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L’île roumaine de Șimian, si belle dans sa posture d’île tranquille verdoyante un peu oubliée à la sortie des Portes-de-Fer, en aval de Drobeta- Severin (rive gauche), chef-lieu du județ de Mehedinți en Olténie, avec sa silhouette harmonieuse et allongée au milieu du fleuve, à l’endroit où il fait encore office de frontière entre la Roumanie et la Serbie, avec les ruines de sa forteresse et de son ancien cimetière turc, transfuges d’Ada Kaleh, a bien failli être aménagée dans un passé récent en un grand parc de loisirs et de villégiature pour les touristes en mal d’exotisme fluvial.
Un projet du Conseil du Judet de Mehedinți envisageait en 2010 de construire sur l’île un port, des hôtels, des cinémas, des restaurants, des campings, une plage, un centre international ouvert à tous les pays riverains du Danube y compris la Turquie (souvenir de la présence ottomane sur le Bas-Danube), un théâtre de plein air ainsi qu’un centre de recherche sur le Danube…
L’objectif de l’étude de faisabilité de ce projet et de la demande de financement adressée à l’UE était de soutenir le développement d’infrastructures et d’équipements touristiques sur l’île, de mettre en valeur son patrimoine (sic!) et de promouvoir son potentiel en tant que destination touristique avec l’obtention de fonds européens de développement régional. Ce projet n’a heureusement pas été mis en oeuvre pour diverses raisons.
Certains vieux habitants du village de Șimian (rive gauche) se souviennent encore de l’époque où une partie des vestiges historiques ont été déplacés d’Ada Kaleh sur l’île de Simian et du moment où les habitations de l’île turque furent détruites à l’explosif par l’armée roumaine avant qu’Ada Kaleh ne disparaisse, engloutie dans les eaux de la retenue de la centrale hydroélectrique comme en témoignent des documentaires de l’’époque.
Une piscine fut même construite sur l’île de Simian par le régime communiste pour inciter les anciens habitants d’Ada Kaleh à s’y installer et encourager les touristes à la visiter mais sans succès. Comment oublier Ada Kaleh et son atmosphère idyllique d’un temps révolu ? De son côté, le pêcheur et batelier du village de Simian, Daniel Claudiu Ciolănescu, familier du fleuve, n’hésitait pas dans sa jeunesse à traverser le fleuve à la nage pour rejoindre l’île.
Ne serait-il pas judicieux de protéger enfin intégralement ces sublimes îles danubiennes dont certaines, comme Simian, sont en permanence sous la menace d’aménagements touristiques, de projets incongrus divers (on pense aux îles des environs du Parc National croate de Kopacki Rit et au projet plus libéral que libertaire de Liberland…) au nom de la protection de la biodiversité du fleuve, elle-même déjà menacée par de nombreuses réalisations sur ses rives ? Peut-être aussi, comme pour d’autres cours d’eau dans le monde, donner enfin au Danube un statut juridique.
La commune de Șimian (Olténie) d’où l’île tire son nom, malheureusement traversée par l’horrible route E 70 encombrée de camions quand il y a si peu de bateaux sur le fleuve, possède de remarquables trésors patrimoniaux parmi lesquels le monastère de la sainte Trinité de Cerneţi, la « cula » (habitation fortifiée) du héros révolutionnaire roumain Tudor Vladimirescu (1780-1821), la « cula » du pandoure Nistor, toutes deux en cours de restauration et un musée du village. Cerneți fut fondé après que le sultan ottoman Soliman le Magnifique (1494-1566), qui avait écrasé les armées hongroises à la bataille de Mohács, ait ordonné que toutes les pierres de la place forte de Turnu-Severin, construite en grande partie avec les matériaux de l’ancien Castrum romain, soient transportées sur la rive droite afin qu’une forteresse ottomane y soit édifiée. Les habitants de Turnu-Severin, pour se protéger des inondations déménagèrent en retrait du fleuve et fondèrent la cité de Cerneți, (« Cerniți », signifiant les gens endeuillés).
Eric Baude pour Danube-culture, août 2023 © droits réservés