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Gottsdorf et la symphonie du Danube…
L’écrivain autrichien de Vienne Adelbert Muhr (1896-1977) qui fut employé de la Compagnie de Navigation à Vapeur du Danube (D.D.S.G) relate dans ce court texte, après être parti de bonne heure de Persenbeug, son passage en canoë-kayak devant le village bas-autrichien de Gottsdorf (rive gauche).
Le village bas-autrichien de Gottsdorf (aujourd’hui commune de Persenbeug-Gottsdorf), littéralement « le village de Dieu », se trouve au PK 2054, sur la rive gauche, face à Säusenstein, juste en aval de la centrale hydroélectrique d’Ybbs-Persenbeug (PK 2060, 42).
Notons qu’un village bavarois de la rive droite du Danube, situé à la hauteur de Jochenstein, porte également le nom de Gottsdorf.
« Le village bien nommé de Gottsdorf a toujours été mon amour secret. Il n’y a aucun embarcadère pour les bateaux, ni même une gare, bien que des lignes de chemins de fer courent sur les deux rives mais sur celle de Gottsdorf, la voie de chemin de fer se trouve plus à l’intérieur des terres. On passe donc à Gottsdorf sans s’y arrêter.
Aucun guide du Danube, aussi précis soit-il, ne mentionne le village de Gottsdorf, pas même celui qui contient les indications kilométriques précises du fleuve avec ses subdivisions afin de mentionner en détail les lieux. Gottsdorf est tout simplement ignoré et c’est bien ainsi. Le village que l’on voit si clairement et si agréablement avec le train de l’ouest qui file à toute allure sur l’autre rive, ce Gottsdorf paisible, on ne le connaît même pas de nom. Personnellement, ll m’a toujours semblé être le village idyllique, le village de Dieu.Les maisons sont alignées le long de la rive horizontale, elles ne sont en aucune manière serrées les unes contre les autres, chacune occupe sa place et se tient à une distance respectable de la suivante. Toutes regardent le fleuve avec leurs fenêtres fleuries, leurs larges portes de ferme et leurs pignons. L’église se trouve exactement au milieu, un peu au-dessus des habitations ; elle aussi a besoin de beaucoup d’espace, d’un sol meuble recouvert d’herbe où un troupeau d’oies se régale. Puis l’alignement des maisons en bord de fleuve continue jusqu’à ce qu’il disparaisse sous les arbres fruitiers. C’est un site purement bavarois sur le Haut-Danube. J’ai vu beaucoup de sites de ce genre entre Ratisbonne et Passau.
Je regarde et écoute. Au-dessus de moi, je vois le magnifique spectacle de la rive gauche pendant que la musique entêtante de l’eau ne cesse de se manifester en contrebas. C’est à la fois un murmure, un crépitement, un roulement et un gémissement, tandis que les pierres charriées par le courant roulent et se frottent sur fond du fleuve. Les morceaux de rochers que l’eau a arraché des flancs des montagnes sont rabotés et broyés dans un effort sans relâche. Le fleuve les broie et les concasse, les entraîne avec lui ou bien il les charrie toujours plus loin et on ne peut plus que deviner qu’il s’agissait de gros cailloux ou déjà de galets polis car le fleuve impétueux les emporte avec lui, ou peut-être ne s’agit-il plus déjà que de gravier. J’écoute la musique des profondeurs toujours en mouvement et c’est toujours une autre mélodie que j’entends, tantôt une percussion impétueuse, tantôt un trombone sourd, un orgue mystérieux, tantôt des notes de violon qui montent, un bourdonnement de basses, suaves et grandioses, en alternance constante. J’entends une symphonie envoûtante, la dangereuse musique des sirènes du Danube… »
Adalbert Muhr, En canoë, radeau et bateau à vapeur, une croisière sur le Danube à travers la Basse-Autriche, Sankt Pölten, St. Pöltener Zeitungsverlagsgesellschaft, [1942]
Adelbert Muhr étudie la littérature allemande et la psychologie à l’université de Vienne de 1914 à 1917. De 1918 à 1930, il est employé de la Compagnie de Navigation à Vapeur du Danube (D.D.S.G.), un emploi qui lui inspirera en particulier « Le fils du fleuve, un roman danubien ». Il travaille ensuite comme journaliste, critique de cinéma et de théâtre au journal « Neues Wiener Tagblatt » (1930 à 1944), au « Zeitung für Unterhaltung und Wissen » (« Journal de culture et de découvertes ») et comme collaborateur indépendant pour plusieurs autres publications. Il vit en tant qu’écrivain indépendant à Vienne de 1945 à 1967 collaborant également au quotidien « Neues Österreich » et recevra le titre de professeur en 1964.
Adelbert Muhr est surtout connu comme auteur de romans historiques.
Danube-culture, © droits réservés, mis à jour décembre 2024