L’ondine du Danube


L’origine de ce conte dont il existe de nombreuses variantes, demeure inconnue comme c’est le cas bien souvent pour les récits populaires et s’est transmis oralement de génération en génération. Ce n’est qu’en 1908 qu’il apparaît dans un recueil de vieux contes et légendes rassemblés par le poète et écrivain
Emil Hoffmann (1864-1927).1
   Nombreux étaient les pêcheurs à Vienne et dans les environs de la capitale autrefois. Le Danube était réputé, avant les travaux de régulation, de canalisation et la construction des barrages, comme l’un des fleuves les plus poissonneux d’Europe et abritait de nombreuses espèces.

Die Donauweibchen, sculpture (copie) de Hans Gasser (1817-1868) réalisée en 1863, parc de la ville de Vienne (Stadtpark). L’originale est au Musée de la ville de Vienne. Photo © Danube-culture, droits réservés 

    La légende est adaptée par Karl Friedrich Hensler (1759-1825)2 et le compositeur Ferdinand Kauer3 (1751-1831) sous forme de Singspiel (opéra féérique et romantique), à l’exemple de la Flûte enchantée de Mozart, en 1792 et 1798  sous le titre Die Donauweibchen puis en 1803 (Die Nymphe der Donau I).

F. Kauer (1751-1831), partition de la Nymphe du Danube 


   Die Donauweibchen (opus 427) est sans doute plus connue sous la forme d’une valse composée en 1887 par Johann Strauss junior à partir de mélodies de son opérette Simplicius. L’oeuvre est crée dans la grande salle du Musikverein en janvier 1888 sous la direction de son frère Édouard (1835-1916).

Hans Gasser (1817-1868)  Donauweibchenbrunnen,  fontaine de la nymphe du Danube, 1863, parc municipal de la ville de Vienne, Fotomontage Viennpixelart, Wikipedia 

L’ondine du Danube4   

   Un jeune pêcheur vivait avec son père sur les rives du Danube et tous les deux travaillaient durement de l’aube jusqu’au coucher du jour. Un soir d’hiver, après une journée éprouvante, le père et le fils se tenaient assis, comme si souvent, auprès du feu. Le vieux pécheur racontait une nouvelle fois la légende du roi du Danube, de son monde aquatique mystérieux et de son grand palais de verre enfoui au fonds de l’eau. Le souverain  y vivait avec ses filles, toutes plus ravissantes les unes que les autres et que les pêcheurs appelaient avec à la fois de l’admiration et une grande crainte Die Donauweibchen, les ondines du Danube. Son fils, perdu dans ses pensées et dans ses rêves, ne prêtait plus attention à ce que disait son père. À cet instant la porte de la cabane s’ouvrit brusquement et une jeune fille d’une beauté éblouissante apparut devant eux. Les deux hommes étaient muets d’étonnement et ne pouvaient ni bouger ni prononcer une seule parole. La jeune fille sourit et se mit à parler d’une voix douce et mélodieuse mais ses propos étaient graves. Elle était venue les avertir qu’une violente inondation se produirait dans les prochains jours, qu’elle serait dévastatrice, qu’elle détruirait tout sur son passage et que s’ils ne s’enfuyaient pas des bords du fleuve dès demain à l’aube, ils périraient tous les deux noyés.
Cette merveilleuse ondine voulait sauver la vie des deux misérables pêcheurs mais elle avait surtout, bien malgré elle, bouleverser le cœur du jeune homme, qui, dès son apparition, en était tombé amoureux fou. Il décida, malgré les longues supplications de son père, de rester seul sur les rives du fleuve, ne pouvant s’éloigner du lieu où l’ondine lui était apparue. Ce fut son tragique destin, comme celui de nombreux autres avant lui, que de mourir noyé par les eaux de la terrible crue, rejoignant au fonds du fleuve sa bien-aimée dont il n’avait pas écouté les sages conseils.

 La statue originale en marbre de la nymphe du Danube (die Donauweibchen) du sculpteur Hans Gasser (1817-1868), collection du Wien Museum

Notes :
1 Hofmann, Emil, Alt-Wien, Geschichten und Sagen, Pichlers Witwe & Sohn, Wien, 1908
2 Directeur du Theater an der Wien et du Theater in der Josefstadt
3 Ironie du sort, le compositeur perdra une grande partie  de ses manuscrits lors de l’inondation du Danube  à Vienne en 1830 et mourra dans la misère l’année suivante.
4 « Le terme « ondine » n’apparaît pas de façon certaine avant Paracelse (1493-1541) car c’est lui qui l’emploie de façon officielle pour la première fois dans son ouvrage Liber de nymphis, sylphis, pygmaesis et salamandribus et de caeteris spiritibus (Livre sur les nymphes, les sylphes, pygmées, salamandres et autres esprits, 1535) comme synonyme, cependant, de nymphe. La racine latine, unda, dont les termes undine ou undene, employés par Paracelse, sont issus, montre que l’élément d’où cet être est originaire et dans lequel il vit est l’eau. » (Zidaric Walter, « Ondines et roussalkas : littérature et opéra au XIXe siècle en Allemagne et en Russie », Revue de littérature comparée, 2003/1 (n o 305), p. 5-22. DOI : 10.3917/rlc.305.0005. URL : https://www.cairn-int.info/revue-de-litterature-comparee-2003-1-page-5.htm

Sources :
CZEIKE, Felix, Wien, Kunst und Kultur-Lexikon, Stadtführer und Handbuch, Süddeutscher Verlag, München, 1976
KRATZER, Hertha, Donau Sagen, Vom Ursprung bis zur Mündung, Ueberreuter, Wien, 2003
ZENS, Klemens, Wien in Sage und Legende, Wien 1955
ZIDARIC Walter, « Ondines et roussalkas : littérature et opéra au XIXe siècle en Allemagne et en Russie », Revue de littérature comparée, 2003/1 (n o 305), p. 5-22. DOI : 10.3917/rlc.305.0005. URL : https://www.cairn-int.info/revue-de-litterature-comparee-2003-1-page-5.htm

Ludwig Michael Schwanthaler (1802-1848), Die Donauweibchen, statue en marbre, vers 1840-1845

Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour novembre 2023

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