
Traversée sur l’autre rive des chevaux de halage, collection du Musée de la navigation de Spitz/Donau
Dans la région de Wachau ou en Strudengau là où les rochers affleurant à la surface de l’eau, les tourbillons, les rives particulièrement escarpées rendaient autrefois le halage des lourdes embarcations vers l’amont pénible et dangereux, certains habitants entendaient certaines nuits d’hiver particulièrement sombres ou les jours de grand vent et de tempête, des hurlements sinistres, des claquements secs de fouets et le bruit énorme des sabots et des hennissements de chevaux. Ils savaient qu’il s’agit du passage du train de bateaux fantôme conduit par le « Hohenauer », condamné avec ses hommes pour avoir lancer des imprécations, appeler à l’aide le diable, s’être soulés et avoir été cruels envers leurs bêtes, à remonter éternellement le fleuve et à lutter contre le courant jusqu’à ce que le lit du Danube deviennent aussi sec que le sommet du mont Jauerling (sommet de 960 m situé en Wachau sur la rive gauche). Pour expier leurs fautes, le « Hohenauer »et son équipage devaient faire avancer leur convoi uniquement dans l’obscurité la plus noire. Les villageois des bords du Danube pouvaient ainsi, durant un long moment ces nuits-là, écouter les voix lugubres des haleurs maudits proférer les mêmes injures qu’autrefois, leurs rires sauvages se mêlant aux plaintes incessantes des chevaux effrayés, épuisés et des claquements de fouets qui leur répondent.
Eric Baude pour Danube-culture, © droits réservés, mis à jour mai 2025

Johann Adam Klein (1792-1875), scène de halage sur l’Inn, huile sur toile, 1863
Dès ses premiers voyages sur le Danube dans les années 1820, J. A. Klein artiste peintre et graveur originaire de Nuremberg, a été fasciné par les attelages de chevaux halant des bateaux sur le haut-Danube et ses affluents et en a fait le sujet de certains de ses tableaux (« Donau-Schiffszug bei Dürnstein », 1827). Les Zillen, Kehlheimer ou Gamsen, étaient utilisées en Wachau et sur le haut-Danube pour le transport vers l’aval de marchandises et matériaux divers destinés en particulier à Vienne mais pouvaient également accueillir des voyageurs (uniquement dans le sens de la descente). Si les bateaux descendaient vers l’aval avec la force du courant et pouvaient même parfois sur certains tronçons du fleuve hisser une voile par vent favorable, ils devaient être haler vers l’amont par des attelages de chevaux plus ou moins nombreux suivant le nombre d’embarcations, leurs chargements et la force du courant. Pour le peintre J. A. Klein, passionné par les chevaux, leurs corps musclés et tendus par l’effort immense étaient un spectacle saisissant qu’il a immortalisé dans plusieurs de ses tableaux et de ses dessins. Cette toile représente une scène aux tonalités dramatiques le long de l’Inn, un cours d’eau fougueux, affluent du Danube, dans laquelle onze chevaux dont la plupart la plupart sont montés par un cavalier, halent péniblement depuis un chemin caillouteux en bordure de la rivière, deux bateaux (Gamsen de l’Inn) lourdement chargés. Au second plan, un batelier tente d’empêcher les embarcations de trop se rapprocher de la rive à l’aide d’une rame ou d’une perche. Klein a accordé une attention toute particulière à la reproduction fidèle des détails des harnais spécifiques des puissants chevaux de halage et des costumes des membres de l’équipage (Hohenauer) qui les montent et pour certains, les fouettent généreusement.

Srefan Simony (1860-1950 ), halage en Wachau à la hauteur de Dürnstein aquarelle, 1886