Le docteur Faust, le diable et le Danube
Méphistopheles, si l’on en croit de nombreuses légendes danubiennes, aimait particulièrement séjourner sur les bords du fleuve voire sur le fleuve lui-même et y proposer ses services… contre bien évidemment rémunération. Sa présence n’est pas passée inaperçue et de nombreux endroits et monuments y font référence comme le mur du diable (rive gauche) ou le coq de l’église de Sankt Johann in Mauerthale en Wachau (rive droite) ou encore les légendes qui entourent la construction du magnifique pont de pierre de Ratisbonne.
L’hôtel-restaurant « Faustschlössl » de Landsdaag (Haute-Autriche), sur la rive gauche du Danube, en face du petit bourg d’Aschach aux maisons Renaissance, en aval de la centrale hydroélectrique du même nom, revendique lui aussi une histoire qui fait la part belle aux entreprises du malin.
Frédéric III de Habsbourg (1415-1493), empereur du Saint Empire Romain Germanique de 1452 jusqu’à sa mort, père du futur Maximilien Ier (1459-1519) et de la devise en latin A.E.I.O.U. (« Austriae est imperare orbi universo », « Il appartient à l’Autriche régner sur tout l’univers »), avait établi sa cour au château de Linz de 1489 à 14931.
Centre du Saint Empire Romain Germanique, celle-ci fut fréquentée, à l’image de celle de Rodolphe II de Habsbourg (1552-1612) qui avait préféré s’établir à Prague sur les bords de la Vltava, par de nombreux artistes et savants parmi lesquels des alchimistes et des astrologues réputés. La légende voudrait que le savant originaire du Bade-Wurtemberg Johannes Georg Faust (vers 1480-1540/1541), se désignant lui-même comme « sourcier des Nécromantes, Astronome et Astrologue, Magicien au second degré, Chiromante, Aéromante, Pyromante, Hydromante au second degré, connu aussi sous le nom de Georg Faustus, philosophe des philosophes, Hémitheos [demi-dieu] de Heidelberg », inspirateur de « The Tragical History of Doctor Faustus » (1589) du poète et dramaturge anglais Christopher Marlowe (1564-1593) ainsi que du « Faust » (1808-1832) de Johann Wolfgang Goethe (1749-1832), ait fréquenté en personne la cour de l’empereur Frédéric III ce qui paraît dans les faits peu vraisemblable. À moins que ce ne soit celle de son fils Maximilien Ier.
La légende raconte que, traversant la contrée en allant vers Linz et trouvant les rives du Danube à sa convenance à la hauteur de Landshaag (rive gauche), il requit et obtint l’aide de Méphistopheles pour y construire un château dont il souhaitait faire l’une de ses résidences. Le château qui lui doit son nom est déjà mentionné dans un document datant de 1500 sous le nom de « Fauststöckl ». Par la suite, il abrite le siège du percepteur du péage sur le Danube d’Aschach appartenant aux comtes de Schaunberg qui l’avait reçu de l’empereur Frédéric Barberousse. Un vestige du mur sur lequel était fixé une des extrémités de la lourde chaine qui entravait la navigation sur le fleuve a été conservé. La famille des comtes Schaunburg s’éteignit en 1559 et le comté passa aux mains des puissants Starhemberg qui furent notamment propriétaires du château de Schönbühel puis d’autres familles de la noblesse autrichienne. Les bâtiments furent aménagés et servirent de sanatorium entre 1925 et 1938 puis réquisitionné par le Front du Travail Allemand, un organisme sous la tutelle des Nazis jusqu’en 1945. En 1966, après d’importants travaux de rénovation et d’agrandissement il est transformé en hôtel restaurant.
Il paraîtrait même qu’un pont qui traversait le Danube et conduisait à Aschach depuis la rive gauche serait né d’un caprice du même savant et alchimiste allemand avec l’aide du diable. Des habitants plus hardis que les autres les auraient surpris en pleine nuit en train de jouer aux quilles au beau milieu du fleuve. Le pont disparut aussi mystérieusement qu’il était apparu !
Notes :
1 Le château de Linz (rive droite) a été construit au Moyen-Âge sur l’emplacement même d’un site celtique et de la forteresse qui protégeait la cité romaine de Lentia. Frédéric III de Habsbourg le fait aménager pour y installer sa résidence impériale. Rodolphe II de Habsbourg ordonne sa démolition et confie au début du XVIIe siècle l’édification d’un nouveau château à l’architecte impérial flamand Anton de Moys (1604-1614). Le château servira tour à tour de résidence du gouverneur, d’hôpital militaire (guerres napoléoniennes), de pénitencier, de caserne. Rénové après la deuxième guerre mondiale, agrandi en 2006, il abrite désormais les collections du Musée de Haute-Autriche.