuvre du haut Moyen-âge qui s’inspire délibérément du style antique classique pour atteindre une nouvelle proximité avec la nature. Nicolas de Verdun, dont ce retable est l’œuvre la plus ancienne qui nous soit parvenue, fait ainsi figure de précurseur du style gothique.
Autel de Verdun, scène de l’ascension, photo droits réservés
Nicolas de Verdun est également l’auteur de la châsse de Notre-Dame de Tournai (1205), et probablement de la châsse des Rois Mages de Cologne.
Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour janvier 2024